Assia Djebar: merveilleux!

 

 

En tant que collègue, je voudrais vous dire notre fierté – nous, du Département de français à New York University – de compter parmi nous cet esprit créatif et généreux, cette présence intense et parfois espiègle. Assia Djebar est adorée par ses étudiants américains et admirée par l’Université qui, en reconnaissance de ses seize volumes de fiction, nouvelles et méditations, de ses opéras et ses films, lui a accordé l’année dernière le titre de « Silver Professor », titre accordé à quelques quinze collègues seulement sur les 4000 professeurs et chercheurs de New York University. Elle se place ainsi parmi ceux qui sont considérés comme les phares de notre vie académique, ceux qui nous aident à continuer à croire dans notre travail intellectuel…
Judith G. Miller

 

 
Je ne voudrais pas vous embêter avec mes commentaires mais je ne peux résister à l'envie de vous toucher deux mots, pas plus ;-) à propos d'Assia Djebar. Il y tant de choses à dire sur les deux discours que j’ai entendus sur canalacademie.com la concernant. Je constate qu’il y a d’autres entretiens avec elle et je me réjouie à l’avance de ces moments.

«Qui suis-je? écrit-elle dans un de ses livres. Une femme dont la culture d’origine est l’arabe et l’islam . . . Alors, autant le souligner : en islam, la femme est hôtesse, c’est-à-dire passagère; risquant à tout moment, la répudiation unilatérale, elle ne peut vraiment réellement prétendre à un lieu de la permanence.»

Assia Djebar, de son vrai nom Fatima-Zohra Imalayen, née à Cherchell (Algérie) le 30 juin 1936, est une écrivaine algérienne d'origine berbère et d'expression française.

Je ne connaissais pas madame Djebar si ce n'est par la nouvelle, l'année dernière, de son intronisation à l'Académie. Ma femme a noté quelques titres de ses livres et bientôt cette grande dame fera partie de notre culture. Bien que je sois d'une famille de pieux musulmans, l'islam populaire n'a pas de prise sur moi. En outre, les arabo-musulmans, ces dernières décennies, ont tout fait pour que leurs politiques, leurs croyances et leurs coutumes me sortent par les oreilles. Et je ne parle pas de l'absence de dynamisme spirituel dans l'islam, du moins telle que nous la connaissons à notre époque.

J'ai froncé les sourcils lorsque madame Djebar a commencé son discours en citant Jean Cocteau. Moi, qui ai pris mes distances par rapport à cet artiste, je me suis dit qu'elle était tombée dans un extrême, comme de Charybde en Scylla. Ensuite, à quelques phrases d'intervalle, la voilà qu'elle se réfère à Dante. Je sais, pour avoir lu son magistral poème il y a bien longtemps, La divine comédie, que l'auteur place le Prophète Mahomet quelque part dans les limbes infernales, selon la récurrente tradition chrétienne. Même si, selon les dires de Salvador Dali, qui a rehaussé de couleurs claires l'enfer noir, où l'on ne voit rien, de Gustave Doré, et dont le romantisme a perpétré l'ignominie, même si tout cela est faux! car l'enfer de Dante est éclairé par le soleil et le miel de la Méditerranée, la pilule ne passe pas. Navrant, cette femme et moi, me suis-je dit, n'allons pas nous entendre. Car je suis absolument croyant et j'ai un grand respect pour l'authentique esprit religieux, peu importe la voie. La preuve, c'est que je peux lire avec délectation le Don Quichotte de Cervantès malgré ses pochades des Maures: «ne te fie à aucun Maure, car ce sont tous des sournois»* ou les allusions racistes que Sancho Panza, le mal léché si humain, fait sur les juifs: «et ma haine pour les juifs -j'en suis l'ennemi mortel.»** Et puis, au fur à mesure que Canal académie diffusait les paroles d'Assia Djebar, mon admiration pour elle s'éveilla. De plus, le discours de monsieur Pierre-Jean Rémy en son honneur était moralement et intellectuellement gratifiant.

* Livre 1, p.383, Livre de poche
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Livre 2, p.59

Le site Web d'Assia Djebar

 

L'enfer: illustration de la Divine Comédie

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