Le droit de grève


TEXTE SOUMIS DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE SONDAGEM



POURQUOI LA GRÈVE ?

Partout, dans notre société, le droit a remplacé la force... sauf quand il s'agit de relations de travail. Là, c'est encore la loi du plus fort qui prévaut: on ne gagne pas une grève parce qu'on a le bon droit de son coté mais parce qu'on a été le plus fort. Or, quel que soit le résultat immédiat d'une grève, c'est toujours le gagne-petit qui ramasse la facture. Si un syndicat est plus agressif, il pourra obtenir plus pour ses membres... mais, par le biais de l'inflation et du chômage, ce sont les assistés sociaux et chômeurs, les jeunes sans emploi, tous les retraités qui vivotent sur des pensions de famine, les travailleurs non syndiqués, tous les déshérités de notre société qui en auront moins. Le faible ramasse toujours l'addition. Avec intérêt!

Avec intérêt, car il n'y a que trois scénarios de grèves "gagnées" et il sont mauvais tous les trois. Le premier - s'il y a un monopole public ou privé - c'est que l'entreprise refile l'augmentation au consommateur. Dans ce cas, nous payons tous. Le second, c'est que l'employeur est une multinationale ou une compagnie qui a plusieurs usines. Dans ce cas, si on fait monter les salaires à Ste-Gudule au point où il devient plus rentable de produire à Tartempionville ou en Chine, l'usine de Ste-Gudule diminue progressivement ses activités et finalement ferme. Le troisième scénario, c'est celui d'une PME qui ne peut pas transporter sa production ailleurs. L'employeur fait alors des efforts désespérés pour rentabiliser son entreprise, améliore l'équipement, emploie moins de main-d'oeuvre ... et augmente brusquement le chômage! A moins, bien sûr, que la convention collective n'ait fermé aussi cette porte, auquel cas la compagnie, cessant d'être concurrentielle, fera elle aussi faillite, tôt ou tard. Il n'y a pas d'autres scénarios.

La grève est un moyen inefficace de résoudre les conflits de travail. Un happening périodique de défoulement qui ne sert qu'à accroître les inégalités et les injustices. Il serait temps que les litiges entre employeurs et employés soient soumis à des règles, que la grève soit interdite et que tous les conflits de travail soient soumis à l'arbitrage.

Tous les conflits de travail pourraient être réglés par 3 arbitres, choisis au sein d'un collège de &laqno;Commissaires à la politique salariale». Il y aurait toujours appel d'une décision d'arbitrage à un tribunal de 7 membres, choisis parmi les mêmes commissaires à l'exclusion des trois ayant rendu la première décision. Les commissaires seraient élus par la population - à vie, comme des juges - et on profiterait de chaque élection générale pour remplacer les disparus. Ils auraient instruction de juger en équité et de voir à ce que les injustices salariales soient corrigées au mieux dans notre société. Les commissaires seraient tout à fait libres, hormis une seule contrainte.

Une seule contrainte, mais tout à fait essentielle: il ne faudrait pas que la somme des augmentations de salaire accordées en cours d'année porte la masse salariale au delà de ce que le système peut digérer, ce qui est présentement environ 56% du produit intérieur brut. On peut dire pudiquement que ce pourcentage de 56% est une décision politique; en fait, c'est l'expression de notre dépendance envers le système mondial de libre-échange et de libre-entreprise auquel nous appartenons... et dont nous n'avons pas intérêt à nous retirer. Ce système est celui dans lequel nous voulons évoluer. Peut-être ce 56% deviendra-t-il plus, mais les grèves n'y changeront rien.

Dans la mesure où cette enveloppe salariale globale est respectée - et nous n'avons absolument pas le choix en ce moment de ne pas la respecter - il vaut mieux pour le reste énoncer des principes généraux et se fier au sens de l'équité des commissaires plutôt que multiplier les règles et les procédures. Pour que les commissaires puissent respecter cette contrainte, c'est l'État qui devra fournir chaque année des indications quant aux augmentations moyennes acceptables. Ceci, toutefois, sans jamais intervenir au niveau des décisions particulières.

Cette façon de faire ne changera pas plus - mais pas moins - la distribution de la richesse que le système actuel. Celle-ci n'obéit qu'à cette lente réduction des écarts salariaux qu'entraîne inévitablement un nivellement progressif des niveaux d'éducation, de formation et de compétence. L'avantage d'un arbitrage universel en matière de conflits de travail, c'est que l'évolution vers l'équité se fera désormais avec sérénité, sans perdre une heure de travail, et grâce à un processus de droit plutôt qu'en donnant toujours raison au plus fort.


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