Respect et Robustesse…
L’attente de voir quelqu’un qu’on ne connaît pas est vraiment insupportable. Mais heureusement que Gabriel Farrell, le garçon d’une vingtaine d’année que je devais rencontrer à la bibliothèque de Saint-Jean, n’était pas gênant. Cheveux rasés, de carrure moyenne, d’aspect vigoureux et loin d’être hautain, il s’ouvrait à mes questions avec grand plaisir. Dès le départ, Gabriel affichait un beau sourire et semblait d’une simplicité étonnante. Avec ses multiples anecdotes, j’ai découvert à travers lui une passion qui sait enivrer toute personne…le curling.
Respect et Robustesse…ça n’a peut-être pas de sens pour vous mais pour l’équipe de curling de Lacolle c’est tout le contraire. Ces trois mots représentent le cri de ralliement de quatre jeunes garçons empreints de vitalité. « Lorsque l’on se retrouve sur la piste de curling, nous jouons friendly. On s’envoie chier tout en riant pour s’amuser alors que les autres équipes sont concentrées sur leurs tactiques de jeu » dit-il avec un regard empreint de souvenirs. Au cours de l’entrevue qu’il m’a accordée, j’ai pu constater que Gabriel n’était pas quelqu’un limité par la peur du travail puisque son horaire est surchargé par diverses activités telle que sa vie étudiante, son travail et par son emploi de pompier volontaire auprès de la ville de Lacolle. Lui et son équipe ne peuvent se pratiquer qu’une fois par semaine alors que la majorité des autres équipes se pratiques généralement trois fois par semaine. L’air de rien, lorsque les autres équipes viennent leur demander comment ils font pour être si bons alors qu’ils se pratiquent si peu, les garçons sourient, car pour eux c’est la communication, l’entraide et le plaisir qui fait toute la différence. « Notre entraîneur nous soutient beaucoup moralement : quand il voit que ça ne va plus, il vient nous retrouver et nous demande ce que l’on voudrait manger pour souper » rajoute-t-il, plus amusé que jamais. Ce petit geste semble faire passer les pires difficultés….aux estomacs bien tourmentés.
Même après plusieurs difficultés surmontées depuis 11 ans, Gabriel n’a jamais voulu arrêter. C’est sa famille qui l’a initié tout jeune à ce sport et depuis ce moment il a toujours aimé ça. « Quand je disais à mes amis que j’allais jouer au curling, il riait de moi. J’en ai entendu des questions stupides dans ma vie à propos du curling parce que c’est méconnu» me dit-il avec déception. Ce qui a considérablement nuit au curling c’est qu’au départ il était destiné à la Bourgeoisie puisque seulement eux avaient l’argent pour se le payer. Encore aujourd’hui, s’adonner à ce sport coûte cher. L’inscription coûte 170 dollars sans compter l’équipement de base : vêtements, souliers et le balai. Il y a aussi l’essence qu’ils doivent se procurer, lorsqu’ils ont un match de curling à l’extérieur. « Il est très difficile d’avoir des commandites comme les joueurs de hockey parce que les gens sont réticents à financer quelque chose dont ils entendent parler plus ou moins » se désole-t-il. Mais heureusement pour eux lorsqu’ils gagnent, en plus d’un trophée, ils peuvent se mériter une bourse qui leur permette de payer, lors de leur compétition ; leur déplacement, leur logement et la nourriture nécessaire aux quatre joueurs et à leur l’entraîneur.
Dans une équipe de curling, les quatre joueurs ont des tâches bien précises. Le premier et le deuxième doivent savoir bien placer les pierres et juger de leurs vitesse afin d’évaluer s’ils devraient ou non balayer la surface de la glace. Le troisième, qui est Gabriel, doit s’occuper du lancer des pierres ce qui est primordial à la stratégie puisque le dernier joueur (le capitaine) devra avec ses deux derniers lancés tenter de faire remporter le match à son équipe.
L’entrevue aurait pu durer des heures puisque Gabriel est quelqu’un qui s’engage beaucoup envers les autres. D’après son frère, il sait où il va dans la vie et rien ne le tracasse. En l’écoutant on pouvait ressentir la conviction qui l’animait et qu’il a su si bien me transmettre. Seulement, la bibliothèque fermait déjà les lumières en signe de sa fermeture et par la même occasion elle mettait fin à notre conversation.
Marie-Michèle Thibault