DEUXIÈME SECTION

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE KAHRAMAN KORKMAZ ET AUTRES c. TURQUIE

 

(Requête no 47354/99)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

 

STRASBOURG

 

23 janvier 2007

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Kahraman Korkmaz et autres c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

          MM.  J.-P. Costa, président,
                   A.B. Baka,
                   I. Cabral Barreto,
                   R. Türmen,
                   M. Ugrekhelidze,
          Mme   E. Fura-Sandström,
          M.     D. Popović, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 janvier 2007,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 47354/99) dirigée contre la République de Turquie et dont vingt-cinq ressortissants de cet Etat, MM. Kahraman Korkmaz, Müslüm Kütük, Mustafa Özdemir, Mehmet Özdemir, Seyit Ahmet Özdemir, Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz, Namýk Kemal Korkmaz, Müslüm Arar et Mehmet Arar, et Mmes Zeynep Özdemir, Pempe Oðuz, Elif Ateþ, Hatice Özkýlýç, Fatma Korkmaz, Haným Korkmaz (Bozkurt), Döne Korkmaz (Ölçün), Kudret Korkmaz, Emine Kaya, Ýslim Aslan, Güler Korkmaz, Elif Arýkan, Ayþe Kurucu, Ýslim Saðlam et Redife Arar (Kaçar), (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 17 mai 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants sont représentés par Me Yusuf Karataþ, avocat à Þanlýurfa. Dans la présente affaire, le Gouvernement turc ("le Gouvernement") n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.

3.  Invoquant l’article 6 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignaient notamment du retard pris par l’Etat dans le paiement des indemnités complémentaires d’expropriation, assorties d’intérêts moratoires insuffisants par rapport au taux d’inflation très élevé en Turquie.

4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).

5.  La requête a été attribuée à la quatrième puis à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement de la Cour).

6.  Le 4 mars 2003, le président de la troisième section a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement (article 54 § 2 b) du règlement). Se prévalant de l’article 29 § 3 de la Convention, il a également décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l’affaire.

7.  Le 1er novembre 2004, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1 du règlement).

8.  Le 20 septembre 2005, la Cour a invité le Gouvernement à soumettre des observations complémentaires en application de l’article 54 § 2 (c) du règlement. Le 13 octobre 2005, le Gouvernement a présenté ses observations.

9.  Le 23 mai 2006, la Cour a décidé de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et a déclaré la requête recevable à l’exception de la partie concernant Mme Pempe Oðuz. Elle a par ailleurs invité les parties à lui soumettre des observations supplémentaires.

10.  Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

11.  En 1990, l’administration procéda à des expropriations visant des terrains appartenant aux requérants et sis à Þanlýurfa.

12.  En désaccord avec les montants payés par l’administration, les requérants introduisirent auprès du tribunal de grande instance de Birecik (« le tribunal ») des actions séparées en augmentation des indemnités d’expropriation pour chacun des lots.

13.  Le tribunal donna gain de cause aux requérants et condamna l’administration à leur verser des indemnités d’expropriation complémentaires, assorties d’intérêts moratoires simples au taux de 30 % l’an à compter de la date du transfert de chaque bien. Ces jugements furent confirmés par la Cour de cassation et devinrent définitifs.

14.  Dans l’intervalle, le requérant Müslüm Kütük décéda le 28 avril 1996.

15.  Les 10 juin et 21 octobre 1997, l’administration versa aux requérants les compléments d’indemnité en question.

16.  Les détails figurent dans le tableau suivant :

 

NOMS DES REQUERANTS

MONTANT DE L’INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE
(en anciennes livres turques  (TRL))

DATE DE DÉPART DU CALCUL DES INTÉRÊTS MORATOIRES

DATE DE L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION

DATE DU PAIEMENT

MONTANT DU PAIEMENT (TRL)

Lot de terrain no 31 /

village de Meteler

 

Kahraman Korkmaz

Müslüm Kütük

 

 

 

 

2 220 380 000

 

 

 

13.03.1996

 

 

 

23.12.1996

 

 

 

10.06.1997

 

 

 

2 902 309 794

Lot de terrain no 118 /

village de Geçittepe

 

Mustafa Özdemir

Mehmet Özdemir

Seyit Ahmet Özdemir

Zeynep Özdemir

Pempe Oðuz

Elif Ateþ

Hatice Özkýlýç

 

 

 

 

 

 

229 801 685

 

 

 

 

 

28.03.1996

 

 

 

 

 

03.03.1997

 

 

 

 

 

21.10.1997

 

 

 

 

 

284 106 430

Lot de terrain no 195 /

village de Geçittepe

 

Ali Korkmaz

Mustafa Korkmaz

Namýk Kemal Korkmaz

Güler Korkmaz

Fatma Korkmaz

Haným Korkmaz (Bozkurt)

Döne Korkmaz (Ölçün)

Kudret Korkmaz

Emine Kaya

Ýslim Aslan

 

 

 

 

 

 

 

 

8 580 871 909

 

 

 

 

 

 

 

12.03.1996

 

 

 

 

 

 

 

03.03.1997

 

 

 

 

 

 

 

21.10.1997

 

 

 

 

 

 

 

11 933 629 060

Lot de terrain no 155 /

village de Geçittepe

 

Müslüm Arar

Redife Arar (Kaçar)

Mehmet Arar

Elif Arýkan

Ayþe Kurucu

Ýslim Saðlam

 

 

 

 

 

 

3 399 876 640

 

 

 

 

 

13.03.1996

 

 

 

 

 

23.12.1996

 

 

 

 

 

10.06.1997

 

 

 

 

 

4 472 264 335

Lot de terrain no 156 /

village de Geçittepe

 

Müslüm Arar

Redife Arar (Kaçar)

Mehmet Arar

Elif Arýkan

 

 

 

 

 

887 330 206

 

 

 

 

14.03.1996

 

 

 

 

11.11.1996

 

 

 

 

10.06.1997

 

 

 

 

1 129 637 600

 

17.  Le 24 septembre 2001, les décisions d’expropriation concernant les lots de terrain numéros 31, 195 et 156 furent levées en partie et les parts concernées, restituées à leurs anciens propriétaires, moyennant le remboursement des sommes payées auparavant par l’administration.

18.  Les détails figurent dans le tableau suivant :

 

 

NOMS DES REQUERANTS

 

POURCENTAGE DU TERRAIN RESTITUÉ

 

DATE DE LA RESTITUTION

 

MONTANT DU PAIEMENT (TRL)

Lot de terrain no 31 /

village de Meteler

 

Kahraman Korkmaz

[Ayants droits] de Müslüm Kütük

 

 

 

91,53 %

 

 

 

 

30.01.2002

08.03.2002

 

 

 

1 425 798 500

1 425 798 500

 

Lot de terrain no 156 /

village de Geçittepe

 

Müslüm Arar

Redife Arar (Kaçar)

Mehmet Arar

Elif Arýkan

 

 

 

 

 

10,29 %

 

 

 

 

22.01.2002

 

 

 

59 914.057

9.985.676

9.985.676

9.985.676

Lot de terrain no 195 /

village de Geçittepe

 

Ali Korkmaz

Mustafa Korkmaz

Namýk Kemal Korkmaz

Güler Korkmaz

Fatma Korkmaz

Haným Korkmaz (Bozkurt)

Döne Korkmaz (Ölçün)

Kudret Korkmaz

Emine Kaya

Ýslim Aslan

 

 

 

 

 

 

 

34,13 %

 

 

 

 

 

 

 

30.01.2002

 

 

 

 

 

 

 

 

2 415 507 000

135.872.000

135.872.000

135.872.000

452.907.578

135.872.000

135.872.000

135.872.000

135.872.000

135.872.000

 

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

19.  Pour le droit et la pratique internes pertinents en matière d’expropriation, voir les arrêts Akkuþ c. Turquie (arrêt du 9 juillet 1997, Akkuþ c. Turquie, arrêt du 9 juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV, p. ..., § ...1997-IV, pp. 1305-1306, §§ 13-16) et Aka c. Turquie (arrêt du 23 septembre 1998, Recueil 1998‑VI, pp. 2674‑2676, §§ 17-23).

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

20.  Dénonçant l’insuffisance du taux des intérêts moratoires appliqué aux indemnités complémentaires d’expropriation ainsi que le retard mis par l’administration expropriante à s’acquitter de ces sommes, les requérants se disent victime d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats à mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts, des autres contributions ou des amendes. »

A.  Exception préliminaire

21.  Le Gouvernement rappelle qu’en 2002, les lots de terrains numéros 31, 156 et 195 ont été partiellement restitués à leurs propriétaires dont les requérants, en contrepartie des mêmes sommes payées par l’administration en 1997, soit sans aucun intérêt. Ainsi, le Gouvernement soutient qu’eu égard à ces lots, les requérants ne peuvent plus faire valoir un préjudice quelconque au titre de l’article 1 du Protocole no 1. Par ailleurs, le Gouvernement souligne que le droit de propriété des requérants n’a pas été entravé pendant la période antérieure à la restitution de leurs biens, dans la mesure où l’administration n’en a pas fait usage.

22.  Dans leurs observations des 13 mars et 28 juillet 2006, les requérants rétorquent que la levée, du reste partielle, des mesures d’expropriation est intervenue qu’en 2002, étant entendu que le paiement des indemnités complémentaires y afférentes avait été effectué en 1997. Ainsi, ils font valoir leurs pertes encourues pendant ces cinq ans, période durant laquelle l’administration est demeurée en possession de leurs biens. A cet égard, ils déplorent notamment l’impossibilité d’entretenir et d’exploiter leurs terrains qui étaient leur source de revenue principale.

23.  Pour la Cour, la question qui se pose est de savoir si les restitutions partielles des lots en question sont susceptibles de corriger les conséquences éventuelles du retard pris dans le paiement des indemnités complémentaires d’expropriation leur afférentes. La Cour observe qu’une distinction s’impose ; de fait, s’agissant des parts de lots qui n’ont pas fait l’objet d’une restitution (8,47 % du lot no 31, 89,71 % du lot no 156 et 65,87 % du lot no 195), l’évaluation de la perte éventuellement subie doit se faire de la même façon que les lots numéros 138 et 155. Ainsi, eu égard à cette partie de la requête, la Cour ne voit aucune raison de s’écarter de sa jurisprudence établie en la matière et renvoie aux paragraphes 30 à 32 de son arrêt, ci‑dessous.

24.  Quant aux parts restituées, la Cour estime que, si les requérants avaient effectivement subi une certaine perte, celle-ci doit néanmoins passer pour avoir été effacée, non pas en raison de leur restitution mais du fait de la modalité de remboursement favorable aux requérants. De fait, en exigeant de ces derniers, le remboursement sans intérêt des sommes versées en 1997, l’administration a fait profiter les requérants de l’effet de l’inflation et ainsi, réinstallé l’équilibre entre les intérêts des parties.

25.  Il s’ensuit que la partie de la requête concernant le paiement tardif des indemnités complémentaires d’expropriation eu égard aux parts restitués des lots de terrains numéros 31, 156 et 195 est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

26.  Quant à la doléance des requérants, tirée de l’impossibilité d’exploiter les parts en question, la Cour constate que celle-ci a été formulée pour la première fois dans leurs observations du 13 mars 2006. Or, le préjudice allégué en l’espèce doit passer pour être devenu exigible en 2002, à la date de la restitution, soit plus de six mois avant ladite date. Donc, à supposer même que les requérants ne disposaient d’aucune voie de recours par rapport à ce nouveau grief, celui-ci s’avère en tout état de cause tardif.

27.  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

B.  Sur le fond

28.  Dans ses observations complémentaires du 13 octobre 2005, le Gouvernement prie la Cour d’assimiler la présente espèce à l’affaire Akkuþ (précitée).

29.  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour ne se considère pas comme liée par celle que leur attribue le Gouvernement. Ainsi, elle estime que la présente affaire est aussi comparable à l’affaire Aka (précitée), comme cela a été indiqué dans la lettre du 22 septembre 2005, adressée au Gouvernement en application de l’article 54 § 2 (c) du règlement de la Cour.

30.  La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 1 du Protocole no 1 (voir Akkuþ, précité, p. 1310, §§ 30-31, et Aka, précité, p. 2682, §§ 50-51).

31.  La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Elle constate que le retard pris dans le paiement de l’indemnité complémentaire accordée par les juridictions internes n’est imputable qu’à l’administration expropriante, qui a ainsi fait subir aux propriétaires un préjudice distinct s’ajoutant à l’expropriation de leurs biens. C’est ce retard, doublé de la durée effective totale de la procédure en question, qui amène la Cour à considérer que les requérants ont eu à supporter une charge spéciale et exorbitante qui a rompu le juste équilibre devant régner entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens.

32.  Par conséquent, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

33.  Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage matériel et moral

34.  Les requérants affirment devoir être dédommagés pour un préjudice matériel qu’ils évaluent à 192 214 dollars américains (USD) (environ 149 967 euros EUR)) au total. Ils réclament en outre une compensation morale qu’ils évaluent à 15 000 USD (environ 11 703 EUR).

35.  Le Gouvernement estime ces demandes non justifiées et excessives.

36.  Considérant le mode de calcul adopté dans l’arrêt Aka (précité, p. 1311, §§ 35-36 et 39) et à la lumière des données économiques pertinentes, la Cour accorde les sommes suivantes au titre de dommage matériel :

-  Pour le lot de terrain no 31, une somme totale de 1 272 EUR à M. Kahraman Korkmaz et aux ayant droits de M. Müslüm Kütük, conjointement ;

-  Pour le lot de terrain no 118, une somme totale de 2 259 EUR à Mmes Zeynep Özdemir, Elif Ateþ et Hatice Özkýlýç, et à MM. Mustafa Özdemir, Mehmet Özdemir et Seyit Ahmet Özdemir, conjointement ;

-  Pour le lot de terrain no 195, une somme totale de 51 343 EUR à Mmes Güler Korkmaz, Fatma Korkmaz, Haným Korkmaz (Bozkurt), Döne Korkmaz (Ölçün), Kudret Korkmaz, Emine Kaya et Ýslim Aslan, et à MM. Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz et Namýk Kemal Korkmaz, conjointement ;

-  Pour le lot de terrain no 155, une somme totale de 22 747 EUR à Mmes Redife Arar (Kaçar), Elif Arýkan, Ayþe Kurucu et Ýslim Saðlam, et à MM. Müslüm Arar et Mehmet Arar, conjointement ;

-  Pour le lot de terrain no 156, une somme totale de 5 639 EUR à Mmes Redife Arar (Kaçar) et Elif Arýkan, et à MM. Müslüm Arar et Mehmet Arar, conjointement.

37.  Quant au préjudice moral, la Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante.

B.  Frais et dépens

38.  Les requérants demandent 10 000 USD (environ 7 801 EUR) pour les frais et dépens encourus devant les organes de Strasbourg.

39.  Le Gouvernement estime cette demande non justifiée.

40.  La Cour rappelle qu’au titre de l’article 41 de la Convention, elle rembourse uniquement les frais dont il est établi qu’ils ont été réellement et nécessairement exposés et sont d’un montant raisonnable (voir, parmi beaucoup d’autres, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II).

41.  Bien que la demande des requérants ne soit ni chiffrée ni documentée, compte tenu des éléments en sa possession et de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime raisonnable de leur accorder conjointement la somme de 1 000 EUR à ce titre.

C.  Intérêts moratoires

42.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête irrecevable quant aux griefs tirés de l’impossibilité d’exploiter pendant cinq ans les parts restituées des lots de terrains numéros 31, 156 et 195 et du paiement tardif des indemnités complémentaires d’expropriation afférentes à ces derniers ;

 

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 concernant les lots de terrains numéros 118 et 155 ainsi que concernant les parts non restituées des lots numéros 31, 156 et 195 ;

 

3.  Dit que le présent arrêt constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral ;

 

4.  Dit

a)  que lEtat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes plus tout montant pouvant être dû au titre de taxes, droits de timbres et charges fiscales exigibles au moment du versement, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement :

i.   pour dommage matériel,

-  1 272 EUR (mille deux cent soixante-douze euros) à M. Kahraman Korkmaz et aux ayant droits de M. Müslüm Kütük, conjointement ;

-  2 259 EUR (deux mille deux cent cinquante neuf euros) à Mmes Zeynep Özdemir, Elif Ateþ et Hatice Özkýlýç, et à MM. Mustafa Özdemir, Mehmet Özdemir et Seyit Ahmet Özdemir, conjointement ;

-  51 343 EUR (cinquante et un mille trois cent quarante trois euros) à Mmes Güler Korkmaz, Fatma Korkmaz, Haným Korkmaz (Bozkurt), Döne Korkmaz (Ölçün), Kudret Korkmaz, Emine Kaya et Ýslim Aslan, et à MM. Ali Korkmaz, Mustafa Korkmaz et Namýk Kemal Korkmaz, conjointement ;

-  22 747 EUR (vingt-deux mille sept cent quarante sept euros) à Mmes Redife Arar (Kaçar), Elif Arýkan, Ayþe Kurucu et Ýslim Saðlam, et à MM. Müslüm Arar et Mehmet Arar, conjointement ;

-  5 639 EUR (cinq mille six cents trente-neuf euros) à Mmes Redife Arar (Kaçar) et Elif Arýkan, et à MM. Müslüm Arar et Mehmet Arar, conjointement ;

ii. 1 000  EUR (mille euros) pour frais et dépens aux requérants, conjointement;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

 

 

Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 janvier 2007 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

      S. Dolle                                                                            J.-P. Costa
        Greffière                                                                                 Président