Instruments et genres musicaux des Peul du Wasulun |
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La région appelée Wasulun est située à cheval sur le Mali et
la Guinée. Au Mali, le cercle dont le chef-lieu est la ville de
Yanfolila située à 250 km environ au sud de Bamako, est en
majorité peuplé de Peul. Ces derniers sont sédentarisés et
ont perdu l'usage du fulfuldé (langue peul) depuis longtemps à
la suite de leur contact avec des peuples mandé de cette
localité. Ils gardent cependant une forte identité peul.
Joueurs de harpe luth des chasseurs |
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Le Wasulun a été choisi dans le cadre de cette étude parce que ses populations ont élaboré une forte tradition musicale essentiellement basée sur certains éléments qui sont : la harpe arquée, kòni, des jeunes et/ou des chasseurs, le tambour à une peau, jenbé, qui sert à jouer la célèbre musique agraire sokoninkun, la qualité vocale des chanteurs et la facilité de la composition musicale. |
Ces différents éléments sont représentatifs de la tradition musicale du pays Wasulun où ils forment un tout.
Le Mali connaît plusieurs musiciens et chanteurs originaires
du Wasulun, qui ont en effet bâti leur célébrité sur la
maîtrise du langage parler et du chant ainsi que celle de la
relation nécessaire qui existe entre ces deux éléments.
L'harmonie qui doit exister entre le son de l'instrument et la
voix humaine s'obtient à la suite d'une longue éducation vocale
et instrumentale qui commence depuis la petite enfance au
Wasulun. Ainsi la plupart des jeunes de cette région savent
jouer de la harpe arquée kòni. L'appellation kònò,
"oiseau " qui désigne les chanteuses en pays Wasulun,
comme s'il s'agissait de rossignol, traduit également de façon
éloquente cette conception de la musique alliant à tout prix la
qualité de la voix humaine et celle du son de l'instrument.
Cette recherche de l'harmonie qu'il faut nécessairement entre
les timbres, vocal et instrumental, est un trait dominant de la
musique du Wasulun. L'un des aspects de cette démarche
intellectuelle de la pratique musicale en pays Wasulun, est la
facilité de composer les pièces musicales. " La bouche du
Wasulunke est éduquée pour la musique ", dit-on, pour
traduire l'adéquation qu'il établit facilement entre le dire
vocal et le dire instrumental.
Ces caractéristiques permettent d'affirmer que le pays wasulun
est un foyer original de la musique traditionnelle, offrant
aujourd'hui aux musiciens et chanteurs originaires ou non de
cette localité, l'inspiration nécessaire à la création
musicale contemporaine.
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Danseur portant le masque du buffle, animal auquel les chasseurs vouent un culte |
Les principaux instruments musicaux utilisés en pays wasulun
sont: le kòni, harpe-luth, le jenbe, tambour-gobelet à une
peau, le so fle, flûte de chevaux, le jigirin, tambours d'eau.
On y rencontre aussi le so ku, ou violon monocorde. L'instrument
koni est célèbre. Il est utilisé pour produire deux genres
musicaux : le kamalenkòni, une musique profane destinée aux
jeunes (garçons et filles) et aux femmes, et la musique donzon
kòni, consacrée à la chasse.
Ces deux genres musicaux diffèrent complètement tant du point
de vue des rythmes, du répertoire que des occasions de jeu. La
musique kamalenkòni, populaire, est produite par les jeunes à
plusieurs occasions: mariage, simple réjouissance, etc. La
musique donzon kòni, elle, se caractérise par sa
spécialisation dans l'évocation des faits de chasse: techniques
de chasse, pouvoirs occultes du chasseur et du gibier, armes et
fétiches de la chasse, etc.
Le tambour jenbe, dont il existe le grand et le petit
indissociablement joués ensemble, occupe une place centrale dans
la pratique musicale des populations du Wasulun. Il est utilisé
pour jouer la musique sokoninkun, liée à l'antilope mythique se
trouvant à l'origine de l'agriculture ; la musique du nama
(hyène) culte lié aux travaux des champs ; la musique du sigi,
"buffle ", animal auquel les chasseurs vouent un culte
; la musique jaguawara, (musique ayant la force d'obliger les
gens à danser).
La musique sofle, "flûte de chevaux ", est jouée à
l'aide d'une flûte en aluminium, accompagnée de tambours et de
chants.
Comme son nom l'indique, c'est avant tout une musique guerrière.
Il en est de même de son répertoire qui était autrefois
destiné à louer les faits de guerre, notamment ceux de la
cavalerie des chefferies locales, de Samory puis du colonisateur.
Cette musique est jouée aujourd'hui à certaines occasions tels
que mariage, tabaski, ramadan, etc. Le tambour d'eau, jikirin,
dont jouent les femmes, est accompagné de deux jenbe utilisés
par les hommes. Cette musique est jouée à l'occasion des
cérémonies de mariage, de circoncision et d'excision, ou pour
la simple distraction.
A ces différents types de musique s'ajoutent les chants
d'apaisement de l'enfant, la musique des cors, celle du violon,
ces deux dernières étant en voie de disparition. Comme chez les
Bamanan, la pratique de la musique (jouer d'un instrument et/ou
chanter) est ouverte à tout le monde.