Mais le temps que je revoie ces fugitifs instants de chaleur (dieu, qu'une cape humide est froide et encombrante), des mouvements étaient visibles quelques mètres plus bas. Mes compagnons d'embuscade et moi-même allions enfin trouver celui qui, chaque nuit, ouvrait un passage secret inconnu et permettait aux orcs d'assaillir le château. Ce suppôt du Seigneur des Liches ne perdrait rien pour attendre. Il verrait sa dernière heure sonnée avant même d'avoir compris qu'il était repéré. Il avait d'autant été plus difficile de démasquer le traître que toute la forteresse savait que les étrangers (nous, en l'occurrence) étaient là pour faire cesser ces intrusions. Mille et unes ruses avaient été déployées pour parvenir à disparaître sans être vu de quiconque, et guetter heures après heures par où rentraient les orcs. La nuit passée, quoique plus agréable (il ne pleuvait pas), nous avait permis de repérer l'entrée, mais le traître était déjà parti, les orcs à l'intérieur et l'entrée refermée. Demi-victoire malgé tout puisque les orcs avaient été relativement vite neutralisés (ils ne s'attendaient pas à trouver une résistance aussi vite). Les habitants de la forteresse avaient passé une meilleure nuit ! Mais demi-victoire puisque l'entrée, sans doute un passage magique, n'avait pu être trouvé, malgré l'aide du Grand Alchimiste dont on disait tant de bien (comme toujours la magie se révèle plus bruyante qu'efficace. Rien ne vaut une bonne lame !).
Les mouvements apparus dans la nuit se firent plus distincts. Une haute masse. Au moment où la silhouette s'arrêta, nous bondîmes silencieusement de notre cachette et sautâmes sur la forme. Nélamster, qui se prenait pour le chef grâce à son rang de chevalier prit la parole :
-"Voilà donc finies tes forfanteries. Plus question d'ouvrir quelque passage que ce soit, tu seras pendu demain, haut et court !". En face de lui ne sortaient que des balbutiements. Une torche fut allumée et notre stupéfaction nous laissa muets d'étonnement : l'Aubergiste.
-"Je ne voulais pas, mais c'est plus fort que moi". L'enchantement nous semblait évident, quand il reprit :
-"J'ai trop faim, et ma femme refuse que je puise dans les réserves, mais j'ai faim, il faut absolument que je mange. Pitié mes Seigneurs, ne lui dites rien ... Pitié"
L'hilarité était presque générale. Nous croyions démasquer un traître, sauver une forteresse, et voilà que nous attrapions un gueux le ventre creux, en mal de nourriture.
C'est alors que Nélamster eut un geste que, des années plus tard, je ne m'explique toujours pas, il empoigna la victime et de sa dague, lui passa la lame sur le cou dénudé en disant :
-"Je t'égorge". L'infortuné s'écroula au pied de l'assassin. Quand chacun eut repris ses esprits et que quelqu'un eut le courage de lui demander la raison de son geste, le noble chevalier, louant les vertus de son dieu, répondit :
-"De toute façon, c'était qu'un PNJ"