TRIBUNE LIBRE
Devoir d'Histoire-----Mettez les voiles

DEVOIR D’HISTOIRE

Et le sujet tomba.
Le maître prit son temps,
lentement l’énonça
pour laisser aux enfants
le sens de gravité
qu’il souhaitait imprimer.

« Le devoir de mémoire »
fut leur sujet d’histoire.
Vous n’aurez que deux heures
pour un si grand labeur.

L’enfant assez distrait
pour oublier souvent
le chemin de l’école,
contemplait son pupitre,
et puis fixait le sol .
Le maître savourait...
Lors des derniers chapitres,
l’enfant était absent.

Il payerait aujourd’hui
son odieux incivisme,
et sa coupable absence
aux cours sur le nazisme .
Qu’il récolte les fruits
d’une telle insouciance !

L’enfant sécha, un temps .
De tous les cours d’Histoire,
restaient peu de souvenirs .
Dans un étrange rêve,
son grand-père apparut ;
le vieil homme souriant,
qu’il n’avait point connu,
lui livra sa mémoire .
Il se mit à écrire,
et sans la moindre trêve :

« Massacrés mains liées
au sortir de wagons,
déportés par milliers
sans qu’on ne sut leur nom ;
en exil, asservis,
enchaînés et détruits.

Rangées de barbelés
et patrouilles de chiens,
matraques des gardiens,
travail jusqu'à tomber,
femmes, enfants, séparés,
pour un mot fusillés.

Pas le moindre remords ;
le charnier fume encore .
Les dernières victimes
sont niées par une Histoire
qui refuse de les voir
et de nommer le crime.

Remettant les copies,
le maître félicita
l’enfant d’avoir décrit
un peu de la Shoah.

« Mais pourquoi , dans ta fin
autant de pessimisme ?
Tu vois bien les efforts
que nous faisons encore,
à l’école et dehors,
pour que nul n’en ignore,
pour que tout être humain
combatte le nazisme. »

Certes oui, dit l’enfant,
mon grand père me l’a dit ;
mais ce que j’ai décrit
n’était un camp allemand ,
puisqu’ il en réchappa ;
c’était en Sibérie,
que sa vie s’acheva
sans que nul s’en soucie.

Lui qui connut les deux,
vit peu de différence .
Ainsi, dans mon devoir,
je n’ai situé les lieux,
afin que la mémoire
s’étende sans négligence.

Il paraît aujourd’hui
qu’il en demeure encore
à porter jusqu’au nom
d’une idéologie
qui de cent millions de morts
écarte la mention.

Gardant un nom sinistre,
sans la moindre repentance
et sans être jugés
d’avoir collaboré
en pleine connaissance,
trois devinrent Ministres.

Isaac de Barbanègre

METTEZ LES VOILES 

C’est arrivé soudain,
personne n’y pensait plus, 
hormis quelque barbu,
ayant un seul bouquin.

Un souvenir honteux,
témoin de barbarie,
un statut d’infamie,
qu’ils attribuent à Dieu.

Le faible y trouvera
plus faible à dominer :
la femme qu’il rabaissera,
en croyant s’élever.

C’est un mur de Berlin
qu’on mit sur ses cheveux,
une clochette de lépreux,
des barbelés en lin.

Retour à l’esclavage
imposèrent les Persans,
et quelques talibans
restés au moyen-âge.

La prison, le bâton,
tout à leurs yeux fut bon,
exécutions, tortures,
pour combattre la luxure.

Le mâle, devenu seigneur
régnerait, pauvre illettré,
au moins dans son foyer
en être supérieur.

« Dissimulez cette bouche
que je ne saurais voir,
et cirez mes babouches ;
tel est votre devoir . »

Si le sous-développement
se nourrit d’ignorance,
c’est par la frustration
qu’on assied la démence.

Et voici quelques mômes,
en de tristes banlieues,
s’habiller en fantômes,
foulard au ras des yeux.

C’est ce symbole infâme,
ce fichu affichant
le soutien aux tyrans,
le maintien de la femme
au statut d’inférieur,
qu’acceptent nos penseurs.

En se voilant la face,
c’est la honte d’un mur
dont on a fait un toit ;
et la victime, parfois,
défend sa couverture
et revendique ses chaînes
de masochisme obscène.

Sa face étant voilée,
Samia née à Orly
voudrait que l’on comprenne
qu’elle nous hurle sa haine,
à nous pauvres infidèles ;
car dans la hiérarchie,
même une femme voilée
vaut plus qu’un homme gaulois
et chrétien de surcroît.

Cela l’arrangerait bien,
de trouver plus bas qu’elle,
qui ne compte pour rien
en terre d’Ismaël,
et compte pour du beurre
au pays des saigneurs.

Il est temps à présent
qu’on respecte nos lois .
Les symboles d’esclavage,
sous prétexte de foi,
n’ont rien à faire ici,
et doivent être bannis .
Si c’est au moyen-âge
que vous souhaitez rester,
gardez votre tchador .
Mettez aussi les voiles .
Pour aider votre essor,
nous fournirions les vents
qui vous emmèneraient…

Isaac de Barbanègre

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