The following leaflet by Mouvement Communiste was written to be distributed at the mobilizations against the summit of the Americas held in Quebec City April 20-21 2001. Unfortunately, circumstances made this impossible. (note by Red & Black Notes )

 

L' « anti-mondialisation » ou le socialisme des imbéciles

 "Les communistes dédaignent de dissimuler leurs idées et leurs buts"

---Karl Marx et Friedrich Engels

 

Quelle est la véritable nature du capitalisme mondial pour les centaines de millions de prolétaires qui, à travers la planète, de Rio de Janeiro à Shanghai, de Seattle à Johannesburg, de Séoul à Paris chôment, travaillent et luttent ?Souffrent-ils de la dictature de la « finance », ce « mauvais côté du capital » (marché des changes, bourses, etc.) auquel on pourrait opposer un « bon côté », le capital industriel ou éventuellement commercial qui, eux, créent des emplois ? Le rapport social capitaliste ne constitue-t-il pas plutôt une totalité indivisible et solidaire ? Le fait d'isoler un secteur pour le placer au centre de la critique ne relèverait-il pas d'une économie politique ultra-simpliste ?

A ces questions, les anti-mondialistes apportent des réponses mystificatrices en concentrant le feu de la critique sur une forme particulière du capital, le capital financier, afin de mieux occulter ainsi la critique du capital comme totalité.

 Remettre la critique sur pied

Pour les communistes révolutionnaires, la critique du capital est fondée sur l'identification de l'exploitation des travailleurs salariés par le capital producteur de survaleur et non sur le capital financier, lequel ne se valorise que sur la base des ponctions (intérêts) réalisées sur la plus-value sociale produite dans la sphère productive. En toute logique donc, pour les obsédés de la lutte contre la finance, l'étranglement de cette sphère 'diabolique' devrait débuter par la destruction du capital industriel. Mais, le fait est que, la plupart des « antimondialistes » défendent la production de marchandises (quand elle n'est pas « multinationale » et, de préférence, quand elle est réalisée dans le cadre d'entreprises nationalisées ou/et des petites unités de production artisanales, coopératives, etc.). La gauche et les fascistes ont toujours été les professionnels de la dénonciation univoque et à géométrie variable du capitalisme. En France, au moment du Front Populaire, la gauche tentait de détourner la colère des prolétaires en dénonçant les « 200 familles ». Après 1960, les staliniens s'étaient fait une spécialité de la défense des petits commerçants et patrons contre le « grand capital monopolisateur ». Les fascistes, quant à eux, attaquaient dans les années '30 la finance « anonyme » et « vagabonde » et canalisant le ressentiment populaire sur l'antisémitisme, ce « socialisme des imbéciles ».

Le mouvement « anti-mondialisation » n'est pas en rupture avec ces traditions funestes.

Mais qui sont ces anti-mondialistes ?

Ce sont tous ceux qui depuis plusieurs années, des grands partis socio-démocrates et staliniens aux diverses variétés de gauchistes, ont enfourché ce nouveau cheval de bataille : l'anti-mondialisation. Ce mouvement a ses héros, le bouffon, José Bové et l'encagoulé mondain Marcos ; ses organes de presse, pour l'aire francophone, Le Monde diplomatique; ses lieux sacrés, Porto Alegre, San José du Chiapas et Millau ; son économiste, Tobin ; son grand ancêtre, John M. Keynes ; ses « glorieux » faits d'armes, Seattle, Nice, Davos et Naples ; sa novlangue, « néolibéralisme », « forum social », « budget participatif », « économie citoyenne » ; ses grands Satans, l'OMC, la Banque Mondiale et le FMI. Bref tout l'attirail idéologique nécessaire pour mobiliser les bataillons de la fausse conscience critique.

L'idéologie de l'anti-mondialisation s'articule en la dénonciation :

- d'une fraction du capital désignée sous le terme générique de « marchés financiers », parasitaires et malfaisants ;

- la marchandisation de certains secteurs « sacrés » de l'activité productive : la « culture », l'agriculture, l'eau. Ils tournent le dos, en revanche, à la critique du fondement et de la raison d'être du capitalisme, à savoir le salariat et la consommation productive de la marchandise force de travail ;

- des délocalisations de la production vers les pays à bas salaire réalisées par les fameuses « multinationales ».

 

Les solutions avancées par les anti-mondialistes sont les suivantes :

- l'instauration de la taxe Tobin (à hauteur de 0,1% du total) sur les mouvements financiers, soit « le socialisme à 0,1% » (soit infiniment moins que les « plus-values boursières » qui sont, elles, soumises à un « prélèvement libératoire » de 26 %) ;

- l'instauration de nouvelles barrières douanières pour protéger les productions nationales ;

- la participation des citoyens aux affaires de la cité, avec pour exemple le réformisme relooké Porto Alegre.

 Derrière ce discours apparemment novateur et chic, on retrouve les thèmes les plus éculés du réformisme. Qu'est-ce, en effet, que la triste pantalonnade de Porto Alegre sinon la remise au goût du jour, du « socialisme municipal » ? Qu'est-ce que la marche sur Mexico de l'EZLN - organisée conjointement par l'Etat mexicain et par Marcos - sinon une application « moderne » du vieux réformisme social-démocrate du début du siècle qui expliquait que l'objectif du mouvement prolétarien n'était plus la prise violente du pouvoir politique mais sa conquête graduelle et pacifique ?

Comment peut-on imaginer combattre un adversaire sans comprendre son fonctionnement et en ne s'attaquant qu'à un aspect de sa domination ? Le capital, face au prolétariat, est une totalité dynamique solidaire.

 Capital mondial contre prolétariat international

Contrairement à ce que racontent les anti-mondialistes (Cf. le Monde diplomatique), la mondialisation du capital n'a pas commencé avec l'effondrement du mur de Berlin. Depuis le XVIe siècle, avec la centralisation par le capital financier et le capital commercial de gigantesques masses de valeur qui ont permis l'essor du capital industriel, le rapport social basé sur l'exploitation s'est déployé sans cesse de la vieille Europe, aux Amériques, pour envahir la planète.

Ce mouvement irrésistible avait été décrit dès 1848 par Marx et Engels dans le Manifeste du Parti Communiste :

« Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. (…). Les vieilles industries nationales sont détruites ou sur le point de l'être tous les jours. Elles sont supplantées par de nouvelles industries dont l'introduction devient une question vitale pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus éloignées, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans tous les coins du globe. (…) A la place de l'ancien isolement de localités et de nations se suffisant à elles-mêmes, se développe un trafic universel, une interdépendance universelle des nations. »

A cette époque, les révolutionnaires avaient compris qu'en dépit des souffrances énormes et des atrocités qu'il impliquait, ce mouvement créait les bases objectives d'un mode de production supérieur, le communisme, porté par une classe ouvrière sans cesse plus nombreuse et présente en force aux quatre coins de la planète. Marx et Engels déjà fustigeaient le « désespoir des réactionnaires » de tous poils qui, à l'instar des anti-mondialistes d'aujourd'hui, regrettaient le bon vieux temps, hier des corporations et de l'ordre immuable de la société féodale, aujourd'hui de l'Etat providence national et du capitalisme « keynésien » des années 60.

Ces Messieurs ne voient dans la misère que la misère, sans y déceler les potentialités révolutionnaires.

Depuis 1848, l'internationalisation du capital n'a cessé de s'approfondir. D'innombrables nouveaux pôles d'accumulation ont émergé, renforçant ainsi le prolétariat mondial et élargissant les bases objectives de sa conscience révolutionnaire. Le mouvement ouvrier et les luttes ouvrières radicales ne sont plus l'apanage des prolétaires blancs et européens. Depuis vingt ans, la Corée du Sud, l'Afrique du Sud, le Mexique, le Brésil, la Chine, et bien d'autres pays connaissent des affrontements de classe, qui concernent des millions de prolétaires et s'inscrivent pleinement dans la guerre historique contre l'exploitation.

Ces combats contribuent à recréer les fondations d'un véritable internationalisme prolétarien, nécessité de plus en plus vitale pour les exploités, y compris pour mener à bien leurs luttes défensives.

Alors que les syndicalistes de la CGT en France et de l'AFL-CIO aux Etats-Unis gémissent contre les délocalisations et la division internationale du travail en défendant la « production française » et « yankee », les révolutionnaires affirment l'urgence du développement international de la lutte de classes. C'est le cas actuellement chez Danone, qui délocalise une partie de ses activités biscuits d'Europe occidentale en Europe Orientale. Il en va de même pour l'immigration, utilisée pour accroître la pression sur les salaires des ouvriers « autochtones ». Faut-il répondre à cela en prônant la fermeture des frontières, voire l'adoption de politiques de quotas, ou défendre la libre circulation des exploités en favorisant leur union grandissante ?

 Aujourd'hui, deux types de réponse existent face à l'approfondissement de la domination planétaire du capital. Une première réponse - de type réformiste - vise à réguler le cours impétueux de la circulation de la valeur en instaurant des pseudo gardes fou (taxe Tobin, protectionnisme, frontières plus sûres, démocratie locale, etc.) contre certains de ses excès. La seconde réponse - communiste révolutionnaire -, loin de s'attrister de ladite « mondialisation », salue les potentialités qu'elle dégage pour la lutte du prolétariat mondial et, loin des replis réactionnaires sur la nation, la région ou le roquefort, œuvre à l'unité internationale des exploités pour l'abolition du salariat et la disparition de la valeur.

 

Mouvement Communiste / 20 mars 2001

Contact : B.P.1666 Centre Monnaie 1000 Bruxelles 1 BELGIQUE

 

"Mais en général de nos jours le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange."

  --- Karl Marx, Discours sur le libre-échange (1848)
 

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