LA REVUE DE PRESSE DE ZOP HOPOP : LES QUOTIDIENS |
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La belle santé du rock belge permet dorénavant aux organisateurs d'envisager une programmation équilibrée en vantant les multiples facettes. Alors que la Flandre a toujours rugi de plaisir à l'écoute de ses ouailles s'exprimant dans la langue de Vondel, la Belgique francophonen'a connu que d'exceptionnels succès populaires d'artistes du cru. Si Machiavel se targue toujours du titre de "premier groupe rock belge à avoir rempli Forest National" et, pour sa reformation inattendue, rameute encore plusieurs centaines d'aficionados chaque soir, la plupart des groupes wallons n'a jamais dépassé le statut d'espoir vite déçu. Ainsi, Sandra Kim (la plus rock de toutes évidemment) comme Jo Lemaire ont préféré migrer au nord de la frontière linguistique tandis que Jeff Bodart ou Marc Morgan cherchaient refuge dans l'hexagone. Grâce à l'obstination de micro-structures dynamiques comme l'association liégeoise Soundstation, grâce aussi à l'avènement d'une presse aussi spécialisée qu'alternative comme le fanzine "Devor Rock" ou le mensuel "Mofo", grâce encore à Bang! qui ne tourne pas seulement le regard vers la Flandre, les canaux d'information et de diffusion se multiplient.
Si le public se fait toujours tirer l'oreille, les groupes nationaux ou wallons (une tare supplémentaire) jouent de plus en plus souvent. A Dour, en juillet dernier, ils représentaient le plus gros contingent des artistes réunis pour ce marathon de décibels. Loin devant des Anglais et des Américains qui déclarent trop souvent forfait en dernière minute. A Nandrin samedi, les insulaires de Bennet seront ainsi remplacés par nos bruyants concitoyens de Elevate...
Pierre Vanbrackel de l'association Nada, cheville ouvrière du Nandrin Rock, appartient lui aussi à cette race de farfelus têtus. Inlassablement, en permettant l'avènement de labels comme 62TV avec le studio bruxellois First Floor, il continue de donner sa confiance avant de penser à son portefeuille. De Mad Dog Loose à Plastic Fish Factory, il laisse les artistes s'exprimer selon les envies du moment.
Pas étonnant qu'il se sente proche des liégeois de Soundstation qui, dans leur gare désaffectée, montent un studio d'enregistrment, ouvrent un magasin de disques spécialisé, accueillent une poignée de concerts et songent même à sustenter leur prochain. Ils ont ainsi permis à deux espoirs de l'ex-Principauté de se lancer dans l'aventure. En attendant un album qui risque de laisser pantois, Zop Hopop profitera de l'après-midi pour inviter à une escapade dans le labyrinthe de rêve un peu dingos.
Avec un premier album étrangement intitulé "4", Hippodrome ouvrira les hostilités dès potron-minet, à midi-trente. "En ce qui nous concerne, tout va très vite. Le soutien est sensible. Comme nous tenons à remercier tous ceux qui nous entourent pour le travail qu'ils accomplissent, nous répondons toujours positivement à leurs demandes. On nous associe parfois au mouvement américain "low-fi", à des groupes comme Palace ou Smog. Cette référence nous étonne un peu car ce n'est pas notre musique favorite, à aucun de nous. Pour ma part, j'apprécie seulement Liz Phair. Sans doute, notre son est-il encore un peu hésitant et nous rattache ainsi à cette vague. Nous n'oublions pas non plus nos origines. Sur l'album, de manière voilée, le morceau "Native Town" parle bien évidemment de notre ville natale à tous. Pour le moment, nous sommes en train de terminer une chanson qui parle carrément de la Belgique. Celà peut paraître bizarre, surtout de choisir l'anglais pour s'exprimer. Comme personne ne trouve rien à redire à un Anglais qui décrit sa banlieue à lui, il n'y a pas de raison de nous en priver.".
I-N-E-S-P-E-R-E ! Un tel succès populaire - plus de 5000 spectateurs dont 1600 préventes - les organisateurs du Nandrin Rock Festival n'osaient l'imaginer. Et pourtant, samedi soir, sur le site des Templiers, la foule était là. Calme et disciplinée. Enthousiaste et gorgée d'optimisme. Des ados en fête aux adultes de passage. Après une entrée en matière régionale remarquée (Shiva H et Hippodrome), le "NRF" prenait véritablement son envol grâce à "Zop Hopop". Sous chapiteau, Sacha et ses musiciens ont livré une prestation de toute beauté. Sans complexe, et avec une fureur exemplaire, les liégeois ont conquis le coeur des festivaliers de l'après-midi.
Autres surprises, toutes aussi réjouissantes : "Sharko" d'une part, et "Deprofundis" de l'autre. Le premier grâce à ses mélodies psycho-langoureuses et quelques espiègleries musicales entraînantes. Le second, en offrant un concert soft et nostalgique de bon niveau. "Plastic Fish Factory", dans un autre registre, plus folk, ne manquait pas , lui non plus, d'intérêt. Avec "Evil Superstars", on basculait dans les riffs endiablés. Le retour sous chapiteau, avec "Be plouvier", figure parmi nos coups de coeur du festival. Ce cabaret coloré, volontairement provocateur, avait quelque chose de génialement enivrant.
L'autre grand rendez-vous remarqué se nomme "No one is innocent". Avec une rage non dissimulée, le groupe français, politiquement engagé, a réchauffé l'atmosphère qui, jusque là, était relativement calme. Un concert exalté sur et sous le podium. Plusieurs dizaines de fans ont envahi la scèneet improvisé un pogo rageur aux côtés du chanteur. Avec "Sophia" en acoustique, c'est la voix du coeur qui reprenait son cours. Mélodies légères, ballades mélancoliques, "Sophia" a fait vibrer la corde sensible des festivaliers. Un doux moment aux accents intimistes qui avait largement sa place sur l'affiche. Mais l'étoile du "NRF", celle que tous attendaient, c'est à "dEUS" qu'elle revient. Tom Barman et ses comparses ont livré une prestation limpide et sans excès. Un excellent concert, bien balancé, mais qui n'a jamais réellement "décollé". Reprenant ses classiques avec une réelle énergie, "dEUS" a répondu à l'attente de ses milliers de fans. "Nous reviendrons, c'est promis!" a annoncé le sympathique Tom. Entre Nandrin et le plus américain des groupes belges, l'histoire d'amour est désormais lançée. Pour combien de temps ? Nul ne le sait.
Ce qu'on peut dire, par contre, c'est que le "Nandrin Rock Festival" édition 1997 est un succès sur toute la ligne. Musicalement parlant, l'affiche, très cohérente, a tenu toutes ses promesses. Comme de coutume, l'option éclectique s'est avérée payante. Chacun a pu, au gré de ses affinités ou de ses envies, se laisser bercer par l'une ou l'autre tendance (funk, blues, metal, ...). Côté public, disons-le, ce succès est grandiose. Désormais, le "NRF" est sur les rails. Plus rien ne pourra l'arrêter. Petitement et sans la moindre prétention, les organisateurs annoncent qu'ils le feront encore évoluer. C'est, nous semble-t-il, tout le mal qu'on peut leur souhaiter. En leur fixant d'ores et déjà rendez-vous en août 98 pour découvrir le fruit de leurs merveilleuses recherches.
Sacha et l'équipe de l'escalier ? ... C'est l'histoire d'une rencontre. A priori improbable. Car l'un et l'autre sont issu de deux mondes qui, à Lièeg, coexistaient. Sans plus. Mais les barrières ne se justifient que par leur franchissement : Sacha et l'Escalier se sont rencontrés.
Dès le premier contact, nous confie Fabrice Lamproye, producteur de l'album et animateur du collectif de l'Escalier, j'ai senti que Sacha éprouvait le besoin de faire partager sa musique au delà de son cercle d'amis. Son esprit d'ouverture et l'espace de liberté que nous lui offrions ont fait le reste ... Le quatre titres est sorti, puis l'album. Nouvelle dimension, à l'actif du collectif.
En cinq ans à peine, Fabrice Lamproye, Denis Lamalle et Pascal Levenstond ont élevé un simple café du Carré au rang d'espace culturel incoutournable à Liège : à la fois, club rock, ciné-club, galerie libre et table branchée. Les promoteurs du projet ont trouvé l'inspiration à Los Angeles. Ils voulaient décloisonner, créer une dynamique au-delà des chapelles.
Dès l'origine, il était évident, à leurs yeux, que la musique serait au centre de l'activité du collectif... Peu à peu, le club de la rue St-Jean s'est imposé dans la catégorie des salles de petite capacité (250 personnes), tant par la régularité que par la qualité de la programmation. Restait à franchir le cap de la production. Une ambition qui a pris corps l'an dernier avec l'ouverture de la Soundstation dans les bâtiments de l'ancienne gare Jonfosse.
Liège-Soundstation présente pour l'heure un café, un coin "cyber" et un studio d'enregistrement (16 pistes digitales) associé à un jeune label indépendant et à une ASBL de promotion des groupes locaux hors Liège, Rockomotive. D'autres phases d'exploitation devraient suivre avec l'ouverture d'une gallerie d'art, sous la verrière des combles, puis d'une salle de spectacle d'une capacité de 600 personnes, qui permettrait d'inscrire Liège dans les grands circuits internationaux. Sans oublier l'annexe de la gare, promise aux happenings et autres évènements "décalés".
Dernier arrivé dans le serail liégeois, l'Escalier occupe le terrain en ouvrant largement ses portes aux opérateurs existants. Le club de le rue St-Jean reste essentiellement rock, tendance inrockuptibles. La soundstation couvre les tendances nouvelles : techno, house, dub, jungle, drum'n'bass. C'est notre différence, insiste Pascal Levenstond, ce côté pluridimensionnel qui fait que nos établissements ne sont ni des cafés ni des boîtes au sens classique. Je pense vraiment que nous réconcilions des publics très différents à Liège.
Musicalement, embraye Fabrice Lamproye, c'est le même souci d'ouverture qui nous incite à travailler avec des groupes qui, du point de vue artistique, n'ont rien de commun : Zop Hopop, Hippodrome, Miam Monster Miam.
Pari réussi pour les organisateurs du festival Les nuits Botanique qui ouvrait ses portes vendredi soir. Cette année, et encore bien plus que lors des éditions précédentes, ils ont misé sur une affiche pointue avec peu de noms connus du grand public.
Leur audace a payé. Hier, le nombre de préventes pour les concerts qui seront donnés jusqu'à samedi prochain dépassait déjà les chiffres totaux d'affluence pour l'édition 96. Autrement dit, si vous souhaitez assister à l'un de ces spectacles, il vaut mieux ne pas tarder. Les concerts de Front 242, Miossec, OP8, dEUS sont déjà complets.
L'ouverture du festival a été placée sous le signe du dépaysement grâce à une troupe de petits hommes d'Afrique centrale. Devant un public ébahi mais qui était malheureusement obligé de rester assis, ces pygmées nous ont offert un spectacle étonnant, fait de polyphonies, de danses rituelles et d'improvisations sur des instruments traditionnels. Avec un sens du rythme qui n'appartient qu'à eux, cette troupe joue de tout. Cordes vocales, claquement des doigts, martèlement des pieds, trompes, bouts de boits, morceaux d'os : tout est bon pour communiquer musicalement ce qu'ils ont au fond du coeur.
Du coeur, le liégeois Sacha Toorop, alias Zop Hopop, en a aussi. Après avoir peaufiné durant l'été son récital de chansons douces mêlées à des dérives mélodiques plus chaotiques, Sacha a montré que c'était dans l'intimité d'une salle (l'Orangerie en l'occurence) qu'il était le plus à l'aise pour s'exprimer. Voir notre portrait ci-dessous.
Dans la même salle et devant un public tout aussi recueilli, Sophia a décliné son spleen existentiel pendant près d'une heure. Si on n'a pas vraiment envie de rire à l'issue d'un tel périple mélancolique, il faut reconnaître au chanteur/compositeur/guitariste Robin Proper-Sheppard untalent inné pour nous décrire les jours de pluie, les couples qui se déchirent, les passions qui s'éteignent et d'autres thèmes aussi sombres ... que sa musique est belle.
Nous avons aussi succombé sous le charme de Ston Bola, trio tournaisien tournant tout en dérision.
Samedi, les anglais de Locust ont épaté par leur franchise. A l'instar de nombreux groupes qui évoluent dans les sphères de la muique dance, ils n'hésitent pas à pomper des lignes entières de morceaux dans les catalogues jazz, world music et rock. Sauf qu'ici, ils citent leurs sources et montrent même les artistes pillés sur grand écran. Entre un solo de Miles Davis, des notes de piano de Ray Charles et même des dialogues de films américains en noir et blanc, le spectateur s'amuse ainsi à repérer les emprunts au détriment de ce qui se passe sur scène.
Dreadzone utilise aussi un écran. Y défilent des images d'émeutes raciales en Angleterre, de luttes sociales dans les pays pauvres et des séquences lives du groupe qui se démène sur les planches. Après un début assez rébarbatif, Dreadzone a réussi à mettre le feu au chapiteau, ce que n'avait pas réussi Manu Dibangola veille.
A l'Orangerie, après le rock déjanté mais bien torché des anglais de Penthouse, Pink Floyd a livré un set psyché à la gloire de Syd Barret. Vérification faite, il s'agissait de Spiritualized.
Luc Lorfèvre