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Livre

La méchanceté selon Michel Fize

Mais qu'est-ce qui se passe dans la tête des méchants?*

Voyons donc ce que ce sociologue écrit sur le sujet. Je paraphrase: Selon Rousseau et Platon, originellement l'homme est bon, c'est la société qui le dénature; pour Hobbes et Nietzsche, c'est le contraire pourrait-t-on dire, l'homme est foncièrement mauvais. D'après Spinoza il n'y a pas de Bien ou de Mal en soi mais seulement «du bon et du mal pour moi». Pour Descartes, l'homme ne désire que de bonnes choses, c'est malgré lui qu'il se comporte mal. C'est donc bien un défaut de la connaissance du bien qui le rend méchant. Comme dirait Platon : «Nul n'est méchant volontairement.»
Dans cette coulée traditionnelle, la méchanceté est un défaut déclare Kant; c'est «la raison pervertie». Pour Freud, l'être humain est animé à la fois par l'amour et la haine. Et tout père est un pervers, «le mien y compris»! (Il faudrait que je vous retrouve mes notes sur le côté excentrique de ce savant, c'est vraiment rigolo!)

En tant que lecteur du livre de monsieur Fize, je n'ai pas beaucoup progressé dans ma compréhension du mal. L'impression qu'il me reste en le fermant, c'est que la société est grandement responsable du mal qui sévit dans le monde. Elle est par conséquent responsable de sa prolifération. Ai-je prononcé une redondance? Un sophisme? Personnellement, je crois que toutes ces idées sur le bien est le mal aboutissent à des conceptions tout à fait subjectives et -surtout- sont sujettes aux croyances inhérentes au philosophe qui en fait l'analyse. Un athée, un spiritualiste, un chrétien ou un hindou auront chacun des raisonnements différents sur la question. Par exemple, en ce qui me concerne, j'imagine la vie comme un phénomène éternel, qu'il soit observable ou non par l'être humain et par conséquent un lot de mal et de bien s'en vient avec une nouvelle naissance. Opinion que je défends contre celle de Robert Badinter, dans le Nouvel Obs**, qui, à propos de la peine de mort, affirme le contraire: «J'ai interrogé à ce sujet des autorités religieuses de l'islam. Leur réponse ne fût pas différente des autres prêtres des autres religions révélées. Dieu, qui est amour, ne doit pas être invoqué par l'homme pour mettre à mort d'autres hommes. [---] Ainsi, argument théologique et moral, argument philosophique ou politique se rejoignent dans un même refus de la peine de mort. Pour les croyants, parce que la vie procède de Dieu et que lui seul en est le maître; pour les autres, les laïques, parce que toute société de liberté est fondée sur les droits intangibles de la personne humaine et que le premier de ces droits est le droit à la vie, dont le respect de s'imposer à l'État.» C'est ça, tue mon frère et ma sœur, viole ma mère et empêchez-moi de t'abattre parce que ton droit à la vie est intangible! –Je suis un hors-la-loi.

Mais je digresse. M. Badinter, que je connais vaguement, m'a titillé le système nerveux avec son introduction à cet article intitulé "Pour l'abolition universelle". Je devrais donc réserver mon exaspération pour une autre fois. Je voudrais tout de même rajouter qu'idéalement je suis pour la peine de mort, en tant que croyant; en pratique, je suis contre. Exception faite pour des dictateurs sanguinaires tels que Saddam Hussein. Contre, à cause de pays comme la Chine et l'Iran où les exécutions sommaires sont monnaie courante. J'aimerai tout de même signaler la raison qui m'a poussé à me procurer le livre de Michel Fize. C'est son idée de la chose animale. En effet, j'ai pour credo, moi, Akiles, que: «Tout penseur, particulièrement en ce qui a trait à l'amour du prochain, même s'il ne considère pas l'animal comme un "prochain", doit logiquement aborder cette problématique, peu importe sa position, car sa compréhension de ce rapport est un élément clé de sa psychologie, de ses idées et de son bon sens.». Mais sur la question, Michel Fize est bien mièvre. Il donne l'exemple de «La femelle scorpion qui dévore son partenaire après l'accouplement.» et en conclut: «Mais tous ces animaux agissent-ils intentionnellement, c'est-à-dire avec jugement -par méchanceté en somme, cela est douteux. Quant à la question de savoir si les bêtes sont plus ou moins violentes que les hommes, le débat reste entier lui aussi.» Effectivement, je devrais plutôt lire Boris Cyrulnik, comme sa "plus belle histoire des animaux (La)" beaucoup plus intéressant à première vue. Si vous l'avez lu, je serais ravi de vous entendre.
Mars 2007

*Michel Fize, Les Éd. de L'homme
**N.Obs 14 sept. 2006

Mon initaition chamanique, suivi de Don Quichotte
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-------« Les choses n'arrivent que lorsqu'on est prêt à les recevoir »

 

livre sur le chamanismeMa femme vient de terminer un livre que j'ai choisi pour elle suite à une lecture dans le Nouvel Obs : Mon initiation chez les chamanes*. C'est une parisienne à la recherche d’un être cher disparu depuis trois ans. Inconsciemment, peut-être, je me suis laissé aller à cette manipulation de son esprit, en lui offrant ce livre. Voulais-je exorciser ou pallier ce qui peut être une faute spirituelle extrêmement grave mais dont je ne suis pas certain : c'est que j'ai tellement lavé son cerveau avec ma recommandation, autoritaire en fait, de m'attendre si elle venait à mourir avant moi; de m'attendre à tout prix, malgré toutes les tentations qu'on lui ferait.

Une fois le livre terminé, je l'ai filmée pendant qu'elle m'en faisait un compte rendu et que je lui posais des questions. C'était une merveilleuse expérience. Nous n'avons pas fini d'en discuter.

L'auteur de cet ouvrage, Corine Sombrun, découvre ses dons dans la forêt amazonienne. Grâce à la plante "qui enseigne les rêves" Corine tombe en transe et entend un chant diphonique, dont elle connaît l'origine mongole. Est-ce un signe ? Le pari est audacieux. Mais la voilà partie. Après son initiation, sous la yourte locale, elle en impose (elle me rappelle mon insuportable mère.) « La femme chamane a tous les droits, explique-t-elle. Mon aura tient les prétendants à distance. [---] La transe me sert d'outil pour explorer de nouvelles possibilités du cerveau. » Mais elle prévient : « La transe, qui donne l'illusion d'une infinie puissance, est très dangereuse. » Ce voyage initiatique, à la recherche de sa figure vénérée, elle ne l'a pas fait toute seule, mais flanquée d'un garde-fou, une anthropologue, en mission elle aussi.

portrait de ma femmeFinalement, cette femme, m'explique la mienne, sereine, que j’observe en rétrospective, en rembobinant le film, se retrouve confrontée à ses démons socratiques qui lui recommandent de cesser de chercher cette personne qui l’obnubile depuis trois ans; qu'elle la laisse tranquille là où elle est. Voilà ce que lui enseignèrent les esprits. Mais elle s’est cabrée et a dit non. « Je ne lâcherai pas! »

J'ai visionné ce passage spécifique, hier soir, par hasard, ce qui m'a stimulé à écrire ces lignes, mais je n'ai pas pu déceler sur les traits du visage de ma femme, si elle avait l'intention de se jouer de moi, après la mort. De retrouver sa liberté. Et de m’abandonner. C'est à éclaircir.

*Albin Michel


 

---"C’est un fou mélangé, mais avec beaucoup d’intervalles lucides"

 

Avant de me coucher, hier, très tard, j’ai remis la main sur Don Quichotte et les Enquêtes de Jorge Luis Borges pour me distraire des livres qui me prennent la tête. J’y trouve tant de plaisir que je ne peux m’empêcher de partager avec vous les quelques pages suivantes.


Ici, nous dit Cervantes, l’auteur des aventures de don Quichotte fait une peinture détaillée de la maison de son hôte, don Diego. Il brosse dans cette description tout ce que contient la maison d’un riche fermier de l’époque. Mais Akiles, l'auteur de ce site, a trouvé bon de passer ces trop nombreux détails sous silence, pour aller droit au but au lieu de ces froides digressions qui fatigueront certainement les lecteurs. Gardez donc à l’esprit, qu’il a, ici et là, édité le texte intégral paru dans Le livre de poche. Il n’aura peut-être pas la liberté de se rendre au bout de ce service mais il fera de son mieux pour garder l’intention intacte. Bonne lecture.


Pendant que don Quichotte faisait sa toilette, don Lorenzo, le fils de don Diego, avait demandé à son père :

« Que faut-il penser, monsieur, de ce gentilhomme que vous avez ramener à la maison? Son nom, sa figure, et ce que vous dites qu’il est chevalier errant, nous ont jetés, ma mère et moi, dans une grande surprise.
– Je n’en sais vraiment rien, mon fils, répliqua don Diego. Tout ce que je puis dire, c’est que je l’ai vu faire des choses dignes du plus grand fou du monde, et tenir des propos si raisonnables qu’ils effaçaient ses actions. Mais parle-lui toi-même, tâte le pouls à sa science, et, puisque tu es spirituel, juge de son esprit ou de sa sottise le plus convenablement possible, bien qu’à vrai dire, je le tienne plutôt pour fou que pour sage. »

Don Lorenzo alla donc entretenir don Quichotte, qui entre autres choses lui dit : « Don Diego de Miranda, votre père, m’a fait part de votre rare talent, et de la subtilité de votre esprit; et surtout il m’a dit que vous étiez un grand poète.
– Poète, c’est possible, répondit don Lorenzo ; mais grand, pas même en pensée. Ce qui est vrai, c’est que j’ai beaucoup de goût pour la poésie et pour la lecture des bons poètes, mais cela ne suffit pas pour mériter cet épithète de grand que me donne mon père.
– Cette modestie me plaît, car il n’y a guère de poète qui ne soit orgueilleux et ne se regarde comme le premier poète du monde.
– Il n’y a pas non plus de règle sans exception, reprit don Lorenzo, et peut-être trouverait-on des poètes qui le seraient sans s’en douter.
– En bien petit nombre, répondit don Quichotte; mais dites-moi, je vous prie, quels sont les vers que vous avez maintenant sur le métier, et qui vous tiennent, à ce que m’a dit votre père, un peu soucieux et préoccupé. Si c’est quelque glose, par hasard, je m’entends assez bien en fait de gloses, et je serais enchanté de les voir. S’il s’agit d’une joute littéraire, tâchez d’avoir le second prix ; car le premier se donne toujours à la faveur ou à la qualité de la personne, tandis que le second ne s’obtient que par stricte justice, de manière que le troisième devient le second, et que le premier, à ce compte, n’est plus que le troisième, à la façon des licences qui se donnent dans les universités. Bref, c’est toujours un grand personnage qui est le premier. »

« Jusqu’à présent, se dit tout bas don Lorenzo, je ne puis vous prendre pour fou ; mais continuons. » Et il dit tout haut :

« Il me semble bien, monsieur, que vous ayez fréquenté les grandes écoles; quelles sciences avez-vous étudiées ?
– Celle de la chevalerie errante, répondit don Quichotte, qui est aussi haute que celle de la poésie, et qui la passe même d’au moins deux doigts.
– Je ne sais quelle est cette science, répliqua don Lorenzo, et jusqu’à présent je n’en avais pas entendu parler.
– C’est une science, repartit don Quichotte, qui renferme en elle toutes les sciences du monde. En effet, celui qui la professe doit être jurisconsulte et connaître les lois de la justice distributive et commutative, pour rendre à chacun ce qui lui appartient. Il doit être théologien, pour savoir donner clairement raison de la foi chrétienne qu’il professe, en quelque part qu’elle lui soit demandée. Il doit être médecin, et surtout herboriste, pour connaître, au milieu des déserts et des lieux inhabités, les herbes qui ont la vertu de guérir les blessures, car le chevalier errant ne doit pas chercher à tout bout de champ quelqu’un pour le panser. Il doit être astronome, pour connaître par les étoiles combien d’heures de la nuit sont passées, sous quel climat, en quelle partie du monde il se trouve. Il doit savoir les mathématiques, car à chaque pas il se retrouvera dans la nécessité d’y recourir. Mettant à part les vertus théologales et cardinales qu’il a le devoir de pratiquer, et pour passer à de plus petits détails, disons qu’il doit savoir nager, ferrer un cheval, mettre la selle et la bride ; et, pour en revenir à mon début: garder sa foi envers Dieu et envers sa dame ; il doit être chaste dans les pensées, décent dans les paroles, libéral dans les œuvres, vaillant dans les actions, patient dans les peines, charitable avec les nécessiteux, et finalement, demeurer le ferme champion de la vérité, dût-il, pour la défendre, exposer et perdre la vie. De toutes ces grandes et petites qualités se compose un bon chevalier errant ; voyez maintenant, seigneur don Lorenzo, qu’il ne s’agit pas là d’une science de morveux celle qu’apprend le chevalier qui l’étudie pour en faire sa profession, et qu’au contraire, elle peut être comparée, aux plus huppés que l’on enseigne dans les gymnases et les écoles !

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