Edition du Samedi 24 mai 2003 Arts plastiques : L’anticonformisme par la «Conscience supérieure» Les stars hollywoodiennes ne sont pas les seules à s’inquiéter de l’orientation actuelle de l’humanité marquée par la loi du plus fort. En Afrique aussi, plusieurs voix d’artistes se sont élevées pour dénoncer le bellicisme des faucons contemporains. Un peintre sénégalais, Taha Diakhaté fait un rappel et plaide pour une «Conscience supérieure» élevée de l’humanité… «Conscience supérieure», c’est l’intitulé de l’exposition qui se tient depuis le 19 mai dernier, et ce jusqu’au 27, au Centre culturel Blaise Senghor de Dakar. L’artiste peintre sénégalais Taha Diakhaté veut servir de rappel, d’alerte et d’interrogation sur le monde actuel dans toute sa globalité. «C’est la première fois que j’aborde ce thème, déclare l’artiste. C’est peut-être par rapport à un changement du monde, car au début j’étais inspiré par le cosmos, mais ces dernières années, je suis plutôt inspiré par l’homme.» «Conscience supérieure», c’est une manière de susciter «la réflexion», commente Taha qui estime que même si l’homme a amélioré ses conditions de vie matérielle, «sa vie reste à revoir. Il doit penser à sa vie». «Aujourd’hui, on remarque que l’homme se détruit à travers des guerres et toutes les atrocités que nous vivons et je trouve que la chose la plus stupide, c’est la guerre. Je pense que l’homme est par essence une conscience. Est-ce que cette conscience est utilisée à bon escient ?», s’interroge-t-il. Face à un monde où la course au pouvoir et à l’armement est érigée en principe universel, le peintre plaide, à travers ses tableaux, la mise sur pied de résolutions bien pensées pour sauver l’humain car, dira-t-il, «on a donné trop de pouvoir aux chefs d’Etat, ils décident à la place de milliers de personnes. C’est là le départ de la faillite de l’humanité qui doit avoir un niveau de conscience plus élevé». Cette position, l’auteur l’exprime à travers seize tableaux aux couleurs rouges marquées, le bleu, le vert, le jaune… Et sous des titres aussi évocateurs que évolution, conscience cosmique, contemplation, dédoublement, xaalat, volution et merveille entre autres. «Tous ces titres rappellent la conscience humaine», raconte Taha Diakhaté qui peint des tableaux depuis une dizaine d’années. Evolution par exemple parle de «notre» élevation dans la vie. «Pour moi, la couleur quelle qu’elle soit, parle. J’utilise les couleurs naturellement sans aucun calcul… Je les mets devant moi quand je travaille et elles s’imposent d’elles-mêmes. Je peins de façon spontanée et avec une très grande liberté», commente l’artiste. Taha utilise toutes les techniques traditionnelles de peinture. Mais, il préfère surtout celle de l’«huile sur toile» qu’il trouve «plus fidèle et plus performante». En revanche, l’artiste ne restera pas en si bon chemin. Pour lui, «chaque artiste doit donner une nouvelle définition à l’art, apporter sa propre touche». C’est ce qu’il a essayé de faire depuis quelques années. «Cela fait maintenant deux ans que je développe une nouvelle technique qui consiste à superposer plusieurs toiles sur un support. Cette technique est tout à fait nouvelle. Ça apporte beaucoup plus de liberté car, traditionnellement les artistes tendaient les toiles sur le support», déclare Taha Diakhaté. En fait, cette «nouvelle touche» lui permet de ne plus couvrir toute la surface du support et supprime la tension de la toile. «J’ai la possibilité de mettre une, deux et trois toiles», dit-il. Taha peut déchirer certaines des toiles supplémentaires pour laisser apparaître la toile de fond et en rajouter d’autres matériaux comme la gélatine, le verre, les cordes et «tous les éléments de la nature qui me passent sous la main». Finalement, cette nouveauté lui donne «une autre ouverture, une autre façon d’aborder la peinture». La peinture est souvent considérée élitiste en Afrique. Et la vente des tableaux hypothétiques. Mais pour Taha, il n’en est rien. La peinture fait bel et bien partie de la vie du continent sous toutes ses couches. «La peinture est tellement proche de nous. C’est à l’instar des habits que nous portons, nous les choisissons en fonction de leur couleur et de leur beauté. Sur cette base, la peinture fait partie de notre culture. La couleur, c’est la vie, c’est en nous. Le beau est partout. On peut organiser cette beauté sur un espace réduit, mais je pense que les gens ne doivent pas se limiter à ça. L’art a toujours existé en Afrique et demeure un langage universel», conclut l’artiste. Kankoué NOUWODJRO - |
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Le Quotidien |