"En réalité, dans un sens supérieur et authentique, ce convoi à destination de l'Orient n'était pas simplement le mien, ni simplement celui de ce moment précis, de ce flot de croyants et de fidèles s'écoulant vers l'Est, vers le berceau de la lumière, sans interruption ni répit, il était éternellement en marche à travers les siècles, en direction de la lumière du miracle, et chacun de nous, chacun de nos groupes et notre troupe entière et sa vaste progression, tout cela n'était qu'une vague dans le flot éternel des âmes, dans l'éternel effort des esprits pour approcher de la clarté, de la patrie."
(Le voyage en Orient, Hermann Hesse)


Quel esprit souffle donc sur l'âme du pèlerin, le conduisant à se recueillir au moins une fois dans sa vie en ces lieux originels, faisant offrande de son long voyage aux Dieux ?

En ces sites sacrés, se reconcentre la ferveur des chercheurs de vérité. Depuis des milliers d'années parfois, ils viennent y marcher dans les pas d'un premier Dieu ou d'un premier homme éveillé qui y vit le jour.



Parmi les nombreuses villes saintes de l'Inde, Ayodhya est le lieu de naissance de Rama, Mathura celui de Krishna. Ces villes sont, ainsi que Varanasi, Haridwar, Dwarka, Ujjain et Kanchipuram, les sept "tirtha" les plus importants, c'est-à-dire les lieux de passage pour les pèlerins entre notre monde et les mondes Divins. Dwarka, Badrinath, Rameshwaram et Puri sont vénérées comme étant les quatre points cardinaux de l'Inde. Haridwar est aux sources du fleuve sacré, le Gange, et Varanasi (anciennement Bénarès), le lieu où Bouddha fut illuminé.

Et nous, enfants de la civilisation et du "progrès", saurons-nous avoir encore assez d'espérance pour entreprendre à notre tour, quel que soit le lieu de recueillement que nous choisissions, cette quête de l'invisible ?
Saurons-nous, un instant démunis de tout ce qui faisait notre vie, prendre le bâton du pèlerin, et délivrés de notre quotidienne agitation, être pénétrés par l'essentiel ?





"Quel que soit l'endroit auquel votre coeur s'attache,
Quittez-le et cherchez-en un autre.
Si l'on s'enracine, même dans le meilleur, il deviendra monde d'attachement.
Ne restez ni ici, ni là,
Cherchez l'endroit ultime."



Et si ce voyage du pèlerin n'était pas un voyage dans l'espace extérieur, mais bien plutôt le support pour un autre voyage, intérieur, et fondamental : celui du corps emporté par l'âme qui, éperdue d'amour, s'élance, enfin libre, vers l'esprit...




"Dans la nuit de mon coeur, le long d'un chemin étroit, j'ai creusé et la lumière a jailli : une terre infinie de jour"
Mâthnawi


"Vieil homme solitaire et nu, un hymne jaillit de mes lèvres, la nature est pour moi un livre. Le bâton ferré à la main, je traverse l'océan mouvant de la vie, Maître de l'esprit et de la lumière."
Milarépa