17 Décembre 2001
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La centralisation
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La vérité toute nue : l’Etat central sert toujours une logique de concentration des
investissements publics en région parisienne
Il faut remercier le quotidien Les Echos d’avoir rendu accessible au grand public
l’étude du G.E.R.I. (Groupe d’étude et de réflexion interrégional), consacrée
aux investissements civils localisables de l’Etat de 1980 à 1998, par la
publication de larges extraits dans un hors-série paru le 17 décembre.
L’étude du G.E.R.I. est une réponse cinglante aux doctes analystes qui nous
avaient expliqué, sur la foi de résultats très partiels du recensement de
1999, qu’il y avait lieu de s’inquiéter pour l’avenir de Paris et de
l’Ile-de-France, présentées comme les victimes du dynamisme de certaines
" capitales " régionales au cours des années quatre-vingt-dix et d’une
politique d’aménagement du territoire trop favorable aux régions. Foutaise !
Déjà l’ouvrage de Joseph Martray, ancien secrétaire général du C.E.L.I.B.,
et Jean Ollivro, géographe à l’Université de Rennes II (*), avait permis
de rétablir les faits sur le plan démographique, en soulignant que la
réalité de la région parisienne n’était plus celle de la seule Ile-de-France
et qu’il convenait de prendre en compte un espace plus vaste. En effet,
les auteurs ont mis en évidence qu’entre 1990 et 1999, la population des 13
départements avoisinant Paris a crû de 425 803 personnes, ce qui représente
23% de la croissance démographique française sur seulement 9% du territoire.
Telle la grenouille dans la fable de La Fontaine, la région parisienne enfle.
Et c’est bien cet enflement qui justifie, aux yeux du gouvernement, qu’on
construise un 3è aéroport parisien ( ?)… dans la Somme ( !), à 125 km de
la tour Eiffel.
L’étude du G.E.R.I., quant à elle, montre que sur une génération,
l’Etat central, gardien supposé du principe d’égalité, a consacré à
l’Ile-de-France (2,2% du territoire et 18,5% de la population française)
27% des investissements civils localisables, payés pourtant par l’ensemble
des contribuables français. Ce qui, ramené en francs constants par habitant,
donne 11 019 francs par Francilien contre une moyenne française de 7 490 francs
(hors Corse et Dom-Tom). En 19 ans, l’Ile-de-France aura donc reçu de la
collectivité nationale 40 milliards de francs de plus que ce qu’elle aurait
perçu si elle s’était située dans la moyenne française. La voilà la
sacro-sainte égalité des jacobins que MM. Chevènement, Emmanuelli, Mélenchon,
Pasqua, Séguin et consorts vantent tant.
Lorsqu’on entre dans le détail par secteur, l’étude du G.E.R.I.
nous révèle que si l’Ile-de-France n’a reçu au cours de ces 19
années que 5,3% des investissements de l’Etat dans le développement
rural (mais c’est tout de même plus du double de ce qu’elle représente
en superficie dans l’ensemble français) et 12% dans les transports
(mais l’Ile-de-France était déjà bien servie avant 1980 avec le périphérique
routier et deux aéroports internationaux), on atteint en revanche des sommets
dans d’autres secteurs : 22,1% dans le social, 25,7% dans l’enseignement,
31,9% dans la santé, 42,9% dans le développement urbain et 56,4% dans la
culture et le sport (il faut bien " se payer sur la bête " pour financer
les grands travaux de nos nouveaux Pharaons). Le tout, rappelons-le, pour
2,2% du territoire et 18,5% de la population française. A ce régime-là,
le libéralisme le plus débridé n’a pas trop à se fatiguer pour exploiter
les inégalités territoriales comme " variable d’ajustement ".
Ce ne sont évidemment pas les habitants dans leur ensemble de Paris et
d’Ile-de-France qui sont en cause, tant il est vrai que là où les
richesses s’accumulent, les inégalités sociales aussi. Habiter les beaux
quartiers de Neuilly comme Johnny Haliday et Nicolas Sarkozy ou la Cité
des 4000 à La Courneuve, ça vous change l’horizon… Mais c’est un système,
toujours d’actualité, qu’il faut combattre en dotant les Régions d’un
véritable pouvoir de décision politique et d’une réelle capacité budgétaire,
à l’instar des laender allemands, des communautés autonomes d’Espagne
ou des nouvelles institutions écossaises et galloises.
Qui d’autre que l’UDB et ses partenaires de Régions & Peuples Solidaires
pourrait le dire au cours des prochains mois ?
(*) " La Bretagne au cœur du monde nouveau ", ed. Les Portes du Large, 2001.