12 Janvier 2002
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Areva on n'en veut pas !
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Lettre à Monsieur Jean-Yves LE DRIAN
Président de la C.A.P.L.
Monsieur le Président,
Le Défi Français est mort, vive le Défi AREVA !
C’est à peu près en ces termes que Monsieur Xavier de Lesquen,
secrétaire général de feu le Défi Français, et M. Jacques-Emmanuel Saulnier,
directeur de la communication d’AREVA, ont annoncé le " parrainage " de
cette entreprise pseudo-sportive par l’émanation de Framatome, de la Cogéma
et de CEA-Industrie à hauteur de 15 millions d’euros .
Comme vous pourrez le constater en prenant connaissance de la page
d’accueil du site internet de M. de Lesquen, la main mise du consortium
nucléaire sur ce que beaucoup croyaient être un défi sportif ne laisse
rien au hasard. Silence dans les rangs, un vent radioactif souffle
désormais dans les voiles !
En tant qu’élu lorientais et délégué de ma commune au Conseil
de la Communauté d’agglomération du pays de Lorient, je me sens
aujourd’hui trahi et floué. En me prononçant sur l’accueil du Défi Français
sur le site de l’ancienne base des sous-marins de Lorient,
j’avais cru comme l’ensemble de mes collègues qu’il s’agissait
de réunir une ambition sportive et un intérêt local pour la
réhabilitation du site de l’ex-BSM et la promotion des activités
nautiques.
A l’évidence l’ambition sportive, si elle a jamais existé dans la
tête des initiateurs du projet, s’est effacée au profit de la
stratégie de communication du lobby nucléaire.
Mais les fils de pub ont beau être de sacrés filous, ce n’est
pas en masquant l’activité de Framatome, de la Cogéma et du
Commissariat à l’énergie atomique sous le doux nom aux consonances
polynésiennes d’AREVA que l’on abusera les Bretons, pas plus que
le peuple néo-zélandais qui accueillera la Louis Vuitton’s Cup à
partir du 1er octobre 2002 puis l’America’s Cup en février 2003.
Vous connaissez mon opinion et celle de ma formation politique
sur le choix – jamais soumis à débat dans la population – du
nucléaire civil par le régime pompidolien et son entérinement
par les régimes giscardien et mitterrandien qui lui ont succédé.
Aujourd’hui tous les Etats modernes dont les anciens dirigeants
avaient décidé de développer une production d’électricité
d’origine nucléaire – sans jamais pour autant lui donner le
caractère presque exclusif qu’elle a pris en France – y renoncent
et il n’est plus guère que la Chine, où la gestion de l’opinion
publique n’est certes pas un problème, pour y croire encore.
Mais je n’insisterai pas sur ce chapitre. Les faits parlent
d’eux-mêmes : nucléaire et démocratie sont antithétiques.
Je mettrai plutôt l’accent sur les conséquences que le maintien
du Défi AREVA à Lorient ne manquerait pas d’avoir à court terme
sur un plan local et régional. Elles peuvent se résumer en
quelques mots :
- 1) Incohérence politique
- 2) Image ternie
- 3) Menace sur l’avenir de la Bretagne et des Bretons.
L’incohérence politique crève les yeux quand la Communauté
d’agglomération du pays de Lorient vient d’adopter, en décembre 2001,
une Charte pour l’Environnement où la promotion des énergies
renouvelables et la prévention des pollutions de toutes sortes
sont présentées, à juste titre, comme indispensables dans une
stratégie de développement durable. Quelle crédibilité les élus
locaux auraient-ils si le logo de la Communauté d’agglomération
devait s’accompagner d’un macaron radioactif ?..
En second lieu, l’image du pays de Lorient serait évidemment
ternie. D’abord auprès du monde de la voile car la pratique
du nautisme comme des autres sports de glisse est naturellement
associée à un environnement sain et au souci de le préserver.
Ensuite auprès du public néo-zélandais qui n’a oublié ni
l’attentat contre le Rainbow Warrior ni les campagnes d’essais
nucléaires de la France sur l’atoll de Mururoa. Comme
l’a déjà souligné le navigateur Jo Le Guen en réaction
à l’intrusion d’AREVA en Bretagne, pour les voileux d’ici
et d’ailleurs comme pour les Néo-Zélandais, c’est une
" provocation ".
Enfin, en s’implantant de façon aussi spectaculaire en Bretagne
et même si tel n’était pas son principal objectif,
il est évident qu’AREVA utilisera sa présence à Lorient
pour peser de toute son influence, que l’on sait considérable,
dans les décisions politiques afin que l’on puisse passer outre
l’opposition radicale des Bretons aux projets d’enfouissement
de déchets radioactifs dans le granit armoricain comme aux
projets de centrales nucléaires sur le littoral. La menace
pour l’environnement de la Bretagne et la santé des Bretons
est réelle.
Pour toutes ces raisons, le maintien du Défi AREVA à Lorient
n’est pas concevable sauf à partager la responsabilité
d’une acceptation politique du fait accompli, ce que je ne
ferai pas tant qu’il me sera donné de représenter mes
concitoyens. Deux solutions existent pour sortir de la
situation dans laquelle nous nous trouvons: soit M. de Lesquen
se sépare de son généreux " parrain " et recherche ailleurs
les partenaires économiques qui lui permettront de boucler
son budget, soit il quitte le site de l’ancienne base des
sous-marins et le pays de Lorient.
Vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien prêter
à ma démarche, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président,
l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Christian GUYONVARC’H
Maire-adjoint de Lorient
Délégué au Conseil de la Communauté d’agglomération du pays de Lorient
P.S. Copie de cette lettre est adressée à Monsieur Norbert
METAIRIE en ses qualités de Maire de Lorient et de
Vice-président de la Communauté d’agglomération,
chargé du suivi de la reconversion de l’ancienne
base des sous-marins.