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Technikart
February 2004



BLUEBERRY SORT LES FLINGUES


Il a joué dans "la Haine", "le Pacte des loups", "Irréversible", "Sur mes lèvres" et, aujourd'hui, "Blueberry". Vincent Cassel est la seule vraie star française de moins de 40 ans qui n'ait pas fait ses débuts à "Nulle Part ailleurs". Et il dit même merde à Besson. Ici même.


- " Blueberry", tu signes pour le projet western ou en sachant que ce sera un film trip ?
Je savais plus ou moins la direction que Jan voulait prendre. Mais j'avais peur de le suivre chez les chamanes, j'avais pas envie d'en revenir aussi transformé que lui. J'ai fini par y aller, parce que les psychotropes m'ont toujours intéressé. Les acides que j'ai pris à 17 ans, je ne les ai jamais regrettés. Ils m'ont libéré de beaucoup de choses, de mon éducation, de mon milieu. On ne peut pas tout ramener de ces états-là, mais ce qu'on en ramène est constructif. Alors, dans un cadre plus structuré comme le chamanisme, forcément, ça m'intéressait.

- L'expérience " Dobermann", c'était un plus ou un moins ?
J'avais un petit regret sur Dobermann. A l'époque, j'avais rué dans les brancards et constaté que ça avait fait peur à Jan. C'était son premier film et je n'étais pas encore prêt à déstabiliser un metteur en scène. Du coup, j'avais calmé le jeu. Mais quand j'ai vu le film, je me suis dit : " Bien fait pour ta gueule. Tu croyais t'en sortir sur ton charme naturel et voilà, tu t'es fait baiser : t'as l'air d'un portemanteau. " En tant qu'acteur, j'ai été déçu. Mais j'adore le film et je suis content de l'avoir fait, pour ce qu'il a représenté, son attitude. Je ne me sens pas issu du cinéma français. J'ai grandi avec le cinéma américain, même si en lisant le Nouvel Hollywood , j'ai compris que j'étais issu d'un cinéma US lui-même issu du cinéma français.

- Et que donc, fallait repenser les réflexes anti-Godard, anti-nouvelle vague...
Oui, non... C'était plutôt le syndrome post-nouvelle vague, tous ces mecs qui s'étaient mis à penser que faire du cinéma sans moyens, c'était ça la vérité, et que la forme devait passer au second plan, parce que les problèmes personnels c'était tellement plus important... C'est cette attitude-là contre laquelle je me sentais un peu en guerre.

- Aujourd'hui, ce cinéma-là semble avoir vraiment perdu la bataille...
Mais c'est normal. Les gens se sont remis à voir des films français avec les films qu'on a faits, nous. Les fils de la Haine en quelque sorte. Des films avec des couches de la société qui n'étaient pas représentées, des couleurs de jeunesse qu'on ne voyait jamais, même si ça a ensuite été récupéré par une certaine culture de masse, qui croit qu'il suffit de mettre des baskets à un type et à lui faire dire " Yo " pour avoir un jeune sur l'écran. Pour moi, c'est la différence entre cinéma de jeune et ceux qui ont fait des films soit disant pour les jeunes, avec un certain cynisme. Ceux-là, je les hais. Profondément. Ils récupèrent quelque chose qui avait de la valeur et ne font que du mal.

- Des noms !
On les connaît... D'un point de vue général, c'est Europa jusqu'à présent. Tous les titres de films finissent pratiquement en " i ".

Avec des chiffres après...
Pas toujours.

- C'est vrai : " Fanfan la tuli", "Michel Vailli"...
Merde, faire Michel Vaillant avec une affiche bleu blanc rouge qui ressemble à l'oriflamme du EN... Là, tu te dis qu'ils se sont plantés.

- Bon, tu as une dent contre Besson, mais tu as joué dans "Jeanne d'Arc". Et puis, il y a eu ce mariage Besson-Kassovitz-Kounen, avec la société 1B2K...
1B2K, ça m'a foutu les boules. ]'ai toujours dit à Kasso et à Kounen : " Vous verrez, vous allez vous faire enculer. Vous êtes les seuls à pouvoir le concurrencer sur un style de cinéma qui n'a, jusqu'à présent, qu'une seule paternité. Et vous êtes en train de vous faire niquer. " Le jour où est sortie la photo sur laquelle ils étaient tous les deux en train de faire du ski nautique derrière un bateau conduit par Luc Besson, je leur ai dit : " Voilà, votre copain ". Je pense qu'entre-temps, ils en sont revenus. Parce que, l'un et l'autre, quand ils se donnent du mal, sont de bien meilleurs réalisateurs.

- Mais ils ne s'en donnent pas toujours beaucoup...
Honnêtement, la prochaine fois que j'attaque avec Mathieu, j'espère que ce sera le bon. Parce que je l'attends un peu, là.

- Ça te fait quoi de le voir se pulvériser lui-même en interview, insulter tout le monde, dire que son film est une merde mais qu'il s'en fout...
Quand on n'est pas en adéquation avec soi-même, ça sort toujours un peu foireux. Quand je vois son potentiel et ses aspirations... Si son calcul nous amène à faire son projet Babylon Babies comme il veut le faire, là, je fermerai ma gueule. Alors si entre-temps, l'exercice de promo est un peu douloureux... Son pari, il l'a déjà gagné. Gothika a fait assez (50 M$) pour qu'il obtienne les fonds et la liberté dont il a besoin.

- Bravo, alors ?
Bravo dans ce sens-là, oui. Le problème, qui ne s'applique pas qu'à lui, c'est que quand on fait trop de concessions, on s'abîme. Je fais toujours l'analogie : si tu baises trop avec des gens qui te font pas vraiment bander, tu finis par l'avoir un peu molle. Encore une fois, je parle pas de Mathieu, il en est loin, alléluia, mais les mecs qui font trop de concessions, je tourne pas avec eux.

- C'est fini, en tout cas, de vouloir tout péter. Tout le monde est rentré dans le rang ?
Dobermann, à l'époque, c'était un film d'utilité publique. Quand tu voyais le film, même si t'aimais pas, tu sentais bien qu'il y avait un putain de metteur en scène derrière, non ? Ou alors vous êtes vraiment des critiques de merde. Vous en connaissez beaucoup des gens qui secouent le cocotier ? Moi, j'en connais plein qui en parlent, pas beaucoup qui le font. Pour oser comme Kounen ou Gaspar Noé, avec ce que ça peut signifier comme risque pour une carrière de jeune cinéaste, il faut les avoir bien accrochées.

- Mais ce mouvement, la "nouvelle vogue", ça donne aussi "les Rivières pourpres 2"...
Dans lequel je ne suis pas, vous l'aurez remarqué.

- Ça finit pas en "i"...
... non, mais ça pourrait.

- Tu as conscience d'être la seule star de cinéma apparue ces dernières années...
... qui fasse pas de la merde ?

- Non, qui soit sortie du cinéma et pas de la télé...
La seule, c'est vrai ?

- Sauf si tu considères les mecs de "Taxi" comme des acteurs ou comme des stars...
Je n'avais pas réalisé. Ce qui est sûr c'est que je n'aime pas la télé. Pour Blueberry, je ne fais que de la presse écrite et un 20h00. Parce que ça, c'est cadeau. T'arrives, crac, boum, c'est fini et tout le monde l'a vu. Un 20h00 bien fait, quand les gens arrivent à faire passer juste la dose de sympathie et d'intérêt, c'est un média classieux, pas comme toutes ces émissions où il faut parler de ta femme, de ton père, de comment t'étais quand t'étais petit...

- Ça existe le concept " bankable" en France ?
Faut croire. Mais ça repose moins sur les entrées que tu as faites que sur les entrées que les gens croient que tu peux faire.

- Les gros projets ne se montent plus que sur les mecs de télé, ou sur Vincent Cassel. Soit c'est une comédie, soit c'est avec Cassel...
On me propose aussi les comédies... D'ailleurs, j'en ferais bien une, mais qui soit belle. Je suis un peu esthète, un peu bloqué sur le Pigeon.

- Tu préfères Blake Edwards à Francis Veber...
Ben voilà. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? C'est dramatique. J'ai reçu la pile des DVD pour voter aux César. Je crois qu'il y en a deux que j'ai envie de regarder. J'étais là devant tous ces films à me dire " Non, non, non, non, ouais, non, non, non... Bon je verrai ça plus tard. " C'est dramatique.

- Bill Murray nous disait que "l'accès à la célébrité rend con pour un an et demi, c'est mathématique". Tu confirmes ?
Oui, faire du cinéma rend con parce que le pouvoir de l'image fait qu'on nous renvoie sans cesse un truc hyperglorifiant. A Rio, j'ai croisé un des mecs de la Cité de Dieu, je lui ai ressorti toutes ses répliques, comme n'importe quel connard qui m'accoste et me dit : " C'est à moi que tu parles, enculé ? " Moi, ça me touche toujours autant. Quand je vais dans des soirées underground et que des grosses cailleras me disent " Oh là, Vinz, viens par là " et que je les vois se comporter comme des agneaux avec moi parce que j'ai fait la Haine et Dobermann, ça m'émerveille. Je fais : " Non, non, pas de coke, merci beaucoup. " " Vinz, laquelle tu veux baiser ? Choisis. ". Et moi : " Non, ça va, merci. " Tout acteur rêve de faire un film qui marque. Alors, quand on en tient un, merde, on va quand même pas s'en défendre !

Interview by L.H. et D.M.


Taken from Mr Cassel's official website.