Interview de Yves

1-Revendiquez-vous la série d'attentats signes par les FTP ?

1) Tout d'abord je suis effectivement l'auteur de la série d'actions contre
les locaux du FN. Je les ai revendiqués dans deux textes qui ont été
diffusés aux principaux organes de presse locaux et régionaux. Le 1er
s'intitulait " Ami entends-tu " et le second "Ce que nous voulons".

2 -Comment est né le groupe FTP ? S'agissait-il d'une entrée en " résistance
" ?

2) En ce qui concerne les FTP, il n'y a pas à proprement parlé de groupe. Je
suis le seul et unique membre des FTP. William ne m'a aidé que dans le cadre
d'une action et ce, au nom de notre vieille amitié. Quant à mon frère il n'a
rien à voir avec mes activités politiques, ni de près ni de loin. Ma
décision de rentrer en " Résistance active " découle de plusieurs facteurs.
Tout d'abord la situation politique, qui à partir de 1988 démontre que le FN
ne sera pas un épiphénomène de la vie politique française. Le résultat des
élections présidentielles avec quatre millions et demi d'électeurs est là
pour le prouver. D'un vote protestataire à ses débuts, on est passé petit à
petit à un vote idéologique. Le Sud et en particulier Marseille sont parmi
les régions les plus touchées. Le début des années 90 va voir la mise en
place d'une stratégie planifiée de prise du pouvoir (Voir les 51 mesures de
Mégret). Celle-ci s'accompagnant de provocations réfléchies destinées à
tester à la fois la réaction des institutions et celle du corps social:
point de détail, inégalité des races, référence au " pays réel " opposé au "
cosmopolitisme ". Tout cela débouchant sur des pratiques violentes de plus
en plus grandissantes et qui s'avéreront plusieurs fois meurtrières
(Marseille, Paris, Le Havre, etc. etc.) Les ripostes qui se sont mises en
place, même si elles ont été très importantes, n'ont rien empêché, victimes
à la fois de récupérations politiciennes, notamment au moment des élections,
et de la lepénisation des esprits, touchant tous les stades de la société,
jusqu'à I'Etat lui-même (le seuil de tolérance de Mitterrand, le bruit et
les odeurs de Chirac) en passant par ses corps constitués (Police, Justice,
Armée): voire la manifestation de Mars 97 à Marseille. Cette stratégie
débouchant sur la prise de 4 mairies, voire 5 si l'on compte Nice où c'est
un ancien FN qui est devenu Maire, et à la demande de plus en plus
grandissante dans les rangs de la droite d'une alliance avec le FN celui-ci
étant devenu incontournable pour un retour au pouvoir.

3 -Pourquoi ce sigle et quelle filiation avec les FTP ?

3) Ce choix du sigle FTP a plusieurs raisons. La 1ere est que l'assassinat
d'lbrahim Ali a eu lieu pratiquement 50 ans après l'exécution de Missak
Manouchian et de ses camarades de l'Affiche Rouge. Cinquante ans après, les
mêmes idées, le même discours, les mêmes pratiques, les mêmes victimes.
L'immigré accusé de tous les maux de la société était désigné comme un
criminel, un envahisseur. Sur l'affiche de la propagande allemande on
retrouvait les mêmes termes " I'Armée du Crime ". Les hommes et les femmes
de la FTP- MOI étaient issus des 4 coins du monde, Polonais, Hongrois,
Italien, Espagnol, Arméniens et même Brésilien à Marseille. Leur combat et
leur idéal transcendaient toute notion de race, de religion et de
nationalité, s'inscrivant au-delà même du combat antifasciste dans une
volonté de changer le monde. Ce sont des valeurs qui m'ont toujours guidé.

C'était aussi pour moi une manière de rappeler leur combat et leur rendre
hommage. J'espère en reprenant cette signature ne pas avoir dénaturé le sens
profond de leur engagement et de leur histoire.

4 -L'utilisation de ces méthodes explosives, était ce un bon moyen de lutte
contre le FN ? Peut-on utiliser les même armes ? Certains, dans le mouvement
antifasciste, dénoncent ces méthodes qui vont à I 'encontre du combat
général.

4) Auparavant, j'ai milité de manière tout à fait classique. J'ai collé des
affiches, distribué des tracts, manifesté, écrit des articles, participé à
des colloques. Cela n'a pas empêché le FN de progresser. L'assassinat
d'lbrahim Ali n'a en aucune manière fait reculer ou fragiliser
I'implantation du FN à Marseille et dans sa région. L'élection de Vitrolles
n'a été qu'une confirmation, et par là même marqué pour moi l'échec d'une
forme de lutte classique.

D'autant que le FN dans ses discours menaçait de plus en plus d'utiliser la
stratégie de la tension dans la rue, espérant ainsi obtenir ce que les
élections ne voulaient pas lui donner. (Discours de Mégret en 95, discours
de Le Pen le 1er Mai 97)

Concrètement cela débouchait sur des manifestations de violences de plus en
plus systématiques (Gardanne, Montceau-les-mines etc.). Le rapport de la
commission d'enquête parlementaire sur le service d'ordre du FN, ayant
démontré que celui-ci fichait les militants anti-racistes et antifascistes,
détournait leur courrier, et qu'il existait en son sein une unité spéciale,
composée d'anciens militaires plus ou moins mercenaires et de membres de
sociétés de gardiennage ayant à leur actif plusieurs actions violentes. On a
pu les voir à I'¦uvre à Vitrolles et ailleurs (voir l'affaire du commando
anti-gréviste lors de la grève des camionneurs).

Par des actions symboliques, j'ai voulu alerter l'opinion. Je n'ai jamais
exemplarisé cette forme de lutte, c'était un choix personnel, et comme tel,
il est critiquable.

5 -Qu'attendez-vous du comité de soutien qui s'étoffe à l'extérieur ?

5) En ce qui concerne le comité de soutien, je tiens à remercier les
organisations politiques, les associations, les personnalités, les militants
et les militantes, les ami(e)s et les inconnu(e)s qui en sont parties
prenantes.

Il est évident que je ne lui demande pas d'approuver mes méthodes d'actions,
mais que par son travail, il fasse reconnaître le sens de mon combat, comme
étant un combat politique. Les textes de revendications sont là pour en
témoigner, ainsi que le sens de mes actions. J'aimerais aussi que cette
affaire permette de faire le bilan de ces 15 ans de luttes antifascistes.
Qu'on fasse l'analyse des échecs et des succès, de manière à ne pas refaire
les mêmes erreurs et au contraire développer les pratiques et les actions
qui ont eu du succès.

L'exemple de l'Autriche, les ratonnades en Andalousie, les politiques
anti-immigrés développées en Europe, sont là pour nous prouver que la
réflexion et le combat doivent se poursuivre.

6 -Aujourd'hui, notamment après l'implosion du FN, regrettez-vous vos
actions ou les assumez-vous toujours ? Que vous inspire la situation en
Autriche ?

6) Comme Piaf, je peux dire que non, je ne regrette rien. J'assume la
totalité de mes actions. Il s'agissait d'actions symboliques s'inscrivant
dans un contexte particulier. Je ne me suis attaqué qu'à des bâtiments, et
j'ai toujours fait attention pour qu'il n'y ait pas de victimes.

Suite à l'implosion du FN j'avais décidé d'arrêter ce type d'action. Le fait
qu'entre mon arrestation et la dernière action, il se soit écoulé 1 an sans
aucune activité des FTP est là pour le prouver.

En ce qui concerne l'Autriche, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
A la différence me semble-t-il que Haider est beaucoup plus intelligent que
Le Pen ou Mégret. Il sait jouer sur le sentiment nationaliste des
Autrichiens et à long terme sur le fait que " L'Union Européenne devra
s'asseoir à table avec nous, sinon il n'y aura aucune décision en Europe.
Sans nous rien n'est possible " (Jorg Haider).

Au niveau de la mobilisation elle est importante, surtout en Autriche même
et c'est tant mieux. Mais j'aimerais qu'elle soit aussi déterminée et
imposante en ce qui concerne la Tchétchénie. Là encore on s'aperçoit du
double discours développé par ceux qui nous gouvernent. La Tchétchénie
connaît les massacres, la torture, les " camps de filtration ", mais cela
n'empêche pas Hubert Védrine, le ministre des affaires étrangères de
qualifier Poutine de " Patriote " et Tony Blair d'aller lui rendre visite.

Il est vrai que les bénéfices économiques, que les démocraties occidentales
comptent retirer de l'arrivée d'un homme fort au pouvoir en Russie, sont
plus importantes que ceux qu'ils peuvent escompter de leur relation avec
l'Autriche.

7 -Qu'attendez-vous de votre procès ?

7) En ce qui concerne le procès, j'attends qu'il me permette de m'expliquer,
de juger autant le fond que la forme.

Qu'il replace mes activités dans le contexte politique qu'a connu Marseille
et ses environs.

Si l'on doit me juger, il faut aussi que l'on juge les idées que j'ai
combattues, qu'elles sont responsables de la mort d'un jeune de 18 ans qui
n'avait pour seul tort que d'être noir et d'origine immigrée. Ceux qui ont
armé intellectuellement les assassins sont demeures libres et continuent à
diffuser leur discours de Haine.

J'espère que mon procès ne marquera pas la fin d'une mobilisation, mais que
au contraire sur sa lancée, il relancera la dynamique antifasciste, en
gardant à l'esprit qu'elle doit s'inscrire dans un cadre plus général, de
résistance et d'alternative à la mondialisation économique et à la
marchandisation de nos vies.

--
H N S

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