Intervention de Jean-Louis XHONNEUX, secrétaire territorial pour la Belgique, au bureau de l’A.I.D.L.C.M. (Association internationale pour la Défense des Langues et cultures menacées) réuni à Mende (Lozère - France) du 11 au 13 octobre 1996.
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Situation actuelle des langues régionales en Europe
Vouloir dissocier la défense des langues de l’engagement politique est une utopie. Nos nouveaux statuts devront en tenir compte. Le secrétaire territorial pour la Belgique ne prendra donc pas de précautions oratoires dans ce domaine. De plus, je laisserai à Paul Lefin le soin de parler du wallon. Il est beaucoup plus compétent que moi dans ce domaine.
Les évolutions institutionnelles déterminent notamment les droits des différentes communautés linguistiques en Belgique. Les mécanismes juridiques impliquent que les modifications constitutionnelles réclament une déclaration préalable, une dissolution du parlement fédéral, des élections législatives et ensuite des votes à majorité spéciale. Malgré tous ces freins, la Belgique se prépare à de nouvelles évolutions.
Je vous ai déjà parlé précédemment de cette législation linguistique qui impose la langue officielle de la Région dans les conseils communaux. La Flandre prépare maintenant une Constitution. D’éminents juristes, soutenus par le Ministre-Président du Gouvernement flamand, y travaillent. Et ils ont trouvé une solution au problème de l’utilisation exclusive de la langue de la Région dans les délibérations des conseils communaux, notamment: pour y être élu, il faut être électeur ; et pour être électeur, il faudra désormais faire la preuve de la connaissance du néerlandais. Ensuite, il n’y aura plus de problème pour imposer l’emploi exclusif du néerlandais.
C’est de l’épuration linguistique et rien d’autre. Quand on arrive à imposer une telle contrainte dans des communes où les Francophones sont majoritaires, il y a évidemment un abus de pouvoir.
Pour lutter contre de tels abus de pouvoir, la Communauté française de Belgique accorde des subventions à des groupements de ses ressortissants domiciliés en Flandre. Sur plainte du Parlement flamand (Vlaamse Raad) - à l’instigation de son extrême-droite (Vlaams Blok) - la Cour d’Arbitrage vient d’annuler il y a moins de dix jours ces subventions de la Communauté française en consacrant le principe - cher aux Flamands - de la territorialité des compétences communautaires, mais en permettant à cette Communauté française de larges possibilités en matière de promotion de la langue et de la culture françaises. Belle occasion aussi pour rappeler la nécessité d’approuver la Charte européenne sur les langues minoritaires par les différentes composantes belges.
Vous avez tous entendu parler des graves affaires de pédophilie qui agitent la Belgique en ce moment. Sachez que la presse flamande n’a pas hésité à tirer des généralisations abusives du fait que tous sont qui sont inculpés actuellement sont wallons. Voilà le climat dans lequel nous vivons.
La presse flamande tire ainsi argument du fait que le principal inculpé Dutroux vivait d’allocations sociales attribuées injustement, pour démontrer que la Flandre paie la sécurité sociale des Wallons, qui, selon elle, sont des profiteurs et des tricheurs.
C’est dans ce climat de méfiance entre les Communautés qu’on a entendu le Chef du groupe socialiste de la Chambre dire en juillet 1996 à ses collègues flamands qu’ils pourraient avoir la surprise d’avoir bientôt la frontière française aux portes de Bruxelles. Depuis lors, le Ministre-Président de la Région wallonne a encore ajouté que la Wallonie se trouvait plus près de Paris que la plus grande partie des villes françaises comme Bordeaux, Lyon, Marseille, et j’y ajoute Mende.
Nous assistons donc à une escalade verbale avec une Constitution flamande d’une part et un rattachement à la France d’autre part. Cette escalade prépare manifestement une négociation communautaire qu’on nous annonce pour 1988 ou 1999.
Il semble clair qu’on se dirige vers une séparation de plus en plus grande entre les différentes entités fédérées belges, tout en sachant qu’il y a d’énormes problèmes de fixation des frontières à régler. Même si nous nous dirigeons vers une Europe des Régions, ce problème des frontières reste entier, mais, dans ce cas, il pourrait être arbitré à une autre échelle.
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