La "bof" attitude Jeudi 15 septembre 2005, 8h30 : A quoi bon ? Pourquoi se donner tant de mal ? De toute façon, ça ne sert à rien. Personne n’en a rien a foutre. De toute façon, comme dit Matthieu Mendès, ce monde me désespère. Si vous êtes un artiste pratiquant, vous devez être au courant que pour pouvoir – légalement, tirer un quelconque profit de son art, quant bien même ridicule, un artiste doit se faire immatriculer. Ce qui m’a inspiré cette réflexion, alors que je prenais quelques notes sur le sujet, au bord du lac d’Annecy, mardi dernier : "Nous sommes tous des voitures !". Et pour pouvoir obtenir cette immatriculation, l’artiste doit aller remplir un formulaire P0, oui, P zéro, au centre des impôts. Serait-ce là de l’humour de fonctionnaire, si tant est qu’un fonctionnaire soit capable d’une telle chose – avoir de l’humour ? Hein ? Parce que plus on creuse la question, plus on se demande si l’administration ne considérerait pas un peu les artistes pour ça, des zéros. Quand encore elle les considère : au centre des impôts de Seynod, mardi dernier, des formulaires P0, ils n’en avaient plus. Et ils ne savaient même pas ce qu’est l’AGESSA. Qu’est ce que l’AGESSA et c'est quoi ce n° d’immatriculation ? On en apprend plus sur le site Mot à Mot : "Lorsque l'artiste n'est pas soumis à un horaire fixe et n'a ni contrainte de production ni de lieu de travail, sa fonction s'exerce de manière indépendante. (il n'est donc pas salarié). Dans ce cas, l'artiste auteur indépendant déclare son activité pour obtenir un numéro de SIREN. (…) Il faut s’adresser à l’AGESSA pour s’inscrire au régime de sécurité sociale des artistes auteurs." Dépendent de l’AGESSA : "Ecrivains, auteurs de logiciels, auteurs et compositeurs de musiques, auteurs d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, auteurs d'oeuvres photographiques ou réalisées à l'aide de techniques analogues." Dépendent de La Maison des Artistes : "Auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques (peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs textiles, graphistes)" Parce que tous les artistes ne sont pas pris en charge par la même structure, non, comme je l'ai écrit récemment à l'un de mes correspondants : "non, ce serait trop simple !" Voilà. Encore un petit coup ? Extrait de la FAQ du site de l’Union des Photographes Créateurs : "Il s’agit de remplir le formulaire P0 dans lequel vous définirez votre type d’activité : "auteur photographe : conception, réalisation de photos et cession de droit"." Et plus loin, à propos de codes : "Si l’INSEE vous en délivre un autre que ceux précédemment cités, par exemple le 748A "studios et autres activités photographiques", il est nécessaire d’en demander le changement auprès de l’INSEE." Ah ?? Parce qu’il n'existe pas qu'une seule sorte de "photographe" ? ""Comment faire des photos de mariage et de portrait en parallèle de l’activité d’auteur ? Puis-je facturer les photos de mariage en note de droit d’auteur ?" Le régime de l'AGESSA ne concerne que les prestations relatives à une activité d'auteur, donc avec cession de droits d'auteur. L'activité évoquée (mariages, portraits...) ne relève pas du régime de l'AGESSA." Ahh ?? Parce que l’AGESSA ne s’occupe pas de tous les photographes ? Ahh ! Pardon, j’avais pas encore tout bien compris… Et à ce stade surgit la "bof" attitude : Est-ce que c’est vraiment la peine de se démener au milieu de toute cette paperasse, de toutes ces formalités, juste pour aller vendre des photos ? J’aurais pas meilleur temps d’aller m’inscrire au RMI en disant à mon assistante sociale que j’ai enfin eu la révélation de ma vie : je veux devenir vendeuse ? De quoi ? De n’importe quoi, je m’en fous, tant qu’on me donne le RMI jusqu’à ce que l’administration me trouve un job qui consistera à se faire payer pour rester derrière une caisse enregistreuse 7h par jour. Ah oui, j’oubliai de préciser : une personne qui se sent artiste dans l’âme et jusqu’à l’os ne peut aller trouver son assistante sociale et lui demander le RMI "en attendant que je puisse vivre de mon art". Non. Il faut avoir un projet professionnel "sérieux" et "réaliste" pour pouvoir toucher le RMI. Ou il faut être capable de raconter des bobards. Ou prêt à faire des, euuuurkk, concessions : "je travaillerai à mi-temps, et je ferai ce qui me plait le reste du temps". Ouai, c’est ça… Quand vous savez que signer pour un job "concession" vous minera tellement le moral et vous pompera tellement d’énergie que la "bof" attitude n’en sera que d’avantage revigorée. Et déjà que vous avez du mal à repousser ses assauts quand vous êtes plutôt en forme… Mais si ça se trouve, je me fais des idées, et même en ayant un job "concession" qui ne me prendrait que 25 h par semaine… Ouai, c’est ça ! Et qui est encore capable d’aller à plusieurs concerts par semaines et d’écrire les chroniques qui vont avec tout en faisant, en plus, un truc… Hum… Disons, pour être polie, hum… "démotivant", 25h par semaine ? "Non, mais là, ça va pas, t’exagères : d’abord, y a pas de sot métier ! Tu veux peut-être que toutes les caissières du coin te tombent dessus, aussi ?" Ouai, je sais, j’exagère. C’est que je m’énerve un peu, voilà. Et c’est toujours mieux que d’être submergée par la "bof" attitude… Et oui, il n'y a pas de sots métiers, il y en a juste qui motivent un peu plus que d'autres… Vous voulez que je vous rejoue l'intro de ce texte pour vous remettre en mémoire l'état d'esprit actuel de l'auteur ? Et si je faisais "juste webmaster" ? Et ma spécialité, ce serait de faire des pages web pleines de mots, plutôt que pleines d’animations flash. Et les artistes me payeraient pour que je leur fasse des pages en formes de chroniques de concerts, de spectacle (ou de répèt pour changer) à mettre sur leur site ou sur leur blog… Et pas cher la chronique, évidemment, des tarifs adaptés à leurs moyens… Voilà ce que c’est que de se heurter à la paperasse : on finit par faire de drôles de slaloms… Et par essayer d’aller trouver des passages plus faciles plus loin… Et le dicton du jour : ne fais pas dépendre ton emploi du temps quotidien des emails que tu ne reçois pas. |