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CHAPITRE IV C




L'INTERPRÉTATION
JUNGIENNE
DES RÊVES

par

Thérèse-Isabelle Saulnier


Rendons à César ce qui appartient à César: si j'ai pu, un jour, m'intéresser vraiment à la psychologie des profondeurs et particulièrement aux rêves, c'est grâce À Jung qui, nous pouvons l'affirmer sans l'ombre d'une hésitation, nous présente une conception de l'être humain, et du psychisme dans son ensemble, beaucoup plus riche, vaste, complexe et valorisante que celle de Freud. En particulier, c'est grâce à sa conception de l'inconscient comme faculté, et non pas simplement comme un lieu où se trouverait tout ce que nous avons oublié et refoulé, que j'ai pu entrevoir combien, effectivement, les rêves devaient être des messages qui nous étaient envoyés par cette même faculté. En ce qui concerne sa conception de l'être humain et du devenir personnel de chaque individu, sa présentation du MOI évoluant à l'intérieur de ce qu'il a appelé le processus d'individuation, menant vers la réalisation de soi, m'a paru extrêmement riche de possibilités.

Sur le plan strictement symbolique, la pensée de Jung est, aussi, beaucoup plus riche et complexe que celle de Freud, qui a la fâcheuse tendance à tout ramener à la sexualité. En conséquence, au niveau de l'interprétation des rêves, avec Jung, les possibilités deviennent donc, du coup, beaucoup plus larges et ouvertes: nous ne sommes plus limités et encadrés par des sens pré-définis, mais nous sommes amenés à travailler sur la richesse des symboles eux-mêmes, à sens multiples, et sur les perceptions individuelles du ou de la rêveuse. D'ailleurs, Jung dit bien qu'aucun symbole apparaissant dans un rêve ne peut être abstrait de l'esprit individuel qui le rêve, et il n'y a pas d'interprétation déterminée et directe des rêves." (Essai d'exploration de l'inconscient, p. 65.) Il a aussi affirmé que nos rêves avaient pour sens nous-mêmes, notre vie et notre univers; par conséquent, aucun thérapeute n'est autorisé à projeter ses propres significations sur les rêves d'autrui, comme avait tendance à le faire Freud. (Dans ce même EEI, Jung donne l'exemple d'un de ses rêves que Freud a interprété: il s'est senti obligé d'en cacher certains détails, convaincu que Freud les interpréterait de telle façon, qui lui semblait, à lui, incorrecte et fausse. Voir p. 70 à 72.)

Jung, on le sait sans doute, est surtout connu pour deux de ses principales découvertes: les notions d'animus et d'anima, dont j'ai présenté la signification dans le chapitre 4 de mon Guide d'analyse des rêves I, sur les personnages, et l'existence d'un inconscient collectif ayant ses propres symboles, que Jung a appelés des archétypes; ces symboles collectifs sont communs à différentes cultures, universels, pour mieux dire, et viennent de l'expérience archaïque que nos lointains ancêtres préhistoriques ont faite de certaines réalités fondamentales. Deux de ces archétypes, celui de la mère et du cheval, sont présentés dans la section A de ce chapitre. Je reviendrai plus loin sur la question des archétypes dans les rêves.

Malgré la richesse extraordinaire des écrits de Jung, ce n'est cependant pas en le lisant que j'ai pu prendre la décision de commencer à analyser un premier rêve mais, plutôt, en travaillant un livre de sa disciple et successeure Marie-Louise von Franz. Cet ouvrage s'intitule L'Ombre et le mal dans les contes de fées, dans lequel on peut voir s'exercer, de façon très précise et systématique, la méthode jungienne d'analyse: en effet, M-L von Franz y étudie dans le détail une série de contes et en fait voir le sens psychologique caché en examinant tour à tour chaque élément du conte, qu'elle qualifie d'ailleurs de "rêve collectif". Une fois ma lecture terminee, je me suis dit qu'il suffisait de procéder de la même manière avec un rêve pour en déchiffrer le sens, mais en travaillant à partir de mes associations et de mes perceptions et non pas, comme elle, à partir de la grille d'analyse et de la symbolique jungiennes. J'ai donc commencé avec un premier rêve, qui m'avait semblé assez facile et parlant; j'en ai étudié chaque élément en me demandant ce qu'il pouvait signifier pour moi, et j'ai assez facilement passé au travers. Depuis, je n'ai pas cessé d'étudier tous les rêves que je fais.

Est-ce donc dire que la psychologie jungienne est pratiquement sans défaut et que l'on peut s'y fier totalement? Chose certaine, c'est une belle et très riche conception psychologique. Si seulement les disciples de Jung savaient vulgariser convenablement cette pensée très complexe et touffue, elle aurait alors toute la diffusion et l'influence qu'elle mérite largement. En ce qui concerne plus spécifiquement l'analyse des rêves, sa grande ouverture nous est extrêmement utile, mais il faut savoir en prendre et en laisser. Où?

D'abord, il faut préciser que lorsque Jung a parlé de l'interprétation des rêves, il n'a jamais parlé d'auto-analyse, sauf pour les psychologues et thérapeutes. Il n'a jamais parlé, non plus, de l'analyse des rêves, mais toujours de leur interprétation. Cependant, lui-même s'est fait l'analyste de ses propres rêves pendant une bonne partie de sa vie. Selon lui, c'était là une entreprise difficile qui n'était pas à la portée de tout le monde. Tous les psychologues jungiens vous diront, d'ailleurs, qu'il est peut-être possible d'analyser seul ses propres rêves, mais que cela demande une somme de connaissances très vaste réservée, finalement, à des spécialistes, de sorte qu'il nous faut un guide si nous voulons y voir clair. C'est le point de vue que soutient Ernest Aeppli, en affirmant que tout interprète devrait posséder les qualités suivantes: une personnalité marquée et des connaissances étendues sur les rêves eux-mêmes, sur la psychologie des profondeurs, la mythologie, les contes et légendes, les symboles universels, les phénomènes religieux, les cultes, les rites et... se sentir à l'aise dans la plupart des domaines des sciences naturelles, de la technique, des conditions sociales et culturelles. /.../ Il est en outre nécessaire qu'il participe à une vie spirituelle riche et intense." (Les rêves et leur interprétation, p. 119)

Vraiment, je vois mal comment ce savoir quasi universel serait nécessaire pour entreprendre l'analyse d'un rêve, surtout si c'est l'un des nôtres, puisque notre inconscient ne fonctionne pas d'après ce qui est écrit dans de savants livres, mais d'après nos propres perceptions, d'après ce qui est en nous. Bien entendu, si les savants interprètes de rêves qui nous parlent à la manière d'Aeppli s'adressent à tous ceux et celles qui veulent devenir des experts dans l'interprétation des rêves des autres, je comprends mieux, alors, toutes ces exigences. Mais, encore là, quelque chose cloche dans ce long et fastidieux répertoire d'exigences, car la plupart des psychologues, Jung inclus, affirment que la personne qui a fait le rêve est la mieux placée pour trouver le sens du rêve et que la base même de la traduction est l'association d'idées venant de l'auteur du rêve, et non de l'interprète.

D'où peuvent bien provenir, alors, toutes les exigences d'un Aeppli? En fait, elles viennent précisément de la psychologie jungienne, qui met tant d'emphase sur l'inconscient et les symboles collectifs. Or, c'est là un domaine intéressant, certes, mais sur lequel on ne doit pas mettre trop d'accent et, surtout, qu'on doit situer à sa juste place, c'est-à-dire au fin-fond de la zone inconsciente et bien au-delà de l'inconscient personnel. On a déjà suffisamment de travail sur la planche avec ce dernier sans faire empiéter inutilement l'inconscient collectif qui ne se manifeste pas souvent, tout compte fait, dans les rêves de tout un chacun. Les "grands rêves" impressionnants, contenant des symboles inexplicables par l'expérience personnelle de l'individu, sont le fait ou de très grands malades, ou de personnes déjà au fait de la mythologie, ou de personnes qui sont rendues à un degré très élevé d'évolution spirituelle. Jung précise, dans Essai d'exploration de l'inconscient, que l'on retrouve ces symboles collectifs "quand il s'agit de rêves obsessionnels, ou possédant une forte charge affective" (p. 92)

A mon sens, on ne devrait même pas parler des archétypes et de l'inconscient collectif lorsqu'on s'adresse au grand public qui s'intéresse aux rêves: cela mêle les gens pour rien et ils ne se reconnaissent gnéralement pas dans ce genre de rêves ou de symboles. La conséquence qui en découle, c'est qu'ils n'entreprennent pas la démarche d'analyse, pensant que c'est trop compliqué.

Un autre point, sur lequel il faut nuancer les interprétations jungiennes, concerne l'apparition, dans les rêves, de symboles représentant l'animus ou l'anima: bien souvent, on va un peu vite en affaire en affirmant que dans les rêves d'une femme, tout homme inconnu représente son animus et que, dans ceux d'un homme, toute femme inconnue symbolise son anima. J'ai critiqué cet aspect à la fin de mon chapitre sur les personnages, dans mon Guide d'analyse des rêves I, car un homme ou une femme inconnue peut représenter tout autre chose que ces réalités psychologiques par ailleurs bel et bien existantes. De plus, il est faux de prétendre, comme on le lit si souvent, que tout personnage de rêve représente une partie de nous-mêmes.

Enfin, il y a un dernier point qui est très agaçant dans les interprétations et la symbolique jungiennes: il s'agit de la "sexisation" passablement systématique des symboles. C'est ainsi que l'on retrouve souvent, dans ces ouvrages, des affirmations du type: une armoire est un symbole féminin, de même qu'une caverne, une ville ou une maison. De plus, chose encore plus étonnante, c'est que la plupart des psychologues jungiens affirment péremptoirement qu'il y a une nature masculine et une nature féminine, nature sur laquelle, d'ailleurs, repose la composition de l'animus et de l'anima: l'homme est, dit-on, intellectuel, autonome, rationnel, actif, extraverti; la femme est, dit-on, émotive, intuitive, plus dépendante, chaleureuse, passive, introvertie. C'est vraiment à se demander comment il se fait qu'à l'intérieur de cette école, on en soit encore là et qu'on ose affirmer comme vérité d'évangile un jugement d'ordre essentiellement culturel aussi catégorique, "évident" et "manifeste" que celui-ci: "Lorsque la vache se montre dans des rêves de femme, c'est presque toujours parce que la rêveuse manque de patience et de bonté, parce qu'elle n'est pas assez simplement une nature féminine, prête à enfanter et à allaiter, à vivre sans faste dans l'espace qui lui est dévolu." (Aeppli, p. 274)

La patience et la bonté sont des vertus traditionnellement et "naturellement" féminines, on s'en doute bien; la réalisation de toute femme se trouve uniquement dans la maternité et l'espace qui lui est dévolu n'est guère mystérieux: c'est la cuisine!! Epouses, mères et ménagères! Telle est notre triple vocation "naturelle", à nous les femmes!

Voici un autre exemple, tiré du livre d'Etienne Perrot, Les rêves et la vie. Perrot, qui est l'un des grands vulgarisateurs actuels de la pensée jungienne, est moins pardonnable qu'Aeppli, ce dernier ayant écrit son livre au tout début des années '60 alors que M. Perrot a fait ses savantes et "alchimiques" interprétations en 1978-79. Voici le rêve: "Je me trouve dans une église, à la fin d'un office. Les fidèles, pour sortir, ont deux possibilités: ou bien le plus simplement possible par la grande porte de l'église, ou alors en passant par la chaire où je me trouve. Mais, avant de redescendre, il faut prendre dans une énorme bassine remplie d'une boue d'argile liquide une grande louche de ce liquide et me la lancer à la figure. Je n'ai reconnu personne, sauf l'ami très cher qui est venu me délivrer de cette situation particulièrement désagréable." (p. 133. Son interprétation se trouve aux pages 133 et 134.)

D'abord, Perrot dit aux deux co-animateurs de l'émission que ce rêve est une véritable "colle pour l'interprète". Quand Henri Gougaud lui demande en quoi ça l'est, il répond qu'il lui faudrait, dans ce cas, connaître la personne, l'avoir en face de lui pour lui poser des questions et voir un peu qui elle est. Ce qui est étonnant, c'est: pourquoi dans ce seul cas? Pourquoi pas dans tous les cas, pour tous les rêves qui lui tombent sous la main? L'histoire, vue de mes yeux, c'est que M. Perrot a senti la soupe chaude, puisqu'il a bien deviné que ce rêve parle du rôle traditionnellement dévolu à la femme, terrain très glissant pour lui et qui l'obligera à dévoiler le fond de sa pensée sur ce sujet. Donc, malgré son embarras, il cherche à y trouver quand même une explication qu'il veut "la plus gnérale possible et qui aura une valeur d'enseignement pour l'ensemble des auditeurs". Or, quel est cet enseignement? Le voici.

La rêveuse, une femme, a "usurpé" une place qui est traditionnellement réservée aux hommes (la chaire du prédicateur, du prêtre). Or, ce n'est pas la sienne, dit le rêve: "Elle est montée à la place de l'officiant, du prédicateur. Est-ce sa place en tant qu'assistante, fidèle, femme?" (Imaginez la réaction des auditrices en entendant pareille affirmation! Elle n'a d'ailleurs pas tardé à se manifester et les lettres de protestations furent nombreuses.)

- Mais quoi qu'il en soit de ces rô;les traditionnellement dévolus à l'une (femme) et à l'autre (homme), Perrot dit que de toute façon, dans le rêve, cette femme subit la réprobation de son entourage, de sa collectivité, "car on vient l'insulter en lui jetant quelque chose à la figure, en l'éclaboussant."

Quant à l'argile, Perrot affirme qu'elle est la matière première dont l'être humain est fait; ce sens correspond effectivement à notre formation judéo-chrétienne. Cependant, grande négligence et toujours le même "vice d'interprétation" qui perd sans cesse et invariablement M. Perrot, c'est qu'il a oublié le petit d?tail suivant: il s'agit d'argile liquide, qu'il faut prendre dans une grande bassine avec une louche. Voilà ce qui importe ici, et non le symbolisme préfabriqué et traditionnel de l'argile! (Notons qu'une bassine est un ustensile domestique ou industriel et qu'une louche est, elle aussi, un ustensile de cuisine avec lequel on sert le potage: toutes références à la condition féminine, selon toute vraisemblance.)

Bref, cette première étape du rêve, selon Perrot, fait rappeler à la rêveuse qu'elle n'est que poussière et qu'elle retournera en poussière: "Il y a là des êtres qui viennent lui dire: "Rappelle-toi que tu es argile et que tu retourneras à l'argile." Autrement dit, à tes chaudrons, à tes enfants, à tes élèves ou à tes malades, bonne femme!

Là-dessus, M. Gougaud (qui est loin d'être bête et qui s'y connaît en symbolique, cela se voit dans toutes ses interventions) lui fait remarquer: "Mais l'argile, c'est tout de même la matière première de la création?" - Oui, M. Gougaud. Tant qu'à faire, je pourrais tout aussi bien dire, quant à moi et quant à vous, que ce que cette femme attend de la collectivité, c'est qu'on lui lance enfin à la face, comme une délivrance, comme une sortie de l'espace étroit où elle est confinée en tant que femme (la chaire), qu'on lui lance, donc, la création (ou créativité) qui a traditionnellement ét réservée aux hommes! Mais là-dessus, Perrot, véritable rabat-joie et rabat-caquet de M. Gougaud, lui répond: "Oui, c'est très noble et en même temps très humble. Elle doit partir du sol (de l'inconscient, de l'humus (d'où vient humble) pour évoluer et jouer un rôle (entendons celui qui lui est dévolu) dans sa communauté."

Et l'église, demande M. Gougaud? Perrot dit que là-dessus, encore là, il lui faudrait avoir les associations de la rêveuse (pourtant, dans tous les autres rêves, il a fonctionné avec une idée précise et univoque de ce "symbole"!) Il avoue donc qu'il ne peut comprendre cet élément: il en est incapable. (Un petit secret de polichinelle, entre vous et moi: l'église, dernier bastion des résistances "anti-féministes" et "sexistes" de notre monde contemporain!) Cependant, Perrot s'aventure quand même à dire que la rêveuse prend, en ce lieu sacré, une attitude d'enseignante qui apparemment lui est reprochée. (Mais à partir de quoi cela se voit-il dans le rêve? On ne lui reproche absolument rien et l'office est terminé! De plus, elle est simplement là, "coincée", et elle ne "prêche" pas! Si on tient absolument à faire de l'interprétation, il faut tout de même que celle-ci corresponde à la situation du rêve!)

Bouclons la boucle de son interprétation sexiste: un homme la délivre (bien entendu!), vient la sauver de cette situation. Et Perrot termine en disant: "Parce qu'elle a consenti à supporter sans faiblir l'attitude insultante des autres (??), elle obtient le secours de "l'homme intérieur", elle est sortie de son isolement et elle est mise en relation avec son complémentaire." C'est-à-dire? Son animus? Son mari, père de ses enfants et soutien de sa maternité? (Il s'agit d'un ami très cher, a-t-elle précisé, et il nous faudrait absolument savoir, pour déchiffrer correctement le sens de ce rêve, qui il est et ce qu'elle en pense. Mais pour Perrot l'interprète, cela n'a aucune espèce d'importance, alors que c'est fondamental pour un analyste sérieux.)

L'interprétation étant apparemment terminée, Perrot mentionne alors, dans une note en bas de page, que cette interprétation écrite est plus nuancée que celle qu'il a improvisée en ondes. (Qu'est-ce que ça devait être, alors!) Il ne le dit pas vraiment, mais il semble qu'il s'ensuivit un tas de lettres pour critiquer et contester son interprétation, de même que ses idées "arriérées" sur le rôle de la femme dans la société et tout spécialement dans l'église: dans sa note, Perrot s'adresse non pas aux lecteurs, mais aux seules lectrices. Il aurait rabaissé la femme au lieu de l'amener à s'affirmer face à la longue "autorité masculine". Il mentionne, pour se relever de sa chute malencontreuse en ondes, des cas de femmes qui ont été "rabrouées" par l'Eglise: Thérèse d'Avila et Mme Guyon, à laquelle j'ajoute: Jeanne d'Arc en personne! - Mais le mal était fait et M. Perrot, sans le vouloir, a ici trahi ses vues étroites, qu'il avait jusqu'alors réussi à cacher. La "colle pour l'interprète" (c'est-à-dire pour lui-même), ce n'était pas le rêve, mais ce que celui-ci allait l'obliger à dévoiler du fond de sa pensée sexiste!

Voici un dernier exemple du "sexisme" de la pensée jungienne: "Si c'est un homme qui se trouve dans la salle d'accouchement et qu'il a un enfant, il s'agit alors d'un accouchement viril: celui d'une idée nouvelle, d'une oeuvre, d'un acte extraordinaire." (Aeppli, p. 169.) Chez une femme, une naissance ou un accouchement onirique sera interprét automatiquement comme le symbole de l'accomplissement de sa "vraie" nature. Or, pourquoi ne s'agirait-il pas, pour elle aussi, d'un "accouchement viril" (quelle expression, tout de même!), c'est-à-dire de la production de quelque chose d'important, d'une extériorisation de soi? Pourquoi, chez l'homme, faut-il parler d'oeuvre intellectuelle ou d'une création dite "extraordinaire", et non chez la femme? Encore là, nous savons très bien que l'intellectualité est un trait typiquement masculin! Les femmes, elles, sont reines et maîtresses dans le domaine de la sentimentalité: à elles les larmes et les épanchements du coeur! A elles les vertus si nobles de bonté, de patience et de douceur, de réconfort et de chaleur humaine!

Quel dommage que tous les ouvrages jungiens soient ainsi farcis de telles affirmations péremptoires sur la nature psychologique différente des deux sexes, différence, pour eux, fondée en nature et pas seulement par culture. Le malheur est que, dans l'étude des rêves, cela fausse bien des "interprétations"; il serait grand temps, pour cette école, de se départir de tels préjugés.

Références:

Aeppli, Ernest, Les rêves et leur interprétation, éd. du Roseau, Montréal 1986.

Jung, Carl-Gustav, Essai d'exploration de l'inconscient, coll. "Médiations" # 39, éd. Denoël Gonthier, Paris 1974.

Perrot, Etienne, Les rêves et la vie, éd. La fontaine de pierre, Paris 1979.

von Franz, Marie-Louise, L'Ombre et le mal dans les contes de fées, éd. La fontaine de pierre, Paris 1980.


Complément:

Sur les notions jungiennes d'Animus et d'Anima





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