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Les Sadhus sont des êtres qui se sont totalement engagés,
corps et âme dans leur quête spirituelle. Ils renoncent aux attachements
matériels et temporels en quittant parfois une vie professionnelle et
familiale très enviable pour partir, solitaires ou en groupe, sur les
chemins de l'Inde, qu'ils parcourent, souvent presque nus et couverts
de poussière, mendiant leur nourriture, à la recherche de Dieu.
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Les Bâuls sont des sadhus du Bengale, ils sont "outcast", ils vivent en chantant et dansant, "butinant" leur bol de riz quotidien. On les appelle les "fous de l'absolu". |
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Extraits de la conférence du 23 juin 1997 de Jerzy
Grotowski sur les Bâuls qui a vécu parmi eux.
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Il existe certains courants, disons,
métaphysiques, qui sont basés sur le principe du défi, de
la mise en doute des valeurs reconnues : ce sont les traditions rebelles.
En Inde, cette tradition rebelle
est extrêmement ancienne. Ce type d'approche qui a existé
comme une sorte de courant souterrain à travers toute l'histoire de
l'Inde, "Le vent" est le nom que l'on
donne à un courant d'énergie, qui est l'aspect yoguique des Baûls :
le passage d'un type d'énergie à un autre. Les Baûls appellent "les
vents" au pluriel, ces circulations d'énergie au travers des différents
centres du corps et au-dessus du corps. |
Le fait, le phénomène, de pouvoir mobiliser les ressources de sa vie biologique, courante, vitale et de passer vers des formes, je dirais plutôt des qualités d'énergie beaucoup plus subtiles et délicates, c'est un fait que l'on peut expérimenter dans différents types de travaux, spécialement si ces travaux sont liés à l'implication de toutes les facultés humaines et aussi à l'intériorité du corps allant vers quelque chose de plus subtil. Le courant Baûl est d'une certaine manière un courant extrêmement rebelle et blasphématoire par rapport à la culture hindoue. En Inde, il y a un conflit mortel entre les différentes religions, spécialement entre l'hindouisme et l'Islamisme, et les Baûls ont dépassé cette frontière. Souvent le maître Baûl est islamique, et son disciple est un hindouiste, ou au contraire, il est hindouiste et son disciple est islamiste. Quand ils chantent, ils mélangent les noms que l'on donne aux divinités dans l'hindouisme avec Allah et certains Soufis. Tout d'un coup par exemple il y a un derviche islamiste. |
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Ils se moquent des différences, ils pensent que
les vérités sont transhumaines. Ils pensent. |
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Ils dépassent toutes les limites toutes les frontières des différentes
religions. Le mouvement des Baûls en tant que le mouvement hétérodoxe fait qu' un hindouiste qui devient Baûl devient outcast. Il est mis en dehors des castes, il perd totalement son statut religieux social, et il ne pourra jamais le retrouver . Ca veut dire que les gens qui deviennent Baûls, et parfois ce sont des gens de haute caste, risquent tout. Oui, mais est ce que le courant Baûl, comme une sorte de folie d'êtres qui risquent tout, n'a pas non plus des modèles dans le monde occidental et dans les pensées extrêmement défiantes de St François d'Assise par exemple, ou dans les pensées de l'idiot de Dostoievski, les pensées de l'idiot, du fou... |
Alors toutes ces choses existent dans différentes cultures ou
l'on abouti à une sorte de liberté en acceptant un statut de marginal.
Les gens qui deviennent Baûls le font pour différentes raisons. Alors les grands soufis ont souvent gardé des relations avec
les Baûls, mais secrètement. J'ai connu quatre générations de Baûls. Dans le temps, les
Baûls n'étaient pas encore comme les Baûls vraiment modernes de maintenant.
J'observais souvent comment ça se passait, quand un groupe de Baûls
arrivait dans le village. |
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Ils font cela de deux façons. Dans la première ils font ce voyage
eux même en se rappelant par certains mots, une sorte de liberté intérieure.
Il y a aussi une façon. Ils passent consciemment, et tout particulièrement
les Baûls qui appartiennent au courant que j'estime le plus, ils essayent
en chantant et en jouant de passer à un processus de transformation
des énergies. C'est comme s' ils utilisent les chants et les actions
qu'ils font comme une sorte de véhicule. Alors dans les villages, il
y a par exemple des ex-Baûls qui se cachent d'avoir été des Baûls, mais
qui ainsi que certaines personnes des villages ressentent ce passage,
cette transformation de l'énergie, juste par un phénomène d'induction.
Quelque chose se passe, ils le ressentent. A deux, trois, quatre, cinq personnes, ils vont faire la musique
qu'ils pratiquaient aussi avec leur guru. Ils peuvent chanter à la gloire
de leur guru toujours, et ne pas le voir pendant dix ans. Ils sont très proches de Hassidin premier, quand ils parlent
des étincelles divines qui tombent, qui sont emprisonnées et qui peuvent
après à nouveau s'envoler et rejoindre les niveaux de perception et
de réalité les plus subtils, les plus délicats, les plus essentiels,
si je peux m'exprimer ainsi. C'est un autre courant, très ancien, qui est comme une autre
approche. Celle ci n'existe pas au travers de l'immobilité et du ralentissement
des respirations, des pensées et de tout ça, mais au travers d'une sorte
d'expansion des possibilités, des qualités. Cela commence par le corps,
traverse le psychisme, cela va du plus haut de quelque chose vers quelque
chose d'extrêmement subtil qui va descendre. C'est un autre courant,
qui n'est pas considéré comme le yoga classique. Mais on l'appelle "yoga",
entre guillemet dans le sens terminologique. |
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On peut dire qu'il y a plusieurs phénomènes issus de différentes
écoles Baûl. Il ont toujours une extraordinaire capacité de lier les
choses disons, yogiques à des éléments artistiques. J'ai dit que j'ai
eu la possibilité de suivre quatre générations différentes de Baûls.
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Alors les Baûls qui ont toujours gardé la manière
de vivre des anciens Baûls partagent leur vie entre deux rythmes. D'un coté il y a le rytme de leur vie quand ils voyagent et qu'ils font ce yoga en tant qu'artistes, en utilisant leur art pour approcher les gens d'une certaine façon ... D'ailleurs ils en ont besoin pour pouvoir bouffer, pour recevoir de la nourriture. Les Baûls dans les temps anciens ont étés extrêmement pauvres, ils n'avaient rien, alors ce sont les villages qui les ont nourrit. Maintenant qu'ils deviennent parfois comme cela c'est passé à plusieurs reprises, des musiciens de pop music, des vedettes, ça change beaucoup. Et puis il y a l'autre rythme, celui qu'ils ont quand ils se rencontrent dans des endroits isolés et cachés, pour travailler juste sur l'aspect yoguique de la transformation des énergies. Ca c'est quelque chose qui m'a fasciné chez les Baûls. ........... Il y a aussi les gens qui sont Baûls parce qu'ils sont
d'une famille Baûl. Ils ont aussi les avantages, et d'ailleur je pense que c'est
une menace pour eux, mais en même temps, bon, c'est comme ça que les
choses vont. Il faut en même temps défier le monde, |
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En même temps il y a la notion de : tu peux
voler, tu le peux, tu dois voler, mais en plein jour.... Et finalement il y a cette proposition : tu dois même créer une bande, un gang de bandits, de cambrioleurs. Cela me rappelle une tradition du Caucase, tradition proche des traditions Islamistes, et Orthodoxes Greques, qui raconte la façon dont un bandit solitaire dans les montagnes, pour attaquer les gens riches, doit être capable de ne donner aucun signe de sa présence. En effet, dans les montagnes il y a beaucoup de pierres, et s'il bouge de manière inconsciente, une pierre risque de tomber et de prévenir les gens de sa présence, il ne pourrait pas voler ses victimes potentielles. Alors finalement, dans un climat extrêmement chaud, où durant la journée on est brûlé par le soleil et ou la nuit est froide , il doit dominer toutes ses réactions et garder son attention éveillée, d'une façon quasiment inhumaine. Alors si le bandit procède ainsi, il devient un grand bandit, et alors qu'il est devenu un grand bandit, un jour il découvre que ce n'est pas intéressant d'être un bandit. Il a découvert autre chose grâce à cette attention, il a appris à rassembler toutes ces forces qui se rebellent d'une certaine manière, qui bouillonnent au dedans et qui veulent aller vers de formes beaucoup plus délicate, transparentes. Il a découvert que c'est cela qui est intéressant. Avant il pensait que ça serait une bonne vie, une vie excellente, mais maintenant il découvre que oui c'est bien, mais être bandit c'est peut être une chose secondaire... Bon, les Baûls ils pratiquent cette manière "évadée", pas dans le sens de la terminologie, mais dans le sens où ils ne créent aucune doctrine religieuse. ls dépassent toutes les limites, toutes les frontières, ils se foutent des fanatiques, des fondamentalistes qui existent partout. De ce point de vue, c'est une lignée en même temps très défiante, je le répète, parce que vraiment ils sont comme des anarchistes culturels, comme des rebelles et en même temps il font le travail très précis. Maintenant peut être, oui, je le pense, leur travail est menacé de devenir trop médiatique, mais leur tradition a toujours été très précise, une partie cachée, une partie visible. En même temps ils ont toujours eu une sorte de d'amusement infantile à défier presque les préjugés des gens, leur conventionnalisme, et tout ça. C'est quelque chose que j'ai toujours trouvé chez les Baûls extrêmement réconfortant. Je dois dire que je n'ai jamais rencontré un Baûl fanatique, ça c'est rare, non ? Si on voit les différentes directions de l'art, ou de la vie intérieure, ou des religions, partout toujours quelqu'un apparaît qui dit c'est seulement ça et pas l'autre chose, tu dois faire cela de cette manière, pas d'une autre , tu dois croire en ça, pas en une autre chose. Non, ça n'existe pas parmi les Baûls, non. Ou peut être que ça existe, mais je n'ai pas rencontré. Ils disent : alors pour toi c'est comme ça, et à quoi est ce que tu aboutis en pratique, qu'est ce que tu peux faire avec ça? C'est juste une question, et après on va se moquer des noms des Divinités, ou d'un mot philosophique, ou métaphysique. ... Je dois vous dire, comme j'ai souligné plusieurs fois, que
pour moi, rencontrer des Baûls, particulièrement les générations de
Baûls qui étaient plus vieux que moi, quand j'étais plus jeune, ça m'a
apporté comme une sorte de souffle de liberté. |
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"Le colporteur de joie est arrivé
! A propos de trous, Il ne tient plus une seule goutte.
J'envie ceux qui savent recevoir
et garder. Chant Baûl anonyme *( Le corps humain
est souvent comparé avec un pot de terre qui doit être modelé avec
de l'eau (la femme), puis cuite au feu |
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