LE REVE DE SOUAD AIT SALEM

 

       Elle l’a rêvé, elle l’a fait. Souad AIT SALEM méritait bien son tour d’honneur. Dans une course où il est rare de voir une Algérienne s’illustrer, elle a fini par rendre la chose possible. On peut avancer que dans une telle course avec six concurrents elle ne pouvait que gagner. C’est oublier son inexpérience pour tenter de minimiser sa victoire. Mais celle-ci est réelle et Souad ne le doit qu’à sa volonté et à son courage.

       Longtemps on a cru en une victoire algérienne lorsqu’on a vu au troisième kilomètre de 10000m Souad et sa compatriote Nasria Azaidj Baghdad en compagnie de la marocaine Bouchra Châabi et l’éthiopienne Genet Teka.

A six tours de l’arrivée, on a craint le pire en voyant Azaidj lâcher prise. Cependant, Souad restait, elle, bien dans la course collant à ses deux adversaires pour placer à l’amorce du dernier tour une accélération qui laissa sur place Châabi et Teka.

       Souad s’envola alors vers la victoire et la médaille d’OR terminant ce 10000m en 34’02 ‘’28 qui représente un nouveau record d’Algérie, l’ancien étant la propriété de Bendahmane Leila en 34’11’’09. Et dire qu’on avait failli ne pas engager d’athlètes dans cette course, craignant d’échouer totalement.

 

A. ACHOUR   EL MOUDJAHED.

 

 

 

« UN TITRE MALGRE LES ENTRAVES »

 

SOUAD AIT SALEM a déjoué tous les pronostics en remportant la médaille d’or au10000 m des championnats d’Afrique d’athlétisme. Et dire qu’elle a failli ne pas y participer, car « on » a jugé qu’elle ne pouvait pas réaliser grand-chose!

 

A 21 ans, ce bout de femme fait déjà parler d’elle et promet d’autres succès. Souad, qui a débute à l’age de 12 ans à Mécheria sous la houlette de Boucheta Mohamed, est prise en charge depuis 1997 par Mahour Bacha Abdallah, son « père » adoptif. Ce10000 m n’est qu’un début d’une riche carrière.

 

-Vous attendiez-vous à cet performance ?

-J’ai à mon actif une bonne performance d’autant plus que mes concurrentes étaient marocaine et éthiopienne. Elles ont pu maintenir le rythme mais cela ne m’a pas empêchée de l’emporter. Au fil des mètres, je réalisais que je pouvais gagner.

-La course était-elle difficile pour vous ?

-Elle n’était pas vraiment difficile. Le départ a été très long, et ce n’est que par la suite que le rythme s’est accéléré. Cela m’avait assagie car je sentais que j’avais de grandes capacités. Cependant, la piste m’a beaucoup gêné. Elle est trop dure.

-Sur le plan tactique, comment s’est déroulée la course ?

-Il n’y avait pas de tactique proprement dite. Je suivais chaque athlète qui tentait de s’échapper du peloton.

-Vos coéquipières vous ont-elles aidée ?

-Personne ne m’a aidée à l’exception de mon entraîneur Rachid MAHOUR BACHA. Il m’a aidée sur tous les plans. La fédération ne m’a pas du tout aidée. Les athlètes sont partis se préparer à l’étranger, alors que moi je suis restée à El-Eulma. Je n’ai pas pu faire ma préparation ne serait-ce qu’à Alger. Je m’entraînais à El-Eulma sur du goudron. Il n’y a ni piste ni rien du tout. Aussi, Je traînais une blessure depuis une année et demie et je n’ai pas pu la soigner convenablement, faute de moyens. J’ai repris progressivement sans trop forcer. C’est le médecin BABA qui m’a soignée et je l’en remercie. Je remercie également Amar Brahmia, pardon je voulais dire Ammar BOURAS !

-Pourquoi pas Amar Brahmia ?

-Je regrette de le dire, mais il ne m’a pas vraiment aidée, il me donnait une « bourse » de 2000 dinars par mois, étant athlète du MCA. Les autres athlètes sont partis en stage en Suisse et Tchéquie pour se préparer.

-Pourquoi cette marginalisation ?

-Je ne le sais pas. Si je cherchais à savoir, je risquerais d’abandonner. Heureusement que mon entraîneur Mahour Bacha m’a aidée. Je me contentais des entraînements que j’effectuais à El-Eulma.

-Avec cette consécration, vous a-t-on promis des aides ?

-Mon souhait, c’est de me préparer à l’étranger et surtout soigner ma blessure qui s’est réveillée après la course du 10000m. Je souffre au niveau du quadriceps, ce qui ne m’a pas permis de m’aligner sur l’épreuve du5000 m, alors que je pouvais concourir dans les deux spécialités.

-Donc, vous êtes  spécialisée dans les courses de fond ?

-Mieux encore, à partir de l’année prochaine je me lancerai dans le marathon et le semi marathon, pour peu qu’on m’aide. Je suis persuadée que je suis en mesure de réaliser un résultat meilleur que le championnat d’Afrique. Je connais bien mes capacités.

-Et les JO de Sydney ?

-Je n’ai pas encore réalise les  minima, mais je sait que je suis en mesure d’aller à Sydney. J’ai à mon actif le record d’Algérie aux10000 m, détenu auparavant par Bendahmane, il était à34 ’11’’ et je l’ai amélioré à34 ’02 ‘’. Les minima c’est33 ’30’’.

-Avec tous ces résultats et vu votre age ( 21ans ), on ne vous aide pas. C’est quand même anormal, non ?

-Vous savez, lors des stages de préparation, surtout quand mon entraîneur Mahour Bacha n’est pas avec moi, on me demande d’effectuer des exercices qui me blessent. On m’a même interdit de participer aux championnats d’Afrique d’athlétisme !

-Vous voulez dire que l’on avait l’intention de vous saboter ?

-Oui, c’est du sabotage caractérisé.

-N’appréhendez vous pas les adversaires keenyanes et éthiopiennes ?

-Dans les épreuves du5000 m et du 10000m, les kenyanes et les éthiopiennes sont redoutables. Elles ne m’effrayent pas car je connais bien mes capacités, il faut que je les affronte.

LE QUOTIDIEN 17 /07/2000

 

 

IL ME RESTE ENCORE BEAUCOUP  A FAIRE

 La grande révélation de ces championnats d’Afrique est incontestablement Souad AIT SALEM, reine du10000 m.

 

Après son sacre, elle nous livre ses impressions. 

-         Comment avez-vous ressenti votre consécration au 10000 mètres ?

-         Ça été une très grande joie pour moi de franchir la ligne d’arrivée en tête. Un titre africain, c’est comme un rêve qui vient de se réaliser pour moi.

-         Comment s’est déroulée la course ?

-         Au début c’est normal, j’avais quelques appréhensions par rapport à mes concurrentes qui étaient d’égale valeur avec les éthiopiennes. Mais au fur et à mesure que la course se déroulait, je constatai que le rythme était trop lent par rapport à mes possibilités, je pouvais aller beaucoup plus vite. Simplement j’ai préféré attendre le dernier tour.

-         Un dernier tour où vous avez pulvérisé les Éthiopiennes ?

-         Oui, car à ce moment, je m’était dit, il faut démarrer vite comme me l’a suggéré mon entraîneur. Mais concurrentes n’ont pas pu résister a mon changement de rythme dans le dernier tour.

-         Quels sont vos projets à présent ?

-         Il faut que je travaille encore davantage pour pouvoir atteindre le niveau mondial. Le titre africain c’est bien, mais il me reste encore beaucoup à faire.

-         Allez vous courir sur d’autres distances ?

-         C’est mon entraîneur qui va décider de cela. Pour le moment, j’ai couru en cross, dans le10000 métres et me préparerai probablement pour le marathon à l’avenir.

 

Propos recueillis par R.B.     EL MOUDJAHED