A l'entrée du chemin qui conduit à l'indigence spirituelle et morale des
temps présents se trouvent les efforts néfastes d'un grand nombre d'hommes
pour détrôner le Christ, l'abandon de la loi de la vérité, qu'il annonça,
de la loi de l'amour, qui est le souffle vital de son règne.
(SUMMI PONTIFICATUS LETTRE ENCYCLIQUE DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII)
"A l'entrée du chemin qui conduit à l'indigence spirituelle et morale des
temps présents se trouvent les efforts néfastes d'un grand nombre d'hommes
pour détrôner le Christ, l'abandon de la loi de la vérité, qu'il annonça,
de la loi de l'amour, qui est le souffle vital de son règne.
La reconnaissance des droits royaux du Christ et le retour des individus
et de la société à la loi de sa vérité et de son amour sont la seule voie
de salut."
...
"Non, Vénérables Frères, le salut pour les nations ne vient pas des moyens
extérieurs, de l'épée, qui peut imposer des conditions de paix, mais ne crée
pas la paix. Les énergies qui doivent renouveler la face de la terre doivent
venir du dedans, de l'esprit. Le nouvel ordre du monde, de la vie nationale
et internationale, une fois apaisées les amertumes et les cruelles luttes
actuelles, ne devra plus reposer sur le sable mouvant de règles changeantes
et éphémères, laissées aux décisions de l'égoïsme collectif ou individuel.
Ces règles devront s'appuyer sur l'inébranlable fondement, sur le rocher
infrangible du droit naturel et de la révélation divine. C'est là que le
législateur humain doit puiser cet esprit d'équilibre, ce sens aigu de responsabilité
morale sans lequel il est facile de méconnaître les limites entre l'usage
légitime et l'abus du pouvoir. Alors seulement ses décisions auront une consistance
interne, une noble dignité et une sanction religieuse, et ne seront plus
à la merci de l'égoïsme et de la passion. Car s'il est vrai que les maux
dont souffre l'humanité d'aujourd'hui proviennent en partie du déséquilibre
économique et de la lutte des intérêts pour une plus équitable distribution
des biens que Dieu a accordés à l'homme comme moyens de subsistance et de
progrès, il n'en est pas moins vrai que leur racine est plus profonde et
d'ordre interne: elle atteint en effet, les croyances religieuses et les
convictions morales, qui se sont perverties au fur et à mesure que les peuples
se détachaient de l'unité de doctrine et de foi, de coutumes et de mœurs,
que faisait prévaloir jadis l'action infatigable et bienfaisante de l'Eglise.
La rééducation de l'humanité, si elle veut avoir quelque effet, doit être
avant tout spirituelle et religieuse: elle doit, par conséquent, partir du
Christ comme de son fondement indispensable, être réalisée par la justice
et couronnée par la charité.
Accomplir cette œuvre de régénération en adaptant ses moyens au changement
des conditions de temps et aux nouveaux besoins du genre humain, c'est l'office
essentiel et maternel de l'Eglise. Prêcher l'Evangile, comme son divin Fondateur
lui en a commis le soin, en inculquant aux hommes la vérité, la justice et
la charité, faire effort pour en enraciner solidement les préceptes dans
les âmes et dans les consciences: voilà le plus noble et le plus fructueux
travail en faveur de la paix. Cette mission, dans son ampleur, semblerait
devoir faire perdre courage à ceux qui constituent l'Eglise militante. Mais
le travail pour la diffusion du royaume de Dieu, que chaque siècle a exécuté
à sa manière, avec ses moyens, au prix de dures et multiples luttes, est
un commandement qui oblige quiconque a été arraché par la grâce du Seigneur
à l'esclavage de Satan et appelé par le baptême à être citoyen de ce royaume.
Et si lui appartenir, vivre conformément à son esprit, travailler à son accroissement
et rendre accessibles ses biens à la fraction de l'humanité qui n'en fait
pas encore partie équivaut de nos jours à devoir affronter des empêchements
et des oppositions vastes, profondes et minutieusement organisées comme jamais
elles ne le furent, cela ne dispense pas de la franche et courageuse profession
de foi, mais incite plutôt à tenir ferme dans la lutte, même au prix des
plus grands sacrifices. Quiconque vit de l'esprit du Christ ne se laisse
pas abattre par les difficultés qu'on lui oppose; au contraire, il se sent
stimulé à travailler de toutes ses forces et avec pleine confiance en Dieu
; il ne se soustrait pas aux angoisses et aux nécessités de l'heure, mais
il en affronte les âpretés, prêt à servir, avec cet amour qui n'a pas peur
du sacrifice, qui est plus fort que la mort et qui ne se laisse pas submerger
par les remous impétueux des tribulations.
C'est avec un intime réconfort, Vénérables Frères, c'est avec une joie céleste,
pour laquelle chaque jour Nous adressons à Dieu un humble et profond remerciement,
que Nous remarquons dans toutes les parties du monde catholique les signes
évidents d'un esprit qui affronte courageusement les tâches gigantesques
du temps présent et qui, avec générosité et décision, s'emploie à unir dans
une féconde harmonie avec le premier et essentiel devoir de la sanctification
personnelle l'activité apostolique pour l'accroissement du règne de Dieu.
Du mouvement des Congrès eucharistiques, développé avec une aimante sollicitude
par Nos prédécesseurs, et de la collaboration des laïques, formés dans les
rangs de l'Action catholique à la profonde conscience de leur noble mission,
découlent des sources de grâces et des réserves de forces qui, dans les temps
actuels, où les menaces s'accroissent, où plus grands sont les besoins, où
fait rage la lutte entre christianisme et antichristianisme, pourraient difficilement
être estimées à leur juste valeur.
Quand on est obligé de constater avec tristesse la disproportion entre le
nombre des prêtres et les tâches qui les attendent, quand Nous voyons se
vérifier encore aujourd'hui la parole du Sauveur : la moisson est grande,
mais les ouvriers sont en petit nombre (Matth., IX, 37 ; Luc, X, 2), la collaboration
de laïques à l'apostolat hiérarchique, nombreuse, animée d'un zèle ardent
et d'un généreux dévouement, apparaît un précieux auxiliaire pour l'œuvre
des prêtres et révèle des possibilités de développement qui légitiment les
plus belles espérances.
La prière de l'Eglise au Maître de la moisson pour qu'il envoie des ouvriers
à sa vigne (Matth, IX, 38 ;Luc, X, 2) a été exaucée d'une manière conforme
aux nécessités de l'heure présente, et qui supplée et complète très heureusement
les énergies, souvent empêchées et insuffisantes, de l'apostolat sacerdotal.
Une fervente phalange d'hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes
filles, obéissant à la voix du Pasteur suprême, aux directives de leurs évêques,
se consacrent de toute l'ardeur de leur âme aux œuvres de l'apostolat, afin
de ramener au Christ les masses populaires qui s'étaient détachées de Lui.
Que vers eux aille en ce moment, si important pour l'Eglise et pour l'humanité,
Notre salut paternel, Notre remerciement ému, l'expression de Notre confiante
espérance. Ils ont vraiment, eux, placé leur vie et leur action sous l'étendard
du Christ-Roi et ils peuvent répéter avec le psalmiste: Dico ego opera mea
Regi (Ps. XLVI, I). L'adveniat regnum tuum n'est pas seulement le vœu ardent
de leurs prières, mais aussi la ligne directrice de leur activité. Dans toutes
les classes, dans toutes les catégories, dans tous les groupes, cette collaboration
du laïcat avec le sacerdoce manifeste de précieuses énergies auxquelles est
confiée une mission que des cœurs nobles et fidèles ne pourraient désirer
plus haute et plus consolante.
Ce labeur apostolique, accompli selon l'esprit de l'Eglise, consacre pour
ainsi dire le laïque et en fait un ministre du Christ, dans le sens que saint
Augustin explique ainsi : " Quand vous entendez, mes frères, le Christ dire:
Là où je suis, là sera aussi mon ministre, gardez-vous de penser seulement
aux diligents évêques et clercs. Vous aussi, à votre manière, soyez les ministres
du Christ en vivant dignement, en faisant l'aumône, en prêchant son nom et
sa doctrine à ceux à qui vous le pouvez pour qu'à ce nom même chaque père
de famille reconnaisse qu'il est redevable d'affection paternelle aux siens.
Que ce soit pour le Christ et pour la vie éternelle qu'il les reprenne, les
enseigne, les exhorte, les corrige, leur soit bienveillant ou exerce sur
eux son autorité ; car ainsi il remplira dans sa maison l'office du prêtre
et même d'une certaine façon de l'évêque, en étant ministre du Christ ici-bas
pour être éternellement avec lui. " (In Ev. Io, tract. 51, 13 sq.)
Dans cette collaboration des laïques à l'apostolat, de nos jours si importante
à promouvoir, une mission spéciale incombe à la famille, car l'esprit de
la famille influe essentiellement sur l'esprit des jeunes générations. Tant
que, dans le foyer domestique, resplendit la flamme sacrée de la foi en Jésus-Christ,
tant que les parents s'emploient à former et à modeler la vie de leurs enfants
conformément à cette foi, la jeunesse sera toujours prête à reconnaître le
Rédempteur dans ses prérogatives royales et à s'opposer à ceux qui voudraient
le bannir de la société ou violer sacrilègement ses droits. Quand on ferme
les églises, quand on enlève des écoles l'image du Crucifix, la famille reste
le refuge providentiel et, en un certain sens, inattaquable, de la vie chrétienne.
Et Nous rendons d'infinies actions de grâce à Dieu en voyant que d'innombrables
familles remplissent leur mission avec une fidélité qui ne se laisse abattre
ni par les attaques ni par les sacrifices. Une puissante légion de jeunes
gens et de jeunes filles, même dans les pays où la foi au Christ est synonyme
de souffrance et de persécution, restent fermes auprès du trône du Rédempteur,
avec cette décision tranquille et assurée qui fait penser aux temps les plus
glorieux des luttes de l'Eglise.
Quels torrents de biens se déverseraient sur le monde, quelle lumière, quel ordre, quelle pacification
pénétreraient la vie sociale, quelles précieuses et incomparables énergies
pourraient aider à promouvoir le bien de l'humanité si partout on accordait
à l'Eglise, maîtresse de justice et de charité, cette possibilité d'action
à laquelle, en vertu du mandat divin, elle a un droit sacré et incontestable
! Que de malheurs seraient évités, quelle félicité, quelle tranquillité seraient
acquises si les efforts sociaux et internationaux accomplis pour établir
la paix se laissaient pénétrer des profondes impulsions de l'Evangile de
l'amour dans la lutte contre l'égoïsme individuel et collectif !
Entre les lois qui régissent la vie des fidèles chrétiens et les postulats
essentiels de l'humanité, il n'y a pas conflit, mais, au contraire, communauté
et mutuel appui. Dans l'intérêt de l'humanité souffrante et
profondément ébranlée matériellement et spirituellement, Nous n'avons pas de plus ardent désir que
celui-ci: que les angoisses présentes puissent ouvrir les yeux de beaucoup
afin qu'ils considèrent dans leur vraie lumière le Seigneur Jésus et la mission
de son Eglise sur cette terre, et que tous ceux qui exercent le pouvoir se
résolvent à laisser à l'Eglise la liberté de travailler à la formation des
générations, selon les principes de la justice et de la paix. Ce travail
d'apaisement suppose qu'on ne mette pas de traverses à l'exercice de la mission
confiée par Dieu à son Eglise, qu'on ne restreigne pas le champ de son activité,
qu'on ne soustraie pas les masses, et spécialement la jeunesse à son influence
bienfaisante. Aussi, comme représentant sur la terre de Celui qui fut appelé
par le Prophète: " Prince de la paix " (Is., IX, 6), faisons-Nous appel aux
chefs des peuples et à ceux qui ont une action, quelle qu'elle soit, sur
la chose publique, pour que l'Eglise jouisse toujours d'une pleine liberté
d'accomplir son œuvre éducatrice en annonçant aux esprits la vérité, en inculquant
les règles de la justice, en réchauffant les cœurs par la divine charité
du Christ.
Si, d'une part, l'Eglise ne peut renoncer à l'exercice de sa mission, qui a comme fin ultime de réaliser
ici-bas le plan divin : instaurer dans le Christ tout ce qui est dans le ciel et sur la terre (Ephes., I, 10),
d'autre part, son œuvre apparaît aujourd'hui plus nécessaire qu'en aucun autre temps, car une triste
expérience enseigne qu'à eux seuls les moyens extérieurs, les mesures purement humaines et les
expédients politiques n'apportent pas un adoucissement efficace aux maux, dont est travaillée l'humanité.
Instruits précisément par la douloureuse faillite des expédients humains, beaucoup d'hommes, pour
éloigner les tempêtes qui menacent d'engloutir la civilisation dans leurs
tourbillons, tournent les yeux avec un renouveau d'espérance vers l'Eglise,
citadelle de vérité et d'amour, vers ce Siège de Pierre, qui, ils le sentent
bien, peut rendre au genre humain cette unité de doctrine religieuse et de
règle morale, qui en d'autres temps fit la consistance des relations pacifiques
entre les peuples.
Unité, vers laquelle regardent d'un œil de nostalgique regret tant d'hommes responsables du sort des
nations, qui expérimentent quotidiennement à quel point les moyens sont vains,
dans lesquels ils avaient un jour mis leur confiance; unité, désirée par
les nombreuses légions de Nos fils, qui invoquent chaque jour le Dieu de
paix et d'amour (cf. 2 Cor., XIII, 11) ; unité attendue par tant de nobles
esprits, éloignés de Nous, mais qui, dans leur faim et leur soif de justice
et de paix, lèvent les yeux vers la Chaire de Pierre pour recevoir d'elle
direction et conseil.
Ils reconnaissent dans l'Eglise catholique la fermeté deux fois millénaire des normes de foi et de vie,
l'inébranlable cohésion de la hiérarchie ecclésiastique, qui, unie au successeur
de Pierre, s'emploie sans relâche à éclairer les esprits de la doctrine de
l'Evangile, à guider et à sanctifier les hommes et se montre prodigue de
maternelle condescendance envers tous, mais ferme cependant, quand, même
au prix de tourments et de martyre, elle doit dire le Non licet !
Et pourtant, Vénérables Frères, la doctrine du Christ, qui seule peut fournir à l'homme un solide
fondement de foi, capable de lui ouvrir un grand horizon, de dilater divinement
son cœur, de lui donner un remède efficace aux très graves difficultés actuelles,
et l'action de l'Eglise pour enseigner cette doctrine, la répandre et modeler
les esprits selon ses préceptes, sont parfois en butte à des suspicions,
comme pouvant ébranler les montants de l'autorité civile ou usurper ses droits.
Contre de telles suspicions, Nous déclarons avec une apostolique sincérité
- sans préjudice de tout ce qu'a enseigné Notre prédécesseur Pie XI, de vénérée
mémoire, dans son Encyclique Quas primas, du 11 décembre 1925, sur le pouvoir
du Christ-Roi et de son Eglise - que de pareils desseins sont entièrement
étrangers à l'Eglise, laquelle tend ses bras maternels vers ce monde, non
pour dominer, mais pour servir. Elle ne prétend pas se substituer, dans le
champ qui leur est propre, aux autres autorités légitimes, mais leur offre
son aide à l'exemple et dans l'esprit de son divin Fondateur qui " passa
en faisant le bien ". (Act., X, 38.)
L'Eglise prêche et inculque l'obéissance et le respect envers l'autorité
terrestre, qui tient de Dieu sa noble origine; elle s'en tient à l'enseignement
du divin Maître qui a dit : Rendez à César ce qui est à César (Matth., XXII,
21) ; elle n'a pas de visées d'usurpation et chante dans sa liturgie: non
eripit mortalia, qui regna dat caelestia. (Hymne de la fête de l'Epiphanie.)
Elle ne débilite pas les énergies humaines, mais les élève à tout ce qui
est magnanime et généreux, et forme des caractères qui ne transigent pas
avec la conscience. Ce n'est pas à elle, qui a civilisé les peuples, qu'on
reprochera d'avoir retardé l'humanité dans la voie du progrès, dont au contraire
elle se félicite et se réjouit avec une maternelle fierté. Le but de son
activité a été merveilleusement exprimé par les anges sur le berceau du Verbe
incarné, quand ils chantèrent: Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix
sur la terre aux hommes de bonne volonté. (Luc., II, 14.) Cette paix, que
le monde ne peut donner, a été laissée comme un héritage à ses disciples
par le divin Rédempteur lui-même: Je vous laisse ma paix, je vous donne ma
paix (Io, XIV, 27), et c'est en suivant la sublime doctrine du Christ, résumée
par lui-même dans le double précepte de l'amour de Dieu et du prochain, que
des millions d'âmes l'ont obtenue, l'obtiennent et l'obtiendront. Depuis
bientôt deux mille ans, l'histoire - si sagement appelée par un grand orateur
romain magistra vitae (Cic., Orat., I, II, IX) - démontre à quel point est
vraie la parole de l'Ecriture, qu'il n'y aura jamais de paix pour celui qui
résiste à Dieu (Job., IX, 4.) Car seul le Christ est la " pierre angulaire
". (Eph., II, 20), sur laquelle l'homme et la société peuvent trouver stabilité
et salut.
C'est sur cette pierre angulaire que l'Eglise est fondée, et c'est pourquoi les puissances adverses ne
pourront jamais prévaloir contre elle : portae inferi non praevalebunt (Matth., XVI, 18), ni lui ôter sa
vigueur, bien au contraire, les luttes tant intérieures qu'extérieures contribuent à accroître sa force et à
augmenter les couronnes de ses glorieuses victoires.
A l'opposé, tout autre édifice qui n'est pas solidement fondé sur la doctrine
du Christ, repose sur le sable mouvant et est destiné à une ruine misérable
(cf. Matth., VII, 26-27).
Vénérables Frères, l'heure à laquelle vous parvient Notre première Encyclique
est, à bien des égards, une véritable hora tenebrarum (cf. Luc, XXII, 53),
où l'esprit de la violence et de la discorde verse sur l'humanité la sanglante
coupe de douleurs sans nom. Est-il nécessaire de vous assurer que Notre cœur
paternel, dans son amour compatissant, est tout près de ses fils, et plus
spécialement de ceux qui sont éprouvés, opprimés, persécutés ? Les peuples
entraînés dans le tragique tourbillon de la guerre n'en sont peut-être encore
qu'au commencement des douleurs (Matth., XXIV, 8) ; mais déjà dans des milliers
de familles règnent la mort et la désolation, les lamentations et la misère.
Le sang d'innombrables êtres humains, même non combattants, élève un poignant
cri de douleur, spécialement sur une nation bien-aimée, la Pologne qui, par
sa fidélité à l'Eglise, par ses mérites dans la défense de la civilisation
chrétienne, inscrits en caractères indélébiles dans les fastes de l'histoire,
a droit à la sympathie humaine et fraternelle du monde, et attend, confiante
dans la puissante intercession de Marie Auxilium Christianorum, l'heure d'une
résurrection en accord avec les principes de la justice et de la vraie paix.
Ce qui vient d'arriver, et ce qui arrive encore, apparaissait à Notre regard
comme une vision quand, toute espérance n'ayant pas encore disparu, Nous
n'avons rien omis de ce que Nous pouvions tenter, dans la forme que Nous
suggéraient Notre ministère apostolique et les moyens à Notre disposition,
pour empêcher le recours aux armes et maintenir ouverte la voie vers une
entente honorable pour l'une et l'autre partie. Convaincu qu'à l'emploi de
la force par l'une d'elles aurait répondu le recours aux armes par l'autre,
Nous avons considéré comme un devoir - auquel Nous ne pouvions Nous soustraire
- de Notre ministère apostolique et de l'amour chrétien, de mettre tout en
œuvre pour épargner à l'humanité entière et à la chrétienté les horreurs
d'une conflagration mondiale, même au risque de voir Nos intentions et Nos
buts mal compris. Nos avertissements, s'ils furent respectueusement écoutés,
ne furent pourtant pas suivis. Et tandis que Notre cœur de pasteur observe,
douloureux et préoccupé, voilà que surgit devant Nos yeux l'image du Bon
Pasteur, et il Nous semble que Nous devons répéter au monde en son nom la
plainte : Si tu savais... ce qui peut t'apporter la paix ! Mais non, cela
est maintenant caché à tes yeux ! (Luc, XIX, 42.).
Au milieu de ce monde qui offre aujourd'hui un si criant contraste avec la paix du Christ dans le règne
du Christ, l'Eglise et ses fidèles se trouvent en des temps et en des années
d'épreuves comme ils en ont rarement connu dans leur histoire de luttes et
de souffrances. Mais précisément dans des temps
semblables, celui qui reste fort dans la foi et garde un cœur robuste, sait
que le Christ-Roi n'est jamais si proche que dans l'heure de l'épreuve qui
est l'heure de la fidélité. Le cœur déchiré des souffrances et des peines
de tant de ses fils, mais avec le courage et la fermeté qui lui viennent
des promesses du Seigneur, l'Epouse du Christ marche vers les orages menaçants.
Elle le sait : la vérité qu'elle annonce, la charité qu'elle enseigne et met en œuvre, seront les conseillers
indispensables et les coopérateurs des hommes de bonne volonté dans la reconstruction d'un monde
nouveau, selon la justice et l'amour, après que l'humanité, lasse de courir
dans les chemins de l'erreur, aura goûté les fruits amers de la haine et
de la violence.
En attendant, Vénérables Frères, le monde et tous ceux qui sont frappés, par la calamité de la guerre
doivent savoir que le devoir de la charité chrétienne, fondement et pivot
du Règne du Christ, n'est pas une parole vide mais une vivante réalité. Un
champ très vaste s'ouvre à la charité chrétienne sous toutes ses formes.
Nous avons pleine confiance que tous Nos fils, spécialement ceux qui ne sont
pas éprouvés par le fléau de la guerre, se souviendront à l'exemple du divin
Samaritain, de tous ceux qui, victimes de la guerre, ont droit à la pitié
et au secours.
L'Eglise catholique, cité de Dieu, dont le Roi est vérité, dont la loi est charité, dont la mesure est
éternité (S. Aug. Ep. CXXXVIII ad Marcellinum, c. III, n. 17), annonçant
sans erreurs ni diminutions la vérité du Christ, travaillant selon l'amour
du Christ avec un élan maternel, se tient comme une
bienheureuse vision de paix, au-dessus du tourbillon des erreurs et des passions, attendant le moment
où la main toute-puissante du Christ-Roi apaisera la tempête et bannira les
esprits de dissension, qui l'ont provoquée. Ce qui est en Notre pouvoir pour
hâter le jour où la colombe de la paix trouvera sur cette terre, submergée
par le déluge de la discorde, un endroit où poser le pied, Nous continuerons
à le faire, confiant dans les éminents hommes d'Etat, qui, avant que la guerre
n'éclatât, se sont noblement employés à éloigner des nations un pareil fléau;
confiant dans les millions d'âmes de tous les pays et de tous les camps,
qui appellent de leurs vœux non seulement la justice, mais aussi la charité
et la miséricorde; confiant surtout dans le Dieu tout-puissant auquel chaque
jour Nous adressons cette prière: J'attendrai dans l'espoir à l'ombre de
Tes ailes, que l'iniquité soit passée. (Ps., LVI, 2).
Dieu peut tout: il tient en ses mains non seulement la félicité et le sort
des peuples, mais aussi les conseils humains; et du côté qu'il veut, doucement
il les incline: les obstacles même sont pour sa toute-puissance des moyens
dont il se sert pour modeler les choses et les événements, tourner les esprits
et les volontés libres à ses fins très hautes.
Priez donc, Vénérables Frères, priez sans interruption, priez surtout quand
vous offrez le divin sacrifice d'amour. Priez, vous à qui la profession courageuse
de la foi impose aujourd'hui de durs, de pénibles, et, bien des fois, d'héroïques
sacrifices ; priez, vous, membres souffrants et douloureux de l'Eglise, quand
Jésus vient consoler et adoucir vos peines. Et n'oubliez pas, grâce à un
véritable esprit de mortification et de dignes œuvres de pénitence, de rendre
vos prières plus agréables aux yeux de Celui qui " relève tous ceux qui tombent,
et redresse ceux qui sont prostrés " (Ps. CXLIV, 14) afin que, dans sa miséricorde,
il abrège les jours de l'épreuve et que se réalisent ainsi les paroles du
psaume : " Ils ont crié vers le Seigneur dans leurs tribulations, et il les
a délivrés de leurs angoisses ". (Ps. CVI, 13.)
Et vous, candides légions d'enfants, vous, les bien-aimés et les privilégiés de Jésus, quand vous
communiez au Pain de vie, élevez vers Dieu vos naïves et innocentes prières et unissez-les à celles de
toute l'Eglise.
Le Cœur de Jésus, qui vous aime, ne résiste pas à l'innocence suppliante:
priez tous, priez sans relâche: sine intermissione orate (I Thess., V, 17).
De cette façon vous mettrez en pratique le sublime précepte du Divin Maître,
le testament le plus sacré de son cœur: qu'ils ne soient tous qu'un (Io,
XVII, 21): qu'ils vivent tous dans cette unité de foi et d'amour à laquelle
le monde reconnaisse la puissance et l'efficacité de la mission du Christ
et de l'œuvre de son Eglise.
L'Eglise primitive avait compris et mis en pratique ce divin précepte ; elle
l'exprima dans une magnifique prière. Unissez-vous à votre tour, dans les
mêmes sentiments, qui répondent si bien à la nécessité de l'heure présente:
" Souviens-toi, Seigneur, de ton Eglise, pour la délivrer de tout mal et
la perfectionner dans la charité; rassemble-la des quatre vents, toute sanctifiée,
dans le royaume que tu lui as préparé; car à toi est la puissance et la gloire
dans tous les siècles. " (Doctrine des Douze Apôtres, c. X.)
Dans la confiance que Dieu, auteur et ami de la paix, écoutera les supplications
de l'Eglise, Nous vous accordons, comme gage de l'abondance des divines grâces,
de la plénitude de Notre cœur paternel, la Bénédiction apostolique.
Donné à Castel-Gandolfo près Rome, le 20 octobre de l'an 1939, de Notre pontificat le premier.