Des flibustiers de la mer du Sud font escale à Saint-Thomas (1682)


Introduction

En janvier 1682, le capitaine Bartholomew Sharpe conduit à l'île Antigua le galion espagnol Santisima Trinidad au commandement duquel il avait pillé, dans l'océan Pacifique (appelé aussi «mer du Sud») les Espagnols du Pérou, du Chili et de Panama durant presque deux ans. Quelques uns de ses hommes décident alors de rentrer au Petit-Goâve, à la côte de Saint-Domingue. Ils en étaient partis en 1679 pour une expédition qu'aucun autre flibustier n'avait faite avant eux: à ce stade, j'ignore avec quel capitaine, mais il est probable que ce soit avec Peter Harris (voir la relation anonyme de la prise de Puerto Belo). En route, ces hommes sont forcés de faire halte à Saint-Thomas, l'une des îles Vierges, laquelle était alors possession du Danemark. C'est la plus ancienne mention de la présence de flibustiers à Saint-Thomas, où, justement à partir de 1682, ils commenceront à être accueillis assez chaleureusement. Le gouverneur danois, Nicolas Esmit, qui annonce dans le document reproduit ici l'arrivée de ces flibustiers de la mer du Sud dans son île, n'est probablement pas à blâmer. Par contre, son frère et successeur Adolph encouragera ouvertement les écumeurs des mers, conmnaissant ainsi une certaine notoriété en étant impliqué directement dans l'affaire du navire forban La Trompeuse.


lettre du gouverneur Nicolaus Esmit aux directeurs de la Compagnie danoise des Indes occidentales [extrait]

Saint-Thomas, le 17 mai 1682.

Il vint ici le 8 février [1682] un navire d'origine inconnue, du port d'environ deux cents tonneaux sans canon, passeport ou lettre, et avec sept hommes, Français, Anglais et Allemand. Étant interrogés, ils dirent qu'ils étaient sortis d'Espaniola, du port du Petit Guava, avec deux cents hommes et une commission française pour prendre sur les Espagnols. Ils ont été à la côte de Terre ferme et débarqué à la rivière de Daran où ils furent joints par les Indes sauvages qui devaient leur indiquer la route par terre jusqu'à la mer du Sud, ce qu'ils firent... et ils prirent un petit navire ou barque avec une centaine de barres d'argent, ensuite un grand vaisseau, enfin un galion espagnol, avec lequel ils ont fait beaucoup de dommages dans toute la mer du Sud. Et après avoir volé durant deux ans dans la mer du Sud, ils se sont échappés par la terre de Feu... et vers le 28 janvier ils vinrent mouiller à Antigo, où tous les Anglais de l'équipage allèrent sur un navire anglais, avec tout leur or et argent. Le reste, nommément les sept hommes, qui avait risqué et doublé [sic] leur argent, mirent à la voile pour le Petit Guava, mais, en route, le bateau coula bas d'eau. Ainsi ils demandèrent de venir dans le port de Saint-Thomas et y caréner leur bateau, ce qui fut fait à Strand Slueken avec l'assistance de trente hommes que je leur envoyais. J'ai acheté le peu de cacao qu'ils avaient, le reste de leur pillage ils l'ont amené à terre et divisé parmi nos gens. Le navire n'était plus utilisable. J'ai décidé de ne pas le confisquer, à dessein d'éviter toute inimitié avec les pirates. Les habitants de Saint-Thomas ont décidé que lesdits sept hommes devaient rester parmi eux.


source: Breve og Dokumenter, 1683-1689, d'après une copie de O. Pauli, secrétaire de la Compagnie danoise des Indes occidentales à Conpenhaugue. Le texte reproduit ici est une traduction de la copie anglaise telle qu'elle apparaît dans WESTERGAARD, Waldemar, The Danish West Indies under the Company rule (1671-1754), The Macmillan Co., New York, 1917.

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