Le syndicaliste Reaz Chuttoo
interpellé et 14 ouvriers d’Arvind Mills placés en garde à vue
avant leur rapatriement en Inde… L’heure n’est décidément plus
aux tractations à la filature de La Tour-Koenig. Après le
sixième jour de grève des employés indiens, 14 d’entre eux ont
payé le prix fort : leur permis de travail et de résidence ont
été résiliés hier. Il était prévu qu’ils prennent l’avion aux
petites heures, ce matin.
C’est vers 13 h 30, à
l’heure où les ouvriers indiens déjeunent dans leur dortoir de
Beau-Bassin que tombe le couperet. Des éléments de la Special
Supporting Unit (SSU) font leur apparition, ordonnant à 14
ring leaders de prendre leurs affaires personnelles et de les
suivre. Alertés, leurs négociateurs, Reaz Chuttoo et Jane
Ragoo, arrivent sur place pour suivre le déroulement de
l’opération.
Dans le même souffle, les 108 ouvriers
prennent la décision à main levée de retourner au Gujarat, car
les négociations portant sur une hausse salariale n’ont pas
abouti. Reaz Chuttoo s’interpose alors et demande aux éléments
de la SSU de faire preuve de souplesse à l’égard des
travailleurs, vu qu’ils ont pris la décision de rentrer chez
eux.
“J’ai demandé aux policiers de permettre aux
ouvriers de ramasser leurs affaires et de récupérer leur
argent à la banque. Un policier m’a alors accusé de l’avoir
traité de chien. Ce qui est faux”, explique le syndicaliste.
Il est embarqué à bord d’un véhicule de la police. Direction :
le poste de Rose-Hill, où il lui est reproché d’avoir
brutalisé les officiers de police.
“On m’a accusé
d’avoir déchiré les chemises des policiers et d’avoir abîmé
une voiture de police. Ce qui n’est pas vrai”, note le
syndicaliste. Accompagné de son avocat, Dev Ramano, et de ses
collègues, Reaz Chuttoo a voulu à son tour faire une
déposition contre les policiers pour l’avoir “brutalisé”, mais
devait finalement, sur conseil, porter plainte auprès du
Police Complaints Bureau (PCB) de Rose-Hill.
Entre-temps les quatorze ouvriers indiens sont loin
d’être fixés sur leur sort. Il est 14 h 30. Un groupe de
syndicalistes tente de s’approcher du fourgon dans lequel ils
attendent, dans l’enceinte du poste de police de Rose-Hill.
Mais le véhicule démarre en trombe : les travailleurs n’auront
eu que le temps de lâcher quelques mots.
A
Beau-Bassin, c’est la consternation : ce sont les ring leaders
qui sont les premiers à être rapatriés. Or, ces derniers
avaient exprimé le souhait d’être les derniers à rentrer en
Inde afin de poursuivre les discussions avec la direction au
sujet de leurs revendications. Celles-ci concernent,
notamment, un salaire de base de Rs 6 000 au lieu des Rs 2 300
actuelles et l’amélioration de leurs conditions de vie – la
réparation des toilettes et la révision à la baisse du nombre
d’heures de travail, figuraient, pêle-mêle, sur leur liste de
doléances…
“Les négociations sont
terminées”
Assis à même le sol, les ouvriers
évoquent d’autres problèmes et affirment qu’ils ne peuvent
être accusés d’avoir rompu leur contrat avec leur employeur.
Ils imposent maintenant deux conditions pour regagner la
Grande Péninsule : une lettre d’Arvind Mills attestant qu’ils
n’ont pas rompu leur contrat de travail et le paiement de
toutes les sommes qui leur sont dues. Faute de quoi, ils
comptent entamer une grève de la faim. Ils comptent aussi
faire état de leurs “petites misères” une fois rentrés en
Inde.
Interrogé, hier, Vikas Joshi, directeur des
ressources humaines d’Arvind Mills, a déclaré avoir pris la
décision de résilier le contrat de travail d’un premier groupe
d’ouvriers car “les négociations sont terminées”. La
compagnie, dit-il, étudie le dossier d’autres grévistes.
La direction, de son côté, estime que les ouvriers
indiens sont “suffisamment rémunérés”. Elle affirme que la
moyenne de salaire tourne autour de Rs 4 500. De plus, ils ont
droit à des bonis de présence et d’adaptabilité, quatre heures
supplémentaires garanties par jour, des facilités de transport
et une allocation de repas de Rs 1 000 mensuellement. Ce qui
peut porter leur salaire à environ Rs 6 000 mensuellement.
![]() | PERFORMANCE
Plus de Rs 6 millions de pertes
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Implantée dans la zone industrielle de La Tour-Koenig, le
groupe indien Arvind opère deux unités, Arvind Overseas
spécialisée dans la fabrication de jeans et la filature Arvind
Mills. Le coton importé de l’Inde sert à fabriquer des jeans
pour le marché américain. Les pertes encourues par Arvind
Overseas Ltd pour les six jours de grève s’élève à plus de Rs
6 millions. Ce fabricant des collections Wild & Free et
Mood Indigo, emploie au total 263 Mauriciens, 140 Indiens et
37 Chinoises. Le groupe Arvind a exprimé le souhait de faire
appel aux licenciés de Novel Garments pour sa filature.
Opérationnelle depuis le début de l’année, elle avait reçu la
visite du ministre du Travail et des Relations industrielles,
Showkutally Soodhun, qui l’avait qualifiée “d’usine
cinq-étoiles”.
Jean-denis
PERMAL
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