Aux Etats-Unis, dans
l’agriculture, des centaines de milliers d’enfants sont exploités
de la façon la plus brutale. La plupart de ces enfants-esclaves,
dont bon nombre n’ont que douze ans, sont issus de familles
latino-américaines. Ils se lèvent souvent à trois heures du matin
et travaillent jusqu’à quatorze heures par jour. Ils sont exposés
sans protection à des pesticides toxiques qui leur infligent des démangeaisons,
des maux de tête, des vertiges et des vomissements. Ils n’ont,
chaque jour, deux pauses d’un quart d’heure et un déjeuner de
trente minutes. Considérés comme des bêtes de somme, les filles
comme les garçons n’ont pas accès à des toilettes durant les
heures de travail, ni à de l’eau pour se laver les mains ou pour
boire.
Selon un rapport de Human
Rights Watch (publié en juin 2000), qui qualifie le travail
effectué par les enfants de "dangereux et exténuant",
les accidents de travail sont fréquents, et notamment les blessures
sur des outils. Alors que le salaire horaire minimum en vigueur est
de $5.15, ces enfants sont parfois payés un ou deux dollars de
l’heure. Ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale, et très
souvent ne sont pas scolarisés, étant donnée l’impossibilité
de concilier vie scolaire et travail dans les champs.
Le rapport de l’organisation de
défense des droits de l’homme précise que "le travail à
la ferme est le travail le plus dangereux ouvert aux enfants de ce
pays. Les lois américaines doivent être changées pour protéger
la santé, la sécurité et l’éducation de ces enfants".
Aux Etats-Unis, pour travailler chez McDonald, il faut avoir
au moins 14 ans. Mais la législation américaine sur le travail des
enfants dans l’agriculture, dont les lois cadres en vigueur
remontent à 1938, exempte purement et simplement le travail
agricole d’un quelconque âge minimum. Quant au temps de travail,
aucune limite n’est fixée pour la journée ou la semaine.
Dans les années 30, un quart de
la population américaine travaillait encore dans l’agriculture,
et l’exemption des enfants de ce milieu de la législation sur le
travail des mineurs prétendait tenir compte du caractère
"familial" du travail à la ferme. Aujourd’hui, la
situation a complètement changé. La vaste majorité des enfants
employés le sont par des entreprises importantes de l’industrie
agro-alimentaire américaine. On peut en toute légalité faire
travailler un enfant de 12 ans à la ferme jusqu’à ce qu’il
tombe d’épuisement.
Cette exploitation constitue dans
les faits une forme de discrimination raciale, puisque, comme
l’explique le rapport, "sur tout le territoire, on estime
que 85% des saisonniers et ouvriers agricoles appartiennent à des
minorités raciales". En Arizona par exemple, 99% des
travailleurs dans les champs sont d’origine "latino". Le
rapport évoque le cas d’un certain Benjamin C., âgé de 15 ans,
qui s’était profondément coupé le doigt. Aucun dispositif médical
n’étant prévu sur place, l’enfant a été dû être expédié
de l’autre côté de la frontière, au Mexique, pour recevoir
des soins. Les jeunes filles qui travaillent dans les champs sont régulièrement
victimes d’abus sexuels et de viols. Bon nombre d’entre elles ne
parlent pas anglais, ne savent pas que de telles pratiques sont illégales,
ou bien ne portent pas plainte par peur de perdre leur emploi ou de
subir des représailles.
Les risques sanitaires associés
à un contact régulier et prolongé avec des insecticides sont
largement reconnus. Il y a, entre autres, des risques de cancer, de
désordres mentaux et de lésions cervicales permanentes. Certaines
substances utilisées dans l’agriculture peuvent également mener
à des malformations chez les nouveau-nés.
Or, le rapport de Human Rights
Watch indique que de nombreux enfants ont travaillé dans des
champs immédiatement juste après que ceux-ci ont été traités
avec des substances nocives, et même qu’ils y travaillaient
pendant que des avions passant au-dessus de leurs têtes répandaient
des insecticides et d’autres produits de traitement. "Un
garçon de 16 ans nous a dit qu’il préparait et répandait des
insecticides plusieurs fois par semaine, mais qu’il ne portait
aucune protection puisque son employeur lui avait dit qu’il n’y
avait rien à craindre ", peut-on lire dans le rapport.
Le taux d’accidents de travail
mortels est cinq fois plus élevé chez les enfants travaillant en
milieu agricole que chez ceux qui travaillent dans d’autres
secteurs. Aux Etats-Unis, les statistiques gouvernementales font état
de 100 000 enfants (…) victimes d’accidents de travail chaque
année, en milieu agricole, sur un effectif total d’au moins 800
000 mineurs.
Cette forme moderne d’esclavage
infantile est pratiquée au New Jersey, en Floride, en Arizona, pour
la récolte des fraises de Louisiane et dans l’agriculture américaine
en général. Les enfants ne coûtent pas chers, et sont largement
sans défense face à l’acharnement des contre-maîtres. Comble de
l’hypocrisie, les Etats-Unis ont été à la pointe de la lutte
pour la ratification du traité contre l’exploitation infantile,
en 1999. Les Etats-Unis ont beau être l’un des pays qui violent
de la façon la plus flagrante ce traité, le Congrès américain a
officiellement décidé de refuser toute aide à des pays qui
refuseraient de le signer…
Greg Oxley
Janvier 2001