Chanson d’automne : Commentaire
INTRODUCTION
Comme tant d’écrivains et de poètes du XVIIIe S, Verlaine s’est laissé inspirer par le charme mélancolique de l’automne. Mais il traite ce thème, à sa manière musicale et harmonieuse tout en nuance et en accent léger. La douceur des sonorités, la fluidité d’un rythme varié, n’exclut cependant ni les regrets, ni la souffrance physique et morale ni la conscience d’une errance douloureuse et passive. Le poète et l’homme se révèlent avec sincérité et spontanéité dans ces quelques vers qui sonnent comme nue complainte nostalgique.
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Lecture &
Liées par le thème de la souffrance et de l’errance, et marquée par une progression que souligne le " et " du v.13, les 3 strophes ont cependant une autonomie :
– La première évoque explicitement l’automne à travers une correspondance entre une sonorité et une douleur.
– La deuxième souligne la tentation de la mémoire et des souvenirs comme remèdes à la fuite du temps.
– La troisième conclut sur l’impuissance du poète dont la destinée est aussi fragile que celle des feuilles automnales.
On pourra analyser successivement :
I.
1re StropheII.
2ème StropheIII.
3ème Strophe
I. Première Strophe
On remarque qu’elle est construite sur des sonorités sourdes adoucies par de nombreuses liquides (" l ", " m ", " n ") sans articulations fortes. Le seul verbe de la strophe (" blesse " v.4) qui appartient au champ lexical de la douleur, établit une correspondance entre la saison et la sensibilité du poète.
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La saison : Elle est exprimée sous la forme d’un complément déterminatif (" de l’automne "). Le noyau du groupe nominal est donc le mot " sanglots " qui oriente immédiatement le texte vers une sonorité triste. Il faut 3 vers bref (4,4,3) indissous par la structure syntaxique et très proche par leurs sonorités pour préciser à la fois leur sujet grammatical et le thème du poème.¶
La sensibilité du poète : Elle est double (physique et affective) comme le souligne la répartition des mots " blesse ", " cœur ", " longueur ", " monotone " qui s’appliquent à la fois au domaine affectif et au domaine physique. La rime " automne ", " monotone " qui apparaît chez Baudelaire (dans chant d’automne) souligne la caractéristique de cette strophe, douceur douloureuse. Lenteur, harmonie, due aux répétitions (allitérations) et à l’absence de ponctuation.
II. Deuxième Strophe
On note le changement de ton et l’absence apparente de lien logique. Les articulations sont plus nettes (présence d’occlusives : b, d, p, t, g, q, k). Le rythme est très nettement syncopé dans les vers 7 et 8. La ponctuation du v.9 semble couper la strophe 2 ; bien que la continuité soit établie à la fois par la rime en "eure" et par la construction syntaxique (subordonnée de temps et principale).
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1re Partie : Le poète analyse ses réactions physiques, au moment d’une prise de conscience du temps (" heure ", v.9). On peut voir là, sans certitude cependant, tout Verlaine aime à rester flou une allusion à la mort (la dernière heure : " Quand sonne l’heure "). Les réactions décrites sont proches de l’asphyxie (" suffocant ", " blême ", v.7-8). Le rythme des structures (7,4) et non plus (4,4,3) peut évoquer une lutte désespérée pour survivre.¶
2ème Partie : Elle est rendue plus musicale et plus harmonieuse par la répétitions de certaines sonorités. Le poète fait allusion au passé, peut-être heureux (jours anciens v.11) comme remède à la conscience douloureuse de la fuite du temps. La strophe se termine sur l’aveu simple et touchant du chagrin (" et je pleure " v.12). Regret, nostalgie, sentiment de la propre impuissance comme souvent Verlaine laisse la réponse dans l’incertitude.
III. Troisième Strophe
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Un phénomène d’écho apparaît dans la reprise du " et " et semble souligner à la fois une simple constatation et la conséquence de l’impuissance suggérée dans la strophe 2.¶
L’absence de remède et de forces à la fois physique et affective conduisent le poète à une passivité qu'exprime bien la comparaison avec la feuille livrée au vent.¶
La strophe est construite sur l’idée de dispersion, de discontinuité. La première partie résonne de rimes internes et de sonorités très proches (" vais ", " mauvais ", " en ", " vent ") et qui crée une confusion sonore évocatrice de la confusion et du désordre qui caractérise le comportement du poète. L’allusion au vent rappelle l’automne et annonce la comparaison avec la feuille. Celle-ci souligne bien la passivité physique et la faiblesse morale d’un être qui se laisse aller et subit toutes les influences.¶
Les 3 derniers vers soulignent avec l’alternance manquée par les adverbes de lieu (deçà, delà) et la dissociation métrique syntaxe (pareil à la). L’idée d’une dispersion et le mouvement incontrôlé de celui qui s’abandonne avec passivité à son destin.
Conclusion
Sur un thème pourtant rebattu : l’automne et la sensation de tristesse qui l’accompagne, Verlaine compose une chanson d’une extraordinaire nouveauté par sa facture métrique te syntaxique.