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 l'ego, le moi et anatta

question 65




Sur l'ego, le moi et à propos d'anatta

A nouveau, si l'on ne présuppose pas l'existence d'un Entité autre, je n'arrive pas à saisir ce qu'est le méditant. A moins que l'on présuppose l'existence d'un centre en l'homme qui soit le témoin de la pensée, de l'émotif.

La réponse ci-après comprend plusieurs sous-niveaux et qui renvoient aux différents thèmes de la question complète.



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Réponse :

Je crois que vous répondez très bien vous-même aux questions que vous posez. Seulement vous n'osez peut-être pas aller jusqu'au bout de votre pensée ou de votre intuition, peut-être parce que vos antécédents culturels ou votre environnement familial vous a inculqué des formes de pensée qui vous font croire qu'il faut qu'il y ait un contenu, une raison, une force agissante, quelque que chose enfin qui est à la source et qui la cause première. Les bouddhistes pensent qu'il n'y a rien. Les bouddhistes pensent que toutes ces questions ne servent pas à grand chose et que cela n'a pas une grande importance.

Quand vous dites, " qu'y a-t-il au bout, tout au bout de la conscience ? Rien ? Le vide ? " eh bien vous répondez parfaitement. Qu'y a-t-il ? oui, il n'y a rien. Et pour moi, quand on dit " il n'y a rien " et quand on dit " il y a le vide ", on ne dit pas la même chose. Quand on dit " il n'y a rien ", on dit que quoi qu'on cherche, quoi qu'on veuille trouver, on ne trouve rien et que tout ce qui pourrait y avoir se dérobe à l'examen. Quand on dit " il y a le vide ", on dit quelque chose de différent, on dit "il y quelque chose , mais ce quelque chose ne contient rien". J'ai déjà considéré que cette notion de vide pouvait in fine prendre la place de principe directeur dans certains courants du bouddhisme du grand véhicule ou dans le bouddhisme zen. J'ai déjà exprimé que cette notion de vide, quand elle prenait toute la place et était présenté comme le grand tout qui résume le monde, pouvait avoir un caractère un peu dangereux. Et c'est pour cela que je ne souscris pas tellement à la philosophie du zen dans son ensemble.

Je crois qu'il y en effet quelque chose de difficile dans cette expression sur l'ego. L'ego est une principe psychologique qui permet au sujet d'exister notamment bis à vis du monde extérieur. Il y a un minimum d'ego qui est nécessaire à la formation de soi, à la constitution de soi, à la perpétuation de soi à la préservation de soi. On peut l'appeler de diverses manières, mais il y a ce mécanique, qui est d'ailleurs valable pour chaque espèce vivante et qui veut que chaque individualité cherche à trouver les meilleures formules lui permettant de s'affirmer, de croître et de se développer.

C'est une des raisons pour lesquelles le bouddhisme n'est pas enseigné aux enfants ou au jeunes adolescents qui peuvent avoir encore besoin d'un minimum d'affirmation de leur ego afin de se construire.

Je voudrai vous dire que ce n'est pas l'ego qui est une illusion. On peut considérer que l'ego est éphémère et transitoire, passager, inconstant, variable, fluctuant, changeant, mais le disqualifier en le rangeant sans autre nuance dans la catégorie des illusions, n'est pas non plus pertinent. C'est la croyance en un ego tout puissant, permanent, durable, éventuellement perpétuel et immuable, c'est cette croyance là qui est une redoutable illusion.

Je ne comprends pas bien vos formulations un peu compliquées. (par exemple : " Sur quoi se fonde dès lors le concept de permanence si l'on ne présuppose pas l'existence d'une entité non soumise à l'espace et au temps, qui ne crée pas et est incréé, éternellement semblable à elle-même, immuable et non influencée ? ").

Il n'y a pas de permanence dans le bouddhisme, il n'y a que le changement, il n'y a que la transition, il n'y a que le flux de ce qui passe en se transformant et en évoluant à chaque instant, à chaque seconde du temps qui s'écoule. Ce changement n'est pas rangé dans un dispositif linéaire mais dans un dispositif cyclique, ou plutôt hélicoïdale.

Je ne vois pas bien d'où peut venir l'angoisse sinon celle de perdre ce que l'on croit être soi, celle de perdre son ego, celle de perte ce que l'on possède, celle que son souvenir disparaisse, celle de croire à la permanence de soi ou d'un atta qui dépasserait le stade de la mort du corps. Cette angoisse existentielle, d'ailleurs purement occidentale est proprement inconnue dans les pays hindou et bouddhiste. Quand vous parlerez de cela à des orientaux, ils ne comprendront tout simplement pas de quoi vous parlez.

Perdre votre ego ? mais celui-ci est déjà transitoire, vous ne le perdrez pas tant qu'il vous sera nécessaire à vivre, mais au-delà il se dissipera. Les orientaux apprennent à mettre l'ego dans une position la plus basse possible. Ils cherchent à en limiter le caractère hégémonique, débordant, arrogant, autosatisfait, dominateur … Ils en connaissent le caractère uniquement fonctionnel. Ils évitent de lui laisser prendre toute la place dans le comportement tant ils savent que cette tendance est nuisible tant pour soi même, que pour les autres.

Ne pas perdurer au-delà de la mort ? mais qui vous a promis que vous perdureriez après la mort ? Les bouddhistes n'y croient pas et ils le démontrent comme je l'ai rappelé ci dessus. Pourquoi s'angoisser pour quelque chose qui n'existe pas ?

Pour le bouddhisme, la mort c'est seulement la dissociation des éléments constitutifs du corps qui retournent à leur composés d'origine et se reconjugent pour donner autre chose.

Perdre ce que l'on possède et qui sont les projections de soi dans différents objets. Mais cette perte à lieu à tout moment. Il suffit que vous n'y pensiez plus pour que toutes ces possessions qui vous paraissent tellement nécessaires et indispensables, vous n'en avez même plus connaissance. Partez quelque jours en vacances et vous verrez qui ni tel ou tel possession, ni telle ou telle idée que vous vous faites ne vous sont vraiment nécessaires.

De quoi avez vous donc peur ? Est-ce de ne plus exister ou est-ce de ne pas exister assez ? Est-ce ne pas pouvoir imagier exister sans le secours d'un renfort en l'espèce de cette idéologie à laquelle vous voulez croire ? Est-ce de la réalité de la vacuité que vous pouvez mesurer tous les jours, quand vos proches disparaissent, quand vos espoirs se dissipent, quand vos projets ne prennent pas la direction voulue etc … ?

Si vous, vous avez peur du fait qu'il n'y a strictement rien, je puis vous dire qu'il y beaucoup de personnes qui pensent exactement le contraire et que la croyance en l'existence de quelque chose relève de la plus pure absurdité et de la plus grand e des erreurs. Pour beaucoup cette seule idée est absolument insupportable. Seulement les bouddhistes, considèrent que si pour vous-même, vous avez besoin de vous structurer en adoptant de telles croyance, alors c'est très bien comme cela.

Sur votre idée de conscience vous êtes assez incroyable. Vous voulez absolument aller quelque part, vous dissoudre dans quelque chose, rejoindre, je ne sais quel entité. Mais, il n'y a rien de tout cela. Vous avez une imagination débordante, mais cela ne vous rend pas service pour ces questions.

D'abord, je ne trouve pas votre affirmation " de dissolution de la conscience dans la méditation très heureuse. Non, il ne s'agit pas de cela. La méditation vous permet de sortir justement des mécanismes de pensée habituels, mais pour en comprendre le fonctionnement, mais pour venir à des mécanismes de plus en plus libéré de contenus contingents et finalement réaliser le caractère purement imaginatif, créatif de notre représentation du monde. Vous ne vous dissolvez dans rien du tout, vous restez bien les pieds sur terre, vous respirez calmement en pensant à rien. Un point c'est tout.

Vous dite " A nouveau, si l'on ne présuppose pas l'existence d'un Entité autre, je n'arrive pas à saisir ce qu'est le méditant " eh bien je vais vous le dire, ce qu'est le méditant, c'est vous. Car c'est vous qui existez ici et maintenant et c'est vous qui viviez, et ce que vous vivez ce n'est , que vous le vouliez ou non, ce n'est que le présent.

Auriez vous peur de vous-même ?

Cette autre instance que vous cherchez, ce n'est pas une autre instance, c'est vous-même dans la beauté de vous-même. C'est vous-même qui réalisez que vous construisez à chaque instant ce que vous pensez être ce monde qui vous entoure et qui n'est rien d'autre que la projection que vous faite du monde et qui n'est qu'une représentation. Cette autre instance, c'est vous-même et c'est bien là ce qui est à la fois facile et difficile. Il n'y a rien d'autre que vous-même pour faire exister ce monde, pour lui prêter la réalité qui en fait est la votre (et même pas celle des autres). Il n'y a rien d'autre que vous-même pour engager ici ces questions et il n'y a rien d'autre que vous-même pour entendre des réponses. Il n'y a rein d'autre que vous-même pour rester calé sur vous-même, pour inspirer et expirez tranquillement et pour vous soustraire de mécanismes de pensée qui appartiennent à d'autres (vos parents, vos professeurs, vos amis …. (toutes ces personnes étant par ailleurs éminemment respectables).

Le bouddha a exprimé cette dimension de l'intimement personnel dans cette phrase où il dit " Je peux vous conduire jusqu'à l'eau de la source, mais le seul qui puisse la boire, c'est vous-même ". De la même façon, il désigne que le sujet ne doit pas s'en remettre à d'autres dans cette citation " Soyez votre propre flambeau et votre propre refuge, prenez la vérité pour flambeau. Prenez la vérité pour refuge. Ne cherchez un refuge en nul autre que vous-même " ou encore " On est son propre refuge, qui d'autre que soi même pourrait être le refuge ? ".

J'espère avoir répondu à votre question.





Texte complet de la question

J'ai 25 ans et je m'intéresse au Bouddhisme dans le cadre de l'appréhension du Moi.

Vous dites, dans votre article Anatta qui concerne la notion de "non soi" qu'il n'y a pas de "super soi" en dessus, ou en dessous ou au-delà de l'ego.

C'est une chose.

Mais, d'un autre côté, l'ego est une illusion parce qu'il est le fruit des interactions avec des données qui elles-mêmes n'ont pas de permanence et sont aussi le fruit d'autres interactions.

Donc, si l'ego est une illusion et s'il n'y a pas de Super Ego ou Dieu ou Moi, ou que sais-je encore, qu'y a-t-il au bout, tout au bout de la conscience ? Rien ? Le vide ?

Sur quoi se fonde dès lors le concept de permanence si l'on ne présuppose pas l'existence d'une entité non soumise à l'espace et au temps, qui ne crée pas et est incréé, éternellement semblable à elle-même, immuable et non influencée ?

Si l'on ne présuppose pas l'existence de cette entité que certains nomment Dieu, la prise de conscience de la vacuité de l'ego débouche sur l'angoisse existentielle et la panique parce qu'elle ouvre sur le Néant.

Et dans la dissolution des mécanismes de la conscience à travers la méditation, qu'elle entité rejoint-on ? Que devient la conscience ? En quoi se confond-elle ? A nouveau, si l'on ne présuppose pas l'existence d'un Entité autre, je n'arrive pas à saisir ce qu'est le méditant. A moins que l'on présuppose l'existence d'un centre en l'homme qui soit le témoin de la pensée, de l'émotif. Mais, dès lors, ce point fait office d'Entité et recouvre le concept divin.

Je n'arrive pas à envisager une autre instance que le Néant ou Dieu. Et j'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez cela.

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Cette page a été créée le 30 mai 2001.


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