Le sieur de Beaujeu s'informe auprès des flibustiers du Petit-Goâve sur la navigation dans le golfe du Mexique (1684)


Introduction

À l'automne 1684, la petite expédition commandée par le sieur de La Salle fait escale au Petit-Goâve. Le sieur de Beaujeu, commandant le vaisseau du roi le Joly prêté à l'explorateur et qui ne s'entend guère avec celui-ci, profite de ce séjour pour s'informer du pays où ils vont (le Mississipi) auprès des flibustiers. Ainsi les capitaines Lesage et, surtout, Duchesne lui donnent de précieux renseignement, le second allant même jusqu'à lui prêter une un routier, carte marine utilisée par les navigateurs. La bourg de Tempico mentionné par Beaujeu est San Luis de Tampico situé non loin de l'embouchure du rio Panuco, au nord-ouest de la Veracruz.


M. de Beaujeau au marquis de Seigneley [extrait]

À bord du Joly, en rade du Petit-Goâve, 25 octobre 1684.

(...) Mais, Monseigneur, je crois que vous ne trouverez pas mauvais de savoir ce qu'on dit ici de ce voyage.

Un capitaine flibustier, appelé Le Sage, m'a dit qu'étant garçon sur un navire hollandais, ils avaient été au pays où nous allons, cherchant de rivière en rivière le Mississipi, qu'ils avaient trouvé à peu près comme M. de La Salle le dépeint, mais qu'ils n'avaient pas pu entrer à cause des battures qui sont à l'embouchure. Il dit aussi avoir mouillé dans la baie de Saint-Esprit et qu'il y a quatre brasses d'eau à l'entrée. Un autre, appelé Duchesne, qui était en course vers ces quartiers, dans un petit bâtiment, il y a environ dix-huit mois, croit avoir vu le Mississipi, cherchant la rivière du bourg de Saint-Louis de Tempico, qu'ils pilllèrent. Il dit, aussi bien que plusieurs autres à qui j'ai parlé, que cette côte est fort dangereuse et qu'il y a des bancs dix lieues au large, et M. de La Salle convient qu'il n'y a que dix brasses d'eau à dix lieues de la côte, dont le fond va augmentant d'une brasse par lieue comme à neuf lieues, neuf brasses, à huit, huit, ce qui est aisé à croire, étant un pays plat qui couvre tout lorsque la rivière déborde. Ce même Duchesne m'a prêté un routier espagnol du golfe du Mexique, écrit à la main, qui dit qu'il n'est pas navigable depuis septembre jusqu'en mars, à cause des Nords qui y sont fort fréquents. Il dit aussi qu'il n'y a que deux brasses à l'entrée de la baie du Saint-Esprit, où nous prétendons aller d'abord. On dit aussi ici que les Espagnols ont dans ces mers six vaisseaux depuis trente jusqu'à soixante pièces de canon, avec des galiotes à rang comme dans la Méditerranée. (...)


source: Lettre de Beaujeu au marquis de Seigneley, du 25 octobre 1684, reproduite in extenso par MARGRY, Pierre, «Découvertes et premiers établissements français dans l'Ouest et dans le Sud de l'Amérique septentrionale», 6 vol., Paris, 1888.

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