Rezeq's Web Site
Ce qui suit est un compte-rendu
ou un journal si vous voulez, de ce qui s’est passé chez moi entre
le
5 janvier 1998 et le 2 février 1998.
Une période que j’ai appelée « Désolation au
village boisé ».
5 jan. 1998.
C’est lundi. Je suis assis
chez-moi en congé forcé . Une journée de travail coupée
par le gouvernement du Québec à cause des mesures d’austérité
sous le prétexte d’atteindre le déficit zéro
en l’an 2000. Je profite de l’occasion pour préparer mes cours et
examens pour mes étudiant(e)s. Après 4 jours de corrections
durant le congé de Noël, c’était pour moi la journée
pour faire le point sur le reste de la 2ième étape de l’année
scolaire 1997-1998.
Dehors, dans le bois, tout
est beau. La pluie et le verglas commencent à tomber. Il n’y a rien
là, nous en avons déjà vu pas mal d’autres. Tout se
déroule normalement. Une journée ordinaire quoi! Demain mardi
le 6 janvier , retour au travail. Comme d’habitude .
6 jan.98
Nous sommes le mardi matin
et on écoute les nouvelles. On entend que telle ou telle commission
scolaire est fermée à cause du verglas. Ma commission scolaire
figure parmi celles qu’on a nommées. L’électricité
commence à manquer un peu partout dans la région de Montréal,
dans le nord et au sud de Montréal en Montérégie.
Je me suis dit : une autre journée de congé forcé,
mais cette fois à cause du verglas. Il est 7h55, je me prépare
à prendre ma douche et probablement retourner me coucher, lorsque
l’électricité manque à l’appel. Pas de douche,
à plus tard. Normalement , lorsque l’électricité manque,
c’est une question de quelques heures et le tout rentre dans l’ordre. Mais...
pas cette fois. Le verglas persiste, les arbres autour de la maison se
garnissent de glace ... c’est vraiment féérique dans mon
coin. A 8 heures le soir .. toujours pas d’électricité...
le foyer au salon chauffe à plein rendement mais toujours pas d’électricité.
Les arbres se chargent de plus en plus...l’eau commence tranquillement
à monter au sous-sol . La « swamp » pompe / pompe à
puisard.. ne fonctionne pas...pas d’électricité. Les nouvelles
sont de plus en plus décourageantes...Mais voilà une lueur
d’espoir ...vers minuit 25 l’électricité revient..
Ouf... on l’a échappé belle. Le sous –sol se videde son eau
grâce au fantastique travail de la pompe. Myriam, ma plus jeunes
couche chez son amie Annie après avoir été à
Montréal
pour enregistrer 4 émissions du programme de TV « Allo
Prof. ».
Le 7 jan1998.
Mercredi matin, l’école
est encore fermée. Je profite de l’occasion pour appeler un de mes
étudiants de Brossard pour venir travailler avec moi afin de terminer
mon « site web » que nous avions déjà commencé
durant le congé de Noël. Il accepte volontiers. Je vais donc
le chercher à Brossard. En route , à l’extérieur du
village boisé, je constate les dégâts causés
par le verglas. Arrivé à Brossard, pas d’électricité.
J’offre aux parents de mon élève de les héberger chez
moi, car nous avons l’électricité , un foyer et un
poêle à combustion lente. Les parents me disent qu’ils ont
passé une nuit d’enfer froide et que s’il n’y a pas d’électricité
vers la fin de l’après-midi .. ils viendront chez nous... à
la chaleur . Je retourne chez moi avec mon étudiant et nous
accomplissons du bon boulot et cela malgré que mon serveur internet
est coupé faute de courant électrique à Montréal.
Vers 15 heures, les parents appellent et décident d’aller chez des
parents à St-Constant.. Ils demandent à leur fils de rentrer
au lieu de coucher chez moi...aller coucher avec eux chez les parents de
St-Constant. Rien de plus normal. Le jeune tout énervé fait
une gaffe . L’ordinateur ne fonctionne plus. Le jeune panique.. et déclare
qu’il faut un spécialiste pour réparer l’erreur.. Il demande
à rentrer chez lui. Mon épouse le conduit ..et moi je reste
devant un ordinateur en panne. J’appelle un spécialiste. .il demande
de lui apporter l’ordinateur et il me dit qu’il charge 50$ l’heure et que
le travail requis peut prendre quelques heures. Je le remercie poliment
et j’appelle un des amis de ma fille Leila qui demeure et travaille à
Montréal. Dominic est un étudiant en télécommunication.
Cela a pris 5 minutes, et le problème de l’ordinateur est résolu.
L’ordinateur revenu à la normale. À peine terminée
la conversation avec Dominic, le courant électrique fout le camp.
Les problèmes commencent. L’eau au sous-sol commence tranquillement
à monter, et on passe une nuit blanche en essayant de savoir ce
qui s’est vraiment passé.
Dehors, les arbres commencent
à craquer, les branches cassent sous le poids de la glace
et tombent au tour de la maison, de la remise ,du gazébo et des
autos tout en émettant un bruit sinistre. La scène commence
à devenir tranquillement désolante.
8 janvier 1998
Jeudi matin venu, la scène
est extraordinaire. La glace partout.. très épaisse et lourde..
le craquement des branches des arbres continue de plus belle. Je sors dehors
pour prendre des photos.. deux films à développer...un voisin
me dit c’est la guerre.. c’est un champ de bataille.. de tout évidence
, ce voisin ne connaît pas ce qu’est un champ de bataille ni la guerre.
Les nouvelles sont de plus en plus déprimantes. Par précaution,
je décide de changer les autos de place et les mettre dans la rue
pour éviter que les arbres et les branches tombent dessus. .. Mais
voilà la voiture est prise dans la glace...il faut donc l’aide de
traction que je n'ai pas. Michel, le voisin d’en face en a. Je suis allé
en emprunter. Mais l ‘auto avait besoin d’être poussée un
peu pour sortir. Denis, notre voisin d’à côté, m’a
vu me débattre avec l’auto, il est venu aider à pousser.
Nous avons fini par déplacer les autos dans la rue.. L’eau monte
dans le sous-sol...on appelle les services publics de la ville de St-Luc.
On promet de passer , mais on est débordé et on ne
peut préciser l’heure à laquelle on viendrait. Je rentre
dans la maison et je constate les dégâts au sous-sol. Les
arbres craquent partout au tour de la maison. C’est un bruit sinistre qui
se fait entendre. On n’y peut rien . Le sentiment de frustration commence
à augmenter. Contemplant l’oeuvre de la nature, je me sentais de
plus en plus petit, je suis de plus en plus désolé pour les
arbres. Ma désolation est plus grande pour les arbres que pour les
dommages au sous-sol. Il y 20 ans, nous avons bâti à cet endroit
à cause des arbres et de la nature. Et voilà en quelques
jours que tout craque et croule autour de nous. En pensant à tout
cela, Céline, la femme de Denis frappe à la porte et demande
si elle peut utiliser le téléphone car le leur ne fonctionne
plus. Au fils de la conversation , nous découvrons que notre voisin
n’a plus de bois de chauffage. Je leur offre de prendre tout ce dont ils
ont besoin, car j’ai plus de 8 cordes de bois en réserve. Ils sont
venus en chercher. Denis , Céline , Claudette mon épouse
et moi nous nous connaissions très peu. Nous avons commencé
à nous parler d’avantage. Je lui parle de mon problème d’eau
au sous-sol. C’est resté là quoi. Un conversation entre voisins.
Le 9 janvier 1998
C’est vendredi, toujours
pas d’électricité. Vers 11 heures on frappe à la porte.
C’est notre troisième voisin, monsieur Berger .Bonjour monsieur
Faraj, est-ce que je peux vous offrir un service, un coup d’électricité?
Un ange descendu du ciel quoi! Il me demande si j’ai des fils d’extension
d’environ 300 pieds pour me brancher à sa génératrice.
Bien entendu, j’ai des fils. Le branchement s’est fait, l’eau se vide tranquillement
du sous-sol. M Berger est entré chez moi pour la première
fois. Nous commençons par faire connaissance et à socialiser.
Nous commençons à découvrir nos voisins. Un geste
de solidarité dans notre situation commune. Je demande à
M. Berger comment je peux contribuer pour l’utilisation de sa génératrice.
Payer au moins l’essence? Il me donne une poignée de mains comme
réponse. Depuis lors, M. Berger, nous branche lorsqu’il démarre
sa génératrice. Michel, le voisin d’en face,
avec Chantal son épouse, arrivent le soir avec une bouteille de
vin que nous avons bu ensemble en parlant de verglas. Il a le même
problème d’eau que nous. Vendredi soir mon épouse et moi,
commençons à nous inquiéter de Myriam. Nous n’arrivons
pas à la rejoindre par téléphone. Vers 9 heures le
soir , Claudette décide d’aller voir chez Annie. Elle n’avait plus
de téléphone, il commençait à faire froid chez
Annie. Hélène, la mère d’Annie accepte l’invitation
de venir chez nous. Le lendemain matin, Myriam, son amie Annie et Hélène
sa mère arrivent avec leurs bagages et leur chatte chez nous. Nous
sommes maintenant 6 à la maison. Hélène est mal en
point, elle a une entorse lombaire et ne peut même pas aller
à l’urgence, car l’urgence de l’hôpital est débordée.
Claudette prend soin d’Hélène, Annie, Myriam et moi nous
jouons aux cartes, Nadia prépare ses valises pour aller à
Québec. Ses cours à l’université Laval commencent
le lundi 12 jan.98.
Samedi le 10 janvièr
encore, un peu plus doux, les arbres craquent d’avantage. Les branches
se cassent sous le poids de la glace, des pruches tombent. C’est la désolation
totale. Notre petite forêt est dévastée. En même
temps on apprend que le fils d’Hélène manque à
l’appel . Il devait se trouver chez sa grand-mère, mais il ne s'est
jamais rendu dans les Cantons de l’Est. Tout le monde s’inquiète
de lui. On informe les autorités qui se sont mises à sa recherche.
Dimanche matin, on a réussi à le trouver à Napierville
, chez un ami dont le téléphone est en panne. Le soulagement
dans la maison !
Samedi encore, c’était le temps d’aller
magasiner les articles nécessaires pour la maison, épicerie,chandelles,
huile à lampe , batteries etc.. Chemin
faisant, nous constatons alors la désolation le plus totale . Les
rues barrées, poteaux électriques cassés, fils électriques
tombés dans les rues, la presque totalité des magasins fermés,
et surtout les guichets automatiques ne fonctionnent pas. Nous n’avons
plus d’argent comptant et les magasins ouverts ne prennent que du comptant,
même dans les commerces qui vous connaissent, on n’accepte ni chèques
ni cartes de crédit. On refuse carrément de vous vendre à
l’exception de quelques grands magasins. Pour moi, c’est devenu un
gros problème , surtout que ma fille Nadia qui ira bientôt
à Québec a besoin d’argent pour l’autobus et pour vivre au
moins deux semaines en attendant que le problème soit résolu.
J’appelle les amis proches, mais ils sont tous pris avec le même
problème, ou ne sont pas là , ou encore, n’ont pas de téléphone.
Les amies de Montréal appellent, et demandent s’ils peuvent nous
être utiles. J’explique la situation, le problème est vite
résolu. Il y des guichets automatiques ouverts à Montréal.
Un autre problème se présente : se rendre à Montréal.
Les ponts Champlain, Jacques-Cartier, Mercier , Victoria sont fermés
et l’attente pour le pont tunnel Lafontaine est de 3 heures selon la radio,
si on veut s’y rendre .Une chance que le baladeur de Myriam fonctionne
et nous pouvons écouter un peu de nouvelles à la radio de
Radio Canada. Une autre nuit blanche en perspective. Vers 21 heures , je
décide d’aller avec Nadia à Montréal pour coucher
chez Claude et Lise. La raison est de chercher de l’argent et amener Nadia
à l’autobus le dimanche matin à 8 heures. Malgré l’inquiétude
pour mon épouse , pour Myriam et la visite , je pars pour Montréal
vers 21h30. Le voyage qui prend 35 minutes normalement m’a paru prendre
presque 2 heures. Il neige légèrement. L’autoroute
est déserte, l’asphalte est noir et glacé. Tout est noir.
C’est le désert noir. Nous sommes presque seuls sur la route. Finalement
on s’est rendu, on prend un repas chaud, on discute, on se lave et vers
1 heure du matin. on se couche .
11 jan.98
Dimanche matin, comme prévu, Nadia
prend l’autobus de 8 heures pour Québec. Moi, je reprend le
chemins vers St-Luc, après avoir fait une visite rapide chez Leila
à Verdun. J’arrive à St-Luc vers 11 heures. En arrivant Claudette
amène Hélène à l’hôpital pour examiner
son dos, Annie et Myriam se portent bénévoles à l’hôpital.
Je reste à la maison, fais un peu de ménage, alimente le
feu et commence à écrire ce journal. Comme vous pouvez le
constater, beaucoup de détails manquent ou sont omis. J’essaie d’éviter
de mettre les sentiments qu’ils soient de frustration , de joie ou de désolation.
Malgré cela , un peu de sentiments transpirent avec ces mots simples.
J’essaie d’être le plus simple possible, d’éviter les symboles,
le langage descriptif ou même littéraire.
Il neige dehors sur les
arbres cassés et pleins de glace. Il neige sur un paysage désolant,
les arbres ressemblent à une forêt qui vient de brûler,
mais au lieu que les arbres soient noirs, ils sont blancs et pleins de
glace. En regardant ce paysage, je pense à mes amis(es) qui ont
fait en sorte que le téléphone ne cesse de sonner, à
mes voisins, à ceux que j’alimente avec du bois, à ceux qui
m’aident avec leur génératrice et je me dis demain matin,
je reprend le travail. Mon petit village boisé de 13 maisons est
devenu plus humain. J’ai perdu des arbres. La nature va les remplacer.
Par contre j’ai gagné des amis(es) et des voisins. C’est extraordinaire,
la solidarité dans la réalité et en action. Ce sont
des choses qu’on ne peut vraiment décrire par des mots. Ensemble
nous avons fait face à la musique et à la colère de
la nature dont nous faisons partie. Et aussi au désastre matériel
que nous avons subi depuis une semaine. Le gens de notre village ne se
connaissaient pas vraiment. Nous connaissions 4 familles , chez qui nous
prenions un café de temps à autre. Maintenant, nous les connaissons
presque tous . Nous avons passé une semaine difficile et la générosité
est sans précédent. Le manque de sommeil, sommeil de deux
heures à la fois commence à se faire sentir . Claudette et
moi, nous nous relayons la nuit pour garder les feux en marche. Nous sommes
le dimanche après midi, cela fait une semaine que nous, ne n’avons
plus d’eau pour le bain et la douche. On commence à être fatigué
de transporter l’eau pour les toilettes ..nous n’avons pas d’eau courante
au village. ..J’arrête ici pour aller chercher les nécessités,
car maintenant j’ai un peu d’argent comptant. Il est 14 heures.
Aujourd’hui, mercredi le
14 jan. 21h15. Je suis seul à la maison,
je profite donc de l’occasion pour continuer à écrire ce
petit journal. Depuis dimanche après-midi, beaucoup des choses se
sont passées. En allant magasiner je constate encore que les rues
barrées sont plus nombreuses. Il faut faire de nombreux détours
avant d’arriver à destination. Un voyage de 5 minutes prend au moins
40 minutes . Lorsque je suis retourné à la maison,
M. Berger me dit qu’il ne peut plus m’alimenter aussi longtemps que par
le passé car il a besoin de sa génératrice au travail
demain. Il va en installer une plus petite et il faudra partager
le temps. Sa petite génératrice ne suffit pas à alimenter
ses 4 voisins en plus de lui. C’est compréhensible et normal, car
il faut qu’il gagne sa vie. La grosse génératrice fait partie
de son travail de soudure.L’eau commence à monter au sous-sol, la
pompe n’arrive pas à tout vider chaque fois que l’on est branché
sur la petite génératrice de M. Berger. Nécessité
exige... j’entreprend la démarche pour acheter une génératrice,
je me suis mis sur une liste d’attente à Burlington. M. Berger vient
me demander de me brancher. Je le remercie, je me branche. Il faut recommencer
l’opération 6 heures plus tard. La soir et la nuit de dimanche la
même routine s’installe. Claudette et moi, on se relaie les heures
de sommeil. Pendant que je dormais, vers minuit , Claudette est allée
chercher Myriam et Annie ( nos deux bénévoles) à
l’hôpital. Vers 2 heures du matin je me lève et Claudette
va essayer de dormir un peu. Tout le monde dans le maison est couché.
Je suis assis seul au salon et je pense à la patience et à
la générosité de mon épouse et à l’amour
qu’elle manifeste pour sa famille et nos visiteurs. Elle est une personne
accomplie , positive et pleine d’amour. Je suis un homme chanceux et heureux
de l’avoir comme épouse. Merci Claudette pour tout. Il est déjà
6 heures du matin et tout le monde est levé. Hélène
décide de cuire des oeufs sur le poêle à fondue. Nous
mangeons et vers 8 heures. Claudette amène nos bénévoles
à l’hôpital. J’appelle à Burlington et on me
dit d’appeler demain, mardi. Je me résigne et monte me coucher.
La journée passe très vite. L’après-midi, je prend
une marche et je regarde la désolation autour de la maison. Je me
dits que ce soit El-Nino ou la couche d’ozone, peut importe, la nature
se venge de notre négligence envers elle. Notre quotidien artificiel
est ramené à sa plus simple réalité , sa réalité
nue. La nature nous a montré combien nous sommes dépendants
d’elle et combien il faut la respecter. Notre technologie , et notre soi
– disant avancement n’est rien devant la force de la nature, de laquelle
nous sommes partie intégrante . La nature nous a réduits
à notre plus stricte impuissance. Elle nous a même interdit
de sortir de chez nous, elle a restreint notre liberté et
nous a enchaînés par son rideau de glace dans le triangle
de glace. En somme , la nature nous a rappelés sévèrement
à l’ordre, et il faut obéir ou périr.Vers le fin de
l’après-midi, Claudette, Myriam, Hélène et Annie décident
d’aller chez Leila à Montréal pour se laver et manger de
la Pizza. A leurs retour, le soir, nous décidons (Myriam, Annie
et moi ) de se faire des « bloody Mary » , nous dansons et
nous chantons le Westichat. C’est très fatigant comme exercice.
Hélène et Claudette croyaient que nous étions
devenus fous. La soirée se termine ainsi et le relais au feu
recommence. Je note que depuis samedi dernier, je n’ai pas pris de douche.
Ça commence à faire...
le 13 janvier 98,
Nous sommes le mardi matin, nous avons décidé d’utiliser
les assiettes de cartons. On lave la vaisselle à trois, et les filles
vont faire du bénévolat au collège militaire. A 11
heures, j’appelle à Burlington. Oui, il y une génératrice
pour moi. Venez la chercher le plutôt possible. J’appelle Youcef
, un ami algérien et vers 13h30 nous partons pour Burlington.
On est déjà le 22 jan.
Ça fait deux jours que je suis retourné au travail. Mais
chez-moi, il n’y a toujours pas d’électricité ( depuis 17
jours). Claudette, Hélène et les deux filles sont à
Montréal chez Claude et Lise. Moi, je me remet à écrire
ce journal.
Alors le 13 jan. Vers 13h30 je vais à
Burlington pour chercher la génératrice. L’aller fut un voyage
agréable, belle température, du côté américain
, les routes sont sèches, à Burlington l’électricité
est partout, y compris les feux de circulation. Vers 15 h 30 nous
arrivons et j’achète la génératrice. Nous flânons
un peu comme si nous n’avions pas envie de retourner à St-Luc. Vers
18 h 30 nous reprenons la route vers le Canada. Encore une fois la route
du côté américain est belle jusqu’au poste de douanes.
La génératrice
de 4000 watt et les autres dépenses comme l’essence, câbles
d’extension, etc... coûte environ 600.00$ U.S. ou 830,00$ canadiens.
Aux douanes, on paye 112,00$ de taxes (T.P.S. et T.V.Q.). En somme le tout
est de 1000,00$ environ. En arrivant aux douanes, il neige du côté
canadien mais pas du côté américain. Comme si
le Québec/Canada vous dit bienvenue au pays de l’hiver. C’est
vraiment tranché au couteau. La neige dense, la route
blanche et la poudrerie et 500 mètres plus loin je retourne aux
douanes. Je ne voyais plus rien. Je dis aux douaniers, on va
coucher ici. Ils rient et nous offrent des bancs. Mais voilà
, quelque minutes plus tard, il ne neige plus. Alors nous décidons
de continuer notre chemin. Cinq kilomètres plus loin, le même
problème s’impose à nouveau. Dans ce désert
blanc plein de neige et de poudrerie, routes glissantes et visibilité
nulle, il est carrément dangereux de conduire. Le risque
est trop grand pour conduire. C’est à ce moment là que j’ai
vu la lumière de la maison d’un fermier. J’arrête et demande
refuge. Charmant couple d’âge avancé. Monsieur Jasser est
d’origine Suisse, son épouse est allemande. Ils sont d’une gentillesse
incroyable. Ils nous offrent du café chaud et nous offrent également
de nous héberger pour la nuit. Nous acceptons, mais voilà,
il faut téléphoner chez moi pour informer de la situation.
La téléphone ne fonctionne pas. Pas moyen de communiquer
avec mon épouse. 40 minutes plus tard nous décidons de reprendre
la route, car pendant ces 40 minutes , la neige s’est arrêtée.
On se met en route...10km plus loin on rattrape la maudite tempête.
Elle nous attendait. Nous sommes obligés d’arrêter à
nouveau, cette fois devant un bar. Mais nous sommes restés dans
l’auto pour une vingtaine de minutes. Lorsque nous avons décidé
de continuer à nouveau, la tempête nous attendait au tournant
de la route. Au péril de notre vie nous avons décidé
de continuer. Comme si cela n'était pas assez, les camions lourds
nous dépassent par groupe de 5 ou 6 à la fois , et chaque
fois qu’ils nous dépassaient , nous ne savions plus si nous
étions sur la route ou dans le champ. De mal en patience, le voyage
a pris 4 heures pour faire 50 km. Ce n’est pas si mal après tout.
Finalement on arrive à St-Luc, la tempête est encore là
mais de moindre force. Je dépose mon ami chez-lui et je rentre chez-moi
en tremblant de fatigue et d’anxiété. Je met la génératrice
dans la cuisine et je me couche. La maudite génératrice a
failli nous coûter la vie.
Nous sommes le 14 jan.
la maison est chaude, le soleil brille dehors avec une faible neige. Un
nouveau jour fantastique. J’installe la génératrice avec
l’aide d’un voisin et d'un ami (Hervé),on y met l’huile et l’essence.
Elle démarre sans problème. Le pompe vide l’eau accumulée
au sous-sol. Je branche mon voisin d’à côté et soulage
M. Berger de deux clients . La routine de <sinistrés> s’installe
à nouveau :c’est à dire veiller à ce que le poêle
et le foyer soient alimentés de bois, qu’il y ait assez de chandelles
et de l’huile pour les lampes , voyager des bénévoles et
prendre soin des gens que nous hébergeons, (ils sont au nombre de
6 maintenant), prendre soin de la maison du voisin qui a décidé
de quitter à cause du froid et de son petit bébé.
La routine de nuit est de dormir quelques heures, 2 heures en 2 heures.
Claudette, mon épouse et moi-même se relayons la nuit
pour que le tout roule rondement. On commence quand même à
respirer et à accepter les nombreuses invitations de nos amis à
Montréal pour souper, et prendre un bain. Mais voilà,
on ne peut pas y aller tous en même temps. Il faut que l’un
de nous deux reste toujours à la maison. Un jour c’est Cla
Claudette et la gang qui acceptent les invitations, et l’autre jour
c’est Myriam et moi. Durant cette semaine, nous avons reçus
de nombreux appels et invitations de nos amis et parents (Yvon et Raja,
Claude et Lise, Ghislaine et Normand ,Raymonde, Marie-Claire et Yves, Leila
et Eve etc..). Même, nous avons reçus des appels d'outre-mer,
de Washington, du New-Jersey, de New-York et j’en passe. CNN
et d’autres médias ont fait en sorte que le problème soit
connu au niveau international. Partout les gens s’informent de notre
situation et sympathisent avec nous. Le téléphone n’a
pas arrêter de sonner du côté de Montréal.
Des invitations, des encouragements et des appels à la patience
sont nombreux. Nous sommes devenus des sinistrés et à
cause des appels et de ce que nous entendons à la radio, on commence
à y croire. Cela m’a fait réfléchir. Suis-je
un sinistré? Est-ce qu’une longue panne d’électricité
fait de moi un sinistré? Les Algériens, les Palestiniens
et d’autres réfugiés et victimes en Asie et en Afrique sont
quoi alors??? J’ai déjà vécu et même grandi
dans un camp de réfugiés sans électricité sous
une tente. J’ai étudié à la lumière
des chandelles et des lampes à l’huile et au clair de lune.
Chassé par la force de chez moi, là j’étais sinistré.
Mais ici, je ne le suis pas. Je refuse ce qualificatif absurde. Selon
moi, il faut vraiment ne pas savoir c’est quoi être sinistré
pour appeler la situation actuelle de sinistre et les gens des sinistrés.
J’en veux au gouvernement et aux médias qui nous ont collé
cette étiquette. Les gens ne manquent que d’électricité.
C’est une panne qui ne perturbe que le confort auquel nous sommes habitués.
Les gens ont plein de nourriture, de centres d’hébergement, de bois
de chauffage et même dix dollars par jour par personnes que j’appelle
le dix piastres à Bouchard (donné par le fédéral).
La seule fois où je me suis peut-être senti sinistré,
c’est lorsque j’ai mis ma vie en danger pour aller chercher la génératrice.
Nous vivons dans l’abondance et dépendons trop de l’électricité.
Les gens du Saguenay qui ont perdu leurs maisons et leurs biens étaient
à ce moment là précis des sinistrés.
Mais leur sinistre n’a pas duré longtemps, car ils ont reçu
de l’aide immédiatement et se sont reconstruits rapidement.
Ce sont des drames momentanés et ne sont pas des situations qui
durent des années. La peur constante d’être tué
comme en Algérie ou en Palestine, la peur de ne pas savoir
si on vivra demain, ça c’est le sinistre. Assez de philosophie
et de morale, il faut que je retourne à ma routine habituelle
pour alimenter le foyer et le poêle à bois.
Depuis le 15 janvier, mes 24 heures se composent
comme suit : vers 8h00 A.M. aller chercher du bois(remplir
le coffre de l’auto 30/35 bûches), démarrer la génératrice
une fois le matin et une fois le soir pendant deux heures chaque fois.
Pour l’eau, la pompe, le déjeuner, le souper, les toasts et le café.
Dormir deux heures de file et tous les deux jours aller chez ma fille ou
des amis à Montréal pour un souper chaud, un bain et du lavage.
Passé la nuit jusqu’à six heure du matin à écouter
la radio sinistre de Radio Canada et les petits malheurs des gens.
Cela m’a fait presque pleurer de constater combien les gens et notre société
sont fragiles. Nous sommes une société esclave de l’électricité.
Pourtant les ancêtres qui ont bâti ce pays, n’avaient pas d’électricité
et pourtant ils ont fait des merveilles et des réalisations grandioses.
Mais nous, nous sommes habitués au confort de notre salon, notre
foyer, notre téléviseur, internet et j’en passe. Lorsqu’une
de ces choses manque, c’est la catastrophe. Nous gaspillons sans
égard nos ressources naturelles, particulièrement en eau
et en bois. Savez vous combien d’eau on gaspille à chaque
fois que nous actionnons la chasse d’eau à la salle de bain???
Combien d’arbres que nous gaspillons en papiers de toutes sortes???
etc... La nature, dont nous sommes une partie intégrante
nous rappelle à l’ordre. Il est grand temps qu’on l’écoute.
Il est temps de conserver l’énergie et prendre soin de notre environnement.
Il est temps que l’on cesse d’être enfants gâtés, il
est temps que l’on se comporte en tant que personne responsable.
J’arrête ici, j’ai
commencé à travailler il y a deux jours, et la conversation
que j’entend autour de moi... n’est que lamentations... sur les difficultés
des vivre sans l’électricité. Je vais finir ce journal
lorsque cette soit disant crise est terminée. J’espère
que tout le monde en tire les leçons qui s’imposent. Il est
presque minuit, car c’est le tour de Claudette de prendre la relève.
Je vais dormir quelques heures pour être en forme pour mon travail
et la routine de demain. Bonne nuit!!!
Aujourd’hui, le 23 janvier 1998, il est 14h50
, Claudette est allée se coucher jusqu’à 20h00. Myriam
et ses amies sont sorties et ne reviennent que demain. La tempête
fait rage, on attend plus de 30 cm de neige lorsque la tempête sera
terminée. Je suis donc de garde. Ce matin je me lève
avec un mal de dos pénible. Je décide de prendre une
journée de repos. Malgré cela la routine journalière
prend le dessus. La pompe chez le voisin ne fonctionne
pas, les tuyaux sont gelés. On l’appelle à St-Lambert
, il viendra demain, samedi pour résoudre le problème.
Vers 10h00, je vais chercher l’essence (10 gallons) pour la génératrice.
La pompe à essence ne fonctionne pas, une attente de 45 minutes
avant d’avoir l’essence. Vers 11h30, retour à la maison.
Il commence à neiger. Le mal de dos est encore pénible.
Vers 13h30, je conduis Myriam et Annie chez McDonald, là où
Annie travaille. La route est extrêmement glissante et la tempête
bat son plein. Le voyage de 15 minutes aller retour, prend 45 minutes.
De retour à la maison, Claudette qui est allée chercher du
bois aujourd’hui, qui est toujours dans son coffre d’auto d’ailleurs, monte
se coucher. Moi j’écoute la radio, la conférence de
presse de M. Landry et j’écris. J’ai oublié de mentionner
que la semaine dernière la nombre des personnes à la maison
est augmenté à huit. Isabelle et Fred sont partis chez
eux après un séjour de 5 jours, car à Chambly
il y a de l’électricité maintenant. Je sais que j’ai
escamoté une semaine de ce journal, mais c’est une semaine de routine
et ne sera que de la répétition, à l'exception d'un
autre voyage à Burlington avec Hervé pour lui chercher une
génératrice. Cette fois il n'y avait pas de tempête.
J’arrête ici pour le moment.
Nous sommes le 25 janvier
1998, et il est 19h35, je suis de garde jusqu’à 1h00 du matin
et Claudette est allée se coucher à 19h00. Je reprend
donc ce journal.
Vendredi 23janvier j’ai
pris une journée force majeure à cause de mon mal de dos.
Comme prof, j’ai droit à trois jours pour force majeure par année.
J’appelle au travail, je donne les travaux à faire et je reste à
la maison. À l’heure du déjeuner Nadia appelle de Québec.
Elle nous annonce qu’elle va descendre chez nous le soir. Nous avons
réussi à la convaincre de rester à Québec car
on nous annonce une tempête de 30cm de neige et certaines routes
seront fermées à la circulation dont l’autoroute 20 entre
Montréal et Québec. Nadia promet de rester à
Québec. La radio annonce vers 13h00 que toutes les routes
qui mènent à Montréal sont congestionnées,
un retard de 1-3 heures. On conseille au gens de rester chez eux
ou à leurs bureaux. Il fait très mauvais dehors, poudrerie
et visibilité nulle. Nous étions heureux que Nadia
ait accepté de rester à Quèbec, au moins c’est ce
que nous avons cru. Myriam est allée chez son amie Mylène
et va rester à coucher. Annie qui travaille chez McDonald ira coucher
chez sa mère car les routes ne sont pas déblayées
pour l’amener chez nous. Donc pour Claudette et moi, une soirée
tranquille en perspective. Mais voilà vers 19h00, la porte
s’ouvre et Nadia s’annonce avec grands éclats. Nous étions
heureux de la voir saine et sauve et mécontents parce qu’elle n’a
pas écouté notre conseil. Une situation bizarre, au
lieu de l’accueillir avec le sourire et les bras ouverts, nous l’avons
gronder pour avoir risqué sa vie pour venir nous voir. Quelle
contradiction parentale. Nous avons fini par nous calmer et nous
informer de ses études et de sa situation. On l’aime beaucoup
notre Nadia, la surprise est passée et on entre dans la routine.
Vers 20h00, je sors pour démarrer la génératrice et
à ma surprise, la neige m’arrive jusqu’aux genoux, il y en avait
de la neige!!! On commence à s’inquiéter pour le toit
de la maison, 10 pouces de glace et 30 cm de neige par dessus ça
commence à faire du poids sur le toit. Avec cette nouvelle
inquiétude Claudette et moi nous nous relayons pour la garde des
feux. Nadia s’occupe du téléphone et appelle ses amis
et finit par aller se coucher.
Samedi
le 24 janvier 1998, tout le monde est de bonne
humeur. Le mal de dos a diminué un peu, je sors dehors, déneige
les autos, les déplace dans la rue pour le déneigement de
l’entrée. Quelques minutes plus tard, le déneigeur
arrive avec son tracteur et entreprend la déneigement de la cour.
Je remet les autos à leur place, et la routine journalière
commence. Il fait beau dehors après 30 cm de neige.
Vers 10h00, je demande à Nadia qui vient de se lever et déjà
au téléphone de ranger le désordre qu’elle a laissé
dans sa chambre lorsqu’elle est partie à Québec. Il
a fallu la chicaner et lui rappeler je ne sais combien de fois avant qu’elle
fasse sa chambre. Elle a terminé à 16h00. Vers
13h00, Claude et Lise se sont annoncés. Ils ont préparé
un couscous à Montréal et l’amène chez nous.
Une agréable surprise quoi. Vers 17h00, ils arrivent avec
le couscous. Entre-temps le plafond du salon commence à dégoutter
sous le poids de la glace et de la neige. J’appelle une équipe
pour déneiger et déglacer le toit. Ils promettent de
venir dimanche après-midi. Donc on soupe tranquillement, on
branche la pompe du voisin comme d’habitude et on passe une soirée
agréable. Vers 22h00, Claude et Lise retournent à Montréal,
Claudette et moi, comme d’habitude, nous nous relayons la garde.
Dimanche
25 janvier 1998. La routine commence
dès 7h00. Vers Midi, Claudette conduit Nadia à Chambly
chez une de ses amies et de là elle partira vers Québec vers
16h00. Myriam est déjà à Montréal depuis
vendredi soir pour voir un show de Bran Van 3000 le samedi
soir. Elle nous appelle pour nous avertir qu’elle reviendra lundi
avec Annie. Dimanche à 14h00, 4 hommes avec leurs pelles et
leurs marteaux de bois arrivent pour déglacer et déneiger
la partie nord du toit de la maison. Vers 16h30 et 350.00$ de moins,
Claudette et moi, à nouveau seuls poursuivons notre routine .
Aujourd’hui j’ai installé une prise indépendante pour le
chauffe-eau. Le soir, Claudette et moi s’asseyons et prenons une
bouteille de vin blanc. Nous avons bu 10 bouteilles de
vin , une caisse de 12 bières et la moitié d’une bouteille
de vodka depuis le début de cette crisette. Vers 19h00, Radio
Canada nous annonce que quelques milliers d’abonnés de St-Luc ont
de l’électricité. Toutefois, la majorité doivent
attendre jusqu’au 28 janvier soit mercredi prochain. Quelques malchanceux
attendront jusqu’au 6 février. Claudette monte se coucher,
je fais la garde et j’écris ces notes. Il est environ 22h00
et c’est ici que j’arrête aujourd’hui!!!
Nous attendons l’électricité
comme en attendant Godot...
Aujourd’hui le 2 février,
J’écris ces dernières lignes de ce petit journal.
Le 26 janvier 1998,
je suis rentré au travail, la question que mes collègues
me posent est toujours la même : As-tu de l’électricité???
La réponse est NON comme d’habitude... Je met les bouchées
doubles avec les étudiants car la fin de l’étape est le 6
février et ça arrive trop vite. Je suis très
fatigué. Je prend l’après-midi et je rentre chez moi
pour aider Claudette autant que possible dans la routine quotidienne.
Le mardi 27 jan.
j’endure, il faut préparer les notes, faire les examens, se mettre
à jour au niveau de l’encadrement, beaucoup de choses auxquelles
il faut penser et faire. Mon ordinateur avec les notes est en panne,
un sérieux problème et calculer les notes à la mitaine.
À 16h00 retour dans le triangle de glace...
Mercredi le 28 janvier
ça recommence, le travail à l’école sans repos et
à 16h00 je rentre chez moi. Je regarde les poteaux électriques
devant chez nous. Les fils sont connectés. J’ai su à
ce moment là que l’électricité est revenue ou est
à la veille de revenir. J’entre dans la maison et on m’informe
que l’électricité est revenue depuis 15h30. Je commence
à espérer à arriver dans mes travaux d’école
car l’ordinateur devrait fonctionner normalement. Mais NON, problème
de modem et d’imprimante. J’essaye de régler le problème
mais voilà l’ordinateur ne veut plus démarrer. Un petit
problème qui s’ajoute aux autres du quotidien. Nous continuons
à chauffer avec du bois et faire marcher la génératrice
jusqu’à samedi pour que le tout revienne à la normale tranquillement.
Jeudi 29 et vendredi le 30,
la routine habituelle, la fatigue commence à se faire sentir de
plus en plus. Malgré cela, samedi 8h00, je quitte la maison pour
aller à Québec apporter à Nadia son ordinateur.
Retour à la maison vers 13h30 complètement épuisé.
Je m’attaque au problème de mon ordinateur et dimanche avec
l’aide de Dominic Côté, vers 16h00, ça fonctionne presque
normalement. J’ouvre une bouteille de champagne pour souper avec
Claudette, Leila, Myriam et Dominic. Il faut quand même que
j’installe les programmes manquants, vers 1h30 A.M. ça va bien,
je termine et je me couche. Je n’ai pas besoin de faire la garde,
de chercher du bois, de démarrer la génératrice...
et les tracasseries quotidiennes qui étaient devenues notre lot
quotidien. Il faut maintenant changer d’habitudes à nouveau.
S’occuper de réparer les dégâts, appeler les assurances,
trouver un contracteur, faire des réclamations, etc... L’électricité
est de retour et avec elle le changement d’habitudes que nous avons établies
depuis 23 jours. Problèmes sérieux de sommeil, pas
capable dormir plus de 2 heures de file. Maigri de 15 livres, et
avec les nouvelles tracasseries, le temps passe vite. Demain mardi,
Myriam recommence l’école. Moi je rattrape le temps perdu
au travail et à la maison. C’est ainsi que je termine le journal
mais pas sans écrire quelques messages. Des conséquences
personnelles sont d’ordre physique, manque de sommeil et rhume de sinus,
je fume plus que d’habitude et je me suis appauvri de quelques 4000.00$.
Au niveau émotif je me contrôle bien. Il semble que
malgré cela que je suis plus patient que d’habitude. Au niveau
mental, pas de problèmes, je regrette la perte des arbres mais je
me console en me disant que ça repoussera d’ici quelques années.
Cette crisette m’a montré que j’ai beaucoup d’amis et d’excellents
voisins.. J’ai appris davantage la valeur de nos richesses naturelles
comme l’eau et le bois. Et j’ai surtout appris que j’étais
trop dépendant de l’électricité. J’espère
que tous et toutes en tirerons des leçons qui s’imposent.
Je termine ce journal en écoutant la radio sinistre de Radio- Canada
qui nous annonce encore qu’il y a 11 000 abonnés qui sont toujours
sans électricité. Je pense à eux et j’espère
que leur soit disant calvaire et sinistre ne se prolonge pas indûment.
La crisette va finir par terminer mais d’autres véritables crises
pourrons venir. On doit être prêts à les affronter.
Leçons à tirer
de la crisette de Verglas:
- Nous avons tous des amis, des parents et
surtout des voisins sur qui on peut compter. A petite échelle nous
sommes capables de nous organiser et être solidaires.
- Nous devons maintenant savoir que nous sommes
très dépendants de l’électricité , de l’eau
et du bois. Nous devrons changer nos habitudes de consommation à
outrance de nos ressources naturelles..
- Nous devons prendre soin de notre environnement
et de nos richesses naturelles, car nous somme une partie intégrante
de la nature. Ce qui arrive à cette dernière nous arrivera
inévitablement.
- Le gouvernement du Québec devrait
cesser de prendre 200 à 400 millions par an de
Hydro – Québec. Cet argent devrait
servir à la consolidation des réseaux. Si cela avait
été fait, l’ampleur de la crisette aurait certainement été
de beaucoup moindre.
-Notre réseau d’information (radio
Canada) devrait ajuster ses antennes. On aurait dit que la société
d’état se trouvait sur une autre planète. Lorsque Radio Canada
s’est ajustée, on créa la sensation par la création
de la sinistre radio des sinistrés de Radio Canada. On a laissé
libre court aux pleurnichards comme si c’était la fin du monde.
On a créé une psychose et du sensationnalisme
au moment où il ne fallait pas. Elle à contribué à
déresponsabiliser et infantiliser les gens. La
sinistre radio de Radio Canada, c’est le nom qu’elle mérite. Cette
radio a toutefois rendu quelques précieux services à la population.
- Les centres d’hébergement aurait dû
servir uniquement aux personnes âgées et aux personnes seules
qui n’avaient pas de famille, de parents ou d’amis pour les soutenir et
les héberger. Et non pas servir d’hôtels et restaurants gratuits
pour tous.
- Les caisses (coopératives) Desjardins n’auraient jamais
dû fermer et permettre ainsi aux sans scrupules d’exploiter
les plus démunis. À entendre raconter et voir certaines
scènes , on pouvait penser assister au Théâtre de Quatre
Sous de Brecht.
-Les companies pétrolières
devraient rembourser les gens que leurs détaillants ont exploités
à l’os. Les entreprises qui ont augmenté leurs prix et qui
ont exploité la situation devraient être dénoncées
et même boycottées .On les connaît.
- Le population du Québec est trop habituée
à vivre dans l’abondance. Lors de cette petite crise, nous avons
constaté à quel degré les gens ont essayé de
profiter du malheur des autres ( augmentation des prix de toutes sortes
de marchandise allant des chandelles, du bois de chauffage, de l’essence...
aux génératrices) des vols et j’en passe. D’autres
ont essayé et ont profité de la générosité
des autres comme si cela leur était dû. Allons manger au restaurant
- centre d’hébergement- c’est gratuit, allons
nous loger au centre d’hébergement ( on n’amène même
pas de couvertures, on nous en fournit, on n’amène pas des vêtements
de rechange , même pas nos brosses à dents ..c’est gratuit..
on laisse nous affaires à la maison et on va vivre au dépend
de la communauté... il faut profiter de l’occasion. .quoi!
et j’en passe.)
-Que dire du gouvernement qui participe aux
enchères.. lorsqu’il se réveille plus d'une semaine plus
tard...achète du bois vert à 85 $ la corde, donne les 10$
de Landry et Bouchard. Les gens en avaient-ils vraiment besoin? À
ce que je sache, les demeures n’ont pas passé au feu, n’ont pas
été emportées par l’eau ou le vent, les demeures étaient
accessibles en tout temps. Les assurances payerons les dommages...Mais
non, il y un vote qui s’en vient bientôt. C’est l’époque de
Duplessis quoi! Il ne faut surtout pas faire intervenir l’armée
tout de suite.. on est capable.. on n’a pas besoin de l’aide du fédéral..
.Cela va nuire à nos objectifs politiques.. .dépenser
l’argent à outrance et réclamer l’argent du fédéral
plus tard ... une autre raison pour se chicaner avec Ottawa et démontrer
que le fédéralisme ne fonctionne pas...une occasion en or
quoi!.
Les seules
personnes qui ont agi correctement dans les circonstances sont
l’armée canadienne, la Sûreté du Québec, la
police municipale, les municipalités et leurs employés(es)
, les travailleurs d’Hydro-Québec et les milliers de bénévoles,
pour ceux et celles-là, il faut lever notre chapeau.
Pour le reste, malgré que personne au
Québec n'était préparé à vivre une telle
situation, une constatation très simple se dégage: nous ne
sommes pas matures , ni comme gouvernement, ni comme peuple...C’est regrettable
de faire une telle constatation. Que ferons-nous dans une véritable
crise? Il faut se poser sérieusement la question. Le passé
ne revient pas mais on peut en tirer des leçons, le présent
n’est pas rose et ne dure pas, et l’avenir...ça , on ne le connaît
pas...mais on peut peut-être le planifier pour qu’il ne soit pas
désagréable et pour qu’on soit prêt à toute
éventualité. C’est à cette tâche qu’il faut
s’atteler dès maintenant...car demain vient trop vite pour attendre.
Rezeq Faraj
Hydro Québec
Pour plus d'information sur la tempête de verglas / For more
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http://www.hydro.qc.ca
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