Un capitaine de la Royal Navy demande aux Français de Saint-Domingue l'arrestation de deux fibustiers (1684)


Introduction

À la mi-décembre 1684, sur ordre du gouverneur de la Jamaïque, le capitaine David Mitchell, commandant le H.M.S. Ruby, vient jeter l'ancre au Petit-Goâve, le principal établissement de la colonie française de la côte de Saint-Domingue. Il vient y demander au gouverneur, le sieur de Cussy, l'arrestation des capitaines Yankey et Bréha, parce que, quelques semaines plus tôt, le premier a capturé un petit bâtiment marchand anglais à la côte de Saint-Domingue et le second a pillé des sloops de pêche de la Jamaïque. Mitchell trouve bien les deux pirates dans le port. Cependant le gouverneur Cussy est absent, étant reparti vers les établissements de la côte nord de Saint-Domingue. En l'absence de celui-ci, l'officier de la Royal Navy se voit réduit à traiter avec Boisseau, un officier de milice qui commande au Petit-Goâve. Les documents reproduits dans cette page forment leur correspondance sur le sujet des deux flibustiers: j'ai traduit de l'anglais au français les réponses de Boisseau, lesquelles étaient malheureusement en anglais dans les Calendars of State Papers, alors que les originaux (auxquels je n'ai pu avoir accès) sont en français. Comme on le constate à la lecture de ces documents, Mitchell n'obtint pas gain de cause et il n'alla pas au Cap Français où se trouvait alors le chevalier de Saint-Laurens et Bégon, respectivement lieutenant-gouverneur et intendant des Isles de l'Amérique, et l'intendant, qui venaient de terminer leur tournée d'inspection à Saint-Domingue et qui s'en retournaient à la Martinique (voir leur mémoire conjoint de janvier 1685 et le journal de Raveneau). Finalement, les Jamaïquains porteront plainte en Angleterre en ce qui concerne le sloop James pris par Yankey et adjugé de bonne prise. Et trois ans après l'incident, Saint-Laurens, ainsi que Cussy et Bégon, devront se justifier pour cette adjudication. Quant à Bréha, l'affaire n'eut pas de suite puisqu'en 1685 il fut capturé par les Espagnols et pendu avec quelques uns de ses hommes (voir le mémoire de Cussy, d'août 1686).


Captain Mitchell, Royal Navy, to Lieutenant Governor Molesworth

December 11, 1684 [21 décembre 1684].

I sent my boat ashore with your letter to the Governor of Petit Guavos on the morning of 6th instant. The Governor was away, and the Commander-in-Chief refused to break the seal. I saw in the port the ships commanded by Captain Yankey, Breha, Thomas and Johnson, and remembering my instructions, wrote to the Commander-in-Chief, as follows:



Captain Mitchell to the Governor and Commander-in-Chief of Petit Guavos

You have at present in your port two pirates, Captain Yankey of the Francis, and Captain Breha, who have robbed or taken several of our sloops. I must request you to order them to restore what they have taken from the subjects of the King, my master, or to give me permission to endeavour to surprise them in this port.


M. Boisseau au capitaine Michel

Petit Gouave, 16 décembre 1684.

Vous vous plaigniez que nous recevons des forbans dans nos ports. Je vous assure que si vous me montrez l'une de ces méchantes gens nous ne manquerons pas de leur faire payer la plus forte pénalité. Vous nous parlez du capitaine Yankey, que vous traitez comme un forban. Je vous assure que nous le savons incapable de pareille chose. Il est vrai qu'il y a peu de temps, il mena ici un bâtiment anglais chargé de marchandises espagnoles, mais entrant en ce port il fit alors une déclaration là-dessus au chevalier de St-Laurens et à notre gouverneur, lequel ordonna aussitôt que le navire entrât dans la rivière Léogane à cette côte, où le Conseil le jugea de bonne prise. À l'endroit de vos plaintes contre le capitaine Bréha, il est vrai qu'avec son navire plein de monde il rencontra une frégate commandée par le capitaine Stanley et lui demanda des vivres, dont il était en grand besoin, ce que le capitaine Stanley fut assez bon de lui donner. Concernant la restitution que vous demandez, je doute si cela peut être fait, et je ne vois pas comment je peux aller à l'encontre de l'arrêt donné par le Conseil qui l'a condamné. Je ne vous peux donner la permission de surprendre Yankey et Bréha dans ce port, et même, si vous tentez quoi que ce soit contre eux, je ferai de mon mieux, suivant mes ordres, pour m'opposer à vos desseins.

Boisseau.


Captain Mitchell to M. Boisseau

7 December 1684 [17 décembre 1684].

You say that the captured vessel was condemned as lawful prize. I must protest against that condemnation as illegal. The sloop was bond fide the property not of Spanish but of English subjects.


M. Boisseau au capitaine Michel

Petit Gouave, 17 décembre 1684.

Je suis vraiment navré que vous soyez mécontent de ma lettre précédente. Je ne sais rien sur ce que vous dites du capitaine Yankey. Si vous voulez prendre avantage de la présence au Cap Français du chevalier de St-Laurens et vous y rendre, il vous donnera toute l'information que vous désirez.

Boisseau.



I ordered my Lieutenant to demand all men that were in La Trompeuse, to which M. Boisseau answered that he would send all the Englishmen in the town, and if any belonged to the Trompeuse I might take them. Next day he sent me three English, telling me that the rest were fled into the woods, upon which I at once sailed for Jamaica.

D. Mitchell.


source: P.R.O. Calendar of State Papers, Colonial Series: America and West Indies, 1681-1685: nos. 2000, 1991 et 1992.

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