Jugement version allégéeJugement sur une requête des défendeurs 'union canadien des travailleurs en communication (unité 4) et Giuseppe Giarrusso (président de l'UCTC) contre une plainte des employers de Nordx/CDT
Défendeur : Giuceppe Giarrusso et UCTC et Nortel. L'union et M. Giarrusso soulèvent la compétence de la cour supérieure en l'espèce. Ils soutiennent que le litige relève exclusivement du Tribunal du travail et d'un arbitre de griefs. Ils demandent donc le rejet pur et simple de l'action intentée contre eux. Premier principe à signaler : à ce stade-ci des procédures, les faits allégués par la partie demanderesse doivent être tenus pour avéres. Quels sont-ils ? Le 26 janvier 1996, Nortel cède une partie de son entreprise (fabrication, vente et distribution de câbles) à Nordx/CDT inc. L'Union représente l'ensemble des employés de Nortel, dont les demandeurs qui sont des employés de la division de la fabrication de câbles et connectivité dans un établissement situé à Lachine et distinct de celui où travaillent les autres employés. L'Union est l'agent négociateur de l'ensemble des employés auprès de Nortel, et une convention collective est en vigueur. Nordx a besoin d'obtenir rapidement une main-d'œuvre expérimentée et compétente. Et , dans une lettre d'entente liant Nortel et l'Union, les parties conviennent d'assurer une période de transition qui permettra à Nrdx/CDT de s'assurer une poursuite de cet objectif amène notamment les parties à empêcher plusieurs employés d'exercer leur droit de supplantation et de déplacement. Et voici comment l'Union et l'employeur s'y prennent pour atteindre leur objectif. Répétons qu'à ce stade-ci il faut tenir ces faits pour avérés, et ils sont d'une importance capitale dans ce litige. Les représentants de l'Union et ceux de l'employeur annoncent aux travailleurs qu'ils n'ont d'autre choix que de se présenter chez Nordex car, s'ils s'avisaient d'utiliser leur droit de supplantation et de déplacement, il y aurait alors des mises à pied massives et, la très grande majorité des demandeurs n'ayant pas 23 ans d'ancienneté, ils se retrouveraient sans emploi. Il s'agirait là de fausses représentations autant de la part de l'Union que de celle de l'employeur aggravées par la menace de perdre toute sécurité y compris le droit à des prestations de chômage parce que ces employés auraient alors refusé un emploi chez Nordx. Suite à de telles affirmations, les demandeurs acceptent leur transfert chez Nordx qui leur fait d'abord parvenir un formulaire pour exprimer leur choix : Nortel ou Nordx. Comme il fallait s'y attendre, peu d'employés choisissent Nortel. L'Union n'a jamais déposé de grief relativement au droit de supplantation mais plutôt un grief collectif concernant la restructuration de la main-d'œuvre et la mise en place d'un programme de protection des emplois. Aucune mention dans ce grief du droit de supplantation ni de l'article 12.05 de la convention collective. Puis, les défendeurs négocient une lettre d'entente modifiant la convention collective et éliminant les supposées mises à pied massives envisagées. Or, cette lettre avait pour effet d'empêcher le dépôt de tout grief relativement au droit de supplantation, modifiant ainsi la convention collective alors qu'aucun grief n'avait encore été déposé concernant ce droit. On fermait ainsi la porte à toute possibilité de grief à cette fin. Jamais les demandeurs n'ont été informés de ces négociations ni de la perte de leurs droits. Ils ont toutefois compris, au cours des mois suivants, qu'il n'y aurait pas de mises à pied massives chez Nortel qui, au contraire, embauchait de nouveaux employés réguliers pour combler les besoins crées par le départs en préretraite de plusieurs dizaines d'employés. Comprenant le manège, les demandeurs insistent auprès de l'Union et de son président pour qu'un grief soit déposé. Ceux-ci reportent continuellement leur réponse, laissant croire pendant plusieurs mois aux demandeurs qu'ils s'occupent de leurs problèmes alors qu'ils savent que tout est joué. Ce n'est finalement qu'en avril 1997, près d'un an après la conclusion de la lettre d'entente P-8, que l'Union et son président vont aviser les demandeurs qu'ils ne peuvent pas déposer de grief. D'où le présent recours suite à la mise en commun des efforts et des fonds des demandeurs. Bref : 1)la lettre d'entente a été sciemment conclue de connivence entre les défendeurs et rédigée de façon à priver les demandeurs de tout droit de supplantation ; 2)les fausses représentations de l'employeur et de l'Union ont privé les salariés de leurs droits ; 3)l'Union et son président ont, de collusion avec l'employeur et en usant de fausses représentations, de manoeuvre dolosives et de mensonges, privé les demandeurs non seulement de leur droits mais aussi de tout recours en vertu du droit du travail pour faire reconnaître ces droits ; 4)ils ont ainsi causé d'importants dommages aux demandeurs, et ils les réclament dans les conclusions de leur action ainsi libellées : Pour ces motifs, plaise à la cour : Accueillir l'action des demandeurs ; Déclarer nulle, non avenue et inopposable aux demandeurs l'entente intervenue entre Nortel et l'Union Canandienne des Travailleurs en Communication (unité 4) le ou vers le 11 mars 1996 ;
Ordonner que les demandeurs soient replacés dans l'état où ils étaient avant le 2 février 1996, c'est-à-dire à l'état de salarié à l'emploi de Nordx, mais ayant conservé certains droits chez Nortel soit ceux d'exercer leur droit de déplacement et leur droit de compensation, en vertu de la convention collective liant Nortel à l'Union canadienne des travailleurs en communication (unité 4). Cet état n'implique pas la rupture du lien d'emploi existant entre les demandeurs et la mise en cause.
Condamner conjointement et solidairement les défendeurs à verser à chacun des demandeurs la somme de 55 000$ représentant les dommages subis suite aux fausses représentations des défendeurs ; Condamner conjointement et solidairement les défendeurs à verser aux demandeurs les frais et honoraires extrajudiciaires qu'ils auront encourus au moment du jugement ; Condamner la défenderesse Union Canadienne des Travailleurs en Communication (Unité 4) à verser à chacun des demandeurs la somme de 10 000 $ à titre de dommages exemplaires ; Le tout avec intérêt et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du code civil du Québec à compter du 26 janvier 1996 ; Le tout avec dépens. Pour l'Union et son président, il s'agit d'un litige découlant de la convention collective et de dispositions du code du travail : Le recours exclusif prévu à l'article 47.4 du code du travail 12. Or les article 47.2, 47.3 et 47.5 du Code du travail du Québec donnent mandat exclusif au Tribunal du travail d'introduire une demande comme celle présentée par les demandeurs ; 13. En effet, l'article 47.3 du Code du travail crée un recours particulier et exclusif pour le salarié qui a subi un renvoi et qui estime que le syndicat, à l'occasion de ce renvoi, n'a pas respecté son devoir de juste représentation énoncé à l'article 47.2 du Code en regard d'une matière pouvant faire l'objet d'un arbitrage de griefs en vertu de la convention collective. Ces articles se lisent comme suit : 47.2 [Égalité de traitement par l'association accréditée] Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l'endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu'elle représente, peu importe qu'ils soient ses membres ou non. 47.3 [Plaint au ministre] Si un salarié qui a subi un renvoi ou une sanction disciplinaire croit que l'association accréditée viole à cette occasion l'article 47.2, il doit à son choix et dans les six mois s'il veut se prévaloir de cet article ; 1) soit porter plainte par écrit au ministre ; 2) soit soumettre au tribunal ou mettre à la poste à l'adresse de celui-ci une requête écrite lui demandant d'ordonner que sa réclamation soit déférée à l'arbitrage. 47.5 [Autorisation du tribunal] Si le tribunal estime que l'association a violé l'article 47.2, il peut autoriser le salarié à soumettre sa réclamation à un arbitre nommé par le ministre pour décision selon la convention collective comme s'il s'agissait d'un grief. Les articles 100 à 101.10 s'appliquent, mutatis mutandis. L'association paie les frais encourus par le salarié. 14. Selon ces dispositions, dans les cas de renvoi, seul le Tribunal du travail peut instruire une demande alléguant un défaut de représentation d'une association accréditée à l'occasion de ce renvoi et portant sur une matière pouvant faire l'objet d'un arbitrage de griefs ; 15. Le Tribunal du travail, s'il estime que l'association accréditée a bel et bien violé son devoir de juste représentation à cette occasion, peut alors autoriser le salarié concerné à soumettre sa réclamation à l'arbitrage comme s'il s'agissait d'un grief (article 47.5 du Code du travail) 16. Le recours statuaire prévu à l'article 47.3 du Code du travail est un recours exclusif qui doit obligatoirement être exercé lorsque les conditions y donnant ouverture sont remplies, à l'exclusion de tout recours devant les tribunaux de droit commun ; 17. En l'espèce, il ressort de faits contenus à la déclaration des demandeurs que ceux-ci prétendent avoir été victimes d'un renvoi de chez Nortel, que leur Union et son président M Giuseppe Giarrusso ne les ont pas convenablement représentés à cette occasion, et que les droits qu'il réclament découlent de la convention collective entre l'union et Nortel et donc, peuvent faire l'objet d'un redressement par un arbitre de griefs ; 18. Les faits dans la déclaration des demandeurs rencontrent donc toutes les conditions d'ouverture du recours spécifique et exclusif prévu à l'article 47.3 du Code du travail de sorte que seul le Tribunal du travail a compétence pour entendre le recours des demandeurs exercé à l'encontre de l'Union et de son président, Giuseppe Giarruso ; L'existence d'un renvoi 19. Les demandeurs prétendent dans leur déclaration que leur acceptation du transfert de leur emploi chez la mise en cause Nordx n'était pas libre et volontaire et qu'ils ont été forcés d'accepter un emploi chez Nordx et, donc, qu'ils ont été victimes d'un renvoi au sens de l'article 47.3 du Code du travail (paragraphes 10, 11, 12, 13, 14, 19, 20, 23 et 44 de la déclaration des demandeurs) ; 20. La prétention des demandeurs voulant qu'ils aient fait l'objet d'un renvoi suivant l'article 47.3 du Code du travail lors de l'opération de transfert de leur emploi chez Nordx est illustrée encore plus clairement dans la mise en demeure adressée aux défendeurs en date du 12 août 1997 par Me Raphael Levy, leur ancien procureur, et qui mentionne ce qui suit au nom des demandeurs : Moreover you embarked upon a campaign of discrimination, harassment and intimidation ; aimed at terrorizing the minds of the employees including Mr Meehan . More specifically, you and/or your representatives employee that :
-Employees with 21 years or less of service have no choice but join CDT and /or resign purly and simply ;
Said representatives were made to Mr Meehan and his colleagues knowing they are false. You made the representatives, referred to above, with a view to coerce Mr Meehan and others to join CDT and ultimately accept employment with substantially inferior working conditions (i.e bumping rights) As a result of your illegal acts and threats, Mr Meehan and his colleagues agreed to work for CDT.
Obviously, Mr Meehan and his co-workers would not aggreed to work for CDT if not for your false representations, failure to act with diligence and good faith and blatant omission to offer and effectively supply proper and adequate advice.
[Notre emphase] Le tout tel qu'il appert d'une copie de ladite mise en demeure communiquée aux parties comme pièce R-1 par la remise d'une copie lors de la signification de la présente requête ; Le manquement allégué au devoir de juste représentation de l'Union. 21. De plus, les demandeurs reprochent clairement à l'Union défenderesse et à son président, M. Giuseppe Giarrusso, d'avoir manqué à leur devoir de juste représentation au sens de l'article 47.2 du Code du travail à l'occasion de l'opération de transfert des emplois des demandeurs chez Nordx, en ce qu'elle leur aurait fait, avec Nortel, des fausses représentations au sujet de leur droits de supplantation prévus à la convention collective, et qu'elle n'aurait pas donné suite à leur demande de dépôt de griefs visant à faire valoir ces droits de supplantation paragraphes 10, 11, 12, 13, 14, 17, 23, 25, 26, 27, 31, 32, 33, 34, 41, 42, 44 et 54de la déclaration des demandeurs : L'essence du litige relève de la juridiction d'un arbitre de griefs 4 22. Enfin, troisièmement, nonobstant la qualification juridique que les demandeurs peuvent donner à leur recours, les allégations de la déclaration laissent voir que le présent litige, considéré dans son essence, résulte de l'interprétation et de l'application de la convention collective entre Nortel et l'Union et, donc, est de la compétence d'un arbitre de griefs en vertu du Code du travail du Québec, lequel aurait pu en être saisi, le cas échéant, par le Tribunal du travail en vertu de l'article 47.5 de cette loi ; 23. Le présent litige découle entièrement de l'interprétation et l'application de la convention collective entre Nortel et l'Union puisqu'il résulte du non-respect des droits de supplantation prévus à la convention collective dont les demandeurs prétendent avoir été victimes, et de la décision de l'Union défenderesse et de son président de ne pas avoir donné suite à la demande de dépôt de griefs présentée par les demandeurs visant à faire reconnaître ces droits de supplantation prévus à la convention (paragraphes 14, 25, 26, 27, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 40, 41, 42, 43, et 47 de la déclaration des demandeurs : 24. De même, tel qu'il appert notamment du paragraphe 47 et des conclusions de la déclaration des demandeurs, ceux-ci requièrent expressément de cette honorable cour qu'elle prononce des remèdes découlant de la convention collective entre Nortel et l'Union, pouvoir qui relève de la compétence exclusive d'un arbitre de griefs en vertu de la convention collective (article 7.05)et du Code du travail du Québec : 25. Les reproches formulés par les demandeurs à l'égard de l'Union défenderesse et de son président, M Giuseppe Giarusso, qui réfèrent au devoir de juste représentation de ceux-ci à l'égard de leurs membres, pouvaient et devaient faire l'object d'une plainte à être instruite non pas par cette cour, mais par le Tribunal du travail, seul tribunal ayant juridiction en la matière (articles 47.3 et 47.5 du code du travail, précités) 26. En outre la présente Cour n'a pas juridiction pour instruire un litige dont l'essence relève de l'interprétation, de l'application, de l'administration ou de l'inexécution d'une convention collective ; 27. En conséquence, l'Union défenderesse et de son président, le défendeur Giuseppe Giarrusso, sont en droit de demander le rejet de l'action à leur égard vu le défaut de juridiction rationae materiae de la Cour supérieure pour entendre cette affaire ; L'argument portant sur l'existence d'un renvoi ne saurait être retenu dans le cadre du présent recours car, à l'examen, il apparaît clairement que les demandeurs se plaignent des manoeuvre frauduleuses des défendeurs en vue de les priver de quelque recours que ce soit en vertu du Code du travail. Ces manoeuvres visaient le droit à la supplantation et au déplacement d'employés qui ont conservé leur fonction, leur traitement et leur convention collective. Donc pas de modification important aux conditions de travail démontrant clairement le renvoi. Et pas de recoursselon l'article 47.3 C.T. D'ailleurs, parler de renvoi c'est nécessairement parler d'une décision imposée par l'employeur. Or en l'espèce, le transfert a été accepter volontairement vu les manoeuvres que l'on sait. Au surplus, la modification apportée à la convention collective suite à l'entente P-8 prive le Tribunal du travail et l'arbitre des griefs de toute compétence en l'espèce puisqu'ils ne peuvent modifier ni annuler une disposition de cette convention Voilà pour l'Union. Quant au président, il est poursuivi en dommages-intérêts (dommage compensatoires et exemplaires). L'arbitre des griefs n'a aucune compétence en l'espèce. Cela dit, il n'est pas nécessaire de commenter les autorités citées et que le Tribunal a consultées avec intérêt. Pour ces motifs, Le Tribunal Rejette la requête ; Avec Dépens
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