INTRODUCTION

Évolution et objectif de la coopération transfrontalière :

La coopération transfrontalière s’est développée depuis les lendemains de la seconde guerre mondiale, essentiellement dans les régions ayant le Rhin pour frontière commune. Cette coopération a été, à l’origine, comme c’est presque toujours le cas, purement privée (1). Il est apparu nécessaire pour la faciliter, de l’institutionnaliser, en l’élargissant à toutes les régions frontalières. 

À cet effet, une convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales a été élaborée dans le cadre du Conseil d’Europe. Cette convention-cadre a été signée à Madrid (voir annexe), le 21 mai 1980, par les ministres européens des collectivités locales. Elle a été ratifiée par dix-neuf États et entrée en vigueur le 22 décembre 1981 (date du dépôt du quatrième instrument de ratification, conformément à l’article 9-II de la convention). La loi du 23 décembre 1983 a autorisé en France l’approbation de cette convention. Le préambule de cette convention souligne l’intérêt de la coopération nouvelle dans des domaines nombreux et variés. Ces domaines sont le développement régional, urbain et rural, l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement, l’amélioration des infrastructures et des services offerts aux citoyens, ainsi que l’entraide en cas de sinistre.

Ce texte fondateur se proposait de mieux associer les uns et les autres à la construction européenne tout en facilitant leurs rapports de coopération. La construction de l’Europe a été envisagée de deux façons différentes mais pas nécessairement contradictoires. Certains la conçoivent comme une entreprise consistant seulement à agir par le haut de façon à intégrer progressivement les États dans un système uniforme. D’autres, en revanche, pensent qu’il faut également édifier l’Europe par le bas en favorisant le rapprochement des collectivités de base, les collectivités locales, par la détermination d’objectif qui leur soient communs et par leur collaboration dans l’action permettant de les atteindre. D’après Bernard PERRIN, il était tout à fait paradoxal de vouloir construire l’Europe et d’interdire aux collectivités locales et à leurs établissements publics de convenir, par delà les frontières, d’un certain nombre d’objectifs communs (2). Quant à Rinaldo LOCATELLI, selon lui, la coopération transfrontalière, qu’elle que soit la forme, qu’elle qu’en soit encore l’intensité, constitue un test, une expérience combien révélatrice et catalysatrice du degré plus ou moins poussé de l’esprit et de la volonté d’intégration européenne (3)

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(1) : Jean Marie PONTIER, La Région, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît,

Dalloz, 1998-1, p. 1793-19 et s. Le développement de relations directes entre les régions françaises et des collectivités étrangères est parfois très ancien : on peut citer par exemple les relations privilégiées tissées depuis les années 1950 entre la Bourgogne et le land de Rhénanie Palatinat, relations pionnières dans l’esprit de la réconciliation franco-allemande que confortent le général de Gaulle et le chancelier Adenauer : ces relations ont pris la forme de très nombreux jumelages entre communes, chambres professionnelles, associations diverses ou encore de rencontres régulières des responsables des deux régions (Bodineau P., Verpeau M., La coopération locale et régionale, PUF, Coll. Q.S.J., p.99).

(2) : Bernard PERRIN, Coopération transfrontalière des collectivités locales : contenu et limites de

l’accord quadrilatéral de Karlsruhe, Rev. Adm., n° 289, 1996, p. 81.

(3) : Rinaldo LOCATELLI, La décentralisation de la coopération transfrontalière en Europe, Pouvoirs –

19, 1981, p. 59.

Cette coopération transfrontalière va être accélérée du fait que la décentralisation et les transferts de compétences ont fait des collectivités territoriales françaises des partenaires crédibles pour leurs homologues étrangères. Les lois de décentralisation ont certainement constitué pour la coopération transfrontalière, un puissant facteur de développement et cela pour plusieurs raisons.

La transformation de la région en collectivité territoriale à part entière a donné naissance à un nouveau partenaire plus proche par sa taille des collectivités voisines, régions italiennes ou cantons suisses, par exemple.

Par ailleurs comme dans la plupart des cas les problèmes qui se posent sont des problèmes locaux voire communaux. Les élus locaux peuvent d’autant mieux y faire face qu’ils disposent désormais de compétences, de moyens financiers et humains accrus. La coopération transfrontalière en a été vivement encouragée aux différents niveaux de l’organisation administrative, non seulement au niveau régional, mais aussi très souvent au niveau intercommunal.

En outre, à côté des commissions interétatiques, des organismes régionaux, voire intercommunaux se sont créés pour prolonger leur action.

Les commissions interétatiques de voisinage mise en place dans les zones frontalières relèvent du ministère des Affaires étrangères. Il en existe cinq : franco-espagnole, franco-italienne, franco-genevoise, franco-germano-suisse et franco-germano-luxembourgeoise. L’intérêt de ces commissions, c’est naturellement de permettre l’étude des problèmes frontaliers et des solutions à leur apporter. Toutefois, compte tenu de leur composition qui a évolué, c’est aussi de faciliter la coordination interministérielle et la rencontre des représentants de l’administration d’Etat, centrale et déconcentrée, et des élus locaux. En pratique, il se produit de plus en plus souvent que les élus locaux qui souhaitent participer aux travaux de ces commissions y soient admis, ce qui permet la coordination des actions relevant de la coopération transfrontalière d’Etat à État et de la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales (4 ).

Dix ans après la loi du 2 mars 1982 qui était une première loi ne reconnaissant que la coopération transfrontalière de la région, la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République (voir annexe) qui consacre son titre IV à la « coopération décentralisée » a constitué, pour les collectivités territoriales françaises et leurs groupements, la possibilité de contracter avec des collectivités territoriales étrangères. Le texte réserve restrictivement cette coopération aux collectivités territoriales et à leurs groupements mais ne vise pas expressément les établissements publics locaux. Pour ce qui est des collectivités territoriales étrangères, il s’agira des « collectivités, autorités ou organismes exerçant des fonctions territoriales et régionales et considérées comme telles dans le droit interne de chaque Etat ». 

La circulaire ministérielle venue préciser la loi a cependant rappelé avec insistance les règles applicables aux conventions, celles-ci ne devant pas porter atteinte au principe d’indivisibilité de la République et de la souveraineté nationale, aux intérêts nationaux et à la cohérence de la politique étrangère, au principe de spécialité, dans le souci d’éviter les interférences entre compétences, au principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques, enfin au principe de liberté du commerce et de l’industrie.

La loi organise aussi la possibilité pour les collectivités territoriales étrangères de participer à des sociétés d’économie mixte locales françaises ou à des groupements d’intérêt public, sousla tripleréserve queles Étatsconcernésdonnentleur accord, que

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(4) : Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p.55.

l’objet social porte exclusivement sur l’exploitation de services publics d’intérêt commun et que la participation des collectivités territoriales étrangères soit minoritaire.

La loi du 6 février 1992 constituait une avancée remarquable, notamment pour un pays marqué par une tradition centralisatrice comme la France. La loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, viendra compléter le dispositif en précisant notamment que « les collectivitésterritoriales et leurs groupements peuvent… adhérer à un organisme public de droit étranger ou participer au capital d’une personne de droit étranger, auquel adhère ou participe au moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d’un État européen frontalier ». En ce qui concerne l’objet, il s’agira d’exploiter un service public ou de réaliser un équipement local.

Pour consolider cette coopération transfrontalière, on ajoutera à ces textes l’accord conclu le 26 novembre 1993 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne concernant la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales (voir annexe). Entrent dans le champs d’application pour la partie française : la collectivité territoriale de Corse, les régions, les départements, les communes, jouxtant la frontière entre les territoires des parties contractantes, les autres communes situées dans les départements frontaliers ainsi que les groupements pouvant être constitués par ces collectivités ; pour la partie italienne : les régions, les provinces, les communes, les communautés de montagne, les coopératives communales et provinciales, situées au moins en partie dans la zone frontalière de 25 km à compter de la frontière franco-italienne. En ce qui concerne le contenu et l’objectif des accords et arrangements, la convention délimite les domaines de compétences : le développement urbain et régional, les transports et les communications, l’énergie, la protection de l’environnement, le traitement des déchets, la construction de réseaux de collecte des eaux usées et de station d’épuration, l’assistance mutuelle en cas de catastrophe et de sinistre… En général, l’accord a privilégié tout ce qui concerne l’environnement et l’aménagement rural.

Un autre accord bilatéral a été signé le 10 mars 1995 avec l’Espagne (voir annexe). L’espace de coopération s’étend jusqu’à 250 kilomètres de part et d’autre de la frontière. Le texte prévoit la création d’une structure institutionnelle, la société d’économie mixte locale qui est un groupement des services. Cette société d’économie mixte locale agira en tant que maître d’ouvrage dans des domaines qui concernent essentiellement l’alimentation en eau et l’assainissement. Cet accord bilatéral autorise les communes, les départements, les régions et leurs établissements publics à conclure des accords limités à certaines activités spécifiques en matière de développement économique, social ou culturel.

Le dernier accord entre la France et les autres pays voisins, c’est le traité franco-allemand du 3 mai 1995 qui a ouvert à l’accord de Karlsruhe (voir annexe), signé le 23 janvier 1996 entre le gouvernement de la République française, le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, le gouvernement du Grand-duché de Luxembourg et le Conseil fédéral Suisse. Cet accord quadrilatéral porte également sur la coopération transfrontalière entre les collectivités locales et organismes publics locaux de ces quatre pays. Il crée trois formes de coopération qui se ressemblent fortement avec celles de la Convention d’Isselburg-Anholt (5) : les conventions de coopération, la création d’organismes dotés ou non de la personnalité juridique et le groupement local de coopération transfrontalière.

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(5) : La Convention sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et organismes publics conclue entre la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas.

Définition et problématique :

La coopération transfrontalière est définie par l’article 2 de la convention de Madrid comme « toute concertation visant à renforcer les rapports de voisinage entre les collectivités ou autorités territoriales relevant de deux ou plusieurs Parties contractants, ainsi que la conclusion des accords et arrangements utiles à cette fin ». Cette définition rejoigne celle de l’ancien article 65 de la loi 2 mars 1982 qui dispose que « le conseil régional peut décider, avec l’autorisation du gouvernement, d’organiser à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région ». La coopération transfrontalière a été considérée comme un sous-ensemble de la coopération décentralisée (6), caractérisée par l’existence d’une frontière commune et la disposition géographique des partenaires de part et d’autre de cette frontière commune.

La nature de cette frontière commune n’est pas précisée. Il s’agit au minimum d’une frontière terrestre. Il a été parfois considéré que la frontière commune puisse être maritime (7). Mais, selon Annie GRUBER, la notion de frontière commune exclut à l’évidence des collectivités séparées par mer ou océan ! (8). Cela exclut les relations de quelque région que ce soit avec, par exemple, une collectivité publique britannique, américaine ou africaine.

Bien que la notion de la coopération transfrontalière soit consacrée et développée par les textes nationaux ou européens (première partie) et que mécanismes institutionnels et financiers soient constitués pour faciliter cette coopération transfrontalière (deuxième partie), les questions de sa légitimité, de son fondement juridique, de son fonctionnement, de son efficacité et de son avenir persistent à se poser. Ces problèmes majeurs seront minutieusement et successivement étudiés et clarifiés.

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(6) : La coopération décentralisée, expression entrée depuis peu dans le langage juridique courant et consacrée par le législateur (titre IV., L. 6 févr. 1992). Ce sont « toutes les formes de l’action extérieure des collectivités locales et non plus seulement celles qui ont trait au développement des collectivités des pays du Sud : coopération transfrontalière, coopération interrégionale, coopération avec des les collectivités des pays de l’Est, des pays du Nord, coopération extérieure de nos départements et territoires d’outre-mer » (H. Perrot, Rapport annuel d’activité 1991-1992 du Délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, cité par Christian AUTEXIER, De la coopération décentralisée, RFDA, 1993. 413). Quant à la circulaire interministérielle (non publiée) des ministères de l’intérieur et des affaires étrangères du 26 mai 1992, sur l’application du Titre IV de la loi du 6 février 1992, elle définit la coopération décentralisée comme « la relation entre des collectivités territoriales et des collectivités territoriales étrangères » (circulaire citée par Jean Marie PONTIER, La Région, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1998-1, p. 1793-15.

(7) : « …cette interprétation est probablement trop extensive s’agissant de collectivités de part et d’autre de la Méditerranée ; elle peut être plus aisément admise s’agissant de la coopération de collectivités situées aux deux extrémités du tunnel sous la Manche », Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-8.

(8) : Annie GRUBER, La coopération locale à l’heure de l’Union européenne : Les nouvelles formes de regroupements des collectivités décentralisées, LPA, 28 jan. 1994, p. 5.

PREMIERE PARTIE

 

LES FONDEMENTS JURIDIQUES DE LA

COOPERATION TRANSFRONTALIERE

 

Comme la coopération transfrontalière est un facteur principal pour la construction de l’Europe, il est nécessaire que les institutions européennes jouent d’abord un rôle de pionner d’élaborerles normes juridiques relatives à cette matière (chapitre I). Ensuite, pour que cette coopération transfrontalière soit bien effective, il faut avoir la consécration par le droit interne (chapitre II).

CHAPITRE I – La base juridique européenne de la

 coopération transfrontalière

Le développement de cette base juridique est largement le résultat de l’action menée depuis plus de trente ans par le Conseil de l’Europe et qui s’est traduit de trois façons : d’abord, par la convention-cadre européenne de Madrid sur la coopération transfrontalière signée en 1980 et complétée aujourd’hui par le protocole additionnel de 1995 (I) ; ensuite, par les signatures entre les États membres des traités bilatéraux et multilatéraux sur la coopération transfrontalière (II) ; et enfin, par la prise en considération de la réalité de la coopération transfrontalière des collectivités régionales et locales au sein de l’Union européenne (III).

I – La convention-cadre de Madrid et le protocole additionnel

La signature à Madrid de la convention-cadre européenne était une première étape de la légitimation et de la promotion de la coopération transfrontalière des collectivités et autorités territoriales. Ce sont les insuffisances de cette convention apparues dans la pratique qui sont à l’origine de son enrichissement par le protocole additionnel signé en 1995.

A . L’encadrement juridique de la convention-cadre de Madrid

La préparation d’une convention-cadre européenne a été décidée par les ministres européens responsables des collectivités locales réunies pour la première fois les 20 et 21 novembre 1975 à Paris. Lors de leur seconde réunion à Athènes, du 25 au 27 novembre 1976, les ministres ont examiné le projet de convention élaboré par un Comité d’experts gouvernementaux et ont recommandé au Comité des ministres son adoption. Le projet de convention a été soumis ensuite au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, c’est à dire aux ministres des affaires étrangères, en 1977.

Le Comité des ministres a consacré plusieurs séances de travail et est parvenu à un compromis sur certains points tels que la valeur et l’utilisation des accords et arrangements modèles annexés à la convention-cadre. Le Comité des ministres, au vu de l’avis de l’Assemblée, a décidé d’ouvrir la convention-cadre à la signature à l’occasion de la IVe Conférence des ministres européens responsables des collectivités locales (Madrid, 21-23 mai 1980).

Les auteurs de cette convention-cadre voulaient que les autorités locales et régionales ont une vocation naturelle à prendre en charge la coopération transfrontalière au niveau local et que leur compétence générale pour gérer les affaires communales s’étend aussi au pouvoir de nouer des relations avec les autres autorités locales et régionales limitrophes.

La convention, selon son préambule, vise à favoriser autant que possible la coopération transfrontalière et à contribuer au progrès économique et social des régions frontalières. En effet, le bon fonctionnement de la coopération transfrontalière entre communes et entre régions permet une meilleure exécution de la mission de celles-ci et, en conséquence, une mise en valeur et un développement plus harmonieux des régions frontalières. 

Il y a des modèles d’accords annexés à la convention-cadre (9) qui ont objectif de mettre à la disposition des États, d’une part, et des collectivités territoriales, d’autre part, un choix de formes de coopération les mieux adaptés à leur problème. Toutefois, la convention n’exclut ni l’utilisation d’autres formes d’accords, ni l’adaptation des modèles annexés en fonction des situations propres à chaque cas de coopération transfrontalière. Or, aux termes de l’article 3 de la convention-cadre, les accords et arrangements interétatiques seront naturellement « conclus dans le respect des compétences prévues par le droit interne de chaque partie contractante en matière de relations internationales et d’orientation politique générale ainsi que dans le respect des règles de contrôle ou de tutelle auxquelles sont soumises les collectivités ou autorités territoriales ».

Ces modèles visent des formes de coopération de plus en plus poussée, à savoir : la concertation, la conclusion des contrats et la création d’organismes de coopération transfrontalière. D’après l’article 3 paragraphe 1 de la convention, ces modèles « n’ont pas de valeur conventionnelle ».

Cette convention, même si elle n’a pas de conséquences directes dans l’ordre juridique interne des États, vise à obtenir des États une aptitude plus favorable vis-à-vis de la coopération transfrontalière. Elle constitue, de la part des États qui l’auront ratifié, la reconnaissance du principe que les collectivités territoriales sont habilitées à coopérer, dans certaines limites, au-delà des frontières. Elle laisse les communes et les régions libres

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(9) : Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-25. C’est une série de modèles d’accords dont pourront s’inspirer ultérieurement les Etats :

1.1. Modèle d’accord interétatique sur la promotion de coopération transfrontalière.

1.2. Modèle d’accord interétatique sur la concertation régionale transfrontalière.

1.3. Modèle d’accord interétatique sur la concertation locale transfrontalière.

1.4. Modèle d’accord interétatique sur la coopération contractuelle transfrontalière entre autorités locales.

1.5. Modèle d’accord interétatique concernant les organismes de coopération transfrontalière entre autorités locales ;

ou leurs autorités locales :

2.1. Schéma d’accord pour la création d’un groupe de concertation entre autorités locales.

2.2. Schéma d’accord pour la coordination dans la gestion d’affaires publiques locales transfrontalières.

2.3. Schéma d’accord pour la création d’association transfrontalière de droit privé.

2.4. Schéma de contrat de fourniture ou de prestation de services entre collectivités locales

transfrontalières (de type « droit public »).

2.5. Schéma de contrat de fourniture ou de prestation de services entre collectivités locales

transfrontalières (de type « droit public »).

2.6. Schéma d’accord pour la création d’organismes de coopération intercommunale transfrontalière.

Des modèles d’accords supplémentaires ont été rédigés postérieurement à 1980 par divers comités au sein du Conseil de l’Europe, et notamment :

-sur la coopération économique et sociale interrégionale et/ou intercommunale ;

-sur la coopération intergouvernementale en matière d’aménagement du territoire ;

-sur la coopération interrégionale et/ou intercommunale transfrontalière en matière d’aménagement du territoire ;

-sur la création et la gestion de parcs transfrontaliers ;

-sur le développement de la coopération transfrontalière entre collectivités locales ou régionales en matière de protection civile et d’entraide en cas de désastres survenant dans les zones frontalières.

d’utiliser les formes juridiques les mieux adaptées à leurs problèmes, ce qui est certainement conforme aux traditions de libertés et d’autonomie locale propres à un grand nombre d’États européens. 

Nous constatons que la convention-cadre n’est pas un texte avec un contenu juridique particulièrement rigide et contraignant car elle est rédigée de manière prudente, afin de ménager les États susceptibles de la ratifier. Cette convention de Madrid est différente avec l’accord de 1977 entre les pays nordiques puisqu’elle n’a pas créé directement de droit, pour les collectivités et autorités territoriales, à entreprendre des actions de coopération transfrontalière (10). L’engagement des États se borne à « faciliter et promouvoir de la coopération transfrontalière entre collectivités et autorités territoriales » ainsi que « la conclusion des accords qui s’avèreront nécessaire à cette fin dans le respect des dispositions constitutionnelles propres à chaque Partie » (article 1er). C’est ce qui explique qu’elle contient peu d’engagements précis.

Mais, en tout cas, ce texte de convention est un premier pas important vers une décentralisation de la coopération transfrontalière et a été considéré comme pierre angulaire de l’intégration européenne (11). En août 1994, cette convention-cadre était ratifiée par 19 Etats-membres, dont l’ensemble des pays européens ayant une frontière commune avec la France (Allemagne : 22 décembre 1981 ; Belgique : 7 juillet 1982 ; Espagne : 25 novembre 1990 ; Italie : 30 juin 1985 ; Luxembourg : 1er juillet 1983 ; Suisse : 4 juin 1982).

Après avoir signé la convention-cadre, les parties contractantes s’engageaient à faciliter la coopération transfrontalière des collectivités et autorités territoriales relevant de leur juridiction. Cet engagement ne valait que pour les actions de coopération qui « s’exercent dans le cadre des compétences des collectivités ou autorités territoriales telles qu’elles sont définies par le droit interne » des parties signataires (12).

Chaque partie s’engage à faciliter la solution des difficultés d’ordre juridique, administratif ou technique qui pourraient faire obstacle à cette coopération (article 4).

L’expérience nous montre que la mise en œuvre d’actions de coopération se heurtait à l’absence de structures juridiques appropriées dans les pays signataires et que cela compromettait le bon fonctionnement de la coopération transfrontalière. C’est la raison pour laquelle le Comité directeur des autorités locales et régionales du Conseil de l’Europe a élaboré le protocole additionnel destiné à remédier à cette lacune de convention.

B . Le protocole additionnel, renforcement de la coopération transfrontalière

Ce protocole additionnel a été signé le 9 novembre 1995, sous l’égide du Conseil de l’Europe. Quatre États l’ont d’ores et déjà signé : ce sont l’Allemagne, la France, le Luxembourg et la Suisse. Il s’agit, selon son exposé des motifs, « d’adapter » et de « compléter » la convention-cadre, signée à Madrid le 21 mai 1980 (13)

La souplesse et le caractère faiblement contraignant de convention de Madrid sont progressivement devenus un inconvénient. Selon le Conseil de l’Europe, la convention de

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(10) : Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-25.

(11) : Rinaldo LOCATELLI, La décentralisation de la coopération transfrontalière en Europe, Pouvoirs – 19, 1981, p. 64.

(12) : Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p.59.

(13) : Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1005.

Madrid de deux handicaps majeurs : d’une part, elle « ne contient aucun engagement
précis de la part des États, qui sont simplement invités à « faciliter », « promouvoir » ou « favoriser » les initiatives des collectivités ou territoriales. Aucun droit de ces collectivités ou autorités de conclure des accords de coopération transfrontalière n’est vraiment reconnu » ; d’autre part, elle ne fournit pas aux collectivités territoriales les instruments juridiques nécessaires pour coopérer efficacement (14).

Pour corriger ces défauts, le Conseil de l’Europe a décidé l’élaboration d’unprotocole additionnel « qui expose des instruments juridiques éprouvés par l’expérience, unifie les principes fondamentaux de la coopération transfrontalière (…) et propose les solutions adaptées aux Parties contractantes » (15). Ce protocole permet de clarifier le régime juridique de la coopération transfrontalière et d’offrir aux collectivités territoriales de nouveaux instruments pour coopérer. Il donne à la convention-cadre un contenu juridique beaucoup plus précis et contraignant.

L’article 1 alinéa 1 du protocole additionnel réaffirme la capacité juridique des collectivités territoriales en prévoyant que « chaque Partie contractante reconnaît et respecte le droit des collectivités ou autorités territoriales soumises à sa juridiction de conclure des accords de coopération transfrontalière avec les collectivités ou autorités territoriales d’autres d’États ». D’après Bernard DOLLEZ, le protocole additionnel ne bouleverse pas la donne déjà préétablie par la convention de Madrid (16). Il explique qu’ « il est erroné de croire qu’aucune obligation de résultat ne pèse sur les États qui ont ratifié la convention de Madrid ». Pour défendre cette idée, il a repris le remarque de Rinaldo LOCATELLI, selon lequel la convention de Madrid « constitue, de la part des États qui l’ont ratifiée, la reconnaissance du principe que les collectivités territoriales sont habilitées à coopérer, dans certaines limites, au-delà des frontières ». En outre, « chaque État qui a ratifié la convention ne peut s’en tenir au statu quo en matière de coopération transfrontalière, mais est obligé de prendre des initiatives concrètes pour promouvoir cette coopération et lever les obstacles qui, encore, s’y opposent » (17).

La France a confirmé cette interprétation. En 1987, une circulaire du 12 mai 1987 du Premier ministre, relative à l’action extérieure des collectivités territoriales, a précisé que cette convention de Madrid constituait bien la base juridique de la coopération transfrontalière, au même titre que l’article 65 de la loi du 2 mars 1982, qui permettait aux régions de coopérer avec des collectivités étrangères. Quant à l’article L. 1112-1 du code général des collectivités territoriales, il a prévu explicitement que « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités étrangères et leurs groupements » (loi du 6 février 1992).

Une autre innovation du protocole additionnel, c’est l’interdiction des réserves. Contrairementàl’anciennedisposition de convention-cadre (18), le protocole additionnel,

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(14) : Rapport explicatif relatif au protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1006.

(15) : Rapport explicatif, précité, p. 1007.

(16) : Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1008.

(17) : Rinaldo LOCATELLI, La décentralisation de la coopération transfrontalière en Europe, Pouvoirs – 19, 1981, p. 63 s.

(18) : L’article 3 alinéa 2 de convention-cadre de Madrid dispose que : « Dans le cas où les Parties contractantes estiment nécessaire de conclure des accords interétatiques, ceux-ci peuvent notamment fixer le cadre, les formes et les limites dans lesquelles ont la possibilité d’agir les collectivités ou autorités territoriales concernées par la coopération transfrontalière. Chaque accord peut également déterminer les collectivités ou organismes auxquels il s’applique ».

selon son article 9, n’admet « aucune réserve » pour les Parties contractantes. Cette interdiction a pour but d’éviter la mauvaise foi d’interprétation de la clause de réserve (conclusion d’accord interétatique). Par exemple, l’Espagne a déclaré qu’à défaut d’accord interétatique préalable, les accords transfrontaliers sont soumis à autorisation préalable(19). Similairement, la France a estimé, pour sa part, que la réserve qu’elle avait formulée au moment de la signature de la convention lui permettait de soumettre à autorisation préalable tous les accords transfrontaliers conclu par ses collectivités territoriales. Enconséquence, le régime juridique des accords conclus sous l’empire de la convention de Madrid était aligné sur celui de la coopération transfrontalière interrégionale, soumise à l’autorisation préalable en vertu de l’article 65 de la loi du 2 mars 1982. C’est ainsi que la création de la communauté de travail du Jura (20)et du conseil du Léman (21) fut soumise à l’autorisation préalable des gouvernements français et suisse, sous la forme d’un échange de notes. La France avait « verrouillé »(22) l’application de la convention de Madrid.

En fait, dans l’esprit des auteurs de la convention-cadre, la conclusion d’accords interétatiques pouvait être nécessaire pour mettre en œuvre et faciliter la coopération transfrontalière. Il s’agissait notamment de permettre aux États de régler « les conséquences de droit interne » (23) d’un accord transfrontalier. Mais, malheureusement,certains États contractants ont détourné cet esprit à leur propre profit.

En revanche, le Conseil de l’Europe lui-même a observé, qu’en pratique, les États qui avaient formulé les réserves s’abstenaient parfois d’exiger la conclusion d’un accord interétatique préalable (24). Donc, il ne faut pas exagérer l’importance de ces réserves. La France, aujourd’hui, a renoncé à soumettre la conclusion d’accord transfrontalier à l’autorisation préalable. L’article 65 de la loi 2 mars 1982 a été abrogé par la loi du 6 février 1992. Dès lors, la réserve française a été définitivement levée (25).

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(19) : La déclaration espagnole est rédigée comme suit : « Le Royaume d’Espagne, conformément à l’article 3 paragraphe 2 de la Convention déclare qu’il subordonne l’application effective de celle-ci à la conclusion préalable d’accords interétatiques avec l’autre Partie concernée. A défaut de ce dernier, la validité des conventions de collaboration qui seront signées par les organismes territoriaux frontaliers requerra la confirmation expresse des gouvernements des Parties concernées », Conseil de l’Europe, document LRR-CT {91} 9, p. 6, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1011.

(20) : « Echanges de notes franco-suisse du 3 mai 1985 relatif à la convention instituant la Communauté de travail du Jura », Conseil de l’Europe, document transfront/office (86) 12, p. 2, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1011.

(21) : Réponse du ministre des Affaires européennes à QE n° 7414, JO-AN-Q, 17 avril 1989, p. 1755, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1011.

(22) : R. Lafore, L’action à l’étranger des collectivités territoriales, RDP, 1988, p. 782, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1011.

(23) : Rapport explicatif, précité, p. 1011.

(24) : Comité restreint d’experts sur la coopération transfrontalière : « Elaboration d’un projet de Protocole additionnel à la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales », cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1012. Par exemple, le « Conseil parlementaire interrégional » (CPI) a été constitué par la région Lorraine avec le Grand Duché de Luxembourg, la province du Luxembourg belge et les länder de Sarre et de Rhénanie-Palatinat en l’absence de tout accord interétatique… » (J.-P. Thomas, Les relations internationales du conseil régional, document de la région de Lorraine, 1987, annexe 4, cité par cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1012).

(25) : Décret n° 95-913 du 5 août 1995 portant publication de la lettre française du 24 janvier relative au retrait d’une déclaration formulée par le gouvernement de la République française lors de l’approbation de la convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, ouverte à la signature le 21 mai 1980, JO, 15 août 1995.

Un autre moyen pour pallier les difficultés de l’application de la convention-cadre de Madrid, c’est la conclusion des accords bilatéraux ou plurilatéraux.

II – Les traités bilatéraux et multilatéraux, concrétisation

de la coopération transfrontalière

Depuis l’adoption de la convention de Madrid sur la coopération transfrontalière, plusieurs conventions bilatérales ou multilatérales ont été conclues pour compléter la lacune et pour renforcer l’efficacité de cette convention-cadre. On peut notamment citer la convention Bénélux du 12 septembre 1986 (26) et la convention germano-néerlandaise, signée à Isselburg-Anholt le 23 mai 1991(27). La France a, pour sa part, signé trois conventions avec les États limitrophes : un accord franco-italien, un traité franco-espagnol et un accord quadrilatéral de Karlsruhe

A . L’accord franco-italien 

Cet accord a été signé à Rome le 26 novembre 1993, entré en vigueur le 6 octobre 1995 (28). Il ne concerne pas seulement, pour la partie française, les régions mais aussi les départements et les communes jouxtant la frontière entre les territoires des deux États, les groupements qui pourront être constitués par ces collectivités, ainsi que la collectivité territoriale de Corse (29). Du côté italien il s’agit « des régions, provinces, communes, communautés de montagne, coopératives communales et provinciales situées, au moins en partie dans la zone frontalière de vingt cinq kilomètres à compter de la frontière franco-italienne » (article 2).

L’article 3 de l’accord reconnaît aux collectivités territoriales le pouvoir de conclure des accords et arrangements de coopération transfrontalière dans les domaines suivants : le développement urbain et régional ; les transports et les communications ; l’énergie ; la protection de l’environnement ; le traitement des déchets ainsi que la construction de réseaux de collecte des eaux usées et de stations d’épuration ; d’enseignement et la recherche scientifique et technologique appliquée ; la formation, l’orientation et la reconversion professionnelle ; l’hygiène et la santé ; la culture et le sport ; l’assistance mutuelle en cas de catastrophe et sinistre ; le développement économique et social ; l’amélioration des structures agraires ; le tourisme. Ces accords doivent être conclus dans le respect des procédures de droit interne et le respect des engagementsinternationauxdespartiescontractantes,ainsi quedansleslimitesde

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(26) : Convention Bénélux concernant la coopération entre collectivités ou autorités territoriales, Conseil de l’Europe, document transfront/office (86) 14, cité par Bernard DOLEZ, Le protocole additionnel à la convention-cadre de Madrid, R.G.D.I.P. 1996-4, p. 1006.

(27) : Convention sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et autres organismes publics, conclue entre la République fédérale d’Allemagne, le land de Basse-saxe, le land de Rhénanie-Westphalie et le royaume des Pays-Bas, Conseil de l’Europe, document transfront/office (92) 3, cité par Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-27.

(28) : Décret n° 96-8 du 2 janvier 1996 portant publication de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne concernant la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales, signé à Rome le 26 novembre 1993, JO. 6 janvier 1996, p. 227 s.

(29) : Jean Marie PONTIER, La Région, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1998-1, p. 1793-19.

compétences qui sont reconnues en droit interne à ces collectivités territoriales.

Les États ne sont pas engagés par les conséquences contractuelles des accords et arrangements conclus entre les collectivités territoriales. Ils ne peuvent en être affectés dans leur faculté de conclure ultérieurement des accords concernant la coopération transfrontalière.

Les accords conclus entre les collectivités territoriales doivent définir le droit applicable aux-dits accords. Ce droit est celui de l’une des parties contractantes, c’est à dire soit le droit français, soit le droit italien. En cas de litige, la juridiction compétente est celle de l’État dont le droit est applicable en vertu de l’accord conclu.

L’Etat français et l’Etat italien s’engagent à s’informer mutuellement et à se concerter sur le développement de la coopération transfrontalière des collectivités territoriales dans le cadre des travaux d’une commission intergouvernementale destinée à contribuer à la solution des problèmes de voisinage qui se posent de part et d’autre de la frontière franco-italienne.

L’accord a été conclu pour une durée illimitée et peut être dénoncé par l’une des parties avec un préavis de six mois.

La première application de ce traité a été la signature d’un accord de coopération entre le département des Alpes maritimes et les provinces italiennes de Cuneo et Impéria. Ces collectivités sont particulièrement intéressées par le développement du tourisme, l’amélioration des moyens de communication, notamment par la réalisation du projet de tunnel du Mercantour, et plus largement le développement des échanges commerciaux et de l’emploi.

L’intérêt de cet accord est incontestable, même s’il ne fait pas disparaître toutes les difficultés qui peuvent naître au cours de la mise en pratique de ses dispositions, il a été qualifié « d’avancée significative » par le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales (30). Par contre, la critique majeure que l’on peut porter à son encontre tient au fait qu’il « ne règle pas la question centrale dans ce domaine de la coopération transfrontalière, de la création d’un organisme commun chargé de la maîtrise d’œuvre des opérations decoopération décidées en commun » (31).

B . Le traité franco-espagnol

Ce traité a été signé à Bayonne le 10 mars 1995 entre la France et l’Espagne, relatif à la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales. En France, la loi 96-1239 du 30 décembre1996 a autorisé la ratification de ce traité (32). Il a un contenu plus ambitieux que le précédent entre la France et l’Italie.

Cet accord concerne pour : la France, les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, ainsi que les départements, les communes et leurs groupements compris dans lesdites régions ; pour l’Espagne, les communautés autonomes du Pays basque, de la Navarre, de l’Aragon et de la Catalogne, ainsi que les territoires historiques, les provinces et les communes appartenant à ces communautés. Seul Andorre n’est pas partie autraitéenraison de ce que, parallèlement, desnégociations étaient engagées qui

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(30) : PERROT H., Le perfectionnement des instruments internes et externes de la coopération décentralisée à la française, Min. des Affaires étrangères, 1995, cité par Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p.67.

(31) : Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p. 67.

(32) : J.O., 1er janvier 1997, p. 22.

portaient sur la transformation de la principauté en État indépendant (33).

Le champ géographique du traité est large, soit une zone d’environ 250 kilomètres de part et d’autre de la frontière. Les conventions peuvent porter sur des sujets d’intérêt commun relevant de la compétence des collectivités qui les concluent, à l’exclusion des attributions exercées par les collectivités au nom de l’État. Aux termes de l’article 3-1°, les collectivités « peuvent entreprendre des actions de coopération transfrontalière lorsque l’objet de cette coopération est, en vertu du droit interne de chacune des parties contractantes, du domaine de la compétence de l’une et de l’autre collectivité territoriale et lorsqu’il existe entre elles un intérêt commun ». Ce même article précise dans le quatrième alinéa, que « les conventions de coopération ont pour objet dans les domaines d’intérêt commun, de créer et de gérer des équipements ou des services publics et de coordonner leurs décisions ».

Pour les collectivités françaises, les compétences que leurs organes assurent en tant qu’agent de l’État sont exclues expressément de ces conventions, c’est à dire les questions qui se rapportent au pouvoir de police ou de réglementation, au pouvoir fiscal, aux droits et libertés. Et pour les collectivités espagnoles, il s’agit des attributions qui découlent de pouvoirs délégués par l’État.

Concernant les modalités juridiques de cette coopération et le régime juridique qui lui est applicable, il y a une innovation et un progrès par rapport à l’accord franco-italien : l’instrument de cette coopération c’est la convention. Le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales joue un rôle permanent de proposition et d’éclairage dans l’élaboration de cet instrument.

La conclusion de la convention est soumise au respect des procédures prévues par le droit interne de chacune des parties, en l’espèce pour les collectivités françaises, aux conditions prévues par la loi du 6 février 1992 ou par la loi 4 février 1995. Elle n’engage que la responsabilité des collectivités signataires à l’exclusion de celle des États.

La convention de coopération va déterminer le droit applicable aux obligations auxquelles elle donne naissance. Ce droit peut être celui de l’une des parties contractantes et ce choix est important aussi dans la mesure où il entraîne celui de la juridiction compétente pour trancher éventuels conflits en relation avec l’exécution des stipulations de la convention.

L’article 11 du traité reconnaît la création de la commission franco-espagnole de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales dont l’existence de principe résultait d’un accord signé à Fox le 21 octobre 1994 (34). Cette commission mixte est chargée d’examiner les conditions concrètes d’application du traité. Elle est composée paritairement de 12 membres nommés par les gouvernements ; des représentants des collectivités locales peuvent participer aux réunions de la commission lorsque les sujets à l’ordre du jour le requièrent.

La commission a mission de suivre l’application du traité. Cette mission comporte un échange d’informations sur les initiatives prises par les collectivités en application du traité, les problèmes que le traité peut poser et les solutions que l’on peut envisager pour y faire face, la rédaction d’un rapport annuel et l’étude de toute question entrant dans le champ d’application du traité qui lui serait soumises par les parties.

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(33) : Assemblée Nationale, Rapport 3161, 1996 J. Blanc, cité par Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p. 70.

(34) : Publié en France par le décret n° 95-261 du 3 mars 1995, J.O., 10 mars 1995, p. 3763.

En général, la commission examine toute question et difficulté qui découleraient de la diversité de la répartition des compétences entre collectivités territoriales et État, en France et Espagne, dont la solution appropriée nécessite éventuellement le concours des services de l’État.

Le rapporteur de la commission des Affaires étrangères du Sénat a souhaité que cette commission « par sa composition et ses méthodes de travail, soit plus proche possible des préoccupations du terrain et qu’elle puisse constituer entre les collectivités pyrénéennes et les gouvernements un intermédiaire efficace afin de donner à la coopération transfrontalière les meilleures chances de réussite » (35).

Le traité prévoit également que les collectivités locales espagnoles peuvent participer aux groupements d’intérêt public (GIP) français de coopération transfrontalière ainsi qu’aux sociétés d’économie mixte locales (SEML)dont l’objet est d’exploiter des services publics d’intérêt commun. Les collectivités locales françaises peuvent, de leur côté, participer aux « consortios » espagnols. Des organismes de coopération sans personnalité juridique peuvent aussi être créés.

La coopération franco-espagnole joue un rôle très important pour l’aménagement des territoires franco-espagnol et leur intégration au sein de l’Union européenne. Cette coopération, en dépit des difficultés de disparités de réglementation entre les deux pays, a été efficace et très satisfaisante pour élus locaux tant français qu’espagnols.

C . L’accord quadrilatéral de Karlsruhe

La conclusion de l’accord quadrilatéral de Karlsruhe a été considérée comme un nouvel effort pour organiser et favoriser le développement de la coopération transfrontalière, mais aussi de façon à préparer la construction et l’intégration européenne. Cet accord, relatif à la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et les organismes publics locaux, a été signé à Karlsruhe entre le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, le gouvernement du Grand-duché de Luxembourg et le Conseil fédéral suisse.

En France, ce traité a été approuvé et publié au journal officiel (36).

L’élaboration de ce traité s’est passée en trois phases. Initialement, le texte de base en a arrêté à la suite de négociations franco-allemandes qui ont abouti à un accord du 3 mars 1995. Ensuite, le Luxembourg ayant manifesté le souhait d’y adhérer, l’accord lui est étendu le 23 octobre suivant. Enfin, la Suisse a exprimé le même désir, l’accord à quatre a été paraphé à Berne le 14 décembre 1995.

Comme les accords précédemment étudiés, le traité de Karlsruhe est construit selon un schéma très voisin. Les termes mêmes sont souvent identiques. La véritable originalité du traité est d’avoir créé un nouvel instrument juridique de coopération : le groupement local de coopération transfrontalière (GLCT). C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’accord interétatique était nécessaire, de même que l’approbation parlementaire, puisque cette création dépassait ce que le droit interne permettait.

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(35) : Sénat, Rapport 132, 1995, M. Alloncle, cité par Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p. 72.

(36) : Loi 97-103 du 5 février 1997 autorise l’approbation de l’accord, J.O., 7 février 1997, p. 2090.

La similitude avec les traités précédents apparaît dès le préambule. Les parties se placent immédiatement dans le prolongement de la convention-cadre européenne de 1980. Après avoir reconnu l’intérêt de la coopération entre les collectivités locales et les organismes publics locaux et la différence existant entre les États en matière d’organisation politique et administrative des collectivités territoriales, les signataires s’engagent à en faciliter le développement dans le respect du droit interne et des engagements internationaux de chacun d’eux.

L’article 2 définit le champ d’application de l’accord : les collectivités territorialesou organismes publics locaux concernés. Cependant, les collectivités et organismes publics des différents pays sont à la fois nombreux et divers non seulement dans leur statut, mais aussi dans leurs compétences, ce qui ne peut certes pas contribuer à faciliter leur coopération (37).

Cet accord concerne : en Allemagne, certaines collectivités territoriales des Länder de Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat et de la Sarre ; en France, la région Alsace et la région Lorraine (ainsi que les communes et les départements de ces deux régions) ; au Luxembourg, les collectivités locales luxembourgeoises, établissements publics et parcs naturels ; en Suisse, les collectivités locales de cinq cantons de Soleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d’Argovie et du Jura.

Les collectivités territoriales ou organismes publics concernés par l’accord peuvent conclure entre eux des conventions de coopération dans les domaines de compétences communs qu’ils détiennent en vertu du droit interne qui leur est applicable. L’objet des conventions de coopération est de permettre aux partenaires de coordonner leurs décisions, de réaliser et de gérer ensemble des équipements ou des services publics d’intérêt commun. À cette fin les conventions peuvent prévoir la création d’organismes de coopération, dotés ou non de la personnalité juridique dans le droit interne de chaque partie.

Chaque collectivité territoriale ou établissement public local qui conclut une convention de coopération doit respecter, préalablement à son engagement, les procédures et les contrôles résultant du droit interne qui lui est applicable. De la même manière, les actes que prend chaque collectivité territoriale ou organisme local pour mettre en œuvre la convention de coopération sont soumis aux procédures et contrôles prévus par le droit interne qui lui est applicable (exemple, en France, le contrôle de légalité). Comme les deux accords précédents, ni les pouvoirs qu’une autorité locale exerce en tant qu’agent de l’État, ni les pouvoirs de police, ni ceux de réglementation ne peuvent faire l’objet de convention de coopération. La convention ne peut évidemment avoir pour effet de modifier ni le statut, ni les compétences des autorités locales. La convention doit contenir également une disposition déterminant les modalités d’établissement de la responsabilité de chaque collectivité vis-à-vis des tiers.

Les conventions de coopération transfrontalière peuvent prévoir la création de trois types d’organismes : des organismes sans personnalité juridique, tels que conférences, groupe de travail ou d’études, comités de coordination, peuvent être créés pour étudier des questions d’intérêt commun, formuler des propositions de coopération, échanger des informations ; des organes dotés d’une personnalité juridique ; un groupement local de coopération transfrontalière, en vue de réaliser des missions et des services qui présentent un intérêtpour chacundesparticipants. Cegroupement local decoopération

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(37) : Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p. 73.

transfrontalière, qui est l’institution la plus nouvelle et la plus originale, est soumis au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la partie contractante où il a son siège. C’est une personne morale de droit public.

Les trois formes de coopération prévues par l’accord d Karlsruhe présentent  de fortes « analogies » avec celles de la convention d’Isselburg-Anholt : conventions de coopération ; création d’organismes dotés ou non de personnalité juridique ; création d’un organisme spécifiquement conçu pour la coopération transfrontalière (38).

Finalement, dans une disposition finale du traité, les signataires s’accordent pour déclarer que les deux commissions intergouvernementales qui sont respectivement la commission germano-franco-suisse sur le suivi et la solution des questions de voisinage et la commission germano-franco-luxembourgeoise, suivront « la mise en œuvre de l’accord dans des conditions à déterminer, étant entendu que l’on prendra en compte le champ d’application géographique de l’accord » (39).

Au terme de la présentation des trois traités, il est possible dresser sommairement une sorte de bilan.

De la convention de Madrid à la signature du traité quadripartite, il est incontestable que de réels progrès ont été accomplis. Ces progrès sont particulièrement spectaculaires en ce qui concerne la reconnaissance de l’importance et de la nécessité de la coopération des collectivités frontalières. La multiplication des accords bilatéraux et multilatéraux est perçue par le Conseil de l’Europe comme « le signe du dynamisme de la coopération transfrontalière » (40).

Néanmoins, de nombreuses contraintes subsistent qui rendent la mise en œuvre d’actions de coopération complexe.

La première d’entre elles découle de l’obligation que l’on retrouve dans tous ces accords de respecter le droit interne applicable aux diverses collectivités et organismes publics locaux. Selon B. Perrin, la permanence de cette obligation « fait de la coopération transfrontalière une aventure, dans la mesure où les initiatives devront louvoyer entre les obligations légales et réglementaires et les différents contrôles existant » (41).

Il est clair qu’« il ne peut y avoir de progrès en matière de coopération transfrontalière sans reculdu droit interne de chaque pays au profit d’un espace juridique communautaire géographiquement délimité, parfaitement adapté aux besoins des collectivités locales transfrontalières » (42). C’est la raison pour laquelle, il faut non seulement l’harmonisation du cadre juridique des différents États dont les collectivités territoriales sont appelées à coopérer, mais mieux encore, la création d’un droit communautaire applicable à ces actions de coopération.

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(38) : Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-29.

(39) : Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, précité, p. 75.

(40) : Rapport explicatif, précité, p. 1007.

(41) : Bernard PERRIN, Coopération transfrontalière des collectivités locales : contenu et limites de l’accord quadrilatéral de Karlsruhe, Rev. Adm., n° 289, 1996, p. 87.

(42) : Idem.

III – La coopération transfrontalière dans le cadre de l’Union européenne 

On constate que le cadre institutionnel et juridique de la coopération transfrontalière est toujours régi par les différents textes nationaux et ceux du Conseil de l’Europe. Le droit communautaire n’a pas offert les formules attendues pour ce type de coopération. L’Union européenne ne s’est pas préoccupéedu sujetqui n’a été abordé ni dans le Traité de Rome, ni dans l’Acte unique, ni dans le Traité de Maastricht (43).

En vertu du principe de subsidiarité, la coopération transfrontalière est laissée sur l’initiative des États.Pour autant, les encouragements en direction des collectivités locales ne font pas défaut dans le cadre du programme Interreg qui recense 31 régionsfrontalièreséligibles. Interreg IIa réservé 2 400 millions d’écus à la coopération transfrontalière, trois domaines d’action devantêtre plus particulièrement privilégiés : la programmation et la mise en œuvre conjointe de programmes transfrontaliers ; l’introduction et la mise en place de structures institutionnelles de mesures visant à améliorer le fluxd’informations de part et d’autre de la frontière ; enfin la mise en place de structuresinstitutionnelles et administratives susceptibles d’encourageret de soutenir la coopération. Le troisième objectif est de loin le plus important car il ne peuty avoir de projet cohérent qui ne soit porté par un groupement de coopérationparfaitement adapté à sa mission.

L’idée maîtresse du programme INTERREG consiste à améliorer l’intégration des zones frontalières intérieures dans un seul marché intérieur et à réduire l’isolement des zones frontalières extérieuresau bénéfice des populations locales concernées. Deux catégoriesdes régions frontalières citées par la « Communication aux États membres fixant les orientations de l’initiative communautaire INTERREG » posent problème : d’une part, les régions frontalières internes à la CEE (îles danoises proches de la frontière allemande par exemple ou îles corse et sarde) et d’autre part, celles qui sont situées aux frontières extérieures à la CEE et donc avec des pays tiers(îles grecques par exemple) (44).

Parmi les douze programmes de coopération transfrontalière adressés par la France à la Commission au titre de l’initiative INTERREG, le programme franco-italien « corso-sarde » est l’un de ceux qui répondent tout à fait aux vues communautaires (45).

Le programme INTRREG prévoit 230 millions de francs dont la moitié financée par les Communautés européennes (46), sur trois ans, pour mettre un ensemble d’actions. Après accord entre les parties corse et sarde, ces actionsont été individualisées en 23 mesuresregroupéeselles-mêmesen cinq sous-programmescorrespondant àcinqaxes

d’intervention.

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(43) : Bernard PERRIN, Coopération transfrontalière des collectivités locales : contenu et limites de l’accord quadrilatéral de Karlsruhe, Rev. Adm., n° 289, 1996, p. 88.

(44) : JOCE n° 215-4 du 30 août 1990, cité Jean-Paul PASTOREL et Claude OLIVESI, La place de la Corse dans la coopération méditerranéenne, l’exemple de la Corse et de la Sardaigne, Rev. Adm. 1990, p. 202.

(45) : La Commission tend à privilégier les zones considérées comme susceptibles de former des entités géographiques uniques. Son souci est désenclaver les zones périphériques, zones isolées à l’intérieur même de leur pays respectif par rapport aux principaux centres d’activités et de prise de décision économique et pourvues d’infrastructures médiocres du fait de leur situation géographique. La Corse et la Sardaigne répondent aux critères d’éligibilité au programme INTERREG par leur situation socio-économique défavorable résultant d’un isolement relatif au sein de leurs économies nationales respectives, et plus généralement à l’intérieur de la CEE. C’est ainsi que la Corse et Sardaigne se sont vues reconnaître cette qualité.(Jean-Paul PASTOREL et Claude OLIVESI, La place de la Corse dans la coopération méditerranéenne, l’exemple de la Corse et de la Sardaigne, p. 203).

(45) :l’Italie : 28,5%, la France : 21,5% et la CEE : 50%

Le premier axe d’intervention regroupe huit mesures destinées à désenclaver l’entité géographique corso-sarde. Il a pour but d’assurer, par un essor des transports maritimes et aériens et par les télécommunications. Le deuxième axe concerne la valorisation de l’espace marin commun : quatre mesures sont prévues pour protéger et valoriser les sites naturels et exceptionnels et pour promouvoir des produits touristiques nouveaux dans le bassin nautique corso-sarde. Troisième axe : cinq mesures susceptibles de favoriser les échanges économiques entre les deux pays de la zone corso-sarde sont proposées. Enfin, les quatrième et cinquième axes s’emploient à développer la coopération scientifique et la connaissance mutuelle entre Corses et Sardes.

Après avoir étudié le cadre juridique européen sur la coopération transfrontalière, nous abordons ensuite celui du droit interne qui est nécessaire pour sa mise en application.

CHAPITRE II -LA MISE EN OEUVRE DE LA COOPERATION

TRANSFRONTALIEREPAR LE DROIT INTERNE

La mise en œuvre de la coopération transfrontalière par le droit interne rencontre plusieurs obstacles surtout sur sa légitimité et son régime juridique qui sont au cœur du débat politique et doctrinal.

I – L’inconstitutionnalité de la coopération transfrontalière : vrai ou faux ?

L’inconstitutionnalité de la coopération transfrontalière des collectivités territoriales est présente dans une série d’arguments soulevés par les opposants hostiles à cette action ou à la construction européenne dont les plus importants sont suivant :

La signature par la France de la convention de Madrid sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales a été considérée par M. Michel Debré comme contraire à la Constitution car elle mettait en cause l’unité de la République et l’autorité de l’État (47)

Le principe constitutionnel du monopole de l’État en matière internationale a aussi souvent été invoqué par ces opposants pour protester contre cette coopération. Ainsi, lorsque fut discuté, en 1981, le futur article 65 de la loi du 2 mars 1982 relatif à la coopération transfrontalière de la région, M. Jean Foyer s’y opposa parce que, « dans notre système constitutionnel, l’exclusivité des compétences internationales appartient à l’État » (48).

Avec le même discours, au moment du débat référendaire sur la ratification des accords de Maastricht, M. Philippe Séguin dénoncera, à son tour, l’Europe des régions, « ce fédéralisme régionaliste (qui) signifierait à coup sûr la fin de notre République et la mort de notre idéal républicain. Ce serait anéantir dix siècles de rassemblement des provinces françaises, dix siècles de lutte contre les féodalités locales, dix siècles d’efforts pour affermirla solidaritéentre les régions, dix siècles d’obstination féconde pour forger,

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(47) : Question écrite n° 31229 d M. Debré, J.O. débat, Asse. Nat., 1er sept. 1980, cité par Miche Prieur, Les bases juridiques de la coopération frontalière locale et régionale, RFDA mai-juin 1985, p.326.

(48) : J. Foyer, J.O. déb.AN, 2e séance du 19 déc. 1981, p. 5290, cité par Bernard Dolez, Le régime juridique de la coopération décentralisée après l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagement et développement du territoire, RFDA sept.-oct. 1995, 938.

de génération en génération, une authentique communauté nationale » (49).

Il faut également noter que M. François Mitterrand s’est exprimé, deux ans auparavant, dans des termes assez proches, en se déclarant, devant le corps préfectoral, que « la France accepte de renoncer à de nombreux aspects de sa souveraineté nationale, comme le font les autres pays, notamment dans la Communauté. Mais elle n’entend pas se dissoudre. Elle ne peut pas être à la fois happée par la construction de l’Europe et confondue par des alliances et des accords qui se noueraient entre régions en ignorant qu’il existe des États, des nations, des traditions culturelles et en réalité historique que j’entends maintenir, que j’entends magnifier, pour éviter tout malentendu et laisser croire aux Français qu’on abandonne ce qui fut l’œuvre de nos ancêtres » (50).

L’argument de l’inconstitutionnalité de cette coopération transfrontalière a été avancé dès le début des années quatre-vingts, mais il a fallu attendre l’année 1995 pour que le juge constitutionnel français fût appelé à se prononcer sur disposition législative de la coopération transfrontalière dans une décision du 26 janvier 1995 (Conseil const. n° 94-358 D.C., J.O., 1995, p. 1706).

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 28 décembre 1994 par soixante députés, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi d’orientation pour l’aménagement du territoire (futur loi 95-115 du 4 février 1995). Il a rendu sur cette saisine la décision 94-358 DC du 26 janvier 1995.

En ce qui concerne l’article 83 de cette loi, qui a inséré deux articles nouveaux, 133-1 et 133-2 dans la loi du 6 février 1992, les auteurs de la saisine faisaient valoir contre la disposition de l’article 133-1. Les arguments de cette saisine sont développés de manière très brève : incompétence négative du législateur, du fait de l’absence de précisions suffisantes sur les conditions de l’autorisation par le gouvernement de l’adhésion de collectivités françaises à des personnes morales au fonctionnement réglé par un droit étranger et soumises à la juridiction de tribunaux étrangers ; violation du principe de la souveraineté nationale ; violation des articles 34 et 72 de la Constitution, qui réservent à la loi française le soin de régir la libre administration des collectivités territoriales françaises.

Le Conseil constitutionnel a décidé la constitutionnalité des dispositions de l’article 83 en se fondant sur deux groupes de considérations :

- d’une part, le Conseil relève longuement et systématiquement l’ensemble des conditions légales de l’adhésion de collectivités locales françaises à un organisme public de droit étranger ou à leur participation au capital d’une personne morale de droit étranger, ayant « pour objectif exclusif, dans le cadre de la coopération transfrontalière, l’exploitation d’un service public ou réalisation d’un équipement local intéressant toutes les collectivités participantes », et ce « dans le respect des engagements internationaux de la France » ;

- d’autre part, le juge constitutionnel relève qu’aux termes de l’article 133-2, « aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un État étranger ». « Dans ces conditions, de tellesadhésions (…) ouparticipations (…) ne sontpasde natureà porteratteinte aux

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(49) : Ph. Séguin, Discours pour la France, Grasset, 1992, p. 46, cité par Bernard Dolez, p. 938.

(50) : François Mitterrand, Allocation prononcée lors de la réception offerte en l’honneur du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, jeudi 29 novembre 1990, service de presse de la présidence de la République, p. 8, cité cité par Bernard Dolez, Idem.

conditions essentielles de l’exercice de la souveraineté ; (…) le législateur ne saurait être regardé comme ayant méconnu sa propre compétence (…) ».

La constitutionnalité de la coopération transfrontalière a été rattachée au principe de libre administration des collectivités territoriales de la République, qui découle de l’article 72 de la Constitution. L’article 72 de la Constitution prévoit que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus ». Celasignifie que ces collectivités peuvent gérer de façon autonome leurs affaires propresmême de leurs actions de coopération transfrontalière. Bien entendu comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 février 1982, la libre administration s’entend sous réserve des prérogatives de l’État et le nouveau statut législatif prévu à l’article 72, alinéa 3 de la Constitution pour assurer le respect des lois et la sauvegarde des intérêts nationaux.La limite de la compétence des collectivités locales en matière transfrontalière est donc située au niveau de la sauvegarde des intérêts nationaux.

L’importance de l’alinéa 3 de l’article 72 de la Constitution a été confirmée par l’avis n° 356381 émis le 25 octobre 1994 par la section de l’intérieur du Conseil d’État. Saisi par le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et par le ministre des Affaires étrangères sur le régime juridique applicable aux conventions passées entre des collectivités territoriales françaises et étrangères, par application de l’article 131 de la loi 92-125 du 6 février 1992 (aujourd’hui : art. L. 1112-1 du C.C.T.), ainsi que les recours ouverts aux préfets contre les contrats régis par le droit du partenaire étranger, la section de l’intérieur a répondu que : « Le régime juridique applicable aux conventions conclues, par application du I de l’article 131 de la loi du 6 février 1992(…) est défini, cas par cas, par les conventions elles-mêmes. Ces conventions ne constituent pas des engagements internationaux au sens du titre VI de la Constitution, ne sauraient déroger aux règles de légalité interne. Il appartient au délégué du gouvernement, compétent en vertu du 3e alinéa de l’article 72 de la Constitution, de veiller, en utilisant les pouvoirs que lui confèrent les lois du 5 juillet 1972 et du 2 mars 1982 (…) au respect de ces règles, et notamment de celles qui organisent le contrôle sur les collectivités territoriales, tant dans les conventions elles-mêmes que dans les mesures prises pour leur application. Il lui revient en particulier de vérifier que les collectivités territoriales et leurs groupements respectent les limites de leurs compétences et les engagements internationaux de la France expressément mentionnés par l’article 131 précité ».

Le Conseil d’État a confirmé que les conventions de coopération décentralisée prévues par l’article 131 de la loi 92-125 du 6 février 1992 (aujourd’hui, art. L.1112-1 du C.C.T.) « ne constitue pas des engagements internationaux au sens du titre VI de la Constitution ».

A la question de savoir si la Constitution s’opposait ou non à ce que l’État s’engage à promouvoir la conclusion des arrangements prévus par la convention de Madrid et les accords bilatéraux interétatiques prévus par cette convention, l’Assemblée générale du Conseil d’État avait toutefois répondu en s’appuyant sur les articles 2 (unité de la République), 20 (détermination et conduite de la politique de la Nation par le gouvernement), 52 (négociation des traités par le Président de la République), 55 (supériorité des traités sur la loi) et 72 (libre administration des collectivités territoriales) de la Constitution, que les termes du projet ne porte pas atteinte à la compétence fondamentale de l’État ni à l’ordre des pouvoirs au sein de la République (50)

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(50) : Avis du Conseil d’État du 16 mai sur la future convention de Madrid, cité parChristian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-10.

L’article 131-1, alinéa 1, de la loi du 6 février 1996 consacre ces analyses. Il prévoit en effet que « les collectivités territoriale et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ». Ainsi, le principe du monopole de l’État en matière internationale est définitivement écarté. Et la thèse selon laquelle la coopération décentralisée est un mode d’exercice des compétences locales est définitivement consacrée, dans la mesure où le législateur prévoit expressément que les collectivités territoriales peuvent conclure des conventions « dans la limite de leurs compétences ».

Il est donc claire q’une collectivité locale ne pourrait ni négocier, ni signer un accord international engageant l’État. Mais la Constitution ne mentionne que les intérêts nationaux et les relations interétatiques, elle n’interdit nullement des accords portant sur des intérêts locaux ou régionaux passés par des collectivités locales dans le cadre de relation de voisinage. Comme cela a été démontré par J.-M. Woehrling la coopération transfrontalière locale qui traite des relations de voisinage ne relève des règles constitutionnelles relatives aux relations interétatiques (51). Donc, dans le cadre de leurs compétences de droit interne, les collectivités locales pourraientpasser des accords ou contrats avec des collectivités étrangères ayant les mêmes compétences, comme elles le feraient avec d’autres collectivités locales de leur ordre juridique national. On pourrait même considérer que l’intervention de l’État dans le domaine de la coopération transfrontalière locale est un empiètement des autorités chargées des relations diplomatiques sur les compétences propres des collectivités locales.

Enfin on constate que « les auteurs favorables au développement de la coopération transfrontalière ont travaillé en deux directions. D’une part, ils se sont attachés à montrer que la coopération décentralisée n’est pas une compétence nouvelle des collectivités territoriales, mais un mode d’exercice des compétences locales. D’autre part, ils ontessayé d’éclairer la portée du monopole de l’État en matière internationale : celui-ci ne signifie pas que l’État est la seule personne juridique qui puisse nouer des relations avec des personnes publiques étrangères. Il signifie simplement que l’État est la seule personne publique de droit français susceptible de se placer sous l’empire du droit international public, et de conclure des traités avec des États étrangers ou des organisations internationales. En conséquence, il n’interdit pas aux collectivités territoriales de conclure des conventions de coopération transfrontalière, pourvu que celles-ci échappent au droit international public » (52).

Aujourd’hui, la coopération transfrontalière collectivités territoriales est devenue une question banale et a été largement reconnue par les textes de droit interne. Leur régime juridique est de plus en plus perfectionné par l’État et les collectivités territoriales.

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(51) : J.-M. Woehrling, Problèmes juridiques de la coopération entre autorités et collectivités régionales ou locales de régions frontières contiguës, O.C.D.E., 7 oct. 1977, cité par Miche Prieur, Les bases juridiques de la coopération frontalière locale et régionale, RFDA mai-juin 1985, p.326.

(52) : Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-11 et s.

II – Le régime juridique de la coopération transfrontalière

Le régime juridique de la coopération transfrontalière est régi par plusieurs textes de droit interne qui se sont très développés depuis ces dernières années. Ces textes prévoient de nombreuses modalités et de divers mécanismes afin de faciliter et de recevoir un bon résultat de cette coopération.

A . Le développement des textes législatifs et réglementaires

Les textes législatifs et réglementaires sur la coopération transfrontalière des collectivités locales se développent de façon suivante :

Les textes législatifs :

Tout d’abord, c’est la loi du 2 mars 1982 relative à la décentralisation qui a prévu, par son article 65, que « le conseil régional peut décider, avec l’autorisation du gouvernement, d’organiser à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région ».

D’après cette disposition, on peut constater que la coopération transfrontalière prévue à cette époque était très restrictive. Seules les régions françaises (et non les communes et départements) étaient concernées par cette disposition, et les seuls partenaires envisagés étaient des collectivités décentralisées étrangères (et non des personnes de droit privé ou d’autres personnes de droit public, ni des États). La seule forme de coopération envisagée était celle de contacts réguliers à proximité immédiate de la frontière. Ces contacts réguliers ne pouvaient avoir qu’une finalité de concertation ; ils supposaient l’autorisation gouvernementale. Cet article 65 a été abrogé par l’article 131, II, de la loi du 6 février 1992.

Ensuite, c’est la loi du 23 décembre 1983 qui autorise l’approbation de la convention cadre de Madrid sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales.

Dans un premier temps, le gouvernement français a envisagé de ne pas signer la convention de Madrid, qui lui paraissait soulever des questions d’ordre constitutionnel. Toutefois, le gouvernement se déclarait favorable au développement de la coopération transfrontalière entre collectivités locales « dans le cadre d’accords bilatéraux intergouvernementaux » (53).

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(53) : « M. Michel Debré de mande à M. l Ministre des Affaires étrangères si son attention a été attirée sur le projet de convention cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales dont l’esprit et de nombreuses dispositions paraissent contraires à la Constitution et mettent en cause l’unité de la République aussi bien que l’autorité de l’État. Il lui demande quelles sont ses intentions au regard de ce projet. » En réponse, le gouvernement français a indiqué qu’il « n’a pas l’intention de signer la convention cadre européenne sue coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, récemment ouverte à la signature et qui, sous sa forme actuelle, soulève effectivement des questions d’ordre constitutionnel. Le gouvernement est favorable au développement d’une coopération transfrontalière entre collectivités locales, à condition, toutefois, que soient respectées les dispositions de la Constitution ainsi que les limites de compétence des collectivités concernées. Une telle coopération devait donc s’effectuer dans le cadre d’accords bilatéraux intergouvernementaux », cité par Rinaldo LOCATELLI, La décentralisation de la coopération transfrontalière en Europe, Pouvoirs – 19, 1981, p. 65.

La déclaration française du 10 novembre 1982, ultérieurement qualifiée de réserve par diverses autorités françaises et notamment le Délégué pour l’action extérieure des collectivitéslocales,paraissaitclairementcontradictoireaveclasituationlégislative depuis la loidu 6 février 1992, car elle laissait planer un soupçon d’illégalité sur les actions de coopération transfrontalière, en l’absence d’accord bilatéral entre les gouvernement ou de retrait de cette déclaration.

La situation a rapidement évolué en deux directions, d’ailleurs contradictoires. Par une note du 26 janvier 1994 auprès du secrétaire du Conseil de l’Europe, la France a retiré la réserve qu’elle avait faite lors de la signature du protocole. Cependant, la pratique des traités bilatéraux préconisée par la réserve n’a pas cessé de se développer. Une série de traités bilatéraux ont été ainsi signés avec l’Italie (accord du Rome du 26 novembre 1993), l’Espagne (traité de Bayonne du 10 mars 1995) et l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse (accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996). Malgré le retrait de la réserve français, de tels accords préalables étaient d’ailleurs formellement nécessaires pour ce qui concerne l’Espagne et l’Italie, du fait des réserves émises par ces deux pays lors de leur ratification de la convention de Madrid. Ces accords préalables présentent également l’avantage de permettre le recours à des instruments de coopération ouverts ou créés par l’accord.

Puis, c’est la loi sur l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 qui a créé un progrès très significatif pour la coopération transfrontalière, par rapport à l’article 65 de la loi du 2 mars 1982. C’est dans un titre IV intitulé « De la coopération décentralisée » que se trouve cette avancée. Les dispositions de ce titre IV ont été intégrés par voie de codification dans code général des collectivités territoriales sous un titre unique intitulé : « Libre administration des collectivités territoriales », chapitre II « Coopération décentralisée » article L. 1112-1 à L. 1112-7. L’article L. 1112-1 dispose : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. 

Les conventions ainsi conclues sont soumises aux règles applicables aux actes des collectivités locales. Elles entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions prévues par les articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du C.C.T. Les dispositions de l’article 2131-6 sont applicables à ces conventions ».

Désormais, les communes, les départements, les régions et leurs groupements ont la capacité de contracter avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements ; ce qui n’est pas le cas de la loi du 2 mars 1982.

L’article 133 (aujourd’hui art. L. 1112-2 du C.C.T.) de la loi du 6 février 1992 permet la création des groupements d’intérêt public pour mettre en œuvre et gérer ensemble, pendant une durée déterminée, toutes les actions requises par les projets et programmes de coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales appartenant à des États membres de la Communauté européenne. Il ajoute que « les collectivités locales appartenant à des États membres de la Communauté économique européenne peuvent participer aux groupements d’intérêt public » ainsi constitués.

Quant à son article 132 (art. L. 1522-1 du C.C.T.), il autorise la participation d’autorités locales étrangères à des organismes liés aux collectivités locales françaises : sociétés d’économie mixte locales (S.E.M.L.) avec participation de collectivités locales étrangères. La loi prévoit également, par son article 134 (art. 1112-6 du C.C.T.) la création d’une commission nationale de coopération décentralisée.

Enfin, c’est la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 qui joue un rôle important pour la coopération transfrontalière. C’est l’importance de cette coopération transfrontalière pour l’intégration européenne et la politiqued’aménagementduterritoirequiaconduitle législateurfaciliterla miseen 

œuvre des actions de coopération de ce type grâce à des instruments appropriés. Cette loi se présente, avec son article 65, comme une modification du titre IV de la loi du 6 février 1992 en introduisant deux nouveaux articles dans celle-ci.

L’article 133-1 (aujourd’hui art. L. 1112-4 du C.C.T.) permet aux collectivités territoriales françaises et à leurs groupements d’adhérer « à un organisme de droit public étranger ou de participer au capital d’une personne morale de droit étranger », dans des conditions précisées par la suite de cet article et soumettant notamment toute adhésion ou participation à une autorisation par décret en Conseil d’État. Cette disposition reprend en le développant une disposition prévue dans l’article 66 de l’avant-projet de la loi 1992, qui permettait aux collectivités locales françaises la possibilité de participer à un établissement public de droit étranger (54). Ce nouvel article rétablit l’équilibre avec les articles 132 et 133 qui n’avaient envisagé que la participation d’autorités locales étrangères à des organismes français, S.E.M.L. ou G.I.P.

Il est important de savoir que cette loi a été déférée au Conseil constitutionnel par les parlementaires de l’opposition de l’époque qui estimaient que le législateur avait méconnu les limites de sa compétence en permettant aux collectivités locales et à leurs groupements d’adhérer à un organisme public de droit public étranger ou de participer au capital d’une personne morale de droit étranger. Les auteurs de la saisine estimaient que cette autorisation méconnaît la souveraineté nationale, le principe de libre administration des collectivités locales, et la compétence que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution.

Selon le Conseil constitutionnel, la faculté reconnue aux collectivités locales ne pouvait apparaître ni comme une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence, ni comme une violation du principe de libre administration des collectivités locales et que la loi ne mettait pas en cause « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté » (55). Le Conseil constitutionnel a permis les collectivités locales de passer avec leurs partenaires étrangers des conventions ayant objet de gestion d’un service public, réalisation d’un équipement local. Cependant, il a posé des conditions de procédures et des contrôles pesant sur ces conventions, notamment l’interdiction de passer des conventions avec un État étranger. Par conséquent, l’article 133-2 (aujourd’hui art. L. 1112-5 du C.C.T.) inscrit pour la première fois dans un texte législatif le principe (constamment réaffirmé par l’administration de l’État et notamment à l’annexe I de la circulaire du 10 mai 1985) à savoir qu’une convention ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un établissement public territorial français et un État étranger.

Ces textes législatifs sont développés de manière constante vers une adaptation et un renforcement de la coopération transfrontalière qui est un facteur important pour la construction de l’Europe et le développement de la décentralisation par la grande reconnaissance des pouvoirs locaux.

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(54) : Article 66 de l’avant projet : « Les communes, les départements, les régions et les fédérations de régions peuvent participer à la création d’établissements publics de coopération transfrontalière soumis à un droit étranger et prévus par un accord conclu à cet effet entre la France et l’État considéré (…), cité par Christian AUTEXIER, De la coopération décentralisée (commentaire du titre IV de la loi d’orientation du 6 février 1992), RFDA mai-juin 1993, p.418.

(55) : Décision 94-358 du 26 janvier 1995, J.O. 1er février 1995, citée par Michel ROUSSET, L’action international des collectivités locales, L.G.D.J, Coll. Systèmes, 1998, p. 45.

Les textes réglementaires :

Les textes réglementaires concernant la coopération transfrontalière des collectivités territoriales sont peu nombreux. La plupart de ces textes sont des circulaires des Premiers ministres qui sont prises à partir de 1983. Ces circulaires ont pour but d’encadrer le phénomène de prise de contact des collectivités avec des partenaires extérieures que constituaient l’article 65 de la loi 2 mars 1982 et la convention de Madrid.

Premièrement, c’est la circulaire du 10 mai 1985 du Premier ministre L. Fabius, relative à l’action extérieure des collectivités locales, qui reconnaît l’utilité d’actions extérieures. L’annexe I de cette circulaire, relative aux aspects juridiques de l’action extérieure des collectivités locales, recense les textes applicables aux relations extérieures de l’Etat et aux relations transfrontalières entre États. Puis, elle constate que les seules dispositions conventionnelles et législatives applicables aux relations extérieures des collectivités locales ne concernent que les contacts réguliers entre régions ayant une frontière commune (l’article 65 de la loi du 2 mars 1982 « ne s’applique ni aux communes ni aux départements »), ou les relations de voisinage entre collectivités territoriales françaises et étrangères au niveau infra-étatique. Les autres initiatives des collectivités territoriales doivent s’apprécier « en fonction des principes fondamentaux des lois de la République applicable aux collectivités territoriales » : principe de libre administration (art. 72 de la Constitution et art. 1er de la loi du 2 mars 1982), principe de spécialité et d’intérêt local.

Les limites de ces actions résultent des principes d’invisibilité de la République et de souveraineté nationale, des attributions confiées à l’État par la Constitution et par la loi, de l’application des engagements internationaux de l’État, des compétences exercées par d’autres collectivités territoriales…

Deuxièmement, il s’agit des deux annexes V et VI de la circulaire du 12 mai 1987 du Premier ministre J. Chirac, qui prévoient la participation des élus aux travaux des commissions interétatiques de coopération transfrontalière et de la mise en œuvre de la convention de Madrid.

La première permet aux préfets de proposer l’association d’élus locaux en qualité d’experts aux travaux des commissions gouvernementales proprement dites.

La seconde précisait l’articulation de l’article 65 de la loi du 2 mars 1982, supprimé depuis lors par la loi du 6 février 1992, et de la convention de Madrid. Elle précisait notamment que l’article 65 ne s’appliquait qu’aux relations de contiguïté des régions, la notion de contiguïté étant plus étroite que celle de voisinage au sens de la convention. Elle réduisait donc le champ d’application de l’article 65 en rappelant la priorité de la convention en vertu de l’article 55 de la Constitution dans le cas où les deux textes seraient également applicables. Elle rappelait enfin la nécessité d’accords interétatiques pour l’application en France de la convention.

D'après M. Bernard Dolez (56), l’annexe I de la circulaire du 10 mai 1985 était illégale car elle restreignait la liberté des collectivités (le principe de libre administration de l’article 72 de la Constitution) en leur interdisant de contracter avec des États étrangers ou une organisation internationale.

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(56) : Cité par Christian AUTEXIER, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, Encyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1996-2, p. 4408-18.

Pour cet auteur, ces « dispositions contestables relatives à l’interdiction de nouer des relations avec des États étrangers doivent (…) être supprimées. Celles relatives à l’article 65 n’ont plus lieu d’être ». Il propose qu’il faille donc modifier ou abroger les dispositions de cette circulaire et rédiger rapidement une nouvelle circulaire pour tenir compte de la loi du 6 février 1992 et des nouveaux développements de la pratique des collectivités territoriales.

B . Les acteurs de la coopération transfrontalière

1. Du côté français

Le deuxième alinéa du II de l’article 4 de la loi 72-619 du 1972, plus connu comme l’article 65 de la loi du 2 mars 1982 n’a autorisé que les régions à conclure des conventions avec des collectivités étrangères. En revanche, l’article 131 de la loidu 6 février 1992 (aujourd’hui art. L.1112-1 C.C.T.) a établi un régime de coopération transfrontalière valable pour toutes les collectivités françaises. La possibilité de passer des conventions est ouverte aux communes, aux départements, aux régions et à leurs groupements, qu’ils s’agissent de groupements intercommunaux, des ententes départementales ou régionales ou des syndicats mixtes.

Si la loi vise ainsi les établissements territoriaux, elle ne couvre pas normalement les établissements publics locaux. Mais, cette circonstance n’interdit pas d’ouvrir la convention de coopération transfrontalière à un établissement public local ou à une association privée bénéficiant par convention d’une délégation de maîtrise d’œuvre de la part d’une collectivité locale, celle-ci conservant la responsabilité de sa coopération transfrontalière. Cette possibilité d’associer au moins des établissements publics locaux peut être prévue par des dispositions particulières. C’est ainsi que l’article 2 de l’accord de Karlsruhe du 23 janvier 1996 déclare celui-ci applicable « en République française, à la région Alsace et à la région Lorraine, aux communes, aux départements et à leurs groupements compris sur le territoire desdites régions, ainsi qu’à leur établissements publics dans la mesure où des collectivités territoriales participent à cette coopération transfrontalière ».

L’État participe à des conventions entre des collectivités locales et des partenaires étrangers lorsque l’objet des conventions déborde le cadre des compétences des collectivités locales françaises ou la nature du partenaire étranger ne permet pas d’exclure qu’il entre dans le champ de l’exclusion formulée par l’article L. 1112-5 du Code général des collectivités territoriales introduit par la loi du 4 février 1994 qui prévoit qu’ « aucune convention, de quelle nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un État étranger ».

2. Du côté étranger

L’article L. 1112-1 du Code général des collectivités territoriales vise les collectivités locales étrangères et leurs groupements. La circulaire du 26 mai 1994 explicite cette catégorie par référence à l’article 2, alinéa 2, de la convention de Madrid : « collectivités, autorités ou organismes exerçant des fonctions locales ou régionales et considérés comme telles dans le droit interne de chaque État ».

Il faut évidemment que l’autorité locale étrangère dispose dans son ordre juridique national de la capacité de passer des conventions de coopération transfrontalière. Le niveau de cette autorité locale étrangère dans la structure des institutions administratives de son pays n’est pas réglé par la loi de 1992. Il suffit simplement pour le partenaire étranger comme pour la collectivité française que l’objet de la convention entre dans le champ de ses compétences.

L’article L. 1112-4 prévoit que les collectivités territoriales françaises et leurs groupements pourraient conclure des conventions avec des organismes privés étrangers. Cet article permet la participation des collectivités territoriales françaises au capital d’une personne morale de droit étranger ayant pour objet exclusif d’exploiter un service public ou de réaliser un équipement local. La participation est alors soumise à autorisation par décret en Conseil d’État.

Il paraît difficile de tirer de cette disposition la conclusion d’une interdiction de principe de contracter avec d’autres organismes privés de droit étranger. Il appartient, dans ce cas,au préfet « d’examiner au cas par cas les délibérations qui les concernent et, le cas échéant, de les déférer au tribunal administratif ».

C . L’aptitude de contracter et le contrôle de l’État

L’article L. 1112-1 du Code général des collectivités territoriales dispose : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. Ces conventions entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2. Les dispositions de l’article L. 2131-6 sont applicables à ces conventions ».

1- L’aptitude de contracter

L’apport essentiel de cette disposition est la reconnaissance législative du « droit de contracter » aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Cette reconnaissance est accordée pour toutes opérations de coopération transfrontalière.

Les conventions de coopération transfrontalière doivent être conclues par les collectivités locales « dans le cadre de leur compétence ».

La coopération transfrontalière ne constitue pas une compétence particulière des collectivités locales, mais une forme particulière que prend l’exercice d’une compétence dévolue ratione materiae à une collectivité locale, lorsque celle-ci juge utile dans le cadre de cette compétence d’entrer en contact avec un partenaire relevant d’un ordre juridique extérieur à l’ordre juridique national français (57).

D’après la circulaire du 26 mai 1994, « ces dispositions constituent une modalité particulière de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et non une compétence nouvelle. Les collectivités locales ne peuvent donc pas mener des actions avec des collectivités territoriales en dehors des compétences qui leur sont reconnues par la loi. Les groupements ne peuvent exercer une action avec des collectivités territoriales étrangères que dans le strict cadre des compétences qui leur ont été transférées… » (58).

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(57) : AUTEXIER, De la coopération décentralisée (commentaire du titre IV de la loi d’orientation du 6 février 1992), RFDA mai-juin 1993, p.416.

(58) : Circulaire du ministre de l’Intérieur du 26 mai 1994 relative à la coopération des collectivités territoriales françaises avec des collectivités territoriales étrangères, p. 3 (Texte annexé au rapport d’activité 1994-1995 du Délégué pour l’action extérieure des collectivités locales).

Cette circulaire précise encore que « les autorités administratives ne peuvent pas contracter en matière de police, ni s’engager conventionnellement sur les modalités d’organisation du service public administratif ou sur la délimitation du domaine public naturel ».

Enfin, les conventions de coopération transfrontalière doivent être conclues « dans le respect des engagements internationaux de la France ».

Depuis le retrait par la France le 26 janvier 1994 de sa déclaration/réserve à la Convention de Madrid, la conclusion de conventions de coopération transfrontalière n’est soumise à aucune exigence de conclusion d’un accord interétatique préalable. Mais l’exigence d’une convention interétatique préalable peut résulter du droit national de la collectivité partenaire parce que le pays dont relève la collectivité partenaire a assorti sa signature de la convention de Madrid de la réserve permise par l’article 3, paragraphe 2, de cette convention. Tel est le cas de l’Italie et de l’Espagne.

2 - Le contrôle de l’État

L’alinéa 2 de l’article L. 1112-1 du Code général des collectivités territoriales paraît avoir pour effet de soumettre toutes les conventions de coopération transfrontalière au droit commun du contrôle de légalité en prévoyant que ces conventions entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l’État dans les conditions fixées aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 et que les dispositions de l’article L. 2131-6 leur sont applicables.

Les principaux résultats de ce contrôle sont les suivants :

L’État a les pouvoirs voulus pour imposer le respect des compétences propres que les textes et la constitution lui reconnaissent en matière diplomatique. Il peut faire censurer toute action des collectivités locales qui serait entretenue directement avec un État étranger ou une organisation internationale intergouvernementale.

L’État peut veiller à ce que les actions locales extérieures s’inscrivent bien dans le cadre des compétences qui sont reconnues aux collectivités territoriales. Il peut faire aussi respecter l’application des engagements internationaux de la France.

Avant toute signature d’une convention, le signataire français, maire ou président, doit être préalablement autorisé à conclure la convention par une délibération de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale (ou groupement) concernée.

A ce stade, la convention non encore signée doit figurer lors de la transmission pour contrôle de légalité de la délibération parmi les documents annexes nécessaire, afin de permettre aux préfets d’apprécier la légalité de la délibération portant sur l’autorisation de conclure. La circulaire du 26 mai 1994 rappelle que les préfets ont ainsi dès ce stade la possibilité de présenter à titre officieux des observations éventuelles sur le projet de convention.

Après la signature par l’ensemble des parties contractantes, les conventions de coopération transfrontalière sont soumises à l’obligation de transmission et de publicité. C’est cette transmission qui est envisagée par le texte de l’article L. 1112-1 (sur la transmission au préfet des actes des collectivités locales). La publication dans les conditions du droit commun, c’est à dire par affichage et publication au recueil des actes administratifs, concerne alors le texte de la convention signée et non plus la seule délibération autorisant la passation de la convention.

Dans le cadre du contrôle de légalité, aussi bien la délibération autorisant la passation de la convention (non encore signée) que le texte de la convention peuvent être déférés au juge administratif dans les conditions de droit commun prévues à l’article 3 de la loi 2 mars 1982 relatif au déféré préfectoral.

D . Le droit applicable

L’article L. 1112-1 du Code général des collectivités territoriales permet aux collectivités territoriales et leurs groupements de placer leur coopération transfrontalière sous l’empire du droit français ou d’un droit étranger. Des évolutions plus récentes comme l’accord de Rome, le traité de Bayonne ou l’accord de Karlsruhe ne font que confirmer ce choix.

Dans son avis du 25 octobre 1994, la section de l’Intérieur du Conseil d’État confirme que le régime juridique des conventions de coopération transfrontalière de l’article 131 de la loi du 6 février 1992 (aujourd’hui : art. L. 1112-1 du C.C.T.) « est défini, cas par cas, par les conventions elles-mêmes ». Concernant la participation de collectivités territoriales françaises et de leurs groupements à des organismes de coopération transfrontalière régis par le droit étranger, la section de l’Intérieur suggérait de solliciter une étude plus approfondie de la section du rapport et des études. Cette suggestion a perdu une partie de son effet avec l’adoption le 4 février 1995 de l’actuel article L. 1112-4 du Code général des collectivités territoriales.

Les articles L. 1112-2 et L. 1522-1, alinéa 3 et 4 du code permettent, dans la même logique, la participation de collectivités territoriales à des personnes morales de droit public (G.I.P.) ou de droit privé (S.E.M.L.) français. Symétriquement, l’actuel L. 1112-4 permet depuis 1995 aux collectivités françaises de placer sous un régime de droit étranger leur coopération transfrontalière ayant pour objet d’exploiter un service public ou de réaliser un équipement local.

On rappellera à ce propos de cet article L. 1112-4 que, selon le Conseil constitutionnel (59), c’est l’organisme de coopération et non la collectivité qui est régi par le droit étranger.

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(59) : Décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIEME PARTIE

 

 

LES INSTRUMENTS INSTITUTIONNELS DE LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE

Les bases juridiques de la coopération transfrontalière existent bien dans l’ordre juridique interne et européen, parallèlement les instruments institutionnels pour la mise en oeuvre de cette coopération sont les moyens indispensables.

On remarque que la coopération transfrontalière s’exprime fortementpar le biais des organismes institués tant au niveau national (chapitre I ) qu’au niveau local. 

Avant l’adoption de la loi du 6 février 1992, il n’existait pas d’instrument spécifique pour la coopérationtransfrontalière. Les collectivités en étaient réduites à se collaborer au sein d’une conférence ou, au mieux, à créer une association (60) .

Cesstructures de coopération transfrontalière sont dépourvues de la personnalité juridique. L’exercice des compétences des collectivités locales étaient très limitée.

La loi du 6 février 1992 a confié aux collectivités locales la capacité de contracter avec des autorités locales étrangères (art. 131 ou L. 1112-1 du C.C.T.). Elle a égalementproposé des instruments spécifiquespour la coopération transfrontalière décentralisée : la société économie mixte, les groupements d’intérêt public (chapitre II ).

CHAPITRE I – LA PRESENCE DE L’ETAT DANS LA COOPERATION

 TRANSFRONTALIERE

Dans le cadre de la relation internationale, on aperçoit que le rôle de l’Etat dans la coopération transfrontalière estintéressant car il se comporte parfois directementcomme l’acteur principal et parfois il joue un rôle de guidage de la création des instruments de coopération transfrontalière par le biais des accords internationaux (I ). L’Etat intervient aussidans la coopération transfrontalière au niveau local de manière indirecte par les moyens de certains organismes centraux ( II ).

Au niveau central, il n’a y pas d’organismes propres à la coopération transfrontalière; cependant il existe des organismes chargés de la coopération de manière généraledont la coopération transfrontalière fait partie. 

I – La coopération transfrontalière dans le cadre de la relation

interétatique

En matière de coopération transfrontalière, il existe de longue date une tradition de coopération interétatique au sein d commissions de voisinage instituées par des accords entre les Etats. A proprement parler, il ne s’agit pas ici de coopération décentralisée, mais 

d’une coopération entre sujets du droit international et relevant du seul droit international public. Les accords de coopération interétatique de voisinage frontalier doivent néanmoins être évoqués ici.La coopération transfrontalière dans le cadre de la relation interétatique est fait normalement par la commission interétatique.

Ces accords interétatiques de coopération transfrontalière ont des objets et des formes extrêmement variés. L’objet peut tout aussi bien porter sur la construction d’un pont routier ou une autorisation de prélèvement d’eau que sur l’assistance mutuelle en cas de catastrophe. La forme peut être celle d’un traité international, mais aussi celle d’accords en forme simplifiée : échange de lettres, de notes et arrangements.

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(60) : Bernard Dolez, Le régime juridique de la coopération décentralisée après l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, RFDA 11 sept.-oct. 1995, p. 941.)

Quelques-uns de ces accords ont un objet plus ambitieux, à savoir la mise en place d’une structure de consultation régulière sur les problèmes de coopération politique régionale dans la zone frontalière ; même si toutes ne fonctionnent pas avec la même intensité, on peut relever les structures suivantes de ce type aux frontières françaises : 

-la Commission franco-belge pour l’aménagement des régions frontalières (compte

tenu de la réunion franco-belge du 17 juin 1970) ;

-la Commission Sarre-Lor-Lux, créée sous forme de commission franco-allemande

le 19 juillet 1970, élargie au Luxembourg par l’entrée de celui-ci le 2 mai 1971 et finalement consacrée par un échange de lettres du 16 octobre 1980 entre les trois gouvernements intéressés (décret 81-929 du 9 octobre 1981, j.o., 16 octobre) ;

-la Commission intergouvernementale franco-germano-suisse pour la résolution des

problèmes de voisinage, constituée par l’accord de Bonn du 22 octobre 1975 ; trois instruments de coopération transfrontalière ont été créés (61) : la commission intergouvernementale franco-germano-suisse ; le Comité Tripartite et le Comité Bipartite.

-la Commission mixte consultative franco-suisse ;

-la Commission franco-italienne (échange de lettres franco-italiennes du 20 janvier

1981 ;

-la commission franco-espagnole (échange de lettres franco-espagnoles des 30 mai

et 17 juillet 1875). On notera aussi, qu’en accompagnement du traité de Bayonne du 10 mars 1995, un échange de lettres est intervenu à Foix le 21 octobre 1994 pour créer une commission (gouvernementale) franco-espagnole de coopération transfrontalière entre collectivités territoriales (J.O., 1995, p. 3763).

Ces accords ne précisent habituellement pas la composition des organes ainsi créés.

On trouve le plus souvent une structure à deux niveaux, avec une commission intergouvernementale proprement dite (commission faîtière) et une ou des commissions régionales, parfois complétées de groupes de travail spécialisés.

Depuis quelques années, le Délégué pour l’action extérieure des collectivités locales préside les délégations françaises dans les commissions inter-gouvernementales pour les questions de voisinage.

Les élus locaux ne sont pas membres naturels de telles commissions interétatiques. Mais les élus locaux ont la possibilité d’y associer en qualité d’experts (l’annexe V de la circulaire du 12 mai 1987).

La coopération transfrontalière dans ce cadre semble exclure le rôle des collectivités locales car elles n’y sont pas directement parties prenantes, même si l’identité des champs géographiques concernés est indiscutable. On a également remarqué qu’il y avait souventl’imbrication des questions évoquées avec des matières relevant de la compétence de collectivités territoriales.

L’expérience sur le terrain donne le sentiment d’un certain désintérêt des collectivités locales françaises et de leurs partenaires étrangers potentiels enversces commissions interétatiques de coopération transfrontalière, en raison précisément de leur caractère étatique. Il s’agit pourtant de la seule structure susceptible de traiter rapidement les problèmes transfrontaliers relevant de la compétence exclusive ou conjoint de l’Etat (62)

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(61) :  Christian Autexier, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, précité, 1996-2, p. 4408-24.

(62): André WEBER, La coopération transfrontalière : l’exemple de la région d’Alsace, CNFPT, n° 30, 1990. p. 142.

II – Les institutions centrales et la coopération transfrontalière

Avant même la reconnaissance officielle de la légitimité de l’action internationale des collectivités locales, l’Etat avait manifesté l’intérêt qu’il lui portait par diverses initiatives d’instituer les organismes chargés de la coopération (63)

Ainsi en 1983 avait été créée par décret, la fonction de délégué pour l’action extérieure des collectivités locales.

Mais la loi du 6 février 1992 va plus loin ; elle crée une commission nationale de la coopération décentralisée.

A – Le délégué pour l’action extérieure des collectivités locales

Le délégué a été créé par la circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983. Il est placé auprès du secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, le délégué s’est avéré particulièrement important en raison du fait qu’il constitue le maillon permanent du dispositif d’accompagnement de la coopération décentralisée mis en place par l’Etat (64) .

Le délégué n’a pas été créé spécifiquement pour s’occuper des questions de la coopération transfrontalière. Il s’occupe l’action extérieure des collectivités locales de manière générale ; on peut dire ainsi que cet organisme s’occupe aussi des questions de la coopération transfrontalière.

Cette institution est originale par le caractère résolument interministériel de ses attribution, puisqu’elle se trouve au point de convergence des flux d’information sur la coopération décentralisée (65).

En matière de la coopération transfrontalière, la circulaire de 1983 dispose quele délégué assure les missions de recueillir les informations concernant les relations entretenues par des collectivités locales françaises avec des collectivités locales étrangères, en faire l’analyse et appeler l’attention du gouvernement sur les problèmes qui peuvent se poser à cet égard.

Le délégué suit en permanence l’évolution de l’action extérieure des collectivités locales c’est-à-dire la coopération transfrontalière est forcément sous sa surveillance.Il est en mesure de se faire une opinion sur les problèmes qu’elle peut poser et donc sur les solutions qu’on peut envisager de leur apporter ; il lui est donc loisible de faire les suggestions nécessaires aux pouvoirs publics responsables. Il pourra présenter en premier lieu les réflexions et les suggestions que pourra lui inspirer la connaissance qu’il aura acquise des derniers développements de cette coopération (66).

Il conseille les responsables de l’Etat, préfets, consuls et ambassadeurs, ainsi que les élus des collectivités qui se proposent d’engager des actions de coopération avec des partenaires étrangers.

Depuis sa création, le délégué a été au centre du processus d’élaboration des textes, qu’il s’agisse de textes internes ou de projets d’accords concernant cette action extérieure. Il participeau Comité des experts pour la coopération transfrontalière et interrégionale du Conseil de l’Europe.

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(63) et (64) : Michel Rousset, L’action internationale des collectivités locales, L.G.D.J., 1998, p. 46 et p. 50.

(65) : Christian Autexier, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, précité. 1996-2, p. 4408-20.

(66) :Michel Rousset, précité, p. 50

Il préside également des délégations françaises aux cinq Commissions intergouvernementales pour les questions de voisinage avec les pays frontaliers de la France. (67)

Ce sont ses responsabilités qui l’ont tout spécialement désigné pour présider les délégations françaises aux commissions intergouvernementales de voisinage qui sont chargées de suivre les questions de coopération transfrontalière, qu’elles soient d’Etat ou décentralisées, et de faire les recommandations qui semblent s’imposer pour régler les difficultés qu‘elles soulèvent.

Il exerce également une fonction « pédagogique et réflexive » par l’intermédiaire des rapports annuels qu’il publie et qui sont diffusés auprès des administrations concernées et adressés aux responsables administratifs préfets, ambassadeurs et consuls généraux, sans oublier de nombreux élus locaux et responsables des associations d’élus et des organisations non gouvernementales.

Il a contribué à faire connaître la réalité de l’action internationale des collectivités locales ; il demeure fondamentalement le fruit de décisions prises dans le cadre de libre administration des collectivités locales (68) .

Il est certain que la manifestation de l’autonomie locale dans la coopération transfrontalière ne doit que se poursuivre de façon corrélative avec la politique de l’Etat. Le délégué peut aider les collectivités territoriales à éviter d’éventuels dérapages de la politique de l’Etat de leurs actionsdans la coopération transfrontalière.

On peut dire que le rôle principal du délégué est d’assurer le dialogue permanent entre les responsables au niveau national et les responsables des collectivités locales.

B – La commission nationale de la coopération décentralisée

La commission nationale de la coopération décentralisée se trouve dans la même vague d’idée du délégué pour l’action extérieure des collectivités territoriales. Elle a été créée non pour la coopération transfrontalière mais une partie de ses fonctions concerne directement la coopération transfrontalière. 

L’article 134 de la loi du 6 février 1992 (art. L. 1112-6 du code général des collectivités territoriales) : « il est créé une Commission nationale de la coopération décentralisée menée par les collectivités territoriales. Elle peut formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci ». On a remarqué qu’il y avait l’opposition de la création de cette commission, car elle ferait double emploi avec le délégué, est d’autant plus paradoxal que celui-ci soutenait activement le projet de la création de la commission, appelée à compléter le travail de suivi de l’état de la coopération décentralisée dans l’inventaire amorcé en 1991 (69)et à devenir « un lieu de partenariat et de rencontres réguliers entre les différentes autorités concernées par ces sujets, lieu que le délégué seul

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(67) : Christian Autexier, L’action extérieure des collectivités locales françaises dans le cadre européen, précité., 1996-2, p. 4408-21.

(68) :Michel Rousset, précité, p. 51.

(69) :H. Perrot, L’état de la coopération décentralisée dans l’ensemble du monde et les propositions auxquelles conduit l’observation de son évolution depuis 1987, rapport annuel d’activité du Délégué pour l’action extérieure des collectivités locales (ou coopération décentralisée), ministère des affaires étrangères, rapport multigr., août-novembre 1991, 43p.

ne pouvait constituer » (70).

La création de cette commission pourrait avoirle même emploi avec la fonction du délégué à l’action extérieure, les sénateurs craignaient que, par l’intermédiaire de cette 

commission, l’Etat ne veille en quelque sorte établir son contrôle sur l’action des collectivités locales et cela au moment même où il en reconnaissait la légitimité (H. Perrot, 1992).

Finalement la décision de créer la commission a été prise, mais la loi a renvoyé à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser ce que devait être cette commission. 

Les modalités de l’articulation du travail de la commission et du délégué seront précisées par un décret d’application en Conseil d’Etat : le Délégué devrait assurer le secrétariat général de la commission. 

C’est un décret du 24 octobre 1994 qui est venu régler les problèmes importants concernant la composition, la mission et le fonctionnement de cet organisme.

Le Premier ministre préside cette commission, ou en son absence, par le ministre qu’il désigne pour le remplacer ; le niveau de la présidence indique l’importance du rôle que l’on souhaite voir jouer à cet organisme. 

La commission est composée de membres paritaires : seize membres représentent les élus territoriaux et les seize membres représentant l’Etat .(71)

Les membres de la commission sont nommés par arrêté du Premier ministre pour une période de trois ans renouvelable ; les élus sont proposés par les associations représentatives d’élus territoriaux et ne peuvent siéger au-delà de l’expiration de leur mandat électif.

La mission définie de façon générale par l’article 134 de la loi est complétée par le décret du 24 octobre 1994; celui-ci prévoit en effet l’obligation pour les collectivités territoriales et leurs groupements de tenir informée la commission de tout acte de coopération qui entre dans le champ du titre IV de la loi du 6 février 1992 et qui est conclu avec les collectivités territoriales étrangères et leurs groupements (art. 6, al. 1er du décret du 24 octobre 1994).

La commission formule toute proposition qui tend à renforcer la coopération décentralisée. La coopération transfrontalière n’échappe pas au souci de cette commission. Donc la commission peut évidemment formuler des propositions concernant le fonctionnement et le développement de la coopération transfrontalière.

Le décret ajoute que la commission peut être consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la coopération décentralisée. Le régime juridique facultative ou obligatoire

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(70) :H. Perrot, Les nouvelles étapes de la coopération décentralisée, rapport annuel d’activité 1991-1992 du délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, ministre des Affaires étrangères, rapport multigr., août-novembre 1992, 49 p.

(71) : cinq membres pour les conseils régionaux et l’assemblée de Corse dont un représentant des conseils régionaux d’outre-mer ; cinq membres pour les conseils généraux et cinq membres pour les communes ; un membre est prévu pour représenter les groupements de communes. Et chacun des ministres ait au moins un représentant : ministre de l’Intérieur, ministre chargé des collectivités locales, ministre chargé de l’Aménagement du territoire, ministre des Affaires étrangères, ministre des Affaires européennes, ministre de la Coopération, ministre des Départements et Territoire d’outre-mer, ministre de la Francophonoie.

de la consultation n’a pas été précisé ; l’expérience montre en effet que, dans ce cas, la tentation est souvent de faire l’économie d’une formalité qui n’est pas obligatoire. (72)Donc le rôle de consultation de la commission se voit limité.

La mise en place de cet organisme permet à l’Etat de suivre régulièrement la démarche de la coopération transfrontalière car il doit jouer un rôle important dans le dispositif d’accompagnement par l’Etat de l’action de coopération transfrontalière des collectivités locales.

On voit que la commission regroupe huit groupes de travail dont un est chargé de la coopération décentralisée transfrontalière (73)

Le ministre des Affaires étrangères a insisté que cette Commission était essentiellement au service du partenariat Etat-collectivités locales et qu’elle n’était en aucune manière un instrument de contrôle de la part de l’Etat ; il a indiqué que les groupes de travail seraient présidés par un élu et qu’en contrepartie le secrétariat en serait assuré par un représentant de l’Etat. (74)

C’est une sorte de compromis entre l’Etat et les collectivités territoriales pour éviter la position dominante de l’Etat sur les actions des collectivités territoriales dans le domaine de la coopération transfrontalière.

Les collectes des informations de la commission se fait par l’intermédiaire des préfets. Cependant aujourd’hui les collectivités délèguent souvent la responsabilité de leur action extérieure à des associations qui sont signataires des conventions et ne sont donc pas tenues de les transmettre au représentant de l’Etat (H. Perrot, 1994).

Il reste que la commission peut dans la mesure où elle saisit la réalité de cette coopération, favoriser la circulation de l’information entre les administrations de l’Etat et les collectivités territoriales qui, dans de nombreux cas, auraient tout avantage à collaborer pour la mise en oeuvre d’action d’intérêt commun. (75)

C’est naturellement au délégué pour l’action extérieure des collectivités locales qu’incombe le soin d’assurer le secrétariat de la commission nationale ; le délégué apparaît ainsi comme la deuxième pièce du mécanisme institutionnel créé par l’Etat pour assurer le suivi de l’action de l’action internationale des collectivités locales.

L’existence de la Commission nationale de la coopération décentralisée et du Délégué pour l’action extérieure des collectivités locales permet aux collectivités territoriales et à l’Etat d’avoir une vision unique sur la politique de la coopération transfrontalière ; c’est un moyen de réaliser la cohérence entre les actions mises en oeuvre au niveau national et au niveau local dans le domaine de la coopération transfrontalière en respectant les compétences qui relèvent du domaine de l’Etat et ceux du domaine des collectivités territoriales. En plus, grâce à ces organismes on peut éviter le dérapage éventuel des actions des collectivités territoriales et l’efficacité des actions pourrait également être assurée.

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(72) :Michel Rousset, précité, p. 48.

(73) :La commission a décidé la création de huit groupes de travail qui sont les suivants :

-outils et méthodes de la coopération décentralisée

-coopération décentralisée et développement

-coopération décentralisée et pays émergents

-coopération décentralisée et pays méditerranéens

-coopérationdécentralisée et pays de l’Union européenne et pays de l’Europecentrale et orientale

-coopération décentralisée transfrontalière

-coopération décentralisée culturelle, linguistique et francophone

-Outre-mer.

(74) et (75) :Michel Rousset, précité, p. 49 et p. 50.

CHAPITRE II – LES COLLECTIVITÉS LOCALES ET LES ENJEUX

INSTITUTIONNELS DE LA COOPERATION TRANSFRONTALIERE

La coopération transfrontalière a été mise en place par les collectivités locales sous les diverses formes des organismes soit dotés de la personnalité juridique soit dépourvus de la personnalité juridique. Ces organismes pourraient relever tantôt de droit public tantôt de droit privé. On peut distinguer les instruments classiques de coopération transfrontalière au niveau local, c’est-à-dire les instruments non prévus par les législations nationales ( I ) et les instruments prévus par les législations nationales (III ). En plus les accords internationaux contribuent également à la création des organismes de coopération ( II ). 

I – Les instruments classiques de coopération transfrontalière 

au niveau local

Il s’agit des instruments de droit public ou privé qui existaient avantle mouvement de la décentralisation reconnaissant explicitement la capacité des collectivités territoriales de conclure des conventions ou de créer des organismes de coopération avec les collectivités des pays voisins.

A – Les organismes de coopération classiques de droit public

On a remarqué que la coopération transfrontalière avait été établie depuis longtemps par des collectivités locales situées aux frontières sous les différents aspects et des différentes formes.

A l’origine, la coopération transfrontalière a été normalement marquée par l’existenced’intérêt commun des collectivités territoriales aux frontières et par le voisinage transfrontalier.

On constate qu’il y avait les diverses Communautés de travail constituées aux frontières qui ont pour objet premier la recherche commune de solution à des difficultés spécifiques souvent, mais non exclusivement, liées à l’appartenance à un massif montagneux (76). Il s’agit des réseaux locaux de solidarité entre les collectivités situées aux frontières. Et en même temps, la coopération transfrontalière a été renforcée par l’entrée en force de la dimension régionale dans les institutions européennes qui se situe dans l’année 1975 ; plusieurs communautés de travail ont été organisées.

Il y a plusieurs organismes de ce type comme : la Communauté d’intérêts économiques Moyenne Alsace & Breisgau (C.I.M.A.B.) (77) ; la Communauté de travail des Alpes occidentales (C.O.T.R.A.O) (78) ;la Communauté de travail des Pyraénées (79) et la Communauté de travail du Jura (80)

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(76) : Christian Autexier, précité 1996-2, p. 4408-22.

(77) : créée en 1964 et est organisée sous la forme d’une association de droit local alsacien-mosellan.

(78) : née le 4 avril 1982 et rassemble trois cantons suisses (Genève, Valais, Vaud), trois régions italiennes(Ligurie, Piémont, Val d’Aoste) et deux régions françaises (Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes). Elle est flanquée depuis le 19 février 1987 (après un premier essai en 1985) d’un Conseil du Léman correspondant à une zone géographique plus limitée.

(79) :née le 4 avril 1983 et regroupe trois régions françaises (Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées), quatre communautés autonomes espagnoles (Aragon, Catalogne, Euzkadi, Navarre) ainsi que la principauté d’andorre.

(80): née le 3 mai 1985 et regroupe quatre cantons suisses (Berne, Jura, Neuchâtel, Vaud) et la région française de Franche-Comté.

Les communautés de travail transfrontalières, telles celles du Jura ou du Léman (1987) ; l’Association des Régions Frontalières européennes (A.R.F.E. 1969), laC.O.T.R.A.O. font apparaître le nouveau droit de voisinage et le nouveau droit pour les relations internationales entre régions. Le droit international public enfante un nouveau droit de voisinage, un nouveau droit de relations contractuelles entre régions, en passant, par exemple, d’accords internationaux à des accords interrégionaux sous la houlette des Etats(81).

Ces organisations ont pour objectifs d’améliorer la coopération transfrontalière en faveur des habitants des régions frontalières. Chacune des organisations régionales souhaite être représentative du type de régions, ou plus exactement des types de problèmes régionaux qu’elle recouvre ; représentativité d’ordre externe et représentativité d’ordre interne par rapport aux populations et aux collectivités, par rapport surtout aux institutions européennes, plus qu’aux Etats et aux régions étrangères (82).

On voit que cette forme de coopération transfrontalière s’exprime égalementpar le souci lié à la construction européenne. Cette forme est caractérisée par M. Luchaire comme liée « à la recherche d’aides communautaires » (recherche d’insertion des élus dans le dialogueEtat/Communauté), à moins qu’elle ne soit purement et simplement de type « lobbysme » entendant « à attirer l’attention des autorités nationales et communautaires sur la situation spécifique de certaines collectivités (83).

La constitution de réseaux européens de collectivités locales est renforcée par l’existence d’associations et organisations diverses, tantôt dans la mouvance du Conseil de l’Europe, tantôt dans celle de la Communauté européenne. Dans le cadre de la coopération transfrontalière, c’est comme l’Assemblée des Régions Frontalières Européennes (A.R.F.E.).

Il est caractéristique de ces structures qu’elles n’ont qu’un pouvoir de recommandation sans portée effective ce qui n’empêche pas qu’elles puissent jouer « le rôle de groupes de pression, notamment à l’égard des Etats » (84).

­­­Ces formes de la coopération transfrontalière sont considérées comme la coopération transfrontalière simple que les collectivités locales françaises et étrangères s’associent en communautés de travail dont le poids juridique est fortement léger. Ses missions sont de révéler les problèmes etde formuler des propositions afin derenforcer la coopération transfrontalière des collectivités locales.Il est difficile de constater les effets juridiques de ces formes de coopération car ce sont les organismes de droit public sans personnalités juridiques.

L’accord de Karlsruhe s’inscrit dans cette perspective. Selon son article 9 alinéa 2 : « un organisme sans personnalité juridique ne peut adopter de décision engageant ses membresou des tiers ».

Mais selon l’article 2 du protocole additionnel, la décision prise par cet organisme n’a pas une valeur ou des effets juridiques mais elle devra faire l’objet de transposition dans l’ordre juridique interne des collectivités territoriales (85) pour qu’elle aie de véritable________________________

(81) et (82) : Charle RICQ, Les institutions interrégionales transfrontalières en Europe, CNFPT, n° 30, 1990, p. 128 et p. 130.

(83): Luchaire, op. cit., 1992, p. 19.

(84) : Y. Luchaire,B. Dolez, A. Vantroys, Les relations extérieures des régions françaises, La documentation française, 1992, p. 17.

(85) : l’article 2 du Protocole additionnel, « les décisions convenues dans le cadre d’un accord de coopération transfrontalière sont mises en oeuvre par les collectivités ou autorités territoriales dans leur ordre juridique national en conformité avec leur droit national. Les décisions ainsi mises en oeuvre sont considérées comme ayant la valeur juridique et les effets qui se rattachent aux actes de ces collectivités ou autorités dans leur ordre juridique national ».

force juridique

On voit qu’il existe aussi une coopération de voisinage transfrontalière qui porte sur des objets d’intérêts communs, soit de la planification et d’aménagement du territoire (préoccupation des régions, mais qui descend aussi jusqu’au niveau communal ou intercommunal), soit de gestion de services publics (une préoccupation commune aux trois niveaux de collectivités territoriales en France). Ce type de coopération a très vite trouvé ses limites dans l’absence de structures permettant de mettre concrètement en oeuvre les projets des collectivités participantes, jusqu’à ce que les législations nationales et les conventions interétatiques prévoyant des compétences de coopération décentralisée viennent combler cette lacune (86).

Il paraît que l’organisme sans personnalité juridique est mal adapté aux exigences de la coopération transfrontalière en matière opérationnelle. Cependant, il offre une solution satisfaisante en matière de planification.

B – Les organismes de coopération classiques de droit privé

Ce n’est qu’à partir de la loi du 6 février 1992 que la coopération transfrontalière a été dotée d’instruments spécifiques (G.I.P. ou SEML) par le législateur. Les collectivités locales ne pouvaient utiliser jusque-là que des techniques de faible intensité juridique, ou emprunter des instruments au droit privé (87).

Les collectivités locales ont fait recours aux instruments de droit privé pour la mise en place des activités de la coopération transfrontalière. Les divers mécanismes ont été entrepris par les collectivités locales parmi lesquels on peut citer les formules associatives, la fondation et le groupement européen d’intérêt économique.

- Les formules associatives : la structure associative paraît mieux adaptée à servir de support pour le secrétariat d’une communauté de travail ou pour la réalisation d’études que pour assurer la gestion d’un service public, permettre la réalisation d’un équipement collectif ou servir de maître d’œuvre commun, capable d’utiliser des ressources issues de contribution des usagers de part et d’autre de la frontière, de budgets publics nationaux ou d’origine communautaire (88).

Dans le cadre de la coopération transfrontalière, la création d’une telle association est soumise à la loi de 1901 (loi portant sur l’association). Mais elle peut être également soumise au droit étranger. La soumission de cet instrument dans le système juridique d’un seul des partenaires rompe avec la recherche instinctive de la parité et de l’équilibre (89) . Donc on a envisagé d’adopter des solutions : soit soumission de l’association au droit d’un pays tiers, soit en tirant parti de certaines circonstances locales (par exemple, analogie du droit des associations de droit local alsacien-mosellan avec celles du code civil allemand), soit en créant des associations jumelles dans l’un et l’autre pays (l’art. 5, al. 3 de la loi française du 1er juillet 1901, modifié par la loi 81-909 du 9 octobre 1981, permet en effet de déclarer également en France une association ayant son siège à l’étranger).

Selon la Cour des comptes, les formules associatives ont rencontré souvent le problème de comptabilité de fait ; c’est pour ça aujourd’hui elles ne sont pasvraiment souhaitable.

- Les groupements européens d’intérêt économique (G.E.I.E) : les G.E.I.E. ont été créés par un règlement du Conseil du 25 juillet 1985(règlement n° 213/85, J.O.C.E., n° L. 199). La loi française d’harmonisation de la législation nationale avec le nouvel instrument

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(86) : Christian Autexier, précité 1996-2, p. 4408-22

(87), (88) et (89) : Christian Autexier, précité, 1996-2, p. 4408-43

communautaire est intervenue le 13 juin 1989 sur l’usage des G.E.I.E. dans une perspective de coopération transfrontalière (90).

En application de l’article 3 du règlement du 25 juin 1985, «  le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. Son activité doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci ».

La structure du G.E.I.E est couramment utilisée pour des projets transfrontaliers hors coopération décentralisée. Ainsi, la S.N.C.F participe à des G.E.I.E. internationaux chargés de réaliser les études techniques sur les liaisons ferroviaires à grande vitesses entre la France et l’Espagne (91) et entre Lyon et Turin (Q. 10939, ibid.)

Peut-on s’appuyer sur l’argument de l’existence d’une activité économique des collectivité économique des collectivités locales pour voir dans le G.E.I.E. un instrument possible de coopération transfrontalière décentralisée ?. La formule du G.E.I.E. a été effectivement envisagéeutilisée (Eurosud Capital, Eurorégion [Kent, Pas-de-Calais, deux régions et une communauté belges], Euro-Institut de Kelhl) dans divers projets de coopération transfrontalière.

L’article 4, alinéa 1er, du règlement communautaire prévoitque « peuvent être membres d’un groupement les sociétés ainsi que les autres entités juridiques de droit public ou privé ». G.E.I.E. est utilisé comme un instrument possible de coopération transfrontalière décentralisée.

P. Woodland estime qu’il n’est pas interdit de penser que les collectivité locales pourraient participer à un groupement (92).

Ces formules sont régulièrement reprises sous le sceau de la D.A.T.A.R ou de divers ministères à chaque fois que la question est envisagée d’utiliserla structure du G.E.I.E. en matière de coopération transfrontalière (93)

En général, G.E.I.E. est une structure de droit privé destinée à permettre la collaboration entre opérateurs économiques. Et le G.E.I.E. ne semble pas devoir connaître un grand succès dans le cadre de la coopération transfrontalière décentralisée (94).

La dernière formule, c’est la fondation. elle peut servir dans le domaine de la coopération culturelle transfrontalière « la création d’une fondation transfrontalière n’est pas, en soi, impossible » (95).

L’association ou G.E.I.E. est organisme doté de personnalité juridique  soumis au droit privé. L’utilisation de ces structures ne répond pas forcément au développementdes activités de la coopération transfrontalière car les collectivités territoriales ne peuvent pas pleinement exercer leurs compétences. Surtout, l’objet principal de la coopération transfrontalière doit répondre aux besoins des services publics.

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(90) : Chr. Mestre, La coopération décentralisée et le droit international, in Commission 1995, p. 47-70 ; Les groupements européens d’intérêt économique, in D.R.A.C. Alsace 1995, p. 163-197.

(91) : J.O., Sénat, Q., n° 10904, 13 juillet 1995, p. 1398.

(92) : P. Woodland, Encyclopédie Dalloz, Sociétés, V0 G.E.I.E., n° 47.

(93) : Christian Autexier, 1996-2, p. 4408-45.

(94) : Madiot, op. cit. 1995, n° 67.

(95) : Sadok/Vincent, Les associations et fondations transfrontalières, in D.R.A.C. Alsace,1995, p. 199-243.

II – Les organismes de coopération des accords internationaux

Les accords internationaux sontles sources essentielles qui donnent naissance aux instruments de la coopération transfrontalière. On peut citer trois accords internationauxque la France a conclu avec les pays voisins : l’accord de Rome, l’accord de Bayonne et l’accord de Karlsruhe. En outre le protocole additionnel de la convention de Madrid est également une base importante des instruments de la coopération transfrontalière.

Selon l’accord de Rome conclu le 26 novembre 1993 entre la France et l’Italie, l’Etat français et l’Etat italien s’engagent à s’informer mutuellement et à se concerter sur le développement de la coopération transfrontalière des collectivités territoriales dans le cadre des travaux d’une commission intergouvernementale destinée à contribuer à la solution des problèmes de voisinage qui se posent de part et d’autre de la frontière franco-italienne.

Cet accord ne prévoit pas explicitement la création des organismes locaux ; donc la création des organismes de coopération transfrontalière au niveau local peut faire référence aux droits internes ou au Protocole additionnel de Madrid. La coopération transfrontalière se fait à travers la commission intergouvernementale. On ne laisse pas les collectivités locales exercer leurs compétences ; l’accord fixe les domaines auxquels la coopération fait référence (voir annexe).

L’accord de Bayonne conclu le 10 mars 1995 entre la Franceet l’Espagne, les collectivités locales espagnoles peuvent participer aux groupements d’intérêt public (GIP) français de coopération transfrontalière ainsi qu’aux sociétés d’économie mixte locales (SEML) dont l’objet est d’exploiter des services publics d’intérêt commun. Les collectivités locales françaises peuvent, de leur côté, participer aux « consortios »espagnols. Des organismes de coopération sans personnalité juridique peuvent, en outre, être créés. Il s’agit de la participation des collectivités d’un pays aux organismes de droit public ou privé d’un autre pays et la création des organismes sans personnalité juridique. Il semble que la création d’un seul organismedoté de personnalité juridique de deux pays pour la coopération est exclue.

La question se pose sur la notion de services publics. On se demande si la conception de services publics français et la conception de services publics espagnol ont le même sens ou non. Si les deux conceptions sont différentes, comment peut-on définir « l’exploitation des services publics commun » ? Est-ce queles conceptions différentes de services publics pourront empêcher les collectivités locales françaises de participer aux consortios espagnol ou empêcher les collectivités locales espagnoles de participer aux GIPs ou aux SEML français.

Il pose la question de la légalité dont le contrôle devrait être exercé par le préfet.

L’accord franco-espagnol ne prévoit que la possibilité de participation des collectivités locales, il semble les établissements publics locaux n’entrent pas dans le champ d’application de cet accord. 

L’accord quadrilatéral de Karlsruhe conclu entre la France, la R.F.A., le Luxembourg, et la Suisse, le 23 janvier 1996donne la possibilité aux collectivités territoriales ou organismes publics locaux de créer des organismes de coopération, dotés ou non de la personnalité juridique dans le droit interne de chaque partie.

Selon l’accord de Bayonne, l’accord de Karlsruhe et le protocole additionnel de Madrid, on peut avoir des organismes de coopération sans personnalité juridique et des organismes dotés de personnalité juridique de droit public ou privé.

Des organismes sans personnalité juridique, tels que conférences, groupes de travail ou d’études, comités de coordination, peuvent être créés pour étudier des questions d’intérêt commun, formuler des propositions de coopération, d’échanger des informations.

Onpermet aux collectivités locales de créer des organismes communs sans personnalité juridique ni autonomie budgétaire (conférences, des groupes de travail...).

L’organisme sans personnalité juridique est une pratique aussi ancienne que la coopération décentralisée elle-même, dans la mesure où les collectivités territoriales ont très tôt créé des « conférences » ou des « communautés de travail » pour institutionnaliser leurs relations.On peut notamment citer, sur les frontières françaises, la Communauté de travail des cantons et des régions des Alpes occidentales (COTRAO), créée en 1982 ; la Communauté de travail des Pyrénées, fondée en 1983 ; la Communauté de travail du Jura, instituée en 1985 ; le Conseil parlementaire interrégional (CPI), fondé en 1986 à l’initiative de la région Lorraine, l’Eurorégion fondée par la région Nord-Pas de Calais avec des partenaires belges et britanniques en 1995 (96).

L’organisme sans personnalité juridique peut difficilement prendre des décisions qui s’imposent aux tiers ou engagent ses membres. Bernard Dolez estime que les relations nées de cet organisme sont limitées à une simple coopération, en privant la structure qu’ils fondent de tout pouvoir de décision, même à l’égard de ses membres (97)

L’accord de Bayonne, de Karlsruhe et le protocole additionnel (l’article 4) offre une seconde possibilité aux collectivités territoriales, en leur permettant de fonder un organisme de coopération transfrontalière qui dispose de la personnalité juridique. Cet organisme peut être doté soit dela personnalité morale de droit privé, soit de la personnalité morale de droit public. Il relève exclusivement de l’Etat sur le territoire duquel il est situé. En d’autres termes, le Protocole additionnel permet à des collectivités publiques de faire partie d’un groupement étranger, mais il offre également aux collectivités étrangères la possibilité de participer à des structures nationales.

Des organismes dotés d’une personnalité juridique, il s’agit des organismes de droit interne de chaque pays, pour la France les groupements d’intérêt public et les sociétés d’économie mixte sont les instruments principaux pour la coopération transfrontalière. Ils font l’objets de l’étude suivante ( III ). 

Parmi les trois accords et le protocole additionnel de Madrid qui prévoient les différents instruments de la coopération transfrontalière seul l’accord de Karlsruhedonne une grande possibilité aux collectivités locales la création des organismes de coopération « un groupement local de coopération transfrontalière »en vue de réaliser des missions et des servicesqui présentent un intérêt pour chacun des participants. Ce groupement local de coopération transfrontalière, qui est l’institution la plus nouvelle et la plus originale, est soumis au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de la partie contractante où, il a son siège. C’est une personne morale de droit public. Les organes du groupement sont : l’assemblée, composée de représentants des collectivités concernées, et qui règle par ses décisions les affaires qui relèvent de l’objet du groupement ; le président, qui assure l’exécution des décisions de l’assemblée et représente le groupement ; des vice-présidents aux quels le président peut déléguer une 

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(96) : Luchaire Y, Vantroys A et Dolez B, (1992), Les relations extérieures des régions françaises. Recueil des conventions conclues par les régions françaises avec des collectivités publiques étrangères, La DocumentationFrançaise, collectionEtudes et recherches, p. 146).

(97) : Bernard Dolez, Le protocole additionnel à la convention de Madrid et l’urbanisme transfrontalier, dans L’urbanisme transfrontalier Droit et pratique, sous la direction de Henri Jacquet et Gérard Marcou, édition l’Harmattan 1998, p. 327.

partie de ses fonctions. Le groupement est financé par les contributions de ses membres, qui constituent pour ceux-ci des dépenses obligatoires, et, éventuellement, par des recettes perçues au titre des prestations assurées.(98)

Le groupement local de coopération transfrontalière : il s’agit d’une coopération transfrontalière particulièrement appropriée lorsqu’il y a nécessité d’installations communes à plusieurs autorités locales : stations d’épuration, zones de loisirs, collectes des ordures ménagères, création d’écoles maternelles ou d’établissements de formation permanente. On peut égalementenvisager l’utilisation de la formule pour la gestion commune d’un système de transports urbains (tramway transfrontalière) ou pour la gestion de zones industrielles situées sur une frontière. 

Le groupementlocal de coopération transfrontalière est une personne morale de droit 

public, dotée de la capacité juridique et d’autonomie financière. L’adoption de statuts est un préalable essentiel pour sa constitution

Pour que la coopération transfrontalière puisse se développer dans les mêmes conditions que la coopération « intrafrontalière », il apparaît donc nécessaire que l’organisme soit doté de la personnalité publique, et que celle-ci soit reconnue par touts les Etats concernés. Ce n’est qu’à cette condition qu’il pourra éventuellement disposer de prérogatives de puissance publique sur le territoire de chaque Etat, et prendre notamment des décisions obligatoires pour les tiers, y compris des règlements. Le cas échéant, cela lui permettra d’être en mesure de se substituer aux collectivités qui le composent, et d’exercer en leur place les compétences qui lui auront été déléguées (99).

La coopération transfrontalière connaît une évolution remarquable mais il reste encore à permettre aux collectivités étrangères d’adhérer à des personnes publiques françaises, notamment aux établissements publics de coopération intercommunale (les communes françaises du département du Nord ne pourraient pas adhérer à une intercommunale belge), spécialement adaptée aux besoins de la coopération transfrontalière. Il faut donner les possibilités aux collectivités relevant d’Etats différents de coopérer aussi facilement que les collectivités qui appartiennent à un même Etat (100)

III -Les organismes spécifiquesreconnus par les lois nationales

La loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République a fourni aux collectivités locales les instruments d’une coopération de plus forte intensité, afin de faire face aux problèmes posés par la gestion de fonds communautaires, l’exploitation d’un service public ou la réalisation d’un équipement local. Ces nouveaux instruments visent à pallier les inconvénients des instruments classiques qui étaient inadaptés (101). La loi de 1992 a offert deux nouvelles possibilités aux collectivités territoriales, en leur permettant de créer une société d’économie mixte ou un groupement d’intérêt public.

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(98) : Jean Marie PONTIER, La Région, les relations de la région : section 3, la coopérationavec les collectivités publiques étrangèresEncyclopédie Collectivités locales, sous la direction F.-P. Bénoît, Dalloz, 1998-1,p. 1793-21.

(99) : Bernard Dolez, Le protocole additionnel à la convention de Madrid et l’urbanisme transfrontalière, précité, p. 332.

(100) : Bernard Dolez, précité, p. 944.

(101) : Christian Autexier, précité 1996-2, p. 4408-43.

A – Le groupement d’intérêt public, organisme doté de personnalité 

publique de droit public

Le développement de la politique régionale a incontestablement eu en effetde « puissant stimulant » sur la coopération décentralisée (102).

Depuis la réforme des fonds structurels de 1988, la Communauté européenne a multiplié les initiatives en faveur de la coopération transfrontalière, notamment dans le cadre du programme INTERREG. 

L’initiative INTERREG a été créée en août 1990 par la Commission et les Etats membres, afin de compenser le handicap structurel de nombreuses zones situéesaux frontières internes et externes de la Communauté.Le programme INTERREG il a été lancé en juillet 1994 (103).

L’initiative INTERREG n’a pas seulement permis de créer des liens entre des zones séparées par une frontière. Mais, pour s’assurer du caractère réellement transfrontalier des projets que la Commission cofinance, elle souhaite qu’un seul gestionnaire soit désigné par opération. C’est une sorte de l’instance unique chargée par 

toutes les parties concernées de la gestion administrative et financière des projets et à laquelle les paiements devaientêtre adressés, il a falluinventer les structures de gestion et les procédures budgétaires et comptables applicables à ce type de programmes transfrontalières cofinancés par la Communauté européenne.

La Direction d’aménagement du territoire et d’administration de la République (DATAR) et le secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) proposèrent dès avril 1990 de modifier la structure du groupement d’intérêt public (GIP), pour en faire un instrument de la coopération transfrontalière (104).

C’est cette solution que retient la loi du 6 février 1992.

Selonl’art. L. 1112-2 du Code des collectivités locales (C.C.T.) ou l’article 133 de la loi du 6 février 1992, des groupements d’intérêt public (G.I.P.) peuvent être créés pour mettre en oeuvre et gérer ensemble, pendant une durée déterminée, toutes les actions requises par les projets et programmes de coopération interrégionale et transfrontalière intéressant des collectivités locales appartenant à des Etats membres de la Communauté économique européenne. Et les collectivités locales appartenant à des Etats membres de la Communauté économique européenne peuvent participer aux groupements d’intérêt public ainsi constitués.

L’article L. 1112-3 : les collectivités locales appartenant à des Etats membres de l’Union européenne peuvent participer aux groupements d’intérêt public...

Selon, les articles L ; 1112-2 et L. 1112-3, il s’agisse de coopération transfrontalière stricto sensu ; c’est-à-dire de coopération entre les collectivités de pays voisins en situation de proximité de part et d’autre d’une frontière commune.

Laloi de 1992 ouvrelapossibilitéaux collectivités étrangères la participation au 

GIP, mais elle ne prévoit pas la participation des collectivités territoriales françaises aux organismes publics de droit étranger.

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(102) : Y. Madiot, La coopération décentralisée, juriscl. Collectivités territoriales, fasc. 69, 5/1995, 11p.

(103) : Communication publiée au J.O.C.E. du 1er j uillet 1994.

(104) : Compte-rendu de la réunion consacrée à la coopération transfrontalière, gestion financière des crédits des Fonds structurels, Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), 13 avr. 1990, p. 6.

En absence de l’existence de la réciprocité, il risque de n’avoir qu’une efficacité limité (105)à l’égard de l’entrée des collectivités françaises dans des structures de droit public d’un pays étranger, justiciables le cas échéant devant un juge (administratif) étranger.

Jusqu’à l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 dont l’article 83 insère, dans la loi du 6 février 1992, un article 133-1, qui permet désormais aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’adhérer à un organisme public de droit étranger ou de participer au capital d’une personne morale de droit étranger. Le nouvel article 133-1(ou l’art. L. 1112-4 du C.C.T.) prévoit que « cette adhésion ou cette participation fait l’objet d’une convention avec l’ensemble des collectivitésterritoriales étrangères » concernées, et que « cette convention détermine la durée, les conditions, les modalités financières et de contrôle de cette adhésion ou de cette participation ». 

Il précise également les conditions dans lesquelles s’effectuent l’adhésion ou la participation des collectivités française.

L’objet dugroupementest fixé parune convention constitutive conclue entre les 

partenaires, qui doit être approuvée par les ministres en charge de l’Intérieur et du Budget(106). On constate que l’objet est assez limité : il ne s’agit que, selon les dispositions de cette loi, du développement social urbain  et des politiques interrégionales et transfrontalières(107).

La loi du 4 février 1995 précise certains points : l’objectif exclusif de cet organisme ou personne morale doit être d’exploiter un service public ou de réaliser un équipement local intéressant toutes les personnes publiques participantes. Cette adhésion ou cette participation est autorisée par décret en Conseil d’Etat ; il s’agit de moyens de contrôle par l’Etat sur le développementde la coopération transfrontalière. Bernard Dolez estime que cette autorisation sera supprimée pour la raison de l’application très rare comme le cas de l’article 65 de la loi du 2 mars 1982 qui soumettait la coopération transfrontalière interrégionale à l’autorisation du gouvernement et en fin cet article a été abrogé(108)

Le décret 93-571 du 27 mars 1993, relatif aux groupements d’intérêt public, dispose que le groupement constitué fait objet d’une convention constitutive entre les partenaires (article 2). Cette convention précise notamment les droits et les obligations de ces derniers ainsi que les règles de fonctionnement du groupement et de ses organes. 

Le G.I.P. jouit de la personnalité morale à compter de la publication au Journal officiel de la République française de l’arrêté d’approbation de la convention, accompagné d’extraits dela convention constitutive (atr.3). La publication fait notamment état : de la dénomination et de l’objet du groupement ; de l’identité et de la nationalité de ses membres ; de l’adresse du siège social ; de la durée du contrat ; de la délimitation de la zone géographique couverte par le groupement. 

Le préfet de région est commissaire du gouvernement auprès G.I.P. (art. 4). Le commissaire du gouvernement assiste aux séances de tous les organes de délibération et d’administration du groupement. Il a communication de tous les documents relatifs au groupement, droit de visite dans les locaux appartenant au groupement ou mis à sa disposition et droit de veto suspensif de quinze jours pour les décisions qui mettent en jeu 

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(105) : Christiant Autexier, De la coopération décentralisée, précité, p. 421.

(106) : l’article 2 du décret 93-571 du 27 mars 199.

(107) : Christiant Autexier, De la coopération décentralisée, précité, p. 420.

(108) : Bernard Dolez, précité, p. 944.

l’existence ou le bon fonctionnement du groupement. Passé ce délai, l’autorité qui a pris la décision procède à un nouvel examen. 

La présence du droit de veto permet à l’Etat de détenir le poids de contrôle sur toutes les activités du G.I.P. et en plus l’Etat a toute possibilité de suivre et de contrôler régulièrement le fonctionnement du G.I.P. Il semble que le mode du G.I.P. ne permet pas aux collectivités locales de prendre les actions en mains.

Les comptes et les activités d’activité des personnes publiques ou privées étrangères sont annexées chaque année au budget des collectivités territoriales. Et pour la raison de la transparence financière descollectivités territoriales, la loi du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public et la loi anti-corruption du 29 janvier 1993 obligent les entreprises délégataires de service public à produire chaque année un rapport comptable.

La création du GIP n’est pas une panacée, dans la mesure où le GIP est une personne morale de droit français. De fait, les collectivités étrangères se montrent un peu réticentes à l’idée d’adhérer à une structure qui n’est pas rattachée à leur ordre juridique(109) 
Les collectivités étrangères participant éventuellement à un groupement d’intérêt public (GIP) s’engagent en effet dans une coopération dont le régime juridique est celui du droit administratif français. 
L’entrée de collectivités locales étrangères dans un G.I.P. signifie leur intégration dans une structure qui, non seulement n’est pas rattachée à leur ordre juridique, mais assure de surcroît une prédominance des intérêts publics français, ne serait-ce que du fait du contrôle du préfet en qualité de commissaire du gouvernement et éventuellement de celui du trésorier payeur comme contrôle d’Etat (110).

La coopération transfrontalière qui s’est déroulée sous l’empire de droit public quelques soit ses formes dotées de la personnalité juridique ou non , ne pourrait pas répondre aux exigences du développement harmonieux dans les zones frontalières. Le recours aux organismes de droit privé est remarquablement envisageable par la France ainsi que par ses partenaires voisins.

B – Les sociétés d’économie mixte locales, organismes dotés de 

personnalité juridique de droit privé

L’article 132 dela loi d’orientation relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 ou l’article L. 1522 du C.C.T. (complète l’article 1er de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte SEM locales dispose que « sous réserve de la conclusion d’accords préalables entre les Etats concernés, des collectivités territorialesétrangères peuvent participer au capital de sociétés d’économie mixte locales dont l’objet est d’exploiter des services publics d’intérêt commun. Cet accord préalable doit prévoir des conditions de réciprocité au profit des collectivités territoriales. Les collectivités territorialesétrangères qui participent au capital de sociétés d’économie mixte locales ne sont pas au nombre des collectivités ou groupements visés au 2) du présent article (communes, départements, régions et leurs groupements) qui doivent détenir plus de la moitié du capital des sociétés et des voix dans leurs organes délibérants ».

La loi n’a pas expressément mis en place la SEML pour la coopération transfrontalière. Cependant, selon la disposition ci-dessus, la formule de la SEML pourra être utilisée dans le cadre de la coopération transfrontalière. Rien n’interdit que la formule

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(109) :Bernard Dolez, précité, p. 942.
(110) :Christian Autexier, précité, 1996-2, p. 4408-49.

de SEML ne soit pas utilisée dans le cadre de la coopération transfrontalière. Mais certaines conditions devront être respectées. 

L’accord préalable entre les Etats est nécessaire pour permettre aux collectivités étrangères de participer à des sociétés d’économie mixte de droit français et en plus la loi impose la clause de réciprocité pour garantir aux collectivités françaises des possibilités identiques à celles que la loi accorde aux collectivités étrangères. Au-delà du principe, sa mise en oeuvre semble délicate. Quelle sera la possibilité concrète d’une collectivité française de rentrer au capital d’une SEM étrangère, lorsquele pays concerné ne connaît pas la formule juridique de l’économie mixte ou n’en a pas une conception aussi nette et exigeante qu‘en droit français ? (111).

Mais le cadre de l’Union européenne, le traité de Rome prévoit la libre circulation des capitaux au sein de l’Union. Il est vraisemblable que la réglementation française qui pose des conditions sur la participation des capitaux aux SEML est incompatible avec les dispositions communautaires.

Le traité de Rome organise déjà le principe de la réciprocité et de la non-discrimination entre les ressortissants des Etats membres. L’article 67 du traité prévoit la libre circulation des capitaux et l’article 58 prévoit la liberté d’établissement entre les sociétés européennes. Cet article couvre « les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l’exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif ». L’éventail est grand ouvert. La notion communautaire de « but lucratif » est synonyme de participation à la vie économique, ce qui permet d’inclure sans hésitation les SEML dans le champ d’application de ces deux articles (112).

Il semble que la participation aux SEML est ouverte à toutes les sociétés européennes. La limitation de la participation des actionnaires étrangers public ou privé par les lois internes aux SEML sera inutile et en plus contraire aux dispositions communautaires. Car le traité de Rome a des forces juridiques supérieures aux normes juridiques internes.

Si on fait référence à l’article 1, alinéa 1, de la loi du 7 juillet 1983 qui précise en effet que  la société d’économie mixte locale revêt la réforme de la société anonyme régie par la loi modifiée du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, sous réserve des dispositions de la présente loi. Alors cette loi n’empêche pas un actionnaire étranger, public ou privé, de participer au capital d’une société anonyme française. Il n’y a aucune incompatibilité ou interdiction limitant l’accès à ce type de société.

Au regard du droit français en ce qui concerne la nationalité de SEML, le droit applicable aux sociétés d’économie mixte locales au sein desquelles coopèrent des autorités locales françaises et étrangères dépend de la nationalité des collectivités majoritaires. La règle est simple à mettre en oeuvre, même si elle ne règle pas directement

le cas de participations paritaires qui doit pourtant être envisagé dans un contexte de coopération transfrontalière (113).

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(111) et (112)  : Guy DURAND, La société d’économie mixte locale après la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la république, RFDA 9 juillet-août 1993, p. 654.

(113) : Christian Autexier, De la coopération décentralisée (commentaire du titre Iv de la loi d’orientation du 6 février 1992, relative à l’administration territoriale de la République, RFDA 9 mai-juin 1993, p. 419.

Le droit français accord une lace particulière au critère du « contrôle », alors que l’article 58 du traité de Rome consacre le critère du « siège social » pour déterminer la nationalité des sociétés commerciales (114).

On remarque que l’objet essentiel de SEML doit être exploiter un service public d’intérêt commun aux collectivités qui s’associent. Cette communauté d’intérêts évoque presque nécessairement une coopération transfrontalière de proximitéL’objet socialde la société doit être d’exploiter des services publics d’intérêt commun. La circulaire du 26 mai 1994 interprète cette disposition en ce sens que cet objet doit être exclusif et viser essentiellement des services de proximité. 

La définition de l’exploitation de l’intérêt commun pose sans doute des problèmes. Mais cet élément d’intérêt commun sera apprécié au moment du contrôle de légalité de la délibération de la collectivité française décidant de participer au capital d’une telle société d’économie mixte, ou de la délibération des organes sociaux de la société acceptant l’ouverture à de nouveaux actionnaires étrangers.

Enfin la loi prévoit la majorité des collectivités françaises au sein de SEM ; les collectivités étrangères forcément minoritaires, elles ne sont pas sur un pied d’égalité. 

La société d’économie mixte dont la majorité du capital appartient aux collectivités françaises ; les collectivités étrangères sont considérées comme des personnes privées.(115)

On peut se demande comment une collectivité étrangère pourrait prendre un risque en abandonnant la direction à son partenaire français dans un domaine aussi important que la gestion d’un de ses services publics. Et à l’inverse, on voit mal que les collectivités françaises pourront accepter une telle situation quand elles participent au capital des sociétés étrangères. En outre la notion des services publics posera le problème de gestion de service. La soumission des collectivités françaises au droit étranger ne sera pas facile.

La participation minoritaire du capital des collectivités territoriales étrangères aux sociétés d’économie mixte (SEM) locales est un moyen qui peut permettre aux collectivités territoriales françaises ou leur groupement de contrôler ou de piloter les activités de SEM et en plus cette SEM reste soumise au droit français. Ce mécanisme empêche la SEM de ne pas dérailler des objectifs définis par la loi française (exploitation des services publics). Mais il est difficile de surveiller l’exploitation des services publics quand les collectivités françaises participent aux SEMs étrangères. 

Il faut savoir que la participation d’une collectivité française au capital étranger ne peut être généralement faite. La participation d’une collectivité territoriale françaiseau capitald’une société commercialeétrangère ou à unorganisme étranger à but lucratifest en 

principe illicite, en dehors des dispositions particulières des articles L ; 1522-1, alinéas 3 et 4 (participation collectivité territoriales françaises à des structures comparables à une S.E.M.L. 

française, par l’application d’un accord préalable de réciprocité) et L. 1112-4 du Code général des collectivités territoriales. 

Ainsi, les articles L. 1112-2 et suivants et l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales autorisent la participation de collectivités publiques étrangères à des société d’économie mixte (SEM) locales et à des groupements d’intérêt public (GIP) sous réserve de réciprocité et moyennant le respect de certaines conditions (loi du 6 février 1992).

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(114) : Bernard Dolez, Le régime juridique de la coopération décentralisée après l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, RFDA 11 sept-oct 1995, p. 943.

(115) : CE, 25 octobre 1994, avis n° 356.381 dans : Perrot H., (1995), « Le perfectionnement des instruments internes et externes de la coopération décentralisée à la française. Rapport d’activité 1994-1995 du délégué pour l’action extérieure des collectivités locales », Ministère des Affaires étrangères, septembre, annexe III..

Inversement, l’article 1112-4 permet aux collectivités françaises de participer au capital d’une personne morale ou d’adhérer à un organisme public de droit étranger (loi du 4 février 1995). 

 
 
CONCLUSION

La coopération transfrontalière est régie par les règles européennes et les règles nationales. Parallèlement, l’institution des organismes de coopération est un moyen essentiel pour renforcer les règles existant. Les organismes de droit privé et de droit public ont été créés sous les diverses formes juridiques. Les collectivités locales disposent de la grande liberté dans la coopération transfrontalière mais le rôle de l’Etat reste important par le biais de divers organismes pour aideret surveiller les activités descollectivités locales. 

La loi du 2 mars 1982 relative à la décentralisation, la loi sur l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 et la loi d’orientation pour l’aménagement du territoire du 4 février 1995 dite loi Pasqua renforcent le développement rapide de l’action des collectivités locales avec leur autonomie considérable et la création des organismes de coopération transfrontalière.

La coopération transfrontalière prend la forme de trois catégories différentes dont le régime juridique n’est pas vraiment pareil. Il s’agit de la coopération transfrontalière dans la relation interétatique, la coopération transfrontalière horsla coopération décentralisée  et la coopération transfrontalière dans le cadre de la coopération décentralisée. 

La coopération transfrontalière relève du domaine de l’Etat et aussi des collectivités territoriales. Même les collectivités territoriales jouent le rôle très important dans la coopération transfrontalière grâce à divers mécanismes juridiques et institutionnels ; le rôle de l’Etat reste essentiel dans la politique de la coopération transfrontalière.

La coopération transfrontalière facilite les cohabitations pacifique et harmonieuse des habitants de l’une etde l’autre des frontières en développant tous les aspects politique, économique et social dans les zones frontalières. 

La convention cadre de Madrid et son protocole additionnel renforcent considérablement la coopération transfrontalière,et en plus les législations nationales se servent également de base essentielle àdéfinir le régime juridique précis de cette coopération. En même temps, les instruments institutionnelsaident les collectivités territoriales à exercer pleinement leurs compétences dans la coopération transfrontalière.

Cependant, il est regrettable que l’Union européenne ne prend pas en main la question de la coopération transfrontalière. Il n’y a pas de réglementations européennes précises et spécifiques sur le régime juridique de la coopération transfrontalière. 

La nécessité d’assurer à l’intérieur de l’Europe la cohésion économique et sociale que postulait l’adoption du principe du marché unique en 1987 a donné une justification incontestable à la politique communautaire de la coopération transfrontalière.

Le traité de Rome impose le droit de la libre circulation des personnes, des capitaux et des marchandises au sein de l’Union européenne ; par contre les frontières restent obstacles majeurs de la mise en oeuvre les dispositions définies par le traité de Rome ; la souveraineté des Etats reste un des enjeux politiques essentiels.

Cependant, on constate que toutes ces réalisations transfrontalières aujourd’hui marquent à leur façon l’importance croissante du rôle des régions dans la construction européenne, s’ajoutant ainsi aux efforts des Etats et des institutions européennes. Elles traduisent aussi le souci des régions de « faire l’Europe » comme écrivait Denis de Rougemont (116).

Il importe d’en avoir conscience et d’être assez utopiste pour croire que le développement de la coopération interrégionale et transfrontalière prépare l’Europe demain. Car un peu utopie est nécessaire pour dépasser la fragilité des réponses institutionnelles, l’accroissement des déséquilibres économiques régionaux et des comportements culturels passéistes(117).

On se demande si la démarche de la construction européenne pourra aboutir à la fédération européenne. Si la fédération européenne est souhaitable par les Etats membres de l’Union, la règle européenne de la coopération transfrontalière est indispensable.

La règle européenne est un moyen nécessaire et efficace pour uniformiser le régime juridique de la coopération transfrontalière au sein de l’Union européenne et c’est une étape indispensable vers la fédération. 

Mais pour l’instant, L’Etat doit conserver les prérogatives indispensables à la détermination des objectifs et à la préservation des intérêts nationaux en la matière, de même il est nécessaire que l’Etat trace les orientations générales en matière de coopération décentralisée pour éviter l’éparpillement, la dispersion des initiatives locales(118)Et une fois encore l’on ne peut que souscrire à ce que déclarait récemment (novembre 1997) le secrétaire d’Etat à la coopération, Charles Josselin : « La liberté reconnue aux élus ne doit pas les dispenser de l’information nécessaire des autorités françaises ». C’est-à-dire l’Etat surveille toujours les actions des collectivités locales quelque soit leur nature. 

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(116) et (117) : Charle RICQ, Les institutions interrégionales transfrontalières en EuropeCNFPT, n° 30, 1990,p. 140.

(118) : Michel Rousset, L’action internationale des collectivités locales, LGDJ,1998, p. 99.

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Textes internationaux

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-Accord de Rome du 26 décembre 1993… J.O. 6 janv. 1996 p. 227

-Accord de Bayonne du 10 mars 1995.

-Accord entre la France, la R.F.A., le Luxembourg, et la Suisse, le 23 janv. 1996 (loi 97-103 du 5 févr. 1997…J.O., 7 févr. 1997, p. 2090.

-Protocole additionnel à la convention cadre européenne sur la coopération transfrontalière fait à Strasbourg le 9 novembre 1995 (trois déclarations).

Textes nationaux :

-Loi 72-619 du 5 juillet 1972, art. 4-II, al.2, dans la version de l’art. 65 de la loi 82-213 du 2 mars 1982.

-Loi 83-1131 du 23 décembre 1983, autorisant l’approbation de la convention cadre de Madrid (J.O., 27 décembre 1983, p. 3732).

-Loi 92-125 du 6 février 1992, d’orientation relative à l’administration territoriale (J.O., 8 février 1992, p. 2064) [Titre IV : art. 131-134].

-Loi 95-115 du 4 février 1995, d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (J.O., 5 février 1995, p. 1973) [art. 83].

-Une série de décrets et de circulaires citée dans le travail.

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