Lettre de Yves, militant anti-fasciste marseillais emprisonné Mon cas personnel, en soi-même, n'est pas ce qui doit importer. Ce qui importe, c'est le sens du combat que nous avons mené. Il a changé aujourd'hui dans la forme mais pas dans le fond. La "gauche" a avalisé, par sa gestion, la loi du marché comme le vrai dirigeant de la société. Leurs reniements et leurs trahisons sont là pour le prouver : non-abrogation des lois "Pasqua-Debré", non-régularisation des sans-papiers, acceptation de la fermeture de Vilvorde, etc, etc. Dans ses pages business, le New York Times vient de rendre hommage à L. Jospin pour la loi sur les 35 heures en expliquant qu'elle renforcerait la flexibilité du travail, rapprochant ainsi la France de la Grande-Bretagne. Certains au PS veulent même aller encore plus loin, comme J.-M. Bockel, maire de Mulhouse, qui déclarait récemment que "si l'on pouvait se servir du revenu universel pour baisser plus rapidement les allocations chômage, on encouragerait à coup sûr le travail Un tabou de plus à abattre !" La nuance entre ultra-libéraux et sociaux-libéraux se résume ici à quelques centaines de francs par mois en plus ou en moins pour les salariés. Poursuivant sur le même registre, Bockel ajoutait qu'il faudrait "légiferer pour que soit instauré un service minimum sans que certains fassent semblant d'y voir la fin du droit de grève dans les services publics". Finissant enfin par dévoiler le fond exact de sa pensée : "si l'on pouvait dire que le PS est aussi, mais pas seulement, le parti de la Loi et de l'Ordre, nous serions plus détendus pour parler d'autres sujets" On voit ainsi se dessiner une société éclatée avec une partie de la population sans emploi, vivant d'allocations minimales et de système D'une autre partie soumise à des horaires imposés atypiques touchant de maigres salaires et bénéficiant des protections sociales de plus en plus réduites et enfin une troisième partie ayant un emploi bien rénuméré et étant dans la capacité de s'acheter une assurance supplémentaire mais au prix d'amplitudes horaires infernales. Le schéma d'organisation des salariés est d'ailleurs cohérent avec les changements programmés dans le système de protection sociale. La CMU pour les plus pauvres, le système actuel maintenu de façon précaire pour les moins pauvres et les fonds de pension pour les salariés les plus riches. Finalement, il ne reste plus à l'État que le seul rôle d'appareil de sécurité au service des entreprises. Car le projet néo-libéral n'est pas la disparition de l'État. Il veut juste un État affaibli en matière économique et sociale mais hypertrophié dans le domaine policier et pénal. Le danger vient du fait qu'on ne nous présente pas ces politiques répressives comme d'inspiration néo-libérale mais au contraire comme des modes de réaffirmation de la force de l'État. Car plus le système exclut ‹ un million de RMIstes, six millions de personnes survivant avec 60 F par jour , plus il doit assurer l'ordre. 30 ans de politiques urbaines n'ont rien changé comme l'ont rappelé les militants du MIB lors des Assises de la Ville à Vaux-en-Velin en décembre dernier. On voit juste se mettre en place une politique de quadrillage des quartiers dits sensibles dans le cadre d'une "reconquête républicaine" dont le seul débouché est l'enfermement social, économique, politique et finalement pénal. Les prisons sont remplies à ras bord de cette population précarisée, vivant dans des conditions qu'on commence tout juste à connaître : surpeuplement (quatre dans dix m2), maladies (tuberculose, hépatite, Sida), rats pour certains, cafards pour tous, violence à tous les niveaux, que ce soit celle des gardiens ou entre détenus. Pour seule réponse, le ministère de la Justice annonce la construction de six nouvelles prisons. C'est parce que tout cela existe et se poursuit tous les jours, en France et dans le reste du monde, que la lutte doit se poursuivre et se développer. J'espère y apporter ma contribution, même du fond d'une cellule. Amitiés rouges & noires, Yves Cette lettre est extraite du bulletin "Franc-Tireur", numéro 1, février 2000, publié conjointement par le Collectif se solidarité avec Yves et William (Paris) et le collectif Solidarité-Résistance-Antifa. Ce bulletin entend être un support pour les initiatives de la campagne de solidarité qui s'organise pour obtenir la libération de Yves et William, militants anti-fascistes emprisonnés depuis le 19 octobre 1999. Il peut être commandé au SRA c/o Reflex 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris Prix libre, vous envoyez ce que vous pouvez pour participer aux frais. Solidarité avec les anti-fascistes emprisonnés LIBERTE POUR YVES ET WILLIAM http://www.altern.org/solidariteftp