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NOTRE COUSIN "DESHAIES"
CHEVALIER DE LORIMIER
EXÉCUTÉ À MONTRÉAL EN 1839 PAR ARRÊT DE LA COUR MARTIALE
PARCE QUE PATRIOTE DE 1837
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Tous nous connaissons les jours sombres traversés par notre pays à l'époque de l'insurrection de 1837-38, mais nous connaissons moins les victimes de cette période de troubles. Les uns furent tués sur les champs de bataille, les autres exilés soit aux Bermudes, soit aux terres Australes, d'autres enfin, au nombre de douze, furent exécutés à Montréal par des arrêts de la Cour Martiale. Deux furent exécutés le 21 décembre 1838; cinq, le 18 janvier 1839 et cinq autres le 15 février 1839. Un des cinq qui durent monter sur l'échafaud, le 15 février 1839, était notre petit-cousin, François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier.
Chevalier de Lorimier, né à Montréal, en 1803, se maria en 1832 avec Marguerite-Henriette Cadieux. M. de Lorimier exerçait la profession de notaire depuis 1829, lorsque éclatèrent les troubles de 1837. Il se lança dans la rébellion avec un enthousiasme profond. Après avoir pris part aux soulèvements de Saint-Eustache et de Beauharnois, il fut arrêté, le 12 novembre 1838 et subit son procès en Cour Martiale de Montréal. Devant la condamnation, Chevalier de Lorimier se montra d'une résignation vraiment angélique: "Mon sacrifice est fait, disait-il, et j'ai l'espoir d'aller voir mon Dieu; une seul chose assombrit mes derniers moments, c'est la pensée du dénuement de ma femme et de mes enfants; mais je les confie à la divine Providence". Le 15 février 1839, il monta sur l'échafaud suivi de quatre autres patriotes. Il donnait son sang pour l'honneur de notre nationalité et le triomphe de la liberté.
A la veille de sa mort, Chevalier de Lorimier avait dressé un testament politique que nous-mêmes et les nôtres devons connaître. Nous le citons en entier et textuellement:
"
Le public et mes amis en particulier, attendent, peut-être, une déclaration sincère de mes sentiments; à l'heure fatale qui doit nous séparer de la terre, les opinions sont toujours regardées et reçues avec plus d'impartialité. L'homme chrétien se dépouille en ce moment du voile qui a obscurci beaucoup de ses actions, pour se laisser voir en plein jour: l'intérêt et les passions expirent avec sa dépouille mortelle. Pour ma part, à la veille de rendre mon esprit à son créateur, je désire faire connaître ce que je ressens et ce que je pense. Je ne prendrais pas ce parti, si je ne craignais qu'on ne représentât mes sentiments sous un faux jour; on sait que le mort ne parle plus, et la même raison d'état qui me fait expier sur l'échafaud ma conduite politique pourrait bien forger des contes à mon sujet. J'ai le temps et le désir de prévenir de telles fabrications et je le fais d'une manière vraie et solennelle à mon heure dernière; non pas sur l'échafaud, environné d'une foule stupide et insatiable de sang, mais dans le silence et les réflexions du cachot. Je meurs sans remords, je ne désirais que le bien de mon pays dans l'insurrection et l'indépendance, mes vues et mes actions étaient sincères et n'ont été entachées d'aucun des crimes qui déshonorent l'humanité, et qui ne sont que trop communs dans l'effervescence de passions déchaînées. Depuis 17 à18 ans, j'ai pris une part active dans presque tous les mouvements populaires, et toujours avec conviction et sincérité. Mes efforts ont été pour l'indépendance de mes compatriotes; nous avons été malheureux jusqu'à ce jour. La mort a déjà décimé plusieurs de mes collaborateurs. Beaucoup gémissent dans les fers, un plus grand nombre sur la terre d'exil avec leurs propriétés détruites, leurs familles abandonnées sans ressources aux rigueurs d'un hiver canadien. Malgré tant d'infortune, mon cœur entretient encore du courage et des espérances pour l'avenir, mes amis et mes enfants verront de meilleurs jours, ils seront libres, un pressentiment certain, ma conscience tranquille me l'assurent. Voilà ce qui me remplit de joie, quand tout est désolation et douleur autour de moi. Les plaies de mon pays se cicatriseront après les malheurs de l'anarchie et d'une révolution sanglante. Le paisible canadien verra renaître le bonheur et la liberté sur le Saint-Laurent; tout concourt à ce but, les exécutions mêmes, le sang et les larmes versées sur l'autel de la liberté arrosent aujourd'hui les racines de l'arbre qui fera flotter le drapeau marqué des deux étoiles des Canada. Je laisse des enfants qui n'ont pour héritage que le souvenir de mes malheurs. Pauvres orphelins, c'est vous que je plains, c'est vous que la main ensanglantée et arbitraire de la loi martiale frappe par ma mort. Vous n'aurez pas connu les douceurs et les avantages d'embrasser votre père aux jours d'allégresse, aux jours de fêtes ! Quand votre raison vous permettra de réfléchir, vous verrez votre père qui a expié sur le gibet des actions qui ont immortalisé d'autres hommes plus heureux. Le crime de votre père est dans l'irréussite, si le succès eût accompagné ses tentatives, on eut honoré ses actions d'une mention honorable. "Le crime et non pas l'échafaud fait la honte". Des hommes, d'un mérite supérieur au mien, m'ont battu la triste voie qui me reste à parcourir de la prison au gibet. Pauvres enfants ! vous n'aurez plus qu'une mère tendre et désolée pour soutien; si ma mort et mes sacrifices vous réduisent à l'indigence, demandez quelquefois en mon nom, je ne fus jamais insensible aux malheurs de mes semblables. Quant à vous, mes compatriotes, mon exécution et celle de mes compatriotes d'échafaud vous seront utiles. Puissent-elles vous démontrer ce que vous devez attendre du gouvernement anglais !... Je n'ai plus que quelques heures à vivre, et j'ai voulu partager ce temps précieux entre mes devoirs religieux et ceux dus à mes compatriotes; pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier, pour eux je me sépare de mes jeunes enfants et de mon épouse sans autre appui, et pour eux je meurs en m'écriant: "VIVE LA LIBERTÉ, VIVE L'INDÉPENDANCE!"
" Chevalier de Lorimier".
Le 14 novembre 1858, au cimetière de la Côte des Neiges, à Montréal, près de l'entrée, du côté gauche, fut inauguré un monument pour perpétuer le souvenir des patriotes de 1837-1838. Ce monument, en plus d'inscriptions très intéressantes, nous donne les noms des patriotes tués sur les champs de bataille pendant l'insurrection, de ceux exilés et de ceux exécutés parmi lesquels notre petit-cousin, François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier.
V. Perrot

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