Selon l'expérience que j'ai pu faire, un homme comprend toujours ce que l'on entend par anima. Il en a même, le cas échéant, une image nette, de sorte qu'il pourrait indiquer, parmi un assez grand nombre de femmes, celle qui correspond le mieux au type de l'anima; mais j'ai, en général, éprouvé beaucoup de difficulté à faire comprendre à une femme ce que c'est que l'animus et je n'ai jamais vu un seul cas où une femme fût capable de me donner des indications précises sur la personnalité de l'animus. J'en ai conclu que, probablement, l'animus n'a point de personnalité nettement saisissable, en d'autres termes qu'il n'est pas une unité mais plutôt une multiplicité. Cela doit tenir à la psychologie particulière de l'homme et de la femme. Au point de vue biologique, le principal intérêt de la femme est de retenir un homme, tandis que le principal intérêt de l'homme est de conquérir une femme, et sa nature l'autorise rarement à se borner à une unique conquête. Ainsi une seule personnalité masculine joue un rôle décisif pour la femme; la relation de l'homme avec la femme est, par contre, moins définie; il peut voir en sa femme une femme parmi les autres. Aussi met-il toujours l'accent sur le caractère social et légal du mariage, tandis que la femme n'y voit qu'une relation exclusivement personnelle. La conscience de la femme est en général limitée à un seul homme tandis que celle de l'homme a une tendance à s'élargir au-delà du personnel qu'elle peut, parfois, dédaigner. Nous devons donc nous attendre à trouver dans l'inconscient une compensation contraire. Tout ceci concorde harmonieusement avec l'anima masculine aux contours relativement nets et avec le polymorphisme indécis de l'animus féminin. (p. 56-57) |