Introduction
En 1666, un peu moins de 500 flibustiers ayant armé à l'île de Tortue et à la côte de Saint-Domingue, s'en vont piller les établissements espagnols du grand lagon de Maracaïbo, au Vénézuela, sous la conduite de François Nau, surnommé l'Olonnais. Le récit de cette expédition reproduit ici et fait très sommairement par Dutertre qui le reconnaît lui-même, doit être compléter par la lecture du livre d'Exquemelin ainsi par le mémoire d'avril 1667 du gouverneur de la Tortue.
Histoire générale des Antilles de l'Amérique habitées par les Français [extrait] par le R.P. Jean-Baptiste Dutertre (1667-1671) Entreprise de Marecaye, faite par quatre cents aventuriers français, portant commission de Portugal J'avoue ingénument, en traitant de l'entreprise de Marecaye, que, les mémoires qui m'en ont été donnés par Monsieur d'Ogeron, gouverneur de la Tortue et de la côte de Saint-Domingue, ne m'ayant pas spécifié le temps aussi bien que plusieurs circonstances de la route des aventuriers et de l'attaque de ce poste, je m'étais résolu de n'en rien écrire, ne me sentant pas assez instruit pour satisfaire pleinement et avec certitude le lecteur. Mais, mes amis m'ayant prié de donner public ce que ce bon gouverneur m'en avait communiqué, je me suis laissé aller à la mettre en ce lieu, quoi que je me sois persuadé que cette entreprise ait été faite ou un peu auparavant, ou au commencement de cette guerre. Monsieur d'Ogeron assure dans ces mémoires qu'environ quatre cents aventuriers français entreprirent, sur une commission de Portugal, d'aller piller la ville de Marecaye, qui est un lieu de grand commerce, situé en Terre Ferme dans un grand golfe nommé Marecabo, à environ dix degrés au nord de la ligne Équinoxiale, et quasi en parallèle de la ville de St-Domingue en l'île Hispagnola, sous la domination du roi d'Espagne. Monsieur d'Ogeron, duquel ils dépendaient en partie, ayant besoin de ces gens, fit tout ce qu'il put pour les en dissuader; mais, ne les pouvant plus retenir, il trouva à propos de leur donner des officiers et de mettre à leur tête le sieur d'Artigny, son major; et, après avoir fourni les vaisseaux de vivres et de tout ce qu'ils eurent besoin pour se mettre en état de faire cette entreprise, il les laissa aller. Les Espagnols, qui avaient eu quelques avis de leur dessein, abandonnèrent Marecaye et se retirèrent avec tout ce qui leur appartenait à 32 lieues plus haut dans la rivière et se fortifièrent dans un lieu que l'on appelle Gilbatar; et comme ils étaient cinq ou six cents bons hommes, ils faisaient bonne garde, fort résolus de se bien défendre contre les «ladronnes», c'est ainsi qu'ils appellent les aventuriers. Les aventures que le sieur d'Artigny et ses gens coururent en chemin, aussi bien que les circonstances de l'attaque et tout ce qui se passa dans ce combat, auraient fort enrichi cette histoire; mais tout ce que j'en ai pu apprendre est que le combat fut grand et fort opiniâtré, avec carnage de part et d'autre, et que les Espagnols succombèrent, que Gilbatar fut pillée; et l'on peut juger du reste du pillage par deux seuls articles que j'en ai dans mes mémoires, dont le premier est de quatre-vingts mille pièces de huit d'argent monnayé, et l'autre pour 32 000 livres de toiles, sur le pied qu'elles furent vendues, c'est-à-dire à la moitié: jugez de tout le reste des autres richesses qui furent trouvées en ce lieu. Nos fribustiers s'en retournèrent à la Jamaïque, et une partie des Français revint à la Tortue, avec une prise de cacao, dont l'on fait la chocolate; et cette marchandise n'étant pas encore fort connue dans cette île, M. d'Ogeron l'eut à grand marché, et y a bien gagné. |
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