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Vulgairement vôtre
[Albert McGuliver entraîne Gilles à
travers le supermarché, pareils à deux commandos en mission spéciale dans le
fin fond de la jungle hongroise. McGuliver passait devant, regardait entre
deux allées d'un air suspicieux, et faisait signe à Couture de le suivre dès
lors que la voie était libre. Gilles se couchait parfois sur le ventre, ce
qui mettait McGuliver en beau fusil.]
- Bougre d’arriéré, ce n'est tout de même pas nécessaire de ramper.
- Je ne rampe pas, Albert. C'est qu'à cause de mon obésité, c'est la seule
façon pour moi de prendre les cannes de ti-pois LeSieur, au bas de
l'étagère.
- Nous ne sommes pas ici pour faire le marché, Couture, relevez-vous avant
que je ne vous batte à coup de mouchoir.
[Et Gilles se relevait avec peine comme une tortue géante qu'on aurait
renversée sur le dos. La question restant à savoir : qui aurait intérêt à
perpétrer un geste aussi gratuit aux dépens d'une créature si paisible.]
- Est-ce qu'on arrive, Grand Schtroumpf ?
- Voulez-vous la boucler, Couture. Vous ne voyez pas que j'essaie de
communiquer avec le homard qui grouille dans l'aquarium là-bas...
- Mais dans quel but, Alby ?
- Dans le but de savoir si la voie est libre, Couture.
[Gilles avait terriblement envie de chier, tout à coup. Il était hors de
question qu'il ne se retienne plus longtemps. Cela n'annonçait rien de bon
pour les clients du supermarché qui, inconscients, achetaient leurs pots de
cornichons et leurs viandes extra maigres sans se douter de l'ampleur du
drame humain qui pesait sur eux.]
- Bon, suivez-moi. Nous avons atteint la bonne allée. Mais... Mais qu'est-ce
qui se passe, vous êtes tout vert, Couture ? Kaki à la limite, je dirais.
*Bruit de pet tonitruant*
[McGuliver toisait Gilles d'un air méchant. Sans plus attendre, il le tire
par le bras et, tout en remarquant la forte odeur de reflux d’égouts qui
émanait de son ex-employé, il s'affaire à le traîner dans le rayon des
oeufs.]
- C'est ici même que se trouve la clef qui vous permettra de résoudre toute
cette énigme, Couture.
- Des oeufs....des oeufs...des zèbres...des zèbres...
[Gilles déblatérait complètement tant il ne sentait pas bien. Mais McGuliver
ne fit pas la différence entre ces grognements incompréhensibles et la
moyenne de ce que Couture pouvait dire dans une journée.]
- Couture.. .Écoutez-moi bien, espèce de grosse larve
immonde. Prenez une douzaine d'oeufs dans vos mains et regardez à l'endos...
Je crois que vous êtes mûr pour une jolie surprise.
[Et sur ce, McGuliver éclate d'un rire cinglant qui glace d'effroi la
vieille dame qui inspectait ses oeufs à côté, au point ou celle-ci en tombe
raide morte sur le sol.]
- 16 janvier 2002... Mais cette date d'expiration est tout à fait normale
monsieur McAlbert... Disons qu'elle est peut être un peu rapprochée pour que
l'on achète cette douzaine d'oeufs... quoique Gisèle me fait toujours
remarquer que les oeufs passés date ont toujours meilleur goût en
sandwiches. Je dois préciser qu'elle ne passe jamais aux toilettes du bureau
après moi... Mais quel intérêt tout ceci comporte ?
- Espèce d'abruti affirmé ! Mon nom est Albert McGuliver... pas McAlbert...
[McGuliver le gifle de nouveau violemment à l'aide du revers de ses couvres
chaussures...]
- Cette date d'expiration n'est pas seulement valide pour la douzaine
d'oeufs...
- Ah non ? Ne me dites pas que le pot de yougourt aux navets que j'ai acheté
la semaine passé comporte aussi la même date d'expiration ! Je ne pourrai
jamais le finir à temps... Je dois rentrer immédiatement.
[McGuliver gifle de nouveau Gilles, cette fois-ci, à l'aide du revers de sa
chemise.]
- Mais calmez-vous nom de Dieu ! Vous êtes donc aussi stupide que ce que ce
que votre charmante Ginou me l'a affirmé !
- Ginou... Qu'a-t-elle à voir dans tout ceci ? Ne me dites pas qu'elle me
mentait quand elle disait qu'elle n’aimait pas les sandwiches aux oeufs ! Ma
vie en serait bouleversée.
[McGuliver s'élance alors en vue de gifler Gilles à l'aide du revers d'un
panier d'épicerie qui roulait innocemment dans l'allée, mais il se retient
au dernier moment. Puis, reprenant son clame, il dit :]
- Écoutez moi Couture... Et cette fois écoutez moi bien... Vous ne trouvez
pas étranger qu’il n’y ait qu’une seule sorte d’œufs disponible dans le
rayon. Ce monopole n’est pas le fruit du hasard, croyez-moi. Et en ce qui
concerne la date d'expiration de cette douzaine d'oeuf, sachez donc qu’elle
est la même que... celle de votre vie.
[McGuliver éclate alors d'un second rire tout aussi cinglant que le premier.
Cette fois le boucher venu rajouter un peu de boudin dans le comptoir n'y
survit pas.]
-
Mais... je ne comprends pas... Vous voulez dire que ces pauvres œufs n'en
ont plus que pour deux jours à vivre ?
- Pas les...
- NON ! Pardos... je me suis trompé... je voulais dire que MOI je n'ai plus
que deux jours à vivre si je mange ces oeufs là !?!
- Vous n'aurez même pas à vous enivrer de sandwiches au oeufs pour n'avoir
plus que 2 jours à vivre, Couture... Vous être condamné de toute façon !
- Ahhhh.... ouf ! J'ai eu peur... Parce comme vous parlez beaucoup et que
j'avais une petite fringale, je n'ai pas pu résister à quelques oeufs crus
de la douzaine...
[Pendant que McGuliver s'apprêtait à gifler Gilles à l'aide d'une grosse
dinde mal congelée, un groupe de cinq hommes en jaune de la voirie
arrivèrent sur les lieux.]
- ILS SONT LÀ !! JE LES VEUX VIVANTS !!!
- Merde, Couture, nous sommes faits comme des rats. Comme les rats qui
servent de nourriture aux hamsters qui pédalent dans leurs roues et qui
produisent l'énergie pour faire fonctionner sans arrêt les photocopieurs
dans mon bureau.
- Oh la la ! Ces rats...ce sont de vrais travailleurs acharnés...
- Pas les rats, imbécile...les hamsters...C'est eux qui pédalent.
- Euh...les hamsters...oui...ce sont de vrais travailleurs acharnés...
- Oui...Il en faudrait dix comme vous pour faire le travail d'un seul de ces
hamsters... Mais la question n'est pas là...Ce qu'il y a c'est qu'on ne peut
plus échapper aux gars de la voirie...
- Attendez monsieur McCroquette, je me charge des gars de la voirie.
[Et au moment ou les loubards habillés de jaune s'approchèrent pour
s'emparer de Gilles et de son ex-patron, Couture se tourne pour leur faire
dos, et au dernier moment, il baisse son pantalon jusqu'aux chevilles, se
penche le plus loin possible vers l'avant et laisse partir tout ce qui
bouillonnait dans ses intestins depuis le début de la matinée, en direction
des trois hommes. La salve de merde est si cinglante qu'elle les projete
tous au sol, laminés par cette vague géante. Tout près, un commis qui
séparait les fraises très pourries des fraises un peu moins pourries dans
les étalages de fruits, avait vu toute la scène. Il allait raconter par la
suite qu'il avait assisté à la création du premier golem de merde de
l'histoire.]
- Bien joué, Couture...Allez vite, filons d'ici.
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