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Les réflexions

Lettre d'un jeune soldat, dédicacée à ses parents et amis.

14/09/62
Camp Gagetown
Oromocto N.B.

Chers parents, chers amis,

J'ai souvent entendu dire par des personnes ayant le triple de mon âge ou plus, et dites bien renseignées, qu'il faisait très doux au coeur de "revenir". "Revenir"... quel grand mot à plusieurs sens, rempli tantôt de joie et de sérénité, ou tantôt de peine, de douleur et de déception. Non, vous qui me lisez, ne soyez pas frustrés ou offensés en m'entendant déclarer que "revenir" peut aussi vouloir dire "partir".

Comme je l'ai moi-même fait, partez et alors, mais alors seulement... vous aurez l'ambiance et le temps nécessaires à la méditation de ce mot. Vous vous rendrez compte par vous-même, bien que cela puisse vous paraître impossible, qu'il fait parfois très mal de partir ou plutôt, de "revenir".

Si vous pouviez réaliser, pauvres incrédules, comme l'on peut réfléchir dans dix-sept mois... Oh! dix-sept mois me direz vous, c'est vite passé. Pour vous, il ne s'agit que de remplacer un vieux calendrier par un nouveau, duquel vous aurez pris soin d'arracher les cinq premières pages, mais pour moi... Pour moi, c'est une question toute autre et un problème qui est d'un genre tout à fait différent. Il s'agit là d'une question de temps, de souffrances et de sacrifices causés par mon isolement des êtres qui me sont chers. Partez, vous qui riez. Allez, ne vous gênez pas et tentez votre propre petite expérience.

Hop! Attendez un peu. Avant d'entreprendre quoi que ce soit, soyez sincères et dites franchement le fond de votre pensée. Quand vous serez de retour à l'endroit cher auquel vous vous étiez attachés, vous constaterez avec surprise et étonnement qu'une lumière vive illumine vos yeux de ses rayons ardents, qu'un feu bienfaisant réchauffe vos coeurs engourdis et qu'une joie aussi vive que mystérieuse remplit vos esprits médusés et vos âmes déconfites. Aux yeux de ceux qui savaient déjà...

Vous vous serez couverts de ridicule, bien sûr, au sujet du renversement total de votre opinion sur l'isolement, comparativement à celle que vous aviez exprimée à l'heure première de votre départ, mais qu'importe. Au fond, tout le monde est ridicule à cause de ses sottises et de certains raisonnements stupides. Pour vous, il s'agira d'une expérience de plus, si toutefois vous en aviez déjà vécu auparavant. Sinon ce sera votre première, mais je vous assure que ce sera un bon départ, car elle vous aidera à comprendre, sans qu'ils aient à vous la traduire, la douleur et la hantise de ceux qui savent déjà que c'est dur mais qui ont quand même à partir, coûte que coûte.

Cela vous permettra aussi de réaliser le bonheur d'un père de famille qui revient du travail, alors qu'il est accueilli par le sourire de son épouse ou de ses enfants qui forment cercle autour de lui pour l'entendre raconter les grandes lignes de sa journée à l'usine, au bureau ou à la boutique... Il vous sera peut-être possible, après cette aventure, de déceler l'allégresse d'une mère qui rentre au foyer à la suite d'un court voyage.

Possiblement que vous devinerez ce qui se passe au fond du coeur supposément "endurci" d'un soldat qui a l'opportunité de se retrouver au sein des siens qu'il a parfois réclamés la nuit, en versant des larmes sur un drap blanc, se recouvrant la tête d'un oreiller, afin d'assourdir le bruit causé par ses pleurs, de telle façon que ses compagnons de chambre croient qu'il dort paisiblement tout en ronflant...

Alors vous cesserez de vous poser des questions au sujet de telle ou telle autre personne qui, lorsque vous la voyez, vous semble avoir une personnalité toute différente de l'impression qu'avaient laissée en vous ses façons de dire ou de faire, ou ses écrits. Même si l'on se sent porté à penser le contraire en les voyant, il leur fait un plaisir immense de retrouver un père, une mère, un frère, une soeur, un copain ou encore une bonne amie dont ils ont été longtemps privés.

Leur joie est si grande qu'ils ne peuvent la supporter et qu'elle a sur eux les effets contraires à ceux produits chez une personne constamment choyée et entourée d'amour et d'affection. Je vous assure que si vous pouviez décomposer un coeur ou un caractère en minuscules particules afin de constater les sentiments qui y sont imprégnés à votre égard, vous subiriez malgré vous une transformation complète de l'opinion que vous vous êtes faite de moi en vous basant sur des faits pour la bâtir.

Peut-être n'ai-je pas besoin de vous en dire plus long pour que vous puissiez deviner la pensée que tente de vous communiquer celui dont le coeur a tressailli de joie en voyant se profiler la silhouette de sa ville dans l'horizon bleuâtre, non pas que je cherche à la dissimuler par crainte de répréhensions, mais bien que je ne sache l'exprimer en d'autres termes sans m'exposer à de sérieuses blessures dans mon "amour-propre", ou si vous préférez dans mon orgueil ou dans mon... ingratitude. Si vous n'avez pas encore saisi, il ne me reste qu'une chose à vous dire: vivez l'expérience vous-même et vous serez en mesure de réaliser ce que je ressens ce soir.

Malherbe DesChamps




Un jour, on m'a posé la question suivante

"Est-il homme assez fou pour désirer mourir?"

Je tiens d'abord à faire part de mon désaccord face au fait que l'on se permette de juger de "fou" l'homme tout aussi bien que la femme qui puisse désirer mourir. J'éprouve le plus grand respect envers quiconque pensera ou dira différemment de moi sur un sujet aussi profond et vaste que la mort, et j'ose m'attendre à la même forme de respect en ce qui concerne mes sentiments personnels. La mort, c'est exactement le contraire de la vie sous sa forme actuelle...

Mais on peut aussi choisir d'y embarquer avec des projets d'avenir, des rêves à chérir, du bonheur à vivre et des gens à aimer! La mort, c'est une période de repos au cours de laquelle la nature elle-même, ou Qui l'a créée de façon si imparfaite, remodèlera sans le moindre défaut ou le plus petit vice un corps d'apparence semblable par les traits à celui que nous possédions avant de connaître la mort, à la simple condition d'avoir cru que cela soit possible et de l'avoir demandé.

Ceux qui ignorent ces choses ou n'y croient tout simplement pas ne seront pas tout à fait perdus pour autant... Je crois fermement qu'ils revivront aussi, mais ce sera pour eux une forme de vie différente. J'ai la conviction profonde que leurs cellules feront alors partie de la nature, partant de divers éléments (eau, terre, air, feu ou autres) pour accéder à une forme de vie plus primitive où ils n'auront pas à penser, réfléchir, prévoir, et où ils ne connaîtront pas de sentiments tels que la crainte, l'angoisse, la peur, la joie ou... l'amour. C'est ce qui me porte à croire très fermement que l'homme qui désire mourir n'est pas nécessairement "fou".

Malherbe DesChamps




Mise au point

Depuis que ma conscience a pris naissance, animée d'une grande soif de connaître, j'ai cherché un sens à la vie, à ma vie, et alors que les années n'ont pas cessé de couler, j'ai trouvé réponses à certaines de mes questions. Il en est cependant d'autres qui demeurent encore ouvertes.

Au cours de ce cheminement que j'ai entrepris, il m'a été donné de trouver Dieu et j'ai appris son nom. Puis j'ai découvert aussi que c'est Lui qui m'a donné la vie pour que je puisse en jouir pleinement et Lui rendre gloire. C'est merveilleux, et je dis: "Merci, mon Dieu". Je suis très content d'accepter le plan qu'il m'a proposé et je veux lui être fidèle selon ce que me suggère ma conscience universelle, sur laquelle j'ai toute autorité. Néanmoins, je désire le servir, sans toutefois prétendre à une quelconque vocation à la prêtrise. Mon premier devoir est de prendre soin de moi, de mon corps et aussi de mon esprit, de façon intelligente et sensée.

Mon intention est d'abord de vivre ma vie à moi et de la vivre pour moi. Je n'ai pas le goût de devenir fanatiquement zélé d'esprit religieux, et je n'ai pas non plus l'intention de m'imposer de privations démesurées en rapport avec les choses bonnes, au nom de thèses que je n'endosserais pas entièrement. Les actions que je pose, je veux les accomplir de mon plein gré et non pas sous l'effet d'une quelconque pression. J'ai décidé qu'une partie de mon temps allait être employée à mon intention, pour mon épanouissement humain et pour ma croissance personnelle.

Bien que j'entende demeurer sobre dans les plaisirs, je ne veux surtout pas pour autant me perdre de vue, par hantise de ce que pourraient penser ou dire de moi certaines personnes qui pourraient avoir d'autres appétits ou ne pas partager mes objectifs personnels. L'image prend donc la seconde place. L'idée première est d'apprécier la vie avec tout ce qu'elle peut comporter de bien et de beau. Je me sens très capable d'amour, maintenant que je l'ai trouvé pour moi-même et je continue d'en éprouver un très grand besoin...

Heureusement je sais où le puiser et aussi comment le canaliser. La plus grande part d'efforts à fournir dans laquelle je suis concerné réside dans la façon de m'aimer moi, tel que je suis, en tenant compte des diverses facettes de ma personnalité, qu'éventuellement je dois transformer pour parvenir à être moi-même, ou encore des aspects de mon apparence physique qui ne seront pas restaurés dans le système actuel et que je dois donc accepter, car c'est ainsi que je finirai par être moi et par m'aimer pleinement.

Mes actions d'ailleurs sont orientées dans ce sens. J'ai la conviction profonde d'arriver aux résultats escomptés en menant à terme les démarches déjà entreprises et en demeurant fidèle à moi-même. C'est donc dire que je dois respecter ces idéaux que j'ai décidé d'atteindre, tant et aussi longtemps que je demeurerai convaincu de leur justesse et de leur applicabilité, tout au long de ma vie transitoire. 

Je ne veux en aucun cas faire la sourde oreille face aux connaissances nouvelles, sous le couvert du prétexte futile de détenir la seule et unique vérité et de croire que rien d'autre de valide ne puisse exister autour de moi. Non, pas question d'agir ainsi, car je crois que cette attitude serait très loin de la sagesse et correspondrait justement à un refus d'écouter la voix de la raison, dans la crainte peut-être de devoir admettre que j'aie pu me tromper et faire fausse route. 

S'il m'arrivait jamais de croire que je sois dans l'erreur, je refuserais de me commettre et je recommencerais aussitôt à chercher le chemin de la paix et du bonheur. Je suis heureux d'avoir écrit ces pensées que je crois philosophiques, parce qu'elles reflètent mes convictions les plus profondes et aussi qu'elles m'aident à m'apprendre et à me mieux faire connaître.

Malherbe DesChamps




Sois toi-même...

Porte ta charge, distribue tes fleurs, besogne et fredonne ta chanson. Ose être fier à chaque fois où l'on oublie d'applaudir tes nouveaux pas ou tes grands exploits. Souris même si l'on ne reconnaît pas les vertus dont tu fais état et dis-toi bien que ces jours là, quelqu'un d'autre que toi aura manqué son coup et fait un faux pas. Il n'aura pas rendu au grand Maître toute la gloire qu'il lui doit. N'oublie surtout pas que tu es le couronnement de la création divine et que de toutes les oeuvres de ses mains, tu es celle qui lui ressemble davantage.

Souviens-toi que, dans toute sa Sagesse, il vit que cela était très bon et il en fut fier. N'avait-il pas non plus avant même que tu ne sois là, créé la terre et toute la faune qu'elle porte, pour ton plaisir à toi? Ne t'avait-il pas aussi fait cadeau des cieux et des grands luminaires pour t'éclairer et pour t'émerveiller, sans oublier les fleurs qui ravissent tes yeux et apportent tellement de plaisir à ton nez?

Ne t'a-t-il pas donné aussi des arbres qui te nourrissent de leurs fruits et qui font le délice de ton palais? À tout cela, il a ajouté la mer et ses poissons pour qu'il te soit permis de rêver et que tu puisses varier tes menus. Il t'a fait cadeau d'animaux de compagnie et t'a même laissé le plaisir de pouvoir les nommer. Il t'a équipé d'un corps si merveilleux que ses cellules peuvent se régénérer elles-mêmes, et il t'a aussi gratifié du pouvoir de transmettre la vie, à son image et à sa ressemblance.

Il t'a doté d'un cerveau plus complexe que les plus puissants ordinateurs, et t'a laissé le libre arbitre qui te permet de choisir ce que tu crois bon pour toi. Il t'a fait cadeau d'une conscience sur laquelle il t'a donné toute autorité. Quelle confiance ne t'a-t-il pas démontrée? Tu étais et tu demeures encore sa plus grande réalisation terrestre. Réalise enfin que tu peux être fier de ce que tu es, car Lui, t'a choisi. Tu es la plus merveilleuse preuve de sa toute-puissance. Souris, c'est ton droit, et rends-lui grâce, c'est le sien.

Sois propre et continue de porter ta charge et à semer l'amour autour de toi, car c'est là sa loi. Efforce-toi de faire rayonner la sérénité dont il t'a gratifié, jouis pleinement de la vie et ne te prive surtout pas du grand plaisir d'être toi-même. C'est là ton privilège, à toi, tout à toi et rien qu'à toi.

Malherbe DesChamps




Introspection


Homme ou Femme

Qui que tu sois, arrête-toi pour un instant de chercher. Prends le temps de respirer et fais-toi tout simplement la faveur de m'écouter. Si je t'ai abordé, ce n'est pas sans raison. C'est que je vois ton désarroi et que je suis ému à cause de ta peine puisque hier encore, elle était aussi la mienne...

Je suis le témoin impuissant de ta détresse. Je te vois t'éreinter et suer. Je t'entends geindre, je te sens crispé et tendu. Tu es vidé, tu étouffes et tu angoisses. Ton corps est fatigué par tous ces efforts que tu lui imposes. Devant l'insuccès de tes recherches, ton esprit est torturé, et je comprends parfaitement qu'il puisse l'être...

Tu te sens un peu comme ce prospecteur qui ne connaît pas de succès et vainement, brasse son tamis avec l'espoir déçu d'y trouver les précieuses pépites qu'il convoite et entrevoit comme le couronnement de ses laborieux efforts. Comme lui, tu t'essouffles. Comme lui aussi, tu te décourages. Peu s'en faudrait-il même pour que tu te laisses aller à verser des larmes.

Monsieur Prospecteur... À ce qu'il me semble, tu aurais tout intérêt à concentrer tes énergies ailleurs. Puisque toutes tes tentatives se sont avérées infructueuses, bien qu'elles aient duré plusieurs années, il paraît approprié de dire que ton filon est épuisé ou tout simplement stérile. Semblable à ce prospecteur, tu cherches l'amour là ou il n'est pas.

L'amour que tu recherches, le grand amour, le vrai, le seul, ne court pas les rues. Il est beaucoup plus près de toi que tu puisses le penser. C'est au fond de ton coeur qu'il a établi ses quartiers. Ne cherche pas ailleurs puisqu'il ne s'y trouve pas. Il n'attend plus qu'un geste pour passer à l'action et faire de toi une personne heureuse... Crois en lui, tends-lui les bras et laisse-toi lui sourire. Il en éprouve un urgent besoin, autant que toi-même, car la vie, vois-tu, n'est pas l'amour, alors que l'amour c'est assurément la vie.

Malherbe DesChamps



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[La Page à BOUCAN].Copyright © 1997 par [Claude Guidi].

Revisé:.21/07/99