TEXTE SOUMIS DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE SONDAGEM
UNE MÉDECINE EN SANTÉ
Nous avons au Québec un excellent système de santé:
moderne, efficace, gratuit. Mais il y a des lacunes dans notre système.
Les budgets éclatent, on contingente le nombre des futurs médecins
alors que les urgences sont bondées, il faut six semaines pour voir
un spécialiste, on manque de médecins dans les zones éloignées...
et il ne reste rien pour la prévention. Quel est le problème
?
Le problème de base, c'est que le médecin est payé
à l'acte médical. Il y a 16 000 médecins au Québec
qui font chacun, en moyenne, leurs trois mille et quelques "actes médicaux"
par année. Ce nombre d'actes médicaux par médecin ne
change pas depuis 20 ans, même si il y a bien plus de médecins
alors que la population n'augmente presque plus. Serions-nous de plus en
plus malades? La vérité, c'est que moins de patients par médecin
entraîne plus d'actes médicaux par patient. Votre médecin
vous parle, il vous entrevoit par la porte de votre chambre d'hôpital?
S'il le veut, ce sont-la des actes médicaux. Le médecin détermine
sa rémunération.
Quelle est l'alternative? Pas de faire du médecin un salarié,
car qui veut d'un médecin qui pointe à 9 h 05 pile et regarde
sa montre à partir de 4 h 50? La bonne solution, c'est la capitation
: payer le médecin "par tête", selon le nombre de
ses clients. Faire confiance au médecin. Ce qui n'est pas du tout
utopique, s'il y a assez de médecins pour que chacun d'entre eux
tienne à ses clients et que des moyens de contrôle permettent
de s'assurer que nul ne trahit cette confiance.
Un système de capitation exige que chaque patient soit inscrit au
bureau de l'omnipraticien de son choix. Pour chaque inscription, l'État
paie à l'omnipraticien un montant mensuel. Moins pour un jeune patient,
plus pour une personne âgée, plus ou moins dans certaines régions
pour tenir compte de la dispersion de la population, mais des montants dont
la somme corresponde à ce que nous, comme société,
voulons consacrer à la rémunération des omnipraticiens.
Même chose pour les spécialistes qui ont aussi avec leurs clients
une relation continue. Tout individu devrait être inscrit auprès
d'un psychiatre, d'un cardiologue, d'un oncologue, toute femme nubile devrait
l'être auprès d'un gynécologue, tout enfant auprès
d'un pédiatre.
La capitation regle la question budgétaire mais favorise aussi une
médecine plus humaine. Ayant un intérêt matériel
autant que moral à ce que ses patients restent en bonne santé,
le médecin devient aussi leur conseiller, assumant un rôle
actif dans la prévention. Il s'implique dans les aspects de la vie
de son milieu qui ont des incidences sur la santé et surveille l'environnement.
Il travaille contre la maladie mais aussi pour la santé. La capitation
modifie aussi le rapport de forces entre le médecin et un patient,
lequel devient alors aussi un client. Un client qui peut changer de médecin,
et qui représentera un revenu non négligeable pour ce dernier
quand celui-ci ne pourra plus compenser une baisse de clientèle par
une augmentation du nombre des actes médicaux.
La capitation exigeant des médecins qu'ils offrent un meilleur service
à leurs patients, surtout une plus grande disponibilité. Omnipraticiens
et spécialistes rémunérés par capitation se
regrouperont en équipes médicales. Ils s'adjoindront vite
des stagiaires et infirmières pour offrir en clinique privée
un service permanent. Ils dégageront ainsi les urgences des hôpitaux
des cas où il ne s'agit que de porter un premier diagnostic ou de
donner des premiers soins simples.
Tout ne peut pas être payé par capitation. Anesthésistes,
radiologues, chirurgiens, répondent à des besoins ponctuels
et devront encore être payés à l'acte. Mais ce sont
des actes dont le nombre est facile à contrôler, puisqu'ils
n'interviennent que sur référence d'un omnipraticien. Celui-ci
sera en position de force pour veiller à ce que ses patients reçoivent
bien l'attention des spécialistes ponctuels.
La médecine en régions? Pour les médecins payés
par capitation, fixons correctement le prix par tête dans les diverses
régions et la libre-entreprise fera le reste. Pour les spécialistes
ponctuels, ils doivent être attachés à un hôpital.
L'État créera, dans chaque hôpital, le nombre de postes
requis par les besoins du bassin desservi. L'affectation à un poste
se fera par concours, selon les règles et les critères dont
les spécialistes pourront décider entre eux, le nombre de
postes ouverts n'étant toutefois pas inférieur au nombre des
spécialistes actuellement en exercice ou en formation. Quand seront
comblés les postes les plus convoités, il faudra bien que
les autres le soient; n'est-il pas normal que le médecin, comme tout
autre travailleur, aille là où ses services sont requis ?