Vincent Borcard
Depuis une dizaine d'années, R.E.M. persiste à aller là où il n'est pas attendu. En 1990, il réalisait des disques acoustiques alors que le monde redécouvrait le plaisir des grosses guitares via le grunge. Losrque sa renommée est à son apogée - et donc la demande la plus forte -, il annonce renoncer provisoirement aux concerts. Les disques s'écrivent et se peaufinent des mois durant? Il enregistre le sien en tournée, entre répétitions et caravenes! Contre-pied encore avec le dernier, dominé par les batteries électroniques, les synthétiseurs et une reprise de Leonard Cohen! Dans un court entretien téléphonique, le guitariste et compositeur Peter Buck nous confirmait que la routine tue et que là où il n'y a pas de risque, il n'y a pas de plaisir:
  "Quand quelque chose est fait et bien fait, c'est terminé, il faut aller voir plus loin, sinon ça devient un boulevard, un boulot, et on perd l'intensité nécessaire pour le rendre excitant. Je suis meilleur compositeur

 

quand je dois chercher, quand je ne sais pas comment finir une chanson. Je pourrais refaire en une semaine un disque qui sonnerait comm "Automatic for The People". Il serait bon, mais quel intérêt?"
-Est-ce le même raisonnement qui vous amène en concert à Montreux? La logique économique ne vous pousserait-elle pas plutôt dans des espaces susceptibles d'accueillir plus de 20000 spectateurs?
-Nous avons voulu faire quelque chose de spécial cette année. Dès nos premières discussions, nous avons décidé de combiner ce que nous apprécions le plus en tournée. D'un côté jouer dans des salles relativement petites, de l'autre participer à d'énormes festivals dans lesquels on peut écouter et rencontrer les groupes que nous aimons.
- Qu'allez-vous jouer?
- Surtout les deux derniers disques (n.d.l.r.: "New Adventures in Hi-Fi" et "Up") et des morceaux plus ancienc, tirés de notre répertoire des années 80. Aussi 
une ou deux reprises de chansons qu'on entend à la radio et qui nous plaisent. Au moment où je vous parle, c'est encore assez vague et on a l'intention de conserver un maximum de liberté et de souplesse. On n'a pas envie d'endosser des costards de rockers professionnels au cours de cette tournée.
- Serez-vous plus de quatre sur scène?
- Oui, j'aimer bien avoir un ou deux musiciens supplémenteires qui oeuvent jouer des claviers ou ajouter une guitarre sur certains morceaux - nous avons déjà procédé ainsi par le passé.
- Avez-vous parfois envie d'improviser ou de réécrire complètement certains morceaux?
- Nous ne sommes pas des musiciens de jazz. Je suis compositeur et je viens pour interpréter mes chansons telles qu'elles sont, c'est-à-dire assez bien définies, ce qui ne veut pas dire que le pianiste est obligé de frapper les mêmes notes chaque soir! Je sais qu'il y a des artistes qui aiment tout bouleverser et 
rendre les originaux méconnaissables, je peux l'apprécier et en tout cas je le respecte. Mais je ne fonctionne pas ainsi. J'estime que la chanson exprime quelque chpse, et mon souhait est qu'elle le fasse dans les meilleures conditions possibles. Si on sent que, en modifiant une ou deux choses, un morceau offre des perspectives intéressantes, on va sans doute essayer. Mais on ne va pas interpréter une partie de notre répertoire en reggae juste pour le plaisir de changer d'air. Ca ne m'intéresse pas.
- Avez-vous prévu de reproduire sur scène l'esthétique "ouatée" de votre dernier album?
- On y a pensé. Les premières fois qu'on a joué ces chansons en public, dans le cadre d'émissions télévisées, on avait pris tous nos synthétiseurs avec nous. Mais c'était assez compliqué. Donc on l'a reproduit désormais assez différemment. La forme change, mais je dirais que l'état d'esprit est le même et que ça fonctionne! Pour ce qui est de s'accompagner de boîtes à rhytmes sur scène, nous avons aussi fait l'expérience, mais personne n'y a rien compris: stupéfaction dans la salle!(Rires.)