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Studio Magazine
December 2000



ONDE DE CHOC


Il a fini l'année en beauté en faisant l'unanimité dans « Les Rivières Pourpres », de son pote de « La Haine » et il sera l'un des héros du premier film évênement de 2001 : « Le Pacte des Loups » de Christophe Gans. Un acteur en pleine évolution, qui ne cesse de surprendre et de séduire. Un acteur entre deux films. Belle occasion de faire le point hors promotion.

LUNDI 30 OCTOBRE. Ménilmontant. Alors que la tempête souffle sur Paris, Vincent Cassel nous a donné rendez-vous chez lui, dans une belle maison claire et accueillante. Grand, charismatique, immédiatement sympathique, cet homme de 34 ans vous transmet , en un regard bleu et limpide, son énergie, son côté volontariste et fonceur... Simple et sans détour, Vincent Cassel paraît être un homme heureux. Heureux de son parcours d'homme, puisqu'il est marié à Monica Bellucci. Heureux de son parcours d'acteur, qui vient d'être couronné par le succès public des « Rivières Pourpres », son troisième film sous la direction de son ami Mathieu Kassovitz. Et qui, dès le 31 janvier, devrait attirer à nouveau l'attention, puisqu'il est l'un des héros du « Pacte des Loups » de Christophe Gans, où il joue un personnage tordu. « C'est la dernière fois... » dit-il en souriant.

- « Les Rivières Pourpres » va dépasser 3 millions d'entrées, vous tournez un film avec Willem Dafoe et, en janvier, alors que sortira « Le Pacte des Loups », vous commencerez « Sur mes Lèvres » de Jacques Audiard. Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui ?
Je me sens exactement là où je dois être. C'est important que « Les Rivières ... » ait fonctionné, parce que ce film était fait pour marcher. Il devait nous aider à ouvrir des portes, à monter plus facilement certains projets. On voulait aller vers quelque de plus accessible, le pari est donc gagné. Vous savez, pendant presque un an j'ai refusé toutes les propositions parce je voulais réaliser mon film. Puis j'en ai eu marre de dire non à tout. Alors, quand Mathieu m'a proposé « Les Rivières ... » j'ai accepté et j'ai récupéré in extremis « Le Pacte des Loups » , que j'avais d'abord refusé...

- Pourquoi ?
Parce que, dans le scénario qu'on m'avait donné à lire, mon personnage n'était pas abouti - ce à quoi je fais davantage attention maintenant. Même si Gans faisait partie des réalisateurs avec lesquels je souhaitais travailler, je ne voulais pas me retrouver à nouveau dans une situation « dobermannienne » , où le personnage que j'avais à défendre manquait de chair ! C'est difficile de rendre un personnage intéressant si, déjà à l'écriture, il lui manque quelque chose.

- Christophe Gans a donc retravaillé votre rôle ?
Je n'ai même pas eu le temps de lui parler ! Monica, qui joue dans le film et avait donc le script à la maison, m'a poussé à le relire en me disant que le rôle avait été réécrit. Et effectivement, il était devenu exactement ce que j'avais envie de jouer, c'est-à-dire un truc vraiment tordu... J'ai sauté sur mon téléphone pour dire à Gans et aux producteurs que j'avais fait une erreur et les convaincre de me prendre ! J'ai vraiment fait des pieds et des mains pour être dans « Le Pacte des Loups » ... Je me suis même cassé en plein milieu des « Rivières ... »- qui avait pris pas mal de retard - pour le commencer. A cause de la neige, on était bloqués en pleine montagne. La production ne voulait plus me laisser partir, alors qu'initialement elle m'avait donné son accord. Je suis donc allé voir Mathieu pour lui expliquer que j'étais désolé, mais que je devais y aller. Il m'a dit : « Tu t'en vas vraiment ? » J'étais mal, mais j'ai quand même pris le train...

- Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans le succès des « Rivières Pourpres » ?
En fait, même s'il y a quelque chose dans « Les Rivières ... » qui n'est pas totalement abouti, je suis heureux que ce film ait rencontré son public. Il a de grandes qualités visuelles et de divertissement.

- Justement, avez-vous compris ceux qui pouvaient reprocher au tandem de « La Haine » de faire un film de genre, moins ambitieux dans son propos ?
Bien sûr. Ce n'est pas non plus que je sois d'accord avec ça, mais je comprends. Encore une fois, c'est très important de savoir pourquoi on fait les choses. Notre envie était de faire un film de genre qui soit avant tout un divertissement. Un film qui soit efficace, mais dans lequel nous n'avions pas particulièrement envie de prouver quoi que ce soit. Il y a plein de films qui ont été faits dans cet esprit-là et que j'adore. Pour péter plus haut que notre cul, qui a reproché à Scorsese d'avoir fait « Les Nerfs à Vif » ? Et puis, c'était bien que le réalisateur d' « Assassin(s) » ait envie de faire un film différent où il pouvait s'amuser.

- Dans le film, vous avez avec Jean Reno des rapports père-fils. C'était la même chose sur le plateau ?
C'est plus complexe que cela. Comme mon personnage, avant même de tourner, j'avais de l'admiration pour lui, mais j'ai refusé de me mettre dans cette position-là. Aussi, quand il me disait : « Tu devrais peut-être faire comme ça... », je l'envoyais balader et ça l'amusait. Jean ne joue ni les pères ni les grands frères. Il est parfois content que tu le regardes comme ça, c'est tout. C'est surtout un homme généreux, adorable, toujours prêt à arranger les choses.

- Est-ce un hasard si, pour la première fois depuis longtemps, vous avez dans « Les Rivières ... » la même tête que celle que vous avez dans la vie, ou est-ce parce que, aujourd'hui, vous vous acceptez mieux physiquement ?
C'est un tout. En dehors du fait que je trouve ça ludique et agréable de se grimer, c'est un concours de circonstances et surtout une direction de Mathieu. Comme, au départ, il ne savait pas trop quoi me raconter sur le personnage, qui avait beaucoup évolué par rapport au roman, il m'a dit : « Ce flic, c'est toi ! » En me disant ça, instinctivement, il s'est rendu compte que finalement ça pouvait être une voie assez intéressante à prendre. C'est vrai qu'on m'avait quasiment toujours vu dans des rôles de composition ; là, il voulait me mettre dans une situation où je n'ai pas d'autre porte de sortie que d'être moi. Et pourtant, dans le film, je ne suis pas moi… Enfin, bizarrement, on pourrait dire que c'est moi plus jeune. Quant au fait de mieux s'accepter dans la vie, c'est quand même le but. Il y a tellement de choses qui bougent autour de moi que ce serait bête de ne pas évoluer. Mais ça m'intéresse encore beaucoup de jouer des rôles de composition.

- On a l'impression que, jusqu'à présent, les rôles où vous sembliez le plus épanoui étaient justement les rôles de composition...
A mes yeux, c'est dans « La Haine » et « L'Appartement » que mon travail d'acteur me paraît être le plus abouti. « L'Appartement », même s'il n'a pas été un succès, est un film que je défends. Pour Gilles ( Mimouni ) que je vais d'ailleurs retrouver au printemps, avec « The Pretender », une formidable histoire d'espionnage. Et puis... c'est sur « L'Appartement que j'ai rencontré Monica.

- Vous regrettez que, par la suite, on n'ait pas davantage exploité cette veine romanesque ?
C'est un peu de ma faute. « L'Appartement est le premier film que j'ai fait où j'ai eu le sentiment que mon père ( Jean-Pierre Cassel ) aurait pu le faire, jeune... En fait, j'ai vachement cherché à aller justement dans l'autre sens. Aujourd'hui, je referais bien un film romantique...

- Vous trouvez que les gens ont une image juste de vous ?
Je ne sais pas bien quelle image les gens peuvent avoir de moi, parce que j'ai moi-même du mal à avoir une image de moi. ( Rires ) J'ai fait pas mal de films différents, je ne livre pas beaucoup d'infos sur ma vie privée, donc tout cela donne une image assez vague de ce que je suis. Mais, finalement, cela permet aux réalisateurs d'imaginer tout ce qu'ils veulent...

- En quoi pensez-vous avoir le plus changé depuis vos débuts ?
Je suis plus calme. En tout cas, ça va mieux. J'ai sans doute aussi plus conscience de ce que je fais. Je sais mieux comment marche ce métier, la manière dont j'ai envie de me positionner. Je m'explique même certains de mes choix qui, à l'époque, étaient inconscients. Je mûris...

- Enfant, vous rêviez à quoi ?
A plein de choses et pas forcément à ce métier ! La première fois où je me suis senti fort, c'est quand j'ai commencé, à 16 ans, à faire des spectacles de danse et d'acrobatie. Quand je marchais dans la rue et que j'imaginais toutes les possibilités qui s'offraient alors à moi, je me sentais vraiment en prise avec la vie. Après, il y a eu le théâtre, avec Xavier Durringer, qui m'a permis de retrouvé ce genre de sensations. Puis le cinéma...

- En quoi le fait d'avoir toujours baigné dans le cinéma vous a-t-il aidé à vous faire votre propre opinion sur ce métier ?
Pendant longtemps, cela a été un complexe d'être « le fils de... ». C'est pour ça que je courais tellement loin de cette image. De son image. Ce n'est pas toujours facile pour un enfant d'avoir un père acteur. Ne serait-ce que parce qu'il est forcément moins disponible qu'un autre. En plus, ce sont souvent des gens - je suis le premier à être comme ça - qui sont très axés sur eux-mêmes et sur leur évolution personnelle. Aujourd'hui, cependant, je me rends compte de l'avantage que ça représente d'être le fils de... D'autant plus que j'ai la chance d'avoir un père qui n'est pas fou. En tout cas, sa folie n'est pas nocive pour son entourage, alors que dans ce métier il y a quand même pas mal d'allumés... Mon père m'a appris des tas de petits trucs, des choses simples. Il y a des phrases que j'entends depuis longtemps, mais qui ne me servent que maintenant. Mon père m'a poussé à être calme, en retrait, à avoir de l'humilité. Pour être totalement honnête, je dois aussi avouer que j'ai surtout appris en l'observant. Il y a quelque chose d'assez cruel là-dedans, parce que je crois qu'on apprend beaucoup des erreurs de ses aînés. Les temps changent, mais il y a des choses que je ne pourrais pas faire et je pense qu'il le sait... Je me rends compte de tout ce que j'ai appris sur ce métier juste en le regardant. Et cela, avant même de savoir qu'un jour je serais acteur. Je me souviens de ses engueulades avec son agent, des moments de doute, des périodes où le téléphone sonnait moins... D'avoir baigné là-dedans m'a inconsciemment donné un certain acquis.

- Est-ce que d'exercer le même métier vous a rapproché ?
La première fois où j'ai eu la sensation d'avoir un rapport de parité, ou disons d'échange complètement fluide, avec mon père, c'est le jour où je suis rentré de boîte à 5 heures du matin et que je l'ai vu travailler son texte. Tout à coup, on parlait de quelque chose qui nous était commun, parce qu'à l'époque, j'étais déjà dans ce métier. Tout à coup, je voyais une personne plutôt qu'un membre de ma famille.

- A quel âge vous êtes-vous avoué que vous vouliez être acteur ?
A 15 ans, j'ai commencé à le revendiquer. Mais j'avais surtout envie d'être dans le monde du spectacle. Je dansais depuis un moment déjà, mais la danse, c'était quelque chose de très premier degré, de très physique, un moyen de dépenser de l'énergie... Quand, à 16 ans, j'ai vu que mes études partaient en couille, j'ai compris qu'il fallait que je prenne mon destin en main. Mes parents ont voulu m'inscrire dans une autre boîte à bac, mais j'ai réussi à les convaincre de me laisser aller à l'école du cirque. Après, je suis entré comme acrobate chez Renaud-Barrault. Là, j'ai eu mon autonomie financière. J'avais 18 ans et je me sentais libre. J'ai suivi pas mal de cours de comédie à Paris et à New York.

- Vous avez dit qu'au départ, l'une des choses qui vous a motivé, c'était le fait d'être reconnu...
Exact ! Ma première pulsion a été : « Je veux qu'on sache qui je suis ! » Ensuite, une fois qu'on est un peu reconnu, les centres d'intérêt se déplacent, on donne moins d'importance à ces choses-là, on part à la découverte de soi... Avec les années, j'ai compris aussi que la reconnaissance dont j'avais le plus besoin n'était pas celle de mes pairs, mais plutôt celle de mes contemporains.

- Il y a souvent une grande violence dans vos personnages...
J'ai en moi une violence totalement réprimée. Dans la vie, j'ai presque honte quand elle sort. Je suis content d'avoir fait des films où j'ai pu exprimer ce versant de ma personnalité, parce que ça m'a finalement aidé à l'extérioriser. Avant, j'étais fluorescent par besoin d'être et le fait d'obtenir une certaine reconnaissance m'a permis de disparaître.

- Et votre goût pour les personnages pervers, il vient d'où ?
De cette peur que j'avais de ne pas être assez profond. D'être superficiel. J'avais l'impression que pour exister et être intéressant, il fallait que j'aille chercher dans les aspects les plus bizarres de ma personnalité. Il n'y avait que ça qui pouvait être intéressant en moi. Tout le reste me paraissait trop simple ou trop banal. En plus, c'est passionnant de voir où tes doutes t'entraînent, car tu t'aperçois très vite... qu'ils te ramènent au point de départ. J'ai donc compris que je me retrouvais dans la situation que j'essayais de fuir et qu'au lieu d'être le jeune premier, j'allais être... le jeune méchant !

Comment avez-vous rencontré Mathieu Kassovitz ?
Vers le milieu des années 80, en vélo dans les Halles ! C'était la période du hip-hop, le début des soirées rap... On est très vite devenus amis.

- Votre premier film important, c'est « Métisse »...
C'est la première fois, en tout cas que j'avais de l'espace pour faire ce que j'avais envie de faire. Mathieu, qui jouait le premier rôle, n'avait jamais pris de cours de comédie. Je ne vous dis pas la claque que j'ai prise la première fois où je l'ai vu faire l'acteur ! C'était incroyable... « Métisse », pour nous c'était un énorme terrain de jeu. Avec personne pour nous dire ce qu'il fallait faire. Il y avait plein de perspectives qui s'ouvraient soudain à nous, c'était grisant.

- Et quand il vous a proposé « La Haine », avez-vous tout de suite senti que vous aviez une bombe entre les mains ?
Une bombe, je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que j'ai tout de suite senti que quelque chose de très important était en train de se passer pour nous. Nous étions exactement là où nous voulions être...

- Vous avez dit que le triomphe de « La Haine » vous avait aussi rendu moins souple, plus méfiant...
J'avais certes une notion de la réalité de ce métier, mais quand tu l'expérimentes, ce n'est pas pareil. Le succès change tellement de choses autour de toi : les sourires, le comportement des gens... Moi, ça m'a choqué. Ça m'a même un peu déprimé, parce que, tout à coup, la force de l'image fait que les gens ne te voient plus pour ce que tu es. Même s'il m'est arrivé de me prendre un peu la tête, je n'ai jamais pété les plombs. Le cinéma, c'est aussi merveilleux qu'un tour de magie, c'est un métier de magicien, mais il faut être conscient de son côté artisanal. Je ne me considère pas comme un artiste, même si j'aimerais en être un, mais plutôt comme un artisan.

- Je me souviens vous avoir interviewé juste après la sortie de « La haine », vous aviez sans cesse les larmes aux yeux...
C'est tellement d'émotion, tout ça ! Après, avec le temps, tu prends les choses un peu différemment. Mais de voir tes rêves aboutir, c'est à la fois magique et déstabilisant.

- Cela ne symbolisait-il pas aussi, pour vous, la fin de quelque chose ?
Je ne l'ai pas analysé ainsi. Mathieu, lui, était très comme ça. Il n'arrêtait pas de dire : « Ça y est, on vient de dire adieu à notre jeunesse... » Même si je comprenais ce qu'il voulait dire, je n'étais pas d'accord, parce que j'étais persuadé qu'il y aurait encore plein d'autres belles aventures. Et j'avais raison...

- À l'époque, vous disiez : « On va tous les niquer ! » Était-ce de la provocation ?
Je me sens toujours pareil, même si maintenant je vois les choses autrement. Au fond de nous, on voulait uniquement niquer ceux que notre présence dérangeait. On revendiquait notre envie d'être différents, notre besoin de faire bouger les choses... Il y a tellement de petits chemins déjà tout tracés qu'on te pousse à prendre... Moi, par exemple, si je ne m'étais pas un peu rebellé, j'aurais suivi le parfait parcours du jeune premier, de l' « espoir du cinéma français ». Je voulais justement échapper à tout ça. Échapper à ce qu'on attendait de moi. Le cinéma, c'est beaucoup plus vaste et incroyable que ça...

- Et quand, deux ans plus tard, vous avez été attaqués, lui pour « Assassin(s) » et vous pour « Dobermann », vous vous êtes rejetés ?
Pas du tout !

- Vous ne vous êtes pas dit que le système prenait sa revanche sur vous ?
Concernant Mathieu, c'est évident. Moi, sans doute parce que je n'étais qu'acteur, j'ai été plus épargné, même s'il y a eu quelques papiers assez méchants. Mais ce n'était pas plus mal que ça nous arrive au même moment. On s'est sentis d'autant plus proches.

- Après « Dobermann », vous avez enchaîné avec des seconds rôles en anglais, dans « Elizabeth » et « Jeanne d'Arc »... C'était une manière de vous protéger après la tempête ?
Non, je voulais juste faire mon film.

- C'était quoi, votre film ?
Un film très noir sur le milieu de la boxe à Ménilmontant... Aujourd'hui, je ne sais pas si je le ferai un jour. Ni même si j'en ai encore envie. Je ferais bien un musical ! ( Rires ) J'avais réalisé deux courts métrages et cela m'avait rendu tellement heureux que je voulais passer au long. Seulement, pour passer au long, il faut du temps. Beaucoup de temps. Et pour ça, il aurait fallu que je renonce aux « Rivières Pourpres », au « Pacte des Loups »... Même à « Birthday Girl » de Jez Butterworth, ce film que j'ai tourné en Australie avec Nicole Kidman et Mathieu.

- Comment ce projet vous est-il arrivé ?
« Elizabeth » a été important pour moi aux Etats-Unis. Les gens ont très bien réagi. Un jour, mon agent américain m'a demandé si, avec Mathieu, nous voudrions jouer les cousins russes de Nicole Kidman ! On a accepté et on est partis deux mois en Australie avec elle ! Elle nous a présenté Tom Cruise. C'était vraiment très drôle...

- Vous avez l'impression, avec Kassovitz, d'être un repère l'un pour l'autre ?
Je ne sais pas. En revanche, ce dont je me rends compte, après avoir rencontré Kounen, Gans, Mimouni, Boukhrief, c'est que j'ai une identité en tant qu'acteur. Ça me donne le sentiment d'être fort et, par rapport au reste du métier, aussi large et international soit-il, je me sens les pieds bien plantés dans le sol. J'échappe un peu à la frayeur que tous les acteurs connaissent qui est de s'interroger sur ce qu'on va faire le lendemain, sur ce qu'on va devenir... Non pas que je sois dans l'expectative de retravailler avec eux, mais j'ai l'impression de participer à une aventure qui me ressemble. Je me sens également proche de Caro, Jeunet, Megaton, Gaspar Noé... Il y a quelque chose entre nous, le sentiment d'appartenir à une vague très contemporaine... De toute façon, j'aime cette notion de clan. Pourquoi ne pas faire ce métier avec les gens que tu aimes le plus quand tu en as la possibilité ? Moi, depuis toujours, je rêve devant ces fameux couples de cinéma que sont Fellini-Mastroianni, Scorsese-De Niro, Ferreri-Piccoli... Je rêve devant toutes ces histoires de cinéma qu'on te raconte. Tous ces projets qui sont nés entre deux potes qui mangeaient ensemble un plat de pâtes dans une cuisine et se parlaient de leurs problèmes, de leurs peines comme de leurs espoirs... C'est ça la vie, l'amitié, alors pourquoi le cinéma ne naîtrait pas de ce vécu-là ?

- « Le Pacte des Loups » est justement le cinquième film que vous tournez avec votre femme, Monica Bellucci...
Sans compter les courts métrages ! Monica, c'est tout ce que j'aime en tant qu'actrice. Vous allez voir ce qu'elle fait dans « Malèna », le film de Tornatore qui vient de sortir en Italie et qui cartonne. C'est elle dans son plus incroyable potentiel de femme italienne, avec toute la gravité et l'émotion que ça signifie. Monica, c'est une actrice et une femme qui m'inspirent. Pourquoi est-ce que je me priverais de travailler avec elle ?

- Il y a quelques années, vous disiez : « Je ne suis ni nostalgique ni passéiste. Je vis à mort dans le présent. Ce serait con de rater quelque chose. » Avez-vous raté des choses ?
Si je les ai ratées, c'est que je ne les ai pas vues. Avant, j'avais toujours l'impression de ne pas vivre le présent, d'être toujours décalé par rapport à ce qui se passait, de ne pas savoir saisir les occasions qui se présentaient à moi. Du coup, j'ai développé le contraire. L'autre jour, un ami m'a dit : « Tu te rends compte, Vincent, que tu passes ton temps à t'amuser, à jouer ?... » Et, effectivement, j'ai du mal à rester en place. Soit je travaille, soit je vais courir, soit je vais faire du skate... Est-ce que c'est ça, vivre chaque instant ? Je n'en suis pas sûr. Je fais facilement appel à mon corps quand je me perds. Mais je commence à entrevoir d'autres choses... Il y a beaucoup de changements dans ma vie, en ce moment. Je me suis marié il n'y a pas très longtemps et tout à coup, j'ai compris l'importance de mes choix. Pas seulement à cause du mariage, mais aussi de ce que tu fais de ta vie...

- Alors, aujourd'hui, qu'est-ce que vous attendez de ta vie ?
J'aimerais arriver à avoir une conscience cosmique. Arriver à échapper encore plus au côté un peu ridicule du quotidien. Je me sens un peu restreint dans ma manière de vivre. Je souhaiterais être plus libéré, parce que je vois bien que, même en vieillissant, on continue toujours à se poser les mêmes questions, on continue à être dans la même merde, à avoir les mêmes frustrations... Voilà, c'est ça que j'attends de la vie : me libérer ; mais, pour ça, putain, y a du boulot !

Interview by Thierry Klifa


Taken from Mr Cassel's official website.
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