La maîtrise de soi est un
idéal typiquement masculin. On l'atteint en
refoulant ses sentiments. Le sentiment est une vertu
spécifiquement
féminine et comme, pour atteindre son idéal de
virilité, un homme
réprime tous les traits féminins qu'il possède,
comme la femme possède
des traits masculins, il refoule, comme faiblesse
efféminée, certaines
espèces de sentiments. Ce faisant, il accumule en son
inconscient cette
effémination, ou sentimentalité qui, lorsqu'elle se
manifeste, trahit
l'existence en lui d'un être féminin. On sait que
précisément les
hommes très mâles sont intérieurement les plus
soumis à la sensibilité
féminine. C'est ce qui expliquerait aussi le nombre sensiblement
plus
élevé de suicides masculins et, d'autre part, la force et
la fermeté
souvent extraordinaire que développent précisément
des femmes très
féminines. Quand on étudie très sérieusement les émotions non maîtrisées d'un homme et que l'on essaie de reconstruire la personnalité probable d'où proviennent de telles émotions, on parvient très rapidement à une figure féminine, celle que précisément j'ai appelée l'anima. C'est pourquoi la vieille croyance avait admis l'existence d'une âme féminine, d'une "psyché" ou "anima", et ce n'est pas sans raisons psychologiques que le moyen âge ecclésiastique posait la question suivante: "habet mulier animam?" (La femme a-t-elle une âme?) Chez la femme, c'est exactement le contraire. Lorsque l'animus se manifeste en elle, ce ne sont pas les sentiments qui apparaissent; elle se met à discuter et à raisonner. Et comme les sentiments de l'anima sont arbitraires et lunatiques, les arguments féminins sont dépourvus de logique et de raison. On peut parler à bon droit d'une pensée de l'animus qui a toujours raison, toujours le dernier mot et s'arrête toujours sur un "parce que..." péremptoire. L'anima est sentiment irrationnel, l'animus, compréhension irrationnelle. |