Au Portugal, sous la dictature de Salazar qui a établit ( en 1940 ) un Concordat avec le Saint Siège, seule la Religion Catholique était reconnue au pays. Ce fut la « Révolution des Oeillets » ( 25 avril 1974 ) qui a rendu la liberté et les droits civiques aux portugais avec une Constitution où le principe de séparation entre l’État ( République ) et les confessions religieuses est défini.
Actuellement, gouverné par un exécutif socialiste à forte expression de ministres catholiques - le Premier ministre ( António Guterres ) étant lui-même un ancien membre de l’Opus Dei ( voir article ci-joint ) - et sous forte pression des évêques de l’église Catholique, le Parlement a approuvé ( le 26 avril ) par une large majorité - plus de 80% - la « loi de la liberté religieuse », une loi qui établit un droit positif encadrant la liberté des cultes religieux, tout en excluant… l’Église Catholique ( ! ) qui jouira du régime spécial prévu dans le vieux traité concordataire qui, jamais dénoncé, sera à court terme revu et substitué par un nouveau Concordat à établir avec le Saint Siège.
Vu que cette loi, permettant de graves écarts à l’application de la norme constitutionnelle qui établit une nette séparation entre l’État et les confessions religieuses, suscite aux laïques des soucis très sérieux, la délégation portugaise du Mouvement E&L a adressé une lettre au Président de la République ( Jorge Sampaio ) lui exposant ses raisons et lui demandant de promouvoir, au près du Tribunal Constitutionnel, que l’accord de cette nouvelle norme avec la loi générale du pays soit examiné.
En effet, selon la Constitution portugaise l’État doit garantir aux citoyens le droit de liberté religieuse, sans privilégier aucune option religieuse ou philosophique ; le droit d’avoir ( ou de ne pas avoir ) une confession religieuse, le droit d’être ( ou de ne pas être ) membre d’une communauté religieuse et le droit de pratiquer ( ou de ne pas pratiquer ) un culte religieux.
Considérant que la « loi de la liberté religieuse » récemment approuvée vient troubler gravement l’exercice normal de ces droits - elle exclut de son cadre d’application l’Église Catholique Romane, ne s’adresse qu’aux citoyens qui suivent des confessions religieuses qu’elle se propose de reconnaître, marginalise les citoyens qui suivent les autres religions ( celles qui ne seront pas reconnues ) et ignore les citoyens qui ne suivent aucune religion - la délégation portugaise du Mouvement E&L a soutenu auprès du Président de la République ses réserves, soulignant comment cette loi ignore plusieurs articles de la Constitution portugaise - très particulièrement, ceux qui assurent le principe démocratique de la stricte égalité de tous les citoyens devant la loi - et comment elle pointe vers une grave et périlleuse pulvérisation communautariste ( corporative ) de la société portugaise.
Le 6 juin, sans consulter de Tribunal Constitutionnel, le Président de la République a promulgué la « loi de la liberté religieuse », en adressant au Parlement un « message » - dont une copie a été envoyée à la délégation portugaise d’E&L, en réponse à la lettre envoyée - ou il considère que « le fait de la loi de la liberté religieuse maintenir en vigueur la législation actuellement applicable à l’Église Catholique, en soi même, ne décide rien de définitif sur le régime qui sera futurement approuvé ni prétend avoir la vertu de corriger l’inconstitutionalité de quelques normes actuellement en vigueur » et que « le fait de l’actuelle loi de la liberté religieuse ne s’appliquer pas à l’Église Catholique n’implique pas nécessairement, en soi même, l’inégalité matérielle des régimes juridiques applicable dans le futur aux différentes confessions. »
Par une curieuse coïncidence, le jour même ou les députés de la République ont approuvé la « loi de la liberté religieuse », la Conférence des Évêques Portugais a divulgué un très curieux document - « Crise de Société, Crise de Civilisation » - ou ces ministres de l’Église cherchent à influencer différents aspects de la vie civile du Portugal, tout en soutenant que, dans la société portugaise, un ensemble de faits et de phénomènes sont des « symptômes préoccupants d’une altération culturelle qui annonce une crise de civilisation » et que « les règles inspiratrices des comportements, les lois même et le sens global de la vie individuelle et communautaire, ont cessé de s’inspirer sur des patrons éthiques de valeurs ( … ) [visant ] provoquer des ruptures fracturantes vis-à-vis la culture traditionnelle portugaise, ou même l’influence de la doctrine de l’Église dans la société ».
Sera-t-il nécessaire de faire noter ici que, dans son texte, les évêques portugais n’ont pas déployé la « loi de la liberté religieuse » ?
( Luis Mateus )
( Ricardo Alves )