Antispécisme, égalité animale... ou pourquoi être végéta*ien(ne)


Depuis 1975, avec la parution de " La Libération animale " de Peter Singer, s'est développée une nouvelle éthique non spéciste basée sur un caractère qui n'est pas propre aux humains : la sensibilité. En effet, jusque là, l'éthique était réservée aux humains et fondée sur des critères soi-disant propres à eux seuls. On se rend compte aujourd'hui, d'une part, que la plupart de ces critères (langage, sociabilité, …) ne sont pas valables car il existe une continuité entre les humains et les autres animaux, et que, d'autre part, les critères les plus " résistants " (la raison, la conscience morale,…), ne sont plus capables de justifier les abus commis depuis des millénaires sur les animaux non-humains.

Naturalisme et végéta*isme

Avant d'expliquer les thèses antispécistes, il faut préciser que ce mouvement n'a rien d 'une quelconque forme de naturalisme et n'est en rien basé sur des soi-disant lois naturelles. En effet, si les raisons qui poussent à devenir vegéta*ien, ont souvent toutes la même origine, la volonté de ne pas participer à l'exploitation animale et aux tortures qui lui sont inhérentes, certains voient aussi le végéta*isme comme étant "naturel", comme une façon de vivre sainement, en harmonie avec la Nature,... Pourtant, d'autres, justifient le fait de manger de la viande en invoquant les mêmes arguments, affirmant que la viande, c'est naturel, et que nous sommes aussi des prédateurs.

Pour ma part, je me fous de savoir ce qui est naturel ou pas : non seulement parce que je crois qu 'on peut faire dire tout ce qu 'on veut à la nature et ainsi justifier n 'importe quoi (races supérieures, homophobie, ultra-libéralisme,… ) en prétextant que c'est naturel, mais en plus parce que ce qui est naturel n 'est pas forcément bien. Ca n'a l'air de rien mais pourtant il y a des tas de gens qui raisonnent en terme de " naturel - pas naturel " en oubliant, ça les arrangent, que la plupart de leurs activités quotidienne n'ont rien de naturelles et que les cancers, les viols (dauphin, orangs-outans, phoques,…), les épidémies, le sexisme, la prédation sont tous des phénomènes naturels mais n'en sont pas moins attristants.

Je ne suis donc pas vegéta*ien parce que c'est naturel ou par souci de pureté personnelle : si je refuse la viande et les produits d'origines animales c'est uniquement parce qu'il sont indéniablement le résultat de souffrances d'animaux et que j'estime bien d'éviter le plus possible de causer de la souffrance aux autres, et cela, quelle que soit leurs espèces.

L'antispécisme

Alors que les souffrances des humains attirent (relativement) l'attention et sont considérées comme inacceptables, très peu de gens se préoccupent de celles des animaux non-humains. En fait, la plupart des gens pensent qu'elles ne méritent pas vraiment notre attention, ou du moins qu'elles sont secondaires, et cela, même si l'intensité de ces souffrances est supérieure aux souffrances humaines. Autrement dit : le fait que ce soit un humain qui l'endure donne un statut plus important à la souffrance, la rend insoutenable et forcément prioritaire.

Je ne comprend pas cette position : Quels que soient l'espèce, la race, le sexe, le niveau intellectuel, le nombre de pattes, ... de celui qui l'endure, la souffrance reste de la souffrance, et toute souffrance mérite qu'on y attache de l'importance. L'importance qu'on doit accorder à la souffrance d'un individu doit dépendre, non des différentes caractéristiques (physiques, biologiques, intellectuelles,… ) de celui-ci, mais de l'intensité de la souffrance perçue. Ceci rend l'exploitation animale, et l'énorme quantité de souffrances infligées aux non-humains qu'elle engendre, aussi importante que si c'étaient des humains qui en étaient les victimes.

C'est pour ces raisons que je me considère comme antispéciste (du moins en théorie : j'ai parfois des réflexes qui révèlent un sévère conditionnement spéciste long de 17 ans) : parce que l'antispécisme n'accorde pas plus de poids aux intérêts des membres de l'espèce humaine qu'aux intérêts des membres d'autres espèces, si ces intérêts sont de même grandeur. L'antispécisme est dans la continuité directe de la lutte contre le racisme et le sexisme. En effet, ces trois idéologies ont en commun de moins prendre en compte les intérêts d'individus uniquement parce qu'ils sont… ce qu'ils sont (des nègres, des sexes inférieurs ou des bêtes).

Des droits, pour qui?

Selon moi (pas que selon moi, d'ailleurs), ont le droit d'être heureux, tous ceux qui sont capables de l'être. Donc, les individus à prendre en compte dans une morale cohérente sont ceux qui sont capables d'éprouver de la souffrance et du plaisir, autrement dit : tous ceux qui ont des intérêts, et NON :
- uniquement ceux qui appartiennent à l'espèce humaine. La plupart des gens pensent que le simple fait d'appartenir à l'espèce humaine procure des droits supplémentaires. Cette position relève du spécisme le plus pur et est similaire au racisme ou au sexisme : on privilégie un individu uniquement parce qu'il appartient à telle race, tel sexe ou telle espèce. Cette position est tout à fait arbitraire et évidemment intenable, car si on privilégie les humains, alors pourquoi ne pas plutôt favoriser les blancs, les russes ou les sportifs ?
- ceux qui possèdent une conscience morale ou qui sont plus intelligents, rationnels. Comment, dès lors, justifier les droits dont bénéficient certains handicapés mentaux, certaines vieilles personnes, les jeunes enfants, etc, dont le développement mental est parfois bien inférieur à celui d'un chien ou d'un cheval ? Par ailleurs, si on arrivait à démontrer que les australiens, par exemple, avaient un QI moyen inférieur à la moyenne des autres humains, est-ce qu'on leur accorderait moins de droit pour autant ? Non, car il est couramment admis que les différences d'intelligence (ou autres) entre humains, ne doivent pas entraîner de discrimination. Pourquoi le devraient-elles en ce qui concerne les autres animaux ?
- les être vivants : certaines idéologies prônent un "respect de toute vie" et réclament des droits pour les plantes et le reste de la Nature (parfois même pour les montagnes!). Pourtant, j'ai du mal à comprendre comment je pourrais être injuste, sadique ou méchant, d'avoir de la pitié, de la compassion pour un être, si celui-ci ne ressent pas la douleur. Il m'est impossible de faire du mal à une plante ou à un caillou s'ils ne sont pas en mesure d'avoir mal.

Tous les animaux sont égaux...

Le mouvement pour l'égalité animale estime nécessaire d'étendre aux non-humains le principe d'égalité de droit, jusqu'ici réservé aux membres de l'espèce humaine. Pour bien comprendre cette position, il suffit de comprendre ce que l'on veut dire lorsqu'on dit que tous les humains sont égaux. On ne parle pas d'une égalité réelle, car tous les humains sont différents (certains sont plus forts, plus intelligents, plus blancs,...), mais d'une égale considération des intérêts : ce n'est pas sous prétexte de telle ou telle différence que les intérêts d'un humain sont plus important que ceux d'un autre. Ainsi, on traite, en théorie, les humains également malgré leurs différences. Je ne vois pas comment on peut justifier la restriction de cette " égalité de considération des intérêts malgré les différences " aux êtres humains en invoquant précisément une autre différence, à savoir l'espèce. Sinon, tant qu 'à discriminer arbitrairement, pourquoi choisir l'espèce humaine comme frontière et pas la race blanche, le sexe masculin,... ?

Cela dit, chaque individu a des intérêts différents qui conduisent à des traitements et à des droits différents : si les chiens ont sans doute plus ou moins le même intérêt que les humains à ne pas être utilisés dans une expérience, ils n'ont vraisemblablement pas intérêt à fréquenter l'université. Il serait donc absurde de leur en accorder le droit, comme il est insensé d'accorder à un homme le droit d'avorter. Ainsi, des droits différents doivent être ajustés selon des intérêts différents. Mais le principal est d'accorder une importance égale à des intérêts égaux, qu'il s'agisse d'un homme, d'une femme, d'un nain, d'un gorille ou d'une souris.

... mais pas leurs vies

Dire que tous les humains sont égaux ne signifie pas pour autant que leurs vies ont une valeur égale : si nous devions choisir de sauver la vie soit d'un handicapé profond, soit d'un humain normal, nous choisirions sans doute de sauver l'humain normal. C'est pareil pour les animaux : le fait que tous les animaux (humains compris) devraient bénéficier d'une égale considération des intérêts ne signifie pas pour autant que la vie d'une poule équivaut à celle d'un humain.

Selon Singer, la valeur de la vie d'un individu dépend de caractéristiques comme " la conscience de soi, la capacité à réfléchir à l'avenir et à entretenir des espoirs et des aspirations, la capacité à nouer des relations significatives avec autrui,... ". Ainsi la vie d'un humain possédant ces capacités a plus de valeur que celle d'un autre animal qui ne les possède pas, ou qui les possède moins.

Mais il peut arriver que des animaux possèdent un niveau de conscience, d'intelligence, de sociabilité, etc, plus élevé que certains humains, par exemple, des handicapés mentaux, auquel cas ils auraient une vie plus importante. Penser le contraire, c'est-à-dire qu 'il faudrait accorder à la vie de l'humain handicapé une valeur supérieure uniquement à cause de son appartenance à l'espèce humaine, serait arbitraire, spéciste

Le spécisme aujourd'hui

Aujourd'hui, le spécisme est omniprésent dans notre société et sa suppression nécessite un véritable renversement culturel. Un des principaux obstacle à ce renversement est certainement le fait que le sort des animaux est rarement pris au sérieux. D'un point de vue philosophique, ils n'ont jamais été considérés comme dignes d'intérêts et l'animalité semble n'avoir jamais été définie que par opposition à l'humanité, comme son négatif ou comme un exemple à ne pas suivre. Un autre obstacle majeur est le poids économique que représente l'exploitation animale : il n'est pas un domaine où les animaux ne sont pas utilisés (habillement, divertissement, recherche, cosmétiques,…) le plus important, par le nombre d'animaux utilisés, étant très clairement l'alimentation. Le végéta*isme est donc l'application la plus significative de l'antispécisme : Il s'agit de refuser de participer à ce "racisme de l'espèce" et tout ce qui lui est lié : l'infernale exploitation d'êtres souffrants, dont le seul tort a été de ne pas naître humain.

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