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Du fond... (plus que) de la musique

Les Locaux Larsen, Samedi 11 mars 2006


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C'est sûr, j'aimerais pouvoir venir au "premier rang" aux concerts punk, juste devant la scène, comme je le fais d'habitude : quand il y a du spectacle, je me retrouve complètment captivée par ce que je vois, j'aime m'approcher au plus près et ne plus bouger. Mais écouter et observer les musiciens, ce n'est pas trop possible dans ce genre de concert vu la cohue qui règne devant la scène. Parce que j'ai un peu peur de me prendre des pains, que je tiens au bon fonctionnement de mes cervicales et que mon cocxis a déjà donné, ce soir-là, je suis restée tout derrière, sur le côté, et j'ai dû me contenter d'apercevoir une tête de bassiste ou de chanteur de temps en temps.
Comme je n'ai pas trop pu regarder les musiciens, j'ai regardé le public : j'ai vu tout ces jeunes, filles et garçons confondus, se bourrer dans tous les sens, tomber, en redemander, tituber, et pas seulement sous l'effet de la bousculade, reprendre parfois leur souffle et leur équilibre, les yeux fermés, oscillant, comme prêt à tomber ou à capituler sous la fatigue, et encore repartir de plus belle jusqu'à ce que la musique s'arrête et que la bière tarrisse.

Ce n'est pas le premier concert du genre auquel j'assiste et comme à chaque fois, de mon poste d'observatrice en retrait, je me demande : pourquoi diable se mettre dans de pareils états?


Pour ce qui est de la bousculade, le même phénomène est observable dans les concerts de métal. Pour les concerts de ska, reggae ou chanson festive, là, les fêtards sont susceptiblent de se remuer autant mais en dansant.
Pour ne l'avoir jamais pratiqué et ne me sentant pas trop l'énergie pour essayer, je ne peux qu'en parler de l'extérieur et dire qu'à l'enthousiasme dont font preuve les participants, il s'agit tout simplement d'une sorte de jeu, ou encore d'une dance cahotique dont le seul pas consiste à pousser son voisin aussi fort que possible. C'est violent mais une violence exprimée dans un certain cadre (uniquement pendant que les musiciens jouent), sans agressivité à proprement parler, sans volonté de nuire à l'autre : dans une bagarre, on va chercher à mettre l'autre par terre pour s'en débarasser, là, on le pousse pour qu'il vous pousse à son tour ; cela m'étonne d'ailleurs beaucoup, je n'ai encore jamais vu personne repartir sur une civière.
Je mettrais ça en parallèle avec les joutes verbales auxquelles s'adonnent des potes entre eux : on lance "vanne" sur "vanne", on se moque, mais toujours avec le sourire en coin ou pas bien loin. On encaisse, on cherche le meilleur mot à rétorquer. Entre potes, on se sent en confiance, on sait que ce n'est pas méchant même si souvent, on en profite pour se sortir ses 4 vérités... Et les recevoir comme si de rien était plutôt que de s'en offusquer, parce qu'on sait qu'on a un pote en face de soi et qu'un pote, c'est précieux. C'est un jeu qui forge le caractère.
A les voir aller chercher le contact avec l'autre de façon aussi extrême, on en vient à se dire que, du contact, ils doivent vraiment en ressentir un besoin énorme et en manquer tout autant.


Pour ce qui est de l'alcool, là encore je ne peux en parler que de l'extérieur vu que je n'en bois pas et que je n'en ai jamais bu.
Quelques rares phénomènes particulièrement enragés, avant d'atteindre le stade raide-hors service, vont jusqu'à faire un tel barrouffe que les musiciens eux-même leur demandent d'aller gueuler ailleurs.
Se désihniber totalement pour pouvoir brailler autant qu'on en a envie, brailler comme on ne peut pas se permettre de le faire au quotidien. Se défouler, autant que se faire remarquer pour, enfin, se sentir vu ?
Et après leur avoir permis de brûler à toutes flammes leur trop plein d'énergie, ces quantités vraiment vertigineuses d'alcool les assome : certains, après avoir scrupuleusement vider verre sur verre, bouteille sur bouteille, finissent la soirée endormis dans un coin, tels de grands bébés après un bon biberon.


Par cette masse d'énergie halucinantes qu'ils déploient, ils évoquent des furies, des bisons, quelques forces phénoménales de la nature qui iraient volontairement percuter des murs à pleine vitesse et de pleins front dans le seul but de s'assomer.
Trop d'énergie, trop de rage... Ils voudraient tout faire péter et pourtant, de toute évidence, quelque chose les retient, comme une conscience instinctive de devoir se retenir, le sentiment confus que la solution est ailleurs... Mais où? Ils n'ont pas encore la réponse alors ils s'assoment plutôt que de tout casser.
Les Guerilla Poubelle, tête d'affiche de ce concert punk aux Larsen, chantent "on aurait dû s'ouvrir les veines" ("demain il pleut")... Mais ils sont bien toujours là, à continuer à chanter... Parce qu'ils aiment ça.
Peut-être parce que complètement désabusés, après avoir fait table rase de ses illusions, tout ce qui reste, c'est ce qu'on aime faire.

Moyenne d'âge du public comme des musiciens : 15-20 ans. Le moment où l'on commence à envisager le départ du foyer parental, l'entrée dans le monde des adultes, un univers qui, aux yeux de la jeunesse actuelle, ne peut aparaître que crispé de règles absurdes, longue succesion de galères de coeur autant que de galères professionnelles ou administratives.
"L'adulte ne croit pas au Père Noël. Il vote". Diccit le livret de l'album des Guerilla Poubelle.

Alors on sait que dans ce monde, il va falloir y entrer... Et non, on en a pas du tout envie.
Les ou le parents, "la maison", il va bien falloir laisser ça derrière pour s'installer à son tour, seul, quelque part, s'assumer... Et on ne s'en sent pas forcément trop capable.
En même temps, forcément, on se sent terriblement révolté, on commence à ouvrir les yeux et on voit ou l'on sent plus ou moins confusément tout ce qui ne va pas, tout ce qui fait mal, on veut changer les choses, tout casser, autant que se réaliser, créer, "faire quelque chose". L'énergie déborde, comme la sève qui dégouline parfois des arbres au printemps.
"Le jeune", pour reprendre un terme fort entendu ces derniers temps, ne sait pas trop quoi en faire. A la maison, il étouffe, à l'école ou au boulot s'il y est déjà, il y étouffe. Il faut un entre deux où pouvoir respirer, ou pouvoir se défouler : une salle de concert underground peut faire l'affaire. Mais cet entre-deux n'est pas non plus un lieu où il peut véritablement se poser, c'est un évennement temporaire et le lieu n'est pas à lui. Ce n'est qu'un moment évanescent, un bref répit, comme du sable qui vous coule entre les doigts. Il va peut-être chercher à en profiter jusqu'au bout, jusqu'à abuser de l'hospitalité des organisateurs, rester jusqu'au matin sur le parking avec ses potes, à dormir dans une voiture, même en plein hiver, jusqu'à ce qu'il faille vraiment rentrer... Parce qu'avec les parents, faut pas trop abuser... Parce qu'il va bien falloir reprendre le chemin de l'école ou du boulot ensuite... Parce qu'il faut bien penser à gagner sa vie... Parce qu'il faut bien...

Certains décrochent.
Aux Larsen, ils arrivent après les concerts, ils profitent un peu des toilettes. On les appelle les punk à chiens. Eux aussi se posent sur les parkings, à écouter de la musique sans discontinuer comme s'ils ne dormaient jamais.

Quand on s'en va tard, au moment où même les musiciens mettent les voiles, on peut trouver des bouteilles sur le toit de sa voiture.



Merci aux plus téméraires de mes potes qui me font assez confiance pour me laisser traîner avec eux, sans trop se soucier de ce que je pourrais raconter ensuite ici.