Début juin, à l'occasion du dépôt d'un projet de loi-cadre, le gouvernement Charest fera son lit sur la question des défusions. Entre-temps, plusieurs ballons sont lancés de toute part. Certaines des idées émises sont intéressantes, d'autres sont tout simplement à rejeter, comme celle visant à constituer une «Westisland City».
Le premier ministre Jean Charest a raison de vouloir baliser rapidement le débat sur les défusions qui, déjà, va dans toutes les directions. Alors que certains évoquent des projets de décentralisation des nouvelles villes vers les arrondissements, d'autres jonglent avec l'idée de regrouper les anciennes municipalités de l'ouest de l'île de Montréal.
S'il n'y prend garde, le gouvernement québécois perdra vite le contrôle de ce débat. On savait que le débat sur les défusions risquait de nous engager sur des voies dangereuses. Nous y sommes avec cette idée de «Westisland City», qui nous conduit tout droit à la constitution, à moyen terme, d'un ghetto où se replierait la communauté anglophone.
Il ne faut pas s'y tromper. La volonté de défusion dans l'ouest de l'île est forte. Si jamais les arrondissements de cette partie de l'île retrouvaient leur autonomie, l'étape suivante serait leur regroupement, quelques années plus tard, en une nouvelle ville pour mettre des services en commun et réduire les taxes. C'en serait alors fait du pari de l'interculturalisme sur lequel s'appuie le nouveau Montréal.
Anglophones et francophones se retrouveraient chacun de leur côté. Le danger que représente cette idée de «Westisland City» ne doit pas être sous-estimé. Déjà, ses promoteurs cherchent à lui donner une légitimité en rappelant que le rapport Bédard proposait en 1999 la création d'une municipalité unique pour la partie ouest de l'île.
En fait, ce rapport recommandait de diviser l'île en cinq municipalités. Ces recommandations n'ont plus de sens maintenant que les 29 municipalités ont été regroupées en une seule.
Le gouvernement Charest semble peu sensible à ce danger. Au-delà du fait qu'il soit redevable au lobby des défusionnistes, il faut noter que contrairement à certains gouvernements précédents, celui-ci est fort peu montréalais. En excluant Philippe Couillard, un citoyen des Cantons-de-l'Est parachuté dans Mont-Royal, seuls six ministres sur 25 représentent des comtés de l'île, dont seulement deux sont de l'ancienne ville de Montréal. Dans ce cabinet, il est difficile de voir qui croit vraiment à la nécessité de forger, à travers la nouvelle ville, une véritable identité montréalaise qui transcende les groupes linguistiques.
Pour les raisons qui sont les siennes, le gouvernement Charest n'apparaît pas disposé à prendre fermement position sur l'avenir de Montréal. Il se contentera, apparemment, de semer des obstacles sur la route des défusionnistes. Un jour, on apprend ainsi de la bouche du premier ministre que les villes défusionnées auront à assumer une taxe d'agglomération.
Un autre jour, par une fuite au ministère des Affaires municipales, on apprend qu'on exigera un taux minimum de participation de 50 % aux référendums sur les défusions. Cela suffira-t-il à briser la détermination des défusionnistes ? Cela reste à voir.
On ne saurait cependant reprocher au gouvernement libéral de ne pas faire une défense plus vigoureuse du nouveau Montréal lorsque, sur le terrain, les partisans de la nouvelle ville sont silencieux, sinon amorphes. Ne serait-ce pas aux Montréalais eux-mêmes à manifester en premier leur attachement à leur ville ? À cet égard, le silence du maire Gérald Tremblay est désolant. On peut comprendre qu'ayant les mains liées par un caucus qui risque d'éclater, il préfère jouer de prudence. S'il ne peut pas intervenir, s'il n'ose pas prendre de risques politiques, il faudrait bien que d'autres le fassent.
Ceux qui ont cru en ce projet de fusion étaient nombreux. Qu'en pensent par exemple Pierre Bourque, Jean Doré, Yvon Lamarre et tous ces élus qui ont oeuvré à construire cette ville ? Qu'en pensent les membres de la Chambre de commerce ? Il serait temps que les amis de Montréal se regroupent et se portent à la défense de leur ville.
bdescoteaux@l...