Lors d’un événement public où AHIMSA avait une table d’information, une dame s’est approchée pour regarder nos dépliants. En voyant celui sur la viande, elle est devenue tout à coup furieuse et le rouge aux joues, elle nous a presque crié : Au lieu de vous occuper de ces niaiseries, vous devriez vous occuper des enfants qui meurent de faim. Nous laissant bouche bée, elle s’en est retournée jetant rageusement par terre notre innocent dépliant.
Parler ainsi avec des centaines et des centaines d’individus, heure après heure, se transforme en vrai cours accéléré sur la nature humaine. Assez curieusement, on nous ramène toujours les mêmes arguments, les mêmes clichés. Oui, mais les plantes souffrent elles aussi (si vous entendez crier une carotte, de grâce consultez un spécialiste) - Vous portez des souliers de cuir ? (des carnivores pire que la pire des police vegan) - La nature est cruelle ! (pas besoin d’en rajouter avec des fusils ou des arcs) - Vous êtes bien pâle, vous manquez de fer ou de B12 ?(à force de répondre aux mêmes questions, il y a de quoi virer au blanc).
Vous faites de l’anthropomorphisme (peut-être que oui, mais les carnivores en font eux aussi dans les publicités, les contes pour enfants ou les films de Walt Disney. Pire, ils font aussi de l’anthropocentrisme en plaçant l’humain en haut d’une pyramide, comme s’il était supérieur à tout ce qui l’entoure, les animaux, la Nature et même les autres humains).
Du même souffle, on voudrait expliquer plus longtemps qu’en éliminant la viande on n’est plus complice des gaspillages de céréales et d’eau potable si vital pour certaines populations affamées. Qu’être végétarien(ne)/végétalien(ne), c’est militer contre la famine, la cruauté, la violence. Plus nous serons nombreux, moins il y aura de sous-produits de l’abattoir, donc moins de cuir. Non, je ne porte pas de cuir, mais est-ce si important qu’on sache de quoi sont faites mes godasses ?
Le baume sur le coeur, c’est quand un végétarien/végétalien fraie dans la foule et vient nous raconter longuement son expérience de vie, comment il se sent bien à tous les niveaux depuis qu’il a cessé de mordre dans la chair animale. Dans certains événement, ils sont majoritaires et ça nous permet d’avoir des échanges passionnants, touchants. Nous avons tous une anecdote sur un souper familial ou une rencontre amicale où le joker de service nous a demandé pourquoi on se contente de brouter comme un lapin ou de ne manger que des graines et de la luzerne. Entre végétariens/végétaliens, il est possible de faire des blagues vegans sur la viande, de parler de cadavres pourrissants et de chair malodorante sans passer pour fanatiques. Parler enfin sans se censurer, sans craindre que l’autre le prenne personnel, se froisse et vous traite de sentimental hystérique, de fanatique sectaire, d’idiot du village.
Dans un excellent dossier1, le médecin Michael Klaper, lui-même végétalien de longue date, démolit cette théorie qui ne repose sur aucun fondement ou preuve scientifique. Il dénonce, entre autre, la définition quelque peu raciste qu’Adamo fait des végétariens. Pour le naturopathe, le type O a une mémoire génétique de force, d’endurance, d’intuition et d’optimisme inné, renforcé par une alimentation élevée en protéines animales. Un vrai superman. Le végétarien de type A, mangeur soumis de tofu, est biologiquement prédisposé aux maladies cardiaques, au cancer et au diabète, avec une personnalité contre-indiquée pour des positions de leadership avec forte pression, positions dans lesquelles le type O excelle. Dans les moments de stress, le type A devient anxieux paranoïaque, prenant tout personnellement. Voilà une vision bien limitée, étriquée, bourrée de stéréotypes sur la complexité de l’être humain.
Michael Klaper s’interroge aussi sur ces machines à tests sanguins utilisées par certains thérapeutes pour déterminer l’agglutination des cellules vivantes du sang. Le sang agglutiné peut être le fait d’une foule de facteurs qui n’ont rien à voir avec les lectines ou le type de sang. Une goutte de sang sur la vitre d’un microscope est fort différente de celle circulant dans tout le système sanguin à l’abri de la lumière, d’un changement de température ou de l’air ambiant. Hors de l’organisme humain, l’agglutination du sang peut être influencée par différents facteurs. Indépendamment de notre groupe sanguin, le docteur Klaper fait remarquer que l’agglutination du sang peut se faire suite à un repas très gras, à cause de la présence d’anticorps, de molécules provenant de produits chimiques contenues dans l’alimentation, de prise de médicaments, de l’acidité du pH, du niveau de calcium ou d’autres minéraux, en résumé d’une centaine de forces invisibles pouvant modifier la texture du sang.
Les naturopathes américains Deirdre B. Williams et John J. McMatton, dans un texte intitulé The Blood Type Diet : Latest Diet Scam2, s’insurgent eux aussi contre cette thèse farfelue des types sanguins. Ils rappellent qu’encourager les types O et types B qui forment 56% et 69% de la population des États-Unis, à consommer de la chair animale est une fraude alimentaire. Les Nord-Américains consomment massivement de la viande et souffrent massivement aussi de cancer et de maladies cardiaques. Ils dénoncent aussi le fait que des écoles de naturopathie incluent dans leurs cours cette théorie et que plusieurs de leurs collègues recommandent la consommation de viande à des patients végétariens/végétaliens de type O ou B. Pour ces naturopathes, l’alimentation selon le type sanguin ne repose sur rien de scientifique et de logique. Pour eux, le livre de Peter Adamo est rempli d’inexactitudes sur les intestins, l’urine, la digestion des viandes, et des protéines. Il contredit la base même de la naturopathie qui est définie par Joseph Pizzorno, n.d. dans Encyclopedia of Natural Medecine, comme l’élimination de la suralimentation, de l’alcool et de la consommation de viande.
Il est désolant que certains naturopathes ou nutritionnistes mettent leur énergie à promouvoir une alimentation dénigrant le végétarisme/végétalisme. À ce moment de notre histoire planétaire, il est plus important pour la santé humaine, mais aussi animale et environnementale, de parler de la nécessité de consommer des fruits, des légumes, des noix et des céréales, de culture biologique.
Encourager une théorie clamant que certaines personnes ne peuvent vivre sans manger de la chair animale, équivaut à une condamnation à mort. Si demain matin, suite à une catastrophe environnementale, aucun animal ou ses produits dérivés n’est consommable à cause d’un virus, d’un microbe ou à un genre de maladie de la vache folle, est-ce à dire que les tenants du groupe O, eux si résistants et dominants, vont tous tomber raides morts dans quelques mois parce qu’ils n’ont plus de chair animale à se mettre sous la dent ? Tiens, tiens, y’a rien que les soumis mangeurs de tofu capables de survivre ?
Motiver certaines personnes à être complices de la mort d’animaux pour des raisons de santé est tout à fait absurde sur une planète dévastée par l’industrie de la viande, où 15 millions d’enfants meurent chaque année de faim. Le partage des céréales, de l’eau potable dépasse largement le débat purement nutritionnel. Il nous faut dépasser la peur, les préjugés, l’insécurité de manquer de quelque chose, calmer notre mental, ouvrir notre coeur.
S’il est vrai que l’alimentation doit être individuelle, adaptée à chaque organisme, aux saisons - l’alimentation ayur-védique et macrobiotique le savent depuis des
millénaires - les humains n’ont pas attendu la découverte des groupes sanguins, il y a à peine 100 ans, pour savoir quoi manger.
Un autre naturopathe, français cette fois- ci, déverse tout son venin sur le végétarisme/végétalisme dans un livre datant du début des années 80. Pour Robert Masson, assez de ces squelettes ambulants, démarche chancelante, teint diaphane, regard éteint. Assez de ces végétariens/végétaliens complexés, dépressifs, dévitalisés, anémiés et déminéralisés. Le végétalisme, selon lui, peut mener même à la mort ! Les végétalien(nes) en plus d’être impuissants et frigides ont des oedèmes aux jambes, souffrent d’anémie, de tumeurs et de refoulement psychologique.
Malgré le fait que de nombreuses études sur les végétaliens depuis les dernières années contredisent ces affirmations délirantes, les thèses de Masson se retrouvent encore de nos jours reprises dans certains medias alternatifs, pour dénigrer une alimentation sans chair animale.
À en croire ce naturopathe, si je me regarde dans mon miroir de végétalienne, je suis maigre, couverte de dermatoses, avec le teint vert (des oreilles pointues avec ça?). Dans le livre, il y a aussi des photos édifiantes et plein pied de végétaliens nus et maigres. Les pauvres semblent tout droit sortis d’un camp de concentration et d’un jeûne à l’eau de 2 ans minimum. Il n’ont pas seulement abandonné la viande et les produits laitiers, mais tous les aliments sans exception !
Les végétariens/végétaliens que je rencontre semblent pourtant tous en santé et ont des enfants de plus de 6 pieds dans bien des cas. Pour ma part, je suis du genre bien enveloppée. Comme la plupart des humains, les végétariens/végétaliens viennent en toutes les grandeurs, grosseurs et couleurs.
Sur plusieurs tribunes, il est de bon ton de dire qu’on ne doit pas s’improviser végétarien, comme si abandonner une source de contamination chimique, de gras et de cruauté était dangereux pour notre santé physique et spirituelle. Pourtant, c’est parmi les carnivores que le cancer, les maladies cardio-vasculaires et de dégénérescence font des ravages. Mais toujours, les végétariens/végétaliens doivent eux faire attention, équilibrer leur alimentation, comme si tout ça était monstrueusement compliqué, complexe, un mystère nutritionnel pour élite diplômée qui répète comme un perroquet ce que d’autres perroquets avant eux ont répété.
Une vache allaitante donne des quantités impressionnantes de lait, trop pour son veau seulement. Pour une famille de trois personnes, c’était gargantuesque. Nous nous sommes donc mis à faire du fromage à la crème, du fromage cottage, du fromage Gouda, du fromage de toutes sortes quoi. Le veau gonflait à vue d’oeil. Moi aussi.
Après de brèves années à ne plus savoir quoi faire de tout ce lait, mal au coeur et foie engorgé, il nous est devenu plus simple d’arrêter de consommer du lait. Pas de lait de Lalita mais pas de lait non plus de ces vaches toujours enceintes, séparées de leur veau, pauvre chose transporté à l’abattoir après quelques mois d’engraissement, dans des camions étouffants, sans nourriture et sans eau pendant de longues heures, pour finir dans un temple de la violence où, sans égard pour la dignité animale, des êtres vivants sont découpés pour le bon plaisir de gourmands inconscients.
Nous avons dû à un certain moment séparer la taure, devenue grande, de sa mère. Un ami l’a hébergée. Lalita a beuglé pendant toute une nuit, des cris de désespoir pour revoir son enfant. Nous nous sommes dit plus jamais de ces pleurs, plus jamais complices de cette souffrance inutile. Après avoir vu ça, quel nono peut affirmer que les animaux n’ont pas d’émotions ?
Le coup final de ma consommation de produits laitiers fut lors d’un séjour dans les années 90 dans un ashram du Nord de l’Inde. Grand propriétaire de vaches et les traitant avec respect, les Indiens de l’endroit incorporait du fromage, au demeurant fort délicieux, à tous les plats. Fromage à la crème sur les crêpes du matin, fromage sur la salade de tomates du midi, cubes de fromage frais avec petits pois le soir et milk shake aux bananes avant de se coucher. Avec un troupeau de plusieurs centaines de vaches libres et s’accouplant comme bon leur semble, le lait coulait à flot. Le mal de coeur m’a repris.
Lalita est toujours avec nous. Elle est en congé de lait et nous donne plutôt quoi mettre dans le jardin pour avoir de la terre noire et beaucoup de légumes. Au printemps, après quelques mois à hiberner, elle galope joyeusement à travers champs. Quand il pleut, elle met le museau dehors et prend une douche. Pendant les chaudes journées de l’été, elle ne sort que la nuit. J’entends sa cloche tinter pendant qu’elle broute au clair de lune. Pendant de longues heures, elle médite en regardant l’horizon. Ses cornes pointent vers le ciel et, dans ses profonds yeux noirs, il y a toute la compassion et la beauté de sa conscience animale.
Références:
1. Challenges to the Plant-Based Diet in the 90's : The Zone and Blood Type Diets,
2. The Blood Type Diet :
3. Folie et sagesse des médecines naturelles,
Marjolaine Jolicoeur
Un des plus récents mythes populaire auprès du public est le groupe sanguin : Je suis du type O et je dois manger absolument de la viande. Cette affirmation fait suite au livre d’un naturopathe américain, Peter Adamo, Eat right for your type. Selon lui, le type O est dominant, chasseur et doit impérativement manger de la viande. Le type A est soumis, un docile végétarien et le type B un omnivore capable de consommer sans problème les produits laitiers. Toute cette thèse sanguinaire repose sur l’agglutination des lectines, des protéines provoquant dans le sang et ailleurs différentes maladies et rendant votre organisme plus alcalin. Bref, la raison toute choisie par certains pour continuer à dévorer des animaux.
Je suis du type O et je dois manger absolument de la viande.
Je suis pour ma part végétalienne sans savoir si je suis du type ABC , mais, à cause de ma vache Lalita qui m’a appris le vrai prix du lait. Donnée par des amis, la pauvre bête s’en allait soit à l’abattoir ou soit chez-moi. Lalita (dans l’Inde antique cela désignait une vache réalisant tous nos souhaits) que nous avons depuis plus d’une douzaine d’années, nous a offert son lait pendant quelque temps. Mais qui dit lait, dit aussi veau. Et dans la mesure du possible, un veau féminin, ce qui fut toujours le cas. Qu’aurions-nous fait si elle avait eu un mâle ? Aurions- nous été obligés de labourer le champ avec ou d’aller au village dans un char tiré par lui ? Beau cas de conscience car un veau mâle finit toujours en côtelettes ou en viande hachée chez McDonald’s, tout comme les vieilles vaches laitières d’ailleurs.
Michael Klaper, m.d.
Internet : veg.source.org.
Latest Dietscam, Williams Deirdre B., John J. McMatton, n.d.
Internet : veg.source.org.
Robert Masson, Ed. Albin Michel, 1982.