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Studio Magazine
July-August 2003



INTERVIEW


- Vous n'étiez pas censé faire le film au départ. Comment vous êtes-vous donc retrouvé impliqué dans « Agents Secrets » ?
« Blueberry » non plus, je n'étais pas censé le faire ! C'est mon destin ! ( Rires. ) J'avais vu « Scènes de Crimes » et je comprenais très bien que Monica ait envie de jouer dans le deuxième film de Frédéric Schoendoerffer. Je me souviens même m'être dit : « Tiens, voilà un mec de ma génération super intéressant, avec qui, pourtant, je ne tourne pas... » ( Rires. ) Et puis, il y a eu le désistement de Benoît Magimel ( parti faire « Les Rivières Pourpres 2 » - que... Cassel avait refusé ) et, très vite, il a été évident pour tous que ce serait moi qui ferais le film. Pourtant, je n'étais pas parti pour accepter. Je venais de passer six mois sur « Blueberry », où je m'étais impliqué corps et âme ; je n'étais pas pressé de retravailler. Puis j'ai rencontré Frédéric, j'ai lu le scénario. Et, à partir de là, je ne pouvais plus refuser. Que Monica fasse partie du projet a aussi été déterminant. Je me suis dit : « Comme ça, je la bloque pendant trois mois ! » ( Rires. )

- Qu'est-ce qui vous a frappé la première fois que vous avez rencontré Frédéric Schoendoerffer ?
Son enthousiasme. Lorsqu'un metteur en scène est très enthousiaste, c'est difficile de lui dire non, parce que c'est la chose la plus communicative. Mais chez Frédéric, il n'y a pas que ça. C'est un vrai cinéaste. Derrière l'enthousiasme, il y a un sérieux, une rigueur - ce qui n'empêche pas la folie. Lorsqu'il parle du film, il commence à s'agiter, à gesticuler, des rougeurs lui viennent, on sent que tout ça lui tient très à coeur, que c'est essentiel, vital même. Et puis, son scénario était à l'image de ce que j'avais vu du mec. Et de ce que j'avais aimé dans « Scènes de Crimes » : ce travail sur la crédibilité, cette envie d'être sec, aride, dur... Par ailleurs, c'est un univers que j'avais l'impression de ne pas encore avoir visité. Jusque-là, j'étais plutôt allé dans le lyrique, le baroque ou le très efficace. Pas, ou rarement, dans le quotidien. Même si le plateau d' « Agents Secrets » me fait penser à celui de Jacques Audiard. D'ailleurs, j'ai le même sentiment de facilité sur ce film que lorsque j'ai tourné « Sur mes Lèvres ». Alors que « Blueberry », c'était comme courir un marathon... Je parle de facilité ; en même temps, j'ai commencé le film par l'un des trucs les plus durs que j'ai faits de ma vie : un saut en parachute.

- C'est pourtant vous qui l'avez voulu...
Oui. Cela a même été l'une de mes motivations pour faire le film ! J'en rêvais depuis longtemps. J'ai demandé à sauter moi-même. L'assurance n'a pas voulu. J'ai insisté, bravache, disant que, sinon, je ne faisais pas le film ! La production m'a alors proposé de faire la préparation tout seul, de mon côté, et de tourner la scène à la fin du tournage. J'ai refusé : qu'au moins, on partage les risques ! Ils ont cédé. Je me suis donc entraîné et quelques mois avant le vrai début du tournage, on a filmé la scène. Autant j'adorais sauter pendant l'entraînement, autant, pour le film, cela a été dur. En plus du saut, il y avait d'autres préoccupations : être dans la lumière, ne pas foirer le plan, tout ça en tombant à 200 km à l'heure ! Mais sinon, quel pied... J'ai trouvé ça culotté de la part d'Éric ( Névé, le producteur ) et de Frédéric d'accepter qu'on fasse ça sans assurance, et, eux, ils ont trouvé culotté que j'aille jusqu'au bout, juste pour le film. Ça a tout de suite fait de nous des amis ! Je me rends compte aujourd'hui qu'un film me prend bien plus que ce que je suis prêt à donner. J'ai d'ailleurs le sentiment d'être passé très récemment à quelque chose de plus adulte, je sens que j'ai pris du poids, j'ai un peu changé de gueule, j'ai pris des cheveux blancs... Comme si le film s'imposait à moi.

- Dans ce sujet des agents secrets, qu'est-ce qui vous touche ?
Il y a un truc qui est venu très vite dans nos conversations avec Frédéric et Monica, c'est le parallèle entre agent secret et acteur. Il y a de grandes similitudes entre les deux métiers. Faire semblant tout en étant crédible, tout en étant sincère... Le problème de l'identité me passionne : Qui est-on ? Comment arrive t-on à changer d'identité tout en restant soi-même, sans jamais se perdre ? Ce sont des questions que je me pose depuis toujours, depuis qu'adolescent, je m'amusais à me faire passer pour un autre. Là, à plus forte raison. C'est comme un jeu de miroirs à l'infini... Une autre chose me touche chez les agents secrets : on ne peut partager ce qu'on vit avec personne, on est obligé de faire des trucs abominables sans savoir toujours pourquoi, et, le jour où ça merde, personne ne vous connaît et vous êtes le premier fusible à sauter. Pourquoi le fait-on alors ? Pour sa patrie ? J'ai un peu de mal avec cette notion un peu désuète à mes yeux. Pour sa religion ? Quelques-unes peut-être, pas les autres... Non, par romantisme. Pour renouer avec son enfance, quand on rêvait d'être un action man. Mais plus encore pour ne pas mener la vie de tout le monde, pour vivre en marge de tout. Il y a dans leur destin de la nostalgie et de la mélancolie...

- Quel est, selon vous, le meilleur atout d'actrice de Monica ?
Son meilleur atout d'actrice - et de femme aussi ! -, ce n'est pas sa beauté, mais son intelligence. Son intelligence des gens et des choses. Elle est très perspicace, très attentive aux autres et a une grande faculté à les mettre à l'aise. Travailler avec elle, je dirais, pour mettre à part toute notion de couple, que c'est comme lorsque je retrouve Mathieu ( Kassovitz ) : ensemble, on va plus directement à l'essentiel. En plus, c'est une bosseuse incroyable. Elle a une curiosité de cinéma qui est rare. Elle est touchée par les metteurs en scène, elle est très à l'écoute... En règle générale, je l'avoue, je m'intéresse plus aux acteurs qu'aux actrices - c'est déjà bien de le reconnaître ! Mais elle, elle a quelque chose que peu d'actrices ont. Une manière de dépasser le réel, de faire rêver. J'aime la regarder jouer...

Interview by Jean-Pierre Lavoignat


Taken from Mr Cassel's official website.
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