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Marxisme et  Sciences Modernes

 

A l'occasion du centième anniversaire de la mort de Frédéric Engels (1818-1895) nous publions ce supplément qui résume l'actualité d'une vision dialectique et matérialiste du monde d'aujourd'hui.

Nous vivons une époque de changements historiques profonds. Après une période de 40 années de croissance économique sans précédents, le capitalisme atteind aujourd’hui ses limites.

En lieu et place de la croissance, nous nous trouvons face à une stagnation, une récession et une crise des forces de production. Même sans tenir compte des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, on ne compte pas moins de 30 à 40 millions de chômeurs dans les pays capitalistes développés.

A l’aube du XXIème siècle, l’humanité se trouve à un moment décisif de son histoire. La crise du capitalisme frappe tous les aspects de la vie. Le phénomène n’est pas purement économique; il se reflète dans la spéculation, la corruption, la drogue, la violence, l’indifférence et l’égoïsme face à la souffrance d’autrui, l’effondrement de la famille bourgeoise ou la crise de la morale, de la culture et de la philosophie bourgeoises.

Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement! Un des symptômes d’un système social en crise est précisément le fait que la classe dirigeante se voit elle-même de plus en plus comme un frein au développement de la société.

Lors de son ascension, la bourgeoisie a mené la lutte contre la vision obscurantiste de l’Eglise catholique, expression la plus élevée de l’idéologie du féodalisme.

Avant même que n’aient lieu les révolutions bourgeoises en Hollande et en Angleterre, cette lutte fut menée à travers un combat de titans entre la science et l’Inquisition. Copernic, Giordano Bruno, Galilée et Keppler représentent la lutte d’une nouvelle vision du monde à l'encontre de celle du passé.

La Révolution française fut précédée par les idées des philosophes matérialistes. Dans sa phase progressiste, la bourgeoisie française était athée et matérialiste. Elle se battait sous l’égide de la Raison. Ce n’est que lorsque la montée du prolétariat commenca à constituer une menace pour elle, surtout après la Commune de Paris, que la bourgeoisie redécouvrit les charmes de l’Eglise.

Aujourd’hui, à l’époque du troisième âge du capitalisme, tous ces processus sont enrayés, ou pour le dire avec les mots de Hegel, “la Raison devient déraison”.

Il est vrai que la religion “officielle” est agonisante. Les églises se vident et sont en crise. Mais à leur place, on voit fleurir toutes sortes de sectes et on assiste au développement du fondamentalisme, qu’il soit chrétien, musulman, juif ou hindouiste.

Cela signifie que la société se trouve dans une impasse et que des  parties de la petite bourgeoisie se tournent vers des choix insensés. A mesure que l’on approche du siècle suivant on assiste à un retour pathétique aux aspects les plus sombres du moyen-âge.

Ce phénomène ne se limite pas à l’Iran, à l’Inde ou à l’Algérie. Aux Etats-Unis, le pays, avec le Japon, le plus développé et le plus avancé sur le plan technologique, on a pu être témoin du massacre de Wacko. Dans d’autres pays européens, on assiste au développement de toutes sortes de sectes, croyances, groupes d’astrologie et autres tendances irrationnelles. Tous ces phénomènes ne sont pas sans rappeler le climat qui régnait peu avant la chute de l’Empire romain.

Et cela ne se limite pas à ce qui se passe en marge de la société. Il y a à peine 10 ans, Ronald Reagan, alors président des Etats-Unis, teanait son célèbre discours sur “l’Empire du Mal” (la Russie), afin de justifier son programme d’armement capable de détruire l’humanité à plusieurs reprises.

Lors de ce discours, il s’exprimait dans les termes suivants: “Dans le monde existe le Péché et le Mal, et les Saintes Ecritures et notre Seigneur Jésus Christ nous obligent à nous y opposer de toutes nos forces.”

Ces termes et cette manière de penser qui émanent du pays capitaliste le plus développé, sortent tout droit du Moyen-Age. Il s’agit là d’une contradiction dialectique de premier ordre et pas d’un cas isolé.

Ainsi, lorsque l’on demanda au premier cosmonaute américain à tourner autour de la Terre de formuler un message pour l’humanité, il choisit la première phrase du Livre de la Création: “A l’origine, Dieu créa le Ciel et la Terre.”

Ce n’est pas par hasard si dans certaines écoles américaines, les professeurs sont obligés d’enseigner la vision biblique de la création en lieu et place de la théorie de l’évolution. De la même manière, des télé-évangélistes gagnent de véritables fortunes et touchent des millions de spectateurs.

D’où provient cette irrationalité ambiante? Elle est liée à un sentiment d’inpuissance dans un monde où l’avenir de l’humanité est contrôlé par des forces terrifiantes qui semblent invisibles.

Il suffit de regarder une crise de panique boursière, où des hommes et des femmes s’agitent comme des fourmis dont le nid vient d’être attaqué. Ces spasmes périodiques, qui créent une panique comme dans un troupeau d’animaux sauvages, sont une illustration significative de l’anarchie capitaliste qui détermine la vie de millions de personnes...

Marx a montré que les idées dominantes de toute société sont les idées de la classe dominante. A ses débuts, la bourgeoisie jouait un rôle progressiste non seulement en repoussant les frontières de la civilisation, mais aussi en étant consciente de cet état de fait. Aujourd’hui, les stratèges du capitalisme dégagent un pessimisme noir. Ils sont les représentants d’un système historiquement condamné, mais ne peuvent pas accepter cette situation.

Cette contradiction centrale forme le facteur décisif qui influence la manière de penser de la bourgeoisie d’aujourd’hui. Lénine disait autrefois que l”homme au bord du ravin n’est plus en état de raisonner". Il est incroyable que les conseils d’administration de multinationales importantes consultent des astrologues avant de décider d’investissements importants. La seule explication possible est que les résultats obtenus via la consultation d’économistes professionnels ne sont guère meilleurs!

Au plus longtemps ce système dépassé, basé sur le chaos et le parasitisme sera toléré, au plus grande deviendra la menace qui pèse sur les acquis sociaux, économiques et culturels de l’humanité.

Scientifiques et société

Jusqu’il y a peu, le monde de la science semblait épargné par cette décadence générale du capitalisme. Les merveilles des sciences et techniques modernes donnaient un prestige énorme aux scientifiques qui semblaient disposer de qualités quasi magiques. Le respect dont bénéficiait la communauté scientifique s’accroissait proportionnellement au caractère de plus en plus inaccessibles de leurs théories, même pour les gens les plus instruits au sein de la société.

Les scientifiques ne sont pourtant que de simples mortels qui vivent dans le même monde que nous. Eux aussi peuvent donc être influencés par les idées, philosophies, préjugés ou courants politiques dominants, sans parler de certains avantages matériels non négligeables.

La plupart des scientifiques croient que leurs esprits sont totalement libres. Ils n’ont pas de “philosophie”, mais se consacrent à l’étude objective des “faits”.

Malheureusement, les faits ne se sélectionnent pas d’eux mêmes. Comme le disait Héraclite, un très grand penseur grec de l’Antiquité, “Les yeux et les oreilles sont de très mauvais témoins pour les hommes aux âmes barbares” (“barbare” signifiant ici “qui ne comprend pas la langue”).

La science moderne offre une profusion de matériel qui confirme pleinement l’affirmation de Engels, selon laquelle “en dernière instance, la nature fonctionne de manière dialectique”. Et pourtant, à chaque étape, les scientifiques tirent des conclusions philosophiques erronnées de leurs travaux.

Actuellement, le travail de beaucoup de physiciens spécialisés dans les particules, reste basé sur une “théorie de la grande unification”.

Il est intéressant de constater qu’il y a un siècle, les scientifiques pensaient avoir découvert toutes les lois fondamentales de l’univers, sur base des lois de Maxwell relatives à l’électro-magnétisme.

Tout comme aujourd’hui, il ne restait que quelques petites questions à élucider pour tout savoir sur le fonctionnement de l’univers. Naturellement, certaines contradictions étaient embarrassantes, mais elles étaient présentées comme des détail qui pouvaient être négligées.

Quelques décennies plus tard, ces contradictions négligeables furent suffisantes pour faire chanceler tout l’édifice scientifique et pour déclencher une véritable révolution scientifique.

Durant la plus grande partie de ce siècle, la physique fut dominée par la théorie de la relativité et la mécanique quantique, qui avaient remplacé l’ancienne mécanique classique.

Toutefois, les arguments de Max Planck et d’Albert Einstein ne trouvèrent au début que très peu d’échos auprès de l’establishment scientifique qui s’accrochait à ses anciennes conceptions.

On peut tirer une leçon importante de cet état de fait. Chaque tentative visant à imposer une vision définitive de l’univers est condamnée à l’échec.

Comme le disait Hegel, “la vérité est infinie: lui imposer une fin, revient à la nier”. Le Matérialisme Dialectique part du concept d’un univers matériel éternel, infini, en évolution, en développement et toujours changeant. C’est pour cette raison que personne ne disposera jamais d’une théorie universelle générale. Essayer d’atteindre celle-ci revient à placer une frontière à la pensée et au développement humain. Toute frontière de ce type est condamnée à être dépassée, ce qui est illustré par l’histoire de la science.

Dans son ouvrage majeur, l’Anti-Dühring, Engels expliquait que “un système de connaissance naturelle et historique, global et définitif pour l’éternité, est en contradiction avec les lois fondamentales de la pensée dialectique, qui n’exclut certes pas l’idée qu’une connaissance systématique de l’univers puisse faire des progrès énormes de génération en génération, mais qui au contraire inclut cette idée”.

Les théories de la mécanique quantique et de la relativité ont eu une influence importante sur le développement de la science et de la technologie, mais elles ne sont pas le dernier mot sur la question, pas plus que les lois de Maxwell sur l’électro-mécanique qu’elles ont partiellement remplacées. Une théorie provisoire ne fait que remplacer une autre théorie provisoire, avant d’être revue à son tour.

Le développement de la science et de la pensée humaine en général consiste en une série infinie d’approches, qui pénètrent de plus en plus profondément les secrets de l’univers matériel.

C’est la le seul “absolu”; le processus infini de connaissance humaine en quête de connaissance sur un univers matériel infini et en perpétuel changement.

La mécanique quantique

Du point de vue du matérialisme dialectique, la matière et l’énergie ne font qu’un. Dans la Dialectique de la Nature, Engels decrivait l’énergie (le mouvement) comme “le mode d'existence, la caractéristique propre de la matière”.

Einstein démontra que la lumière, longtemps décrite comme une onde, se comportait comme une particule et était soumise à la loi de la force noire, ce qui fut brillamment confirmé en 1919 lors d’une éclipse solaire. Plus tard, De Broglie démontra que la matière, bien que composée de particules, participe partiellement à la nature des ondes.

La discussion qui domina pendant des années la physique des particules, à savoir si des particules sub-atomiques comme les électrons étaient en réalité des particules ou des ondes, fut résolu par la mécanique quantique selon laquelle les électrons peuvent aussi bien se comporter comme des particules que comme des ondes (ce qu’ils font d’ailleurs).

Cette affirmation déclencha en son temps une forte controverse, car elle est en contradiction avec la logique formelle, ou si l’on préfère, le “bon sens”.

Mais, comme le faisait remarquer Engels, “Mais si respectable que soit ce compagnon tant qu'il reste cantonné dans le domaine prosaïque de ses quatre murs, le bon sens connaît des aventures tout à fait étonnantes dès qu'il se risque dans le vaste monde de la recherche, et la manière de voir métaphysique, si justifiée et si nécessaire soit-elle dans de vastes domaines dont l'étendue varie selon la nature de l'objet, se heurte toujours, tôt  ou tard, à une barrière au-delà de laquelle elle devient étroite, bornée, abstraite, et se perd en contradictions insolubles"  (Anti-Dühring).

Comment le “bon sens” pourrait-il accepter qu’un électron se trouve simultanément à deux endroits différents ou qu’il puisse se déplacer à des vitesses vertigineuses dans une infinité de directions différentes?

Pour la logique formelle, basée sur la loi de l’identité et la loi de la contradiction, une telle supposition est invraisemblable. Dans la vie quotidienne, ces lois restent valables. Mais pour des calculs plus complexes, concernant des distances gigantesques, des vitesses très élevées ou des particules infinies, elles sont incapables de fournir une explication satisfaisante.

Pour pouvoir cerner de tels phénomènes, une approche dialectique est indispensable. Citons à nouveau Engels: "Mais il en va tout autrement dès que nous considérons les choses dans leur mouvement, leur changement, leur vie, leur action réciproque l'un sur l'autre. Là nous tombons immédiatement dans des contradictions. Le mouvement lui-même est une contradiction; déjà le simple changement ne peut s'accomplir que parce qu'à un seul et même moment, un corps est à la fois dans un lieu et dans un autre lieu, en un seul et même lieu et non en lui. Et c'est dans la façon que cette contradiction a de se poser continuellement et de se résoudre en même temps, que réside précisément le mouvement" (Anti-Dühring).

L’idée qu’un électron puisse être à la fois une onde et une particule, simultanément à un endroit et à un autre, est une brillante confirmation de la dialectique telle qu’elle a été élaborée par Marx, Engels, mais aussi Hegel et même Héraclite.

Déformations idéalistes

En 1927, Werner Heisenberg avanca son célèbre “principe d’incertitude”, selon lequel il est impossible de connaître avec précision à la fois la position et la vitesse d’une particule. Au plus est incertaine la position d’une particule, au plus est incertaine son mouvement, et inversément.

La difficulté de connaître la position précise et la vitesse d’une particule qui se déplace dans différentes directions est évidente. Mais déduire de cela qu’il n’y a pas de lien de manière générale est une conception totalement fausse.

Le rejet du vieux déterminisme mécanique de Laplace et autre était correct et nécessaire, mais en déduire la négation de toute nécessité est une recette idéale pour abandonner toute pensée scientifique et rationnelle.

Dans son ouvrage “The Strange Story of Quantum”, Banesh Hoffmann n’hésite pas à confirmer que “une stricte causalité est fondamentalement et de manière inhérente indémontrable. Pour cette raison, la causalité stricte n’est plus un concept scientifique légitime et doit être bannie du domaine de la science d’aujourd’hui”. (Op. cit. p150)

Il n’est donc pas étonnant que l’auteur écrive à la même page: “il est difficille d’établir où finit la science et où commence le mysticisme”. En effet, lorsqu' on nie la causalité, l’univers devient quelque chose de totalement arbitraire et hasardeux. La base même de la pensée rationnelle disparaît et on ouvre la porte au mysticisme et à l’irrationnalité.

Il est intéressant de constater que beaucoup de scientifiques éminents ne partageaient absolument pas l’avis de Heisenberg quant à son interprétation des phénomènes observés. Parmis eux, on trouve non seulement Einstein, mais aussi les plus importants pionniers dans le domaine de la mécanique quantique: Max Planck, Louis De Broglie et Erwin Schrödinger.

Pour tenter de justifier le rejet de la causalité, on a affirmé que “l’observateur, par le fait même de son observation, crée lui-même le résultat de ses observations” (B. Hoffmann). Heisenberg et Niels Bohr affirmaient qu’un photon ou un électron se matérialisaient à un endroit précis lorsqu’ils étaient mesurés.

Par quel mécanismee précis ce phénomène est censé se produire, reste un mystère. On est tout simplement supposé accepter comme un fait établi que l’observation même a une influence décisive sur des processus objectifs.

Le matérialisme dialectique part de l’objectivité d’un univers matériel, qui nous est donnée par le biais des observations de nos sens. Cela va de soi, mais le monde existe en dehors de nos sens. On pourrait croire que cela aussi va de soi, mais tel n’est pourtant pas le cas pour la philosophie bourgeoise moderne!

Un des courants dominants de la philosophie du XXème siècle est le positivisme logique, qui précisément nie l’objectivité du monde matériel. Pour être plus précis, ce courant considère la question même de savoir si le monde existe ou non comme irrelevante et métaphysique. Ces arguments ont été brillamment combattus par Lénine en 1908-1909, dans son ouvrage “Matérialisme et Empiro-criticisme": "Si la sensation n'est une sensation qu'en raison de sa dépendance de la rétine (comme vous obligent à l'admettre les sciences de la nature), il s'ensuit que les rayons lumineux procurent en atteignant la rétine, la sensation de couleur. C'est à dire qu'en dehors de nous et de notre conscience, il existe des mouvements de la matière, disons des ondes d'éther (ce texte date de 1908, plus tard l'existence de l'éther fut rejeté. Mais ceci ne change rien au raisonnement de Lénine. Remplacer seulement 'éther' par 'ondes lumineuses' n.d.r.)  d'une longueur et d'une vitesse déterminées, qui, agissant sur la rétine, procurent à l'homme la sensation de telle ou telle couleur. Tel est le point de vue des sciences de la nature. Elles expliquent les différentes sensations de telle couleur par la longueur différente des ondes lumineuses existants en dehors de la rétine humaine, en dehors de l'homme et indépendamment de lui. Et c'est là la conception matérialiste: la matière suscite la sensation en agissant sur nos organes des sens. La sensation dépend du cerveau, des nerfs, de la rétine, etc., c'est à dire de la matière organisée de façon déterminée. L'existence de la matière ne dépend pas des sensations. La matière est le primordial. La sensibilité, la pensée, la conscience sont les produits les plus élevés de la matière organisée d'une certaine façon. Telles sont les vues du matérialisme en général et de Marx et Engels en particulier".

Et Heisenberg? Déjà lorsqu’il était étudiant, Heisenberg était un idéaliste convaincu, fortement impressionné par le Timée de Platon (ouvrage où l’idéalisme de Platon est présenté de la manière la plus achevée), tandis qu’il se battait dans les rangs des Freikorps contre les travailleurs allemands en 1919. Plus tard, il écrivit qu’il était plus intéressé par les idées philosophiques que par le reste et qu’il était nécessaire de se libérer des processus objectifs dans l’espace et dans le temps.

En d’autres termes, l’interprétation philosophique de Heisenberg de la physique quantique était loin d’être le résultat objectif d’une expérience scientifique. Elle était clairement liée à une philosophie idéaliste, appliquée de manière consciente à la physique, et qui détermina sa vision des choses.

Les conséquences réactionnaires de cet idéalisme subjectif, qui tente de mettre des frontières à la connaissance humaine, qui nie l’objectivité des phénomènes physiques tout comme le mouvement des photons et des électrons, et qui tente de manière générale à nier l’existence de la causalité, sont démontrées par l’évolution de Heisenberg lui-même. Il justifia sa collaboration active avec les nazis avec l’argument suivant: “Il n’existe pas de lignes directrices générales auxquelles on puisse se tenir. Nous devons décider pour nous même et ne pouvons pas dire à l’avance si nous agissons bien ou mal”.

Schrödinger ridiculisa les conceptions de Heisenberg et Bohr selon lesquelles un électron n’avait pas de position s’il n’était pas observé et ne se matérialisait en un point précis que comme résultat de l’observation. Prenez un chat et mettez le dans une boite avec une capsule de cyanure, disait Schrödinger. Lorsque le compteur Geiger découvre la cassure d’un atome, la capsule est brisée. Selon Heisenberg, l’atome ignore qu’il est cassé, à moins qu’un observateur ne le mesure. De la même manière, il faudrait en conclure que le chat n’est ni vivant ni mort tant que personne n’ouvre la boite pour y regarder!

Par cette anecdote, Schrödinger voulait mettre l’accent sur les contradictions absurdes qui découlent de l’interprétation idéaliste subjectiviste de la physique quantique de Heisenberg. Les processus naturels se déroulent d’une manière objective, indépendamment du fait qu’il y ait ou non présence d’un être humain pour les observer.

La négation de toute nécessité et l’idée que tous les actes découlent du hasard et sont sans cause, est tout aussi erronée. Accepter cette conception reviendrait à nier toute science et toute possibilité de faire des prévisions.

Tel n’est évidemment pas le cas. Les scientifiques continuent à faire des prévisions qui sont vérifiées par l’observation et l’expérience.

Bien qu’il soit impossible de prévoir avec précision le comportement de photons ou d’électrons particuliers, il n’en reste pas moins tout à fait possible de prévoir avec beaucoup de précision le comportement de grandes quantités de particules.

Il n’y a là rien de nouveau. Les théories qui concernent les évènements qui se produisent en grand nombre et qui sont liés au hasard s’appliquent dans les domaines de la physique, de la chimie, de la biologie ou des sciences sociales, que cela concerne le sexe des enfants à naître ou le nombre de défauts dans une ligne de production industrielle.

Les lois de la probabilité ont une très longue histoire. La loi des grands nombres par exemple, pose le principe général selon lequel l’effet combiné d’un grand nombre de facteurs liés au hasard donne des résultats pour de très grandes populations de ces facteurs, qui sont quasiment indépendants du hasard. Cette idée fut élaborée par Bernouilli en 1713. La théorie fut généralisée par Poisson en 1837 et reçu une forme définitive en 1867 par Chebyshev.

L’affirmation selon laquelle on ne peut connaitre ou prévoir les causes précises, la position ou la vitesse exacte d’un électron particulier, est en réalité un lieu commun scientifique, dénué de tout sens. Essayer de rechercher toutes les impulsions de chaque particule individuelle serait un retour au grossier déterminisme mécanique de Laplace. En réalité, il s’agit là d’un concept fataliste qui réduit la nécessité au niveau du hasard pur. Cela signifie que si tout est régi par une sorte d’ordre éternel, tout devient arbitraire.

Comme le disait Engels: "Il n'est pas questionde rechercher une chaîne de causalités dans tous les cas: mais dans tous les cas nous restons aussi intéligents, la soi-disante nécessité reste une phrase creuse et avec elle , la causalité reste ce qu'elle était" (Dialectique de la Nature).

Si il était réellement possible de déterminer toutes les causes des mouvements d’une particule sub-atomique, une telle recherche pour un seul électron suffirait à occuper plusieurs vies pour tous les scientifiques du monde.

Heureusement, une telle recherche n’est pas nécessaire. Bien que nous soyons incapables de fixer la position d’une particule précise à un moment donné et qu’il y ait bien là un caractère de hasard, la situation change fondamentalement lorsque l’on considère une très grande quantité de particules.

Si l’on jette en l’air une pièce de monnaie, le probabilité d’obtenir pile ou face peut être estimée à 50/50. Il s’agit là d’un phénomène réellement hasardeux qui ne peut pas être prévu.

Toutefois, les propriétaires de casinos savent parfaitement bien que le zéro ou double zéro sortira tout aussi souvent que n’importe quel autre chiffre, ce qui leur permet de faire un bénéfice parfaitement prévisible. Le même principe vaut pour les sociétés d’assurances où il est impossible de prévoir un sinistre éventuel pour un client particulier mais qui peuvent parfaitement prévoir leurs résulats globaux.

“La mécanique quantique a découvert des lois précises et merveilleuses qui régissent les probabilités et c’est avec de tels nombres que la science triomphe du handicap de l’incertitude fondamentale. C’est avec ces moyens que la science ose courageusement prévoir. Bien que la science soit obligée de reconnaître qu’elle est impuissante à prévoir le comportement d’un photon, d’un électron ou d’une autre particule fondamentale, elle peut avec une énorme confiance, expliquer précisément comment se comporteront de grandes quantités de ces particules.” (Hoffmann, op. cit. p.152).

Entre paranthèses, ces exemples, puisés dans les domaines les plus variés, sont de très bon exemples de la loi dialectique sur la transformation de quantité en qualité.

La disparition de la matière?

Le développement de la mécanique quantique représente une réelle révolution dans le domaine de la science; une cassure décisive avec le vieux déterminisme mécanique de la physique classique (la méthode métaphysique comme aurait dit Engels). Maintenant nous disposons d’une vision de la nature plus flexible et dynamique; en d’autres mots, plus dialectique.

Toute la physique s’est transformée avec la découverte par Planck de l’existence infinitésimale du quantum. C’est ainsi qu’est apparu une nouvelle science pouvant expliquer les phénomènes de la transformation radioactive et pouvant analyser en détail les données complexes de la spectroscopie. Au départ de cela une nouvelle science a pu s’établir, la chimie théorique, capable de résoudre des questions qui paraissaient insolubles auparavant. Toute une série de difficultés théoriques furent éliminées une fois ce point de vue accepté.

La fusion nucléaire.

La nouvelle physique a pu révèler les formidables forces que renferment le noyau de l’atome. Cette découverte mènera alors directement à l’exploitation de l’énergie nucléaire, ouvrant la voie à la destruction potentielle de la vie sur terre ou la vision d’une inimaginable abondance sans limites et un progrès social humain grâce à l’usage pacifique de la fusion nucléaire. Il s’agissait là d’une puissante percée pour la science. Mais l’esprit humain, quoi qu’en dise les préjugés idéalistes, est conservateur de nature.

Cette révolution dans le domaine des sciences s’est réalisée malgré les concepts philosop­hiques primitifs et réactionaires qui imprègnent l’esprit de la majorité des scientifi­ques.

Engels écrit à ce sujet: "Les scientifiques s'imaginent pouvoir s'affranchir de la philosophie en la niant ou en abusant. Mais aucun progrès n'est possible sans un effort de pensée et pour penser ils ont besoins de méthodes de pensée. Ils embrassent sans réfléchir ces catégories de la conscience générale de personnes soi-disants développées. Leurs idées sont imprègnées de reliques d'une philosophie atrophiée, de lambeaux de philosophie appris à l'Unversité (celle-ci n'est non seuelement fragmentaire, mais est souvent un mélange de visions de personnes qui appartiennent aux écoles de pensées les plus variées et mauvaises), ou de la lecture peu critique et brouillonne d'écrits philosophiques de tout acabit. Cela ne les libère pas plus de la philosophie. Bien au contraire ce bagage les soumet aux pires des philosophies. En pensant pouvoir en abuser ils s'assujetissent aux  pires des reliques vulgarisées des pires de philosophies"  (extrait de la Dialectique de la Nature).

C’est ainsi que Banesh Hoffmann est capable d’écrire en conclusion d’un travail sur la révolution quantique que: “Néanmoins nous devons nous émerveiller beaucoup plus des pouvoirs miraculeux de Dieu, créateur du Ciel et de la Terre au départ d’une essence primitive avec une telle subtilité exquise qu’il a pu en moduler des cerveaux et des esprits doués de la clairvoyance pour pénétrer ses mystères. Si les esprits de Boher ou Einstein nous laissent pantois, comment pouvons nous alors commencer à admirer la gloire de Dieu qui les a créé” (B.Hoffmann, op cit.).

Malheureusement il ne s’agit pas ici  d’un cas isolé. Toute la littérature scientifi­que moderne est saturée de ce type de charabia mystique, religieux ou quasi-religieux. Voila le résultat direct de la philosophie idéaliste adoptée consciemment ou non  par une bonne partie de la communauté scientifique.

Géométrie.

Les lois de la mécanique quantique semblent contredirent  le ”bon sens” (c’est à dire la logique formelle). Mais elle sont en pleine consonnan­ce avec le matérialisme dialectique. Prenons par exemple le concept du “point”. Toute la géométrie traditionnelle découle de ce point. Celui-ci se transforme en ligne, en surface, en cube etc. Une observation plus précise nous apprend qu’en tel point n’existe pas. Le point est conçu comme la plus petite expressi­on de l’espace, sans la moindre dimension. En réalité un point se compose d’atomes, d’électrons, d’un noyau, de photons et même de particules plus petites encore.

En dernier lieu il disparait dans un tourbillon incessant d’ondes quantiques. Ce processus est infini. Il n’existe aucun point fixe. C’est la réponse finale aux idéalistes qui recherchent des formes “parfaites”, qui se cacheraient soi-disant “au-delà” de la réalité observable. La seule “ultime réalité” est l’univers matériel infini, éternel et constamment en changement. Cet univers est plus merveilleux dans son infinie variété de formes et de processus que la plus fabuleuse aventure de science fiction. A la place d’une localisation figée - le point - nous assistons à un processus, un flux, qui ne connait pas de fin. Toute tentative d’y imposer une limite, sous la forme d’un début et d’une fin, échouera à coup sûr.

Il y a peine cent ans les scientifiques croyaient avoir découvert finalement la plus petite particule. Il n’y aurait rien de plus petit que l’atome. Mais la décou­verte des particules subatomiques poussaient les physiciens  à approfondir la question de la structure de la matière. En 1928, les scientifiques s’imaginaient avoir découvert les plus petites particules: les protons, les elec­trons et les photons. La totalité du monde matériel se réduisait alors à ces trois particules.  Cette vision de la matière allait plus tard être réduite en cendres suite à la découverte des neutrons. Des particules chaques fois plus petites et éphémères allaient faire leur apparition: les neutrinos, les pi-mesones, les mu-mesones, les k-mésones etc.

Le cycle de vie de ces particules est tellement évanescent - peut-être un cent mille millionième de seconde - qu’elles ont dû être décrite comme étant “virtuelles”. Quelque chose de tout à fait impensable dans l’ère pré-quantique.

Du point de vue de la dialectique ces découvertes sont d’une extrême importan­ce. Quelle est la signification des ces “étranges particules” avec une “existence virtuelle”, dont on ne peut affirmer si elles sont ou ne sont pas? Le neutrino a été décrit par B.Hoffmann comme une “incertitude fluctuante entre l’existence et la non-existence”. Traduit dans le langage de la dialectique: elles sont et ne sont pas.

Voila une confirmation percutante de la conception dialectique de la nature comme étant un processus infini, en constant changement grâce aux contradic­tions, qui transforment les choses en leur contraire.

Engels écrit à ce sujet: "Lorsque nous soumettons à l'examen de la pensée la nature ou l'histoire humaine ou notre propre activité mentale, ce qui s'offre d'abord à nous, c'est le tableau d'un enchevêtrement infini de relations et d'actions réciproques, où rienne reste ce qu'il était, là où il était et comme il était, mais où tout se meut, change, devient et périt.(...) Cette manière primitive, naïve, mais correcte quant au fond, d'envisager le monde est celle des philosophes grecs de l'antiquité et le premier à le formuler clairement fut Héraclite: Tout est et n'est pas, car tous est fluent, tout est sans cesse en train de se trasnformer, de devenir et de périr" (Anti-Dühring).

Comparons cela avec cet extrait: “Dans le monde du quantum les particules apparaissent et disparaissent constamment. Ce que nous concevons comme un espace vide est en réalité un néant fluctuant, avec des photons qui surgissent du néant et qui se dissipent aussi vite qu’ils naissent, avec des électrons issus pour quelques brèves instants de l’océan monstrueux afin de créer des paires d’électrons-protons auxquelles s’ajoutent dans la confusion d’autres particules” (B. Hoffmann, L’Etrange Histoire du Quantum).

Plus de cent ans après, la vision dialectique du monde de Engels se voit brilla­ment corroboré, non seulement au niveau macrocosmique mais également au niveau microscopique. Nous sommes bien loin de l’univers statique de Platon! Mais aussi étrange que cela paraisse c’est la philosophie de Platon qui domine la pensée du monde scientifique en flagrante contradiction avec les résultats de leurs propres recherches.  Pour eux Hegel n'existe plus (pour ne pas parler de Marx et d’Engels). Ils se réfugient dans un idéalisme des plus abstrait et obscurantiste. L’existence des particules individuelles (voire même les particules virtuelles) n’est pas remis en question. Elles “sont” et leurs propriétés sont connues (au moins quelques unes). Mais quand nous tentons de les déterminer avec plus de précision, de les fixer dans le temps et dans l’espace elles nous paraissent extrêmement évasives. “Elles sont et ne sont pas parce qu'elles sont en mouve­ment”. Un électron est en même temps une particule et une onde, elle est en même temps “ici” et “là-bas”.

Cette conception de la matière en état de changement perpétuel relié à un réseau universel d’interconnexion  et d’interpénétration résume précisément le point de vue dialectique. Il ne s’agit plus d’une intuition naïve et brillante d’Héraclite, mais de quelquechose qui est fermement établi sur base de l’expérimentation.

Ce qui n’empèche pas les idéalistes d’attaquer le matérialisme en déformant de manière systématique les conclusions de la science moderne à ses propres fins. Ils ont par exemple avancé que la production de photons impliquait la “dispariti­on” de la matière, ignorant que du point de vue du matérialisme dialectique la matière et l’énergie sont une même chose. Ceci a été démontré scientifiquement par la fameuse loi d’Einstein sur l’équivalence de la masse et de l’énergie. En réalité la matière se convertit en permanence en énergie (même les photons lumineux) et l’énergie en masse. Les photons (la lumière)se transforme constamment en paires d’électrons et de positrons - le processus inverse. Ce phénomène est ininterrompu et éternel. C’est une démonstration de l’indestructabilité de la matière - exacte­ment le contraire de ce qu’ils essaient de prouver.

Le Big Bang.

La recherche de “la particule élémentaire” s’est avérée inutile. Mais une tentative similaire s’est faite au niveau de l’univers. Là aussi certains ont tenté d’établir une “limite” à la matière sous la forme d’un univers fini. De fait, la fameuse théorie du Big Bang est un recul vers la vieille idée médiévalle d’un “univers fermé”, et en dernière analyse implique l’existence d’un Créateur. Il y a plusieurs décennies, Ted Grant, en utilisant la méthode du matérialisme dialectique a dévoilé l’absence de base de la théorie du “Big Bang” quant à  l’origine de l’Univers etde la théorie alternative de “L’état stationnaire” avancé par Fred Hoyle et H. Bondi.  Ultérieurement il a été prouvé que la théorie stationnaire, qui s’appuyait sur la “création continue de matière” (au départ du néant) était fausse. La théorie du Big Bang a donc pu s’imposer par défaut. Elle reste la théorie dominante au sein de la communauté scientifique.

La théorie du Big Bang soutient que l’univers a été crée par une gigantesque explosion il y a dix ou vingt milliards d’années. Les défenseurs de cette théorie veulent nous faire croire qu’avant cette explosion, toute la matière de l’univers était concentré en un seul point, dont la dimension a été décrite de plusieurs façons. Il existe au moins cinq versions différentes de cette théorie. La pre­mière date de trente ans. Elle fut élaborée par un prètre catholique, Georges Henri Lemaitre, promu ensuite directeur de l’Académie Pontificale de la Science. Cette version fut rapidement réfutée à la suite de conclusions incorrectes quant à la relativité générale et la thermodynamique; une théorie fausse des rayons cosmiques et de l’évolution des étoiles.

Après la Seconde Guerre Mondiale, cette théorie discréditée fut reprise dans une nouvelle forme par Georges Gamow et d’autres. De toute façon, la théorie du Big Bang représente une vision mystique d’un Univers fini dans le temps et dans l’espace et crée à un moment définit par un processus mystérieux, qui ne peut être observé nulle part ailleurs que dans la nature. Toute l’idée en elle même est parsemée de difficultés, tant de nature scientifique que de nature philosophique. Les scientifiques parlent de “naissance du temps” lors du “Big Bang”. Mais le temps,  l’espace et le  mouvement sont le mode d’existence de la matière. C’est un non-sens de parler du début du temps ou de sa fin. A moins de partager l’avis de Saint-Augustin, à savoir que Dieu créa l’univers au départ du néant. Cette vision ne trouve aucune confirmation dans les expériences menées jusqu’ici et contredit une des lois fondamentales de la physique: celle de la conservation de l’énergie. L’énergie (et donc la matière) ne peut être créée ni détruite. Toutes une série de questions surgissent quand on accepte le “Big Bang”. D’où vient cette explosion? Quelles sont les lois du mouvement qui ont conditionné ce point minuscule, suspendu dans l’espace pour l’éternité et dont on suppose qu’il concentrait ni plus ni moins toute la matière de l’univers?  La porte est donc grande ouverte à l’intervention d’un Etre Suprème et de tout type de mysticisme. Ce qui explique le charme de cette théorie auprès du catholique Lemaitre et des idéalistes en général. Gamow et d’autres ont fait des calculs pour expliquer les différents phénomènes qui découlent du “Big Bang” - la densité de la matière, la température, les niveaux de radiation etc. La grande quantité de discordances dans ces calculs ont invalidé non seulement le modèle de Gamow mais aussi le modèle de “l’univers oscillant” posé par Robert Dicke et autres. Ce modèle tente de résoudre le problème de ce qui se passait avant le “Big Bang”, en faisant osciller l’univers en un cycle perpétuel.

Absence de preuves

Il n’y a pratiquement aucune preuve empirique qui sous-tend la théorie du Big Bang. La majeure partie des travaux réalisés à l’appui de celle-ci sont essentielle­ment de caractère théorique à partir de formules mathématiques ésotériques. Les nombreuses contradictions rencontrées entre le schéma préconçu du Big Bang et les preuves palpables ont obligé ses défenseurs à changer consta­mment les règles du jeu. Ceci afin de préserver à tout prix une théorie sur laquelle repose tant de réputation académique. Pour que des galaxies puissent se former au départ du Big Bang, les cosmologues expliquent qu’il y aurait dû y avoir suffisamment de matière dans l’univers pour que l’expansion arrive à un point mort, suite à la loi de la gravité. Cela représente une densité proche de 10 atomes par mètre cubes. La quantité présente de matière observable dans l’univers ­ est d’un atôme par 10 mètres cubes. Cent fois moins que la quantité prédite par la théorie.

Mais cette contradiction ne ne semble pas déstabiliser leur théorie. Les partisans du Big Bang font appel aux particules physiques fonda­mentales et ont inventé la “matière noire”. Une substance invisible dont l’existence n’est pas prouvée empiriquement, mais qui ne contiendrait pas moins de 99% de la matière de l’Univers!

La dernière version du Big Bang - la soi-disante “théorie inflationnaire” - ne nous avance en rien. A vrai dire elle est encore plus contradictoire et mystique que les précédentes. D’après le grand génie d’Alan Guth, le Big Bang aurait dû connaître une telle accélération que l’univers “inflationnaire” multipliait sa taille toute les 1035 secondes.Tout l’espace se remplit ainsi de manière “spontanée”. La question de savoir d’ou viendrait une telle quantité d’énergie reste sans réponse. Apparamment elle serait issue du néant. Mais cette prouesse est difficile­ment concevable sans l’intervention de l’un ou l’autre magicien cosmique. Et on nous demande  d’accepter cela les yeux fermés. Une proposition emprique­ment vérifiable qui découle de cette théorie est la décomposition de protons. Dans la mesure où l’univers connu est composé de protons, cela aurait des conséquences dramatiques. L’univers serait condamné à se désintégrer. Mais les expériences ont prouvé le contraire: les protons ne se décomposent pas. Leur vie se prolonge de plusieurs milliards d’années bien au delà de nos limites.

Au XVIIIième siècle l’archévèque Usher, avait calculé la date exacte de la création du monde: le 23 octobre de l’année 4004 avant J.C. Aujourd’hui les amateurs du Big Bang ont fait de même pour la naissance de l’univers (et de la naissance du temps aussi). Elle se situerait entre 10 à 20 milliards d’années d’ici. Cette date ne peut être placée plus tôt car elle contredirait les mesures de la distance des autres galaxies par rapport à la nôtre et de la vitesse avec laquelle elles s’éloignent. Cette théorie implique qu’on ne puisse rencontrer dans notre univers rien qui ne soit plus vieux que de 20 milliards d’années. Mais voilà qu’en 1986, Brent Tully de l’Université de Hawai, prétend avoir découvert des énormes agglommérations de galaxies (des “super-clusters) avec une taille d’un milliards d’années lumières de long, 300 millions d’années lumières de large, et de cent millions d’années d’épaisseur. Pour pouvoir former des objets d’une telle taille il faut entre 800 millions et 1 milliards d’années. C’est à dire 5 fois plus que nous l’autorise la théorie du Big Bang. Depuis lors d’autres résultats sont venus corroborrer ces recherches. La revue “The New Scientist” (5 février 1994) publiait un dossier sur la découverte d’un “cluster” de galaxies par Charles Steidel de la Massachussetts Institute of Technology à Passadena. Celle- ci a des grandes conséquences pour la théorie du Big Bang.

“La découverte d’un ‘cluster’ de ce type pose de nouvelles difficultés pour les théories de la matière noire et froide, qui prétendent qu’une grande partie de la matière de l’univers se trouve dans des objets froids et noirs comme des planètes ou des trous noirs. Ces théories prévoient que la matière de l’univers primitif se regroupe d’en haut’ et que d’abord se sont formés les galaxies et ensuite les ‘clusters’”.

La première réaction des astronomes a été d’essayer de “changer les règles du jeu”, pour adapter la théorie à l’obstination des faits. C’est ainsi que Mauro Giavalisco de la Baltimore Space Telescope Science Institute croit qu’ilserait possible  d’expliquer la naissance du premier “cluster” de galaxies à cause d’un décalage vers le rouge de 3,4 adaptant la théorie de la matière noire et froide. Mais il y ajoute judicieusement: “Si nous rencontrons 10 clusters avec un décalage vers le rouge de 3,5 cela signerait l’arrêt de mort des théories de matière noire froide”.

On peut d’ores et déjà affirmer qu’il existe, non seulement 10 mais un nombre plus élevé de ces énormes clusters et aussi qu’ils seront découverts un jour. Et ceux-ci ne représentent certainement qu’une toute petite partie de la matière qui sera découverte bien au delà de l’univers observable qui s’étend jusque dans l’infini. Tout effort d’imposer une limite à l’univers matériel est condamné à l’échec. La matière n’a pas de limite, ni au niveau subatomique  et ni dans le temps ni dans l’espace.

La théorie du Chaos.

Un des traits saillants des grands scientifiques de la Renaissance, est qu’ils étaient des êtres humains complets. Ils avaient une culture très vaste et une maitrise complète de plusieurs disciplines. Leonard Da Vinci par exemple était un grand ingénieur,  un mathématicien et un mécanicien. Mais il était aussi un artiste génial. Dûhrer, Machiaveli, Luther et d’autres étaient tous de la même trempe. Engels leur faisait le commentaire suivant: “Les héros de cette époque n’étaient pas encore mutilés par la division du travail, dont les conséquences restrictives et  sa  production unilatérale, marquaient si souvent leurs successeurs” (La Dialectique de la Nature).

La division du travail est certes utile pour le développement des forces productives. Néanmoins sous le capitalisme, cette division a été poussée à l’extrême. Elle en est devenue contre-productive. La division exagérée entre le travail manuel et intellectuel signifie que des millions de personnes sont réduites à la  routine de la chaine de production. L’outrance de ce partage du travail rend impossible tout développement du potentiel decréativité et d’inventivité de chaque humain.

A l’autre extrème nous assistons au développement d’une sorte de caste de sacerdoces intellectuels . Ceux-ci se sont arrogés le titre “d’uniques gardiens de la science et de la culture”. Les effets négatifs sur leurs consciences s’amplifient à la mesure qu’ils se séparent de toute réalité sociale.  Leur développement est alors étroit et unilatéral. Un véritable abîme se creuse non seulement entre les artistes et les sciences mais aussi au sein même de la communauté scientifique.  La division en spécialités de plus en plus spécifiques gagne du terrain. Quelle ironie de constater qu’au moment ou les frontières entre la physique, la chimie et la biologie se dissipent,  les différentes branches de la physique semblent insurmontables.

James Gleick, auteur d’un livre sur le chaos en fait la description suivante: “Peu de profanes se  rendent  compte jusqu’à quel  point  la communauté scientifique est compartimentalisée. Une véritable forteresse navale cloisonée pour éviter toute fuite. Les biologistes ont déjà assez à lire pour prèter la moindre attention à la littérature scientifique. Mêmes les biologistes moléculaires ont assez à lire et ne se préoccupent pas de la biologie des populations. Les physiciens ont des meilleurs passe-temps que de feuilleter les revues de météorologie”  (Chaos, The Making of a New Science). Le remue-ménage au sein de la communauté scientifique a fait apparaître la théorie du Chaos. De plus en plus les scientifiques occupés dans différentes branches se rendent compte du cul de sac dans lequel ils ont aboutit. Il faut se frayer une nouvelle voie dans une nouvelle direction.

Quels sont les caractéristiques principales de la théorie du Chaos.  Laissons Gleick expliquer cela: “Certains physiciens envisagent le chaos comme la science des processus et moins celle de l’état immobile, la science du devenir et non celle de l’être. (...) Ils ont la sensation qu’ils assistent à une régression vers le réductionisme, c’est à dire la tentative de réduire tout à ces parties constiuantes: quarks, chromosomes ou neutrons. Ils sont à la recherche de la totalité”.

La méthode du matérialisme dialectique consiste précisément en l’observation du “processus et moins de l’état immobile, du devenir et non celle de l’être”. Comparons cela avec la description de Engels concernant la façon de pensée “métaphisique”:

“Mais cette méthode nous a également légué l’habitude de appréhender les objets et les processus naturels dans leur isolement, en dehors de la grande connexion d’ensemble, par conséquent non dans leur mouvement, mais dans leur repos; comme des éléments non essentiellement variables, mais fixes; non dans leur vie, mais dans leur mort.” (...) “Pour la dialectique par contre, qui appréhende les choses et leurs reflets conceptuels essentiellement dans leur connexion, leur enchaînement, leur mouvement, leur naissance et leur fin, les processus mentionnés plus hauts sont autant de vérifications du comportement qui lui est propre. La nature est le banc d’essai de la dialectique et nous devons dire à l’honneur de la science moderne de la nature qu’elle a fourni pour ce banc d’essai une riche moisson de faits qui s’accroit tous les jours, en prouvant ainsi que dans la nature les choses se passent, en dernière analyse, dialectiquement et non métaphysiquement.”

“Mais comme jusqu’ici on peut compter les savants qui ont appris à penser dialectiquement, le conflit entre les résultats découverts et le mode de pensée traditionnel explique l’énorme confusion qui règne actuellement dans la théorie des sciences de la nature et qui met au désespoir maîtres et élèves, auteurs et lecteurs” (Anti-Dühring).

Etonnant, comment il y a cent cinquante ans, Engels pouvait décire avec une telle précision l’état actuel des sciences. Les progrès merveilleux de la science et de la technologie ne peuvent cacher le profond sentiment de confusion. Les scientifiques sont de plus en plus nombreux à se révolter contre l’orthodoxie qui prévaut. Ils recherchent de nouvelles solutions pour les problèmes auxquels ils sont confrontés. Tout ou tard cette impasse conduira à une révolution dans les sciences. Un bouleversement comme celui provoqué par Einstein et Planck il y a un siècle. Einstein lui-même, et ceci est très significatif, n'appartenait pas à la communauté scientifique officielle. Son travail était celui d’un humble employé de bureau de patentes à Zurich.

Progrès scientifique.

Plusieurs indices soulignent un ralentissement considérable dans le degré de progression des sciences et des technologies ces dernières décennies. Une étude récente montre comment, à l’exception de la biologie, aucune progression qualitative d’importance ne s’est manifestée ces trente dernières années. Ceci malgrè le perfectionnement quantitatif de ce qui existe déjà.

“Le courant principal durant la majeure partie de ce siècle a été la physique de particules, l’exploration des parties constitutives de la matière à des énergies de plus en plus élevées et à une échelle de plus en plus petite et en des temps de plus en plus court. A côté de la physique de particules des théories se sont développées au sujet des forces fondamentales et de l’origine de l’univers. De jeunes scientifiques se sont inquiété de  la direction prise par une des plus prestigieuses sciences. Le progrès leur a paru trop lent, l’invention de nouveaux noms pour les nouvelles particules futile et le corps théorique trop brouillon. L’arrivée de la théorie du chaos leur a donné l’espoir d’un changement de cap dans la physique. Selon eux, le terrain avait été trop longtemps dominé par des rutilantes abstractions concernant les particules de hautes énérgies et par la mécanique quantique” (J. Gleick, op. cit.).

Il est encore trop tôt pour se faire une opinion tranchée à propos de la théorie du chaos. mais il ne fait aucun doute que les scientifiques s’orientent en direction d’une vision dialectique de la nature.

La loi dialectique de la transformation de quantitié en qualité (et vice-versa), prend une grande place  dans la théorie du chaos.

“Il (Von Neuman) reconnaissait qu’un système dynamique compliqué pouvait avoir des points d’instablité - des points critiques où une petite impulsion pouvait avoir des grandes conséquences, comme une balle qui se balance au sommet d’une colline” (ibid.).

Et encore: “Dans la science comme dans la vie il est connu qu’une chaîne d’événements peut aboutir à un point  critique, amplifiant énormément des petites modifications. Mais dans le chaos ces points sont omniprésents “ (ibid.).

Ces passages et d’autres  dévoilent une similitude étonnante entre certains aspects de la théorie du chaos et la dialectique. Ce qui est incroyable par contre, c’est la totale ignorance de la part des pionniers du chaos, des écrits de Marx et de Engels. Même Hegel leur est inconnu! D’une certaine façon ceci nous donne une confirmation encore plus brillante de la justesse du matérialisme dialectique. D’autre part il est frustrant de constater la longue absence d’un cadre philosophique et d’une méthodologie adéquate dans les sciences.

Trotsky décrivit un jour la relation entre la logique formelle et la dialectique comme celle entre les mathématiques élémentaires et supérieures.

“La dialectique n’est ni une fiction, ni un mysticisme, mais une science de la pensée dans la mesure ou elle essaie d’arriver à une compréhension des problèmes les plus compliqués et profonds en se dressant au dessus les limites des choses de la vie quotidienne. La relation de la pensée dialectique à la pensée vulgaire ressemble  au rapport entre un film et une photo. Le film ne nie pas la photo mais  combine une série de photos selon les lois du mouvement. La dialectique ne nie pas les syllogismes (les lois de la logique formelle n.d.r), mais elle nous apprend comment il faut les combiner, de telle façon qu’elle nous rapproche le plus possible d’une réalité en permanent changement”.

“Dans sa ‘Logique’, Hegel établit une série de lois: le changement de quantité en qualité, le développement à travers des contradictions, le conflit de la forme avec le contenu, l’interruption de la continuité, le passage de la possibilité à l’inévitablité, etc. Celles-ci sont aussi importantes pour la pensée théorique que les simples syllogismes pour les travaux les plus élémentaires” (Trotsky, En Défense du Marxisme).

La logique formelle.

A cela nous pouvons ajouter que la relation entre la dialectique et la logique formelle est comparable  à celle entre la mécanique quantique  et la mécanique classique. Elles ne se contredisent point; elles sont complémentaires. Les lois de la mécanique classique restent valides pour un grand nombres d’opérations. Néanmoins elle ne peuvent être appliquées dans le monde de particules subatomiques, qui impliquent des quantités infinément plus petites et des vitesses formidables. La logique formelle (mieux connu comme le “bon sens”) reste également valable pour toute une série d’expériences quotidiennes. Néanmoins les lois de la logique formelle, qui prennent appui sur une vision essentiellement statique des choses, sont inadéquates pour comprendre les phénomènes les plus complexes, changeants et contradictoires. Pour utiliser le langage de la théorie du chaos, les équations “linéaires” de la logique formelle ne peuvent cerner les processus turbulents que nous observons dans la nature, l’histoire et la société. La méthode dialectique est seule à pouvoir réaliser cela.

C’est incroyable comment les lois fondamentales de la logique formelle élaborées n'aient subies aucun changement important durant deux mille ans. Cette époque correspond à  un processus de changement à tout  les niveaux de la science, de la technologie et de la pensée humaine. Malgré cela les scientifiques continuent d’utiliser les mêmes instruments méthodologiques qu’au Moyen Age,  où la science se confondait encore avec l’alchimie.

Les pionniers de la théorie du chaos qui s’efforcent de rompre avec la méthodolgie “linéaire” et de créer une nouvelle mathématique “non-linéaire” plus en harmonie avec la réalité turbulente de la nature, semblent complètement ignorant de la seule et autenthique révolution dans la logique depuis deux millénaires: celle de la logique dialectique de Hegel, perfectionnée ultérieurement sur des bases scientifiques et matérialistes par Marx et Engels.

Combien d’erreurs, combien de cul de sac et de crises auraient pu être évités dans les sciences si  les scientifiques avaient utlisé une méthodologie qui reflète mieux la réalité dynamique de la nature  évitant ainsi d’entrer en conflit continu avec elle. 

Glossaire

Atome: élément de base de la matière ordinaire, fait d'un noyau miniscule (consistant en protons et en neutrons) entouré d'électrons tournant autour.
Big Bang: singularité du début de l'Univers.
Dualité onde/particule: concept de la mécanique quantique selon lequel il n'y a aucune différence entre les ondes et les particules; les particules peuvent quelques fois se conduire comme des ondes, et les ondes comme des particules.
Electron: particule dotée d'une charge électrique négative et qui tourne autour du noyau d'un atome.
Fusion nucléaire: processus dans lequel deux noyaux se heurtent et se fondent pour en former un seul plus lourd.
Neutron: particule sans charge très semblable au proton et qui constitue environ la moitié des particules du noyau de la majorité des atomes.
Noyau: partie centrale d'un atome rassemblant uniquement des protons et des neutrons retenus ensemble par l'interaction forte.
Particule élémentaire: particule qui, pense-t-on, ne peut se subdiviser.
Photon: quantum de lumière.
Principe d'incertitude: on ne peut jamais être tout à fait sûr à la fois de la position et de la vitesse d'une particule; mieux on connaît l'une, plus mal on connaîtra l'autre.
Proton: particule chargée positivement qui constitue à peu près la moitié des particules du noyau de la majorité des atomes.
Quantum: unité indivisible en laquelle les ondes peuvent être émise ou absorbées
Singularité: point dans l'espace-temps ou la courbure de l'espace temps devient infinie. 
 
 

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