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Vulgairement vôtre
[McGuliver entraîne Gilles jusqu'à
l'extérieur du supermarché. Ce dernier, qui avait réussi à piquer une
douzaine d'oeufs de caille au vol, donnait ses commentaires sur les derniers
événements aux millions de Congolais qui suivaient ses péripéties via les
images retransmises par la caméra invisible, qu'il avait affectueusement
surnommée Big Brother.]
- Couture ! Cessez donc de rêvasser et aidez-moi à ramasser le cadavre de
votre mère.
- Le quoi ? Oh mon Dieu, maman...
[Gilles se penche au-dessus du cadavre de sa mère et ressent une douleur que
seul un fils obèse comme lui pouvait expérimenter : celle de se pencher vers
l'avant. Néanmoins, la vue du corps raide et froid de sa génitrice n'était
pas sans lui rappeler les beaux jours de son enfance, lorsque, malade et au
lit, il recevait une multitude de claques et de sarcasmes de la part de la
deuxième épouse de son père. Et il avait réussi à tout endurer en pensant à
la mère naturelle qu'il n'avait jamais connue. Et voilà qu'elle était là,
devant lui, en sang et en lambeaux, resplendissante d'amour maternel.
Étrangement, même s’il n’y avait pas plus de quinze minutes qu’elle avait
rendu l’âme, il émanait d’elle une odeur de décomposition insupportable.]
- Je t'aime maman.
[Il l'embrasse sur les deux joues : ce qui le fait éternuer. Ensuite, il
prend un mouchoir de son veston et avec des gestes attentionnés, il essuie
la morve qu'il avait projetée sur le visage de sa défunte de mère.]
- Dites lui au revoir, et vite, Couture... Nous n'avons pas le temps pour
davantage de ces enfantillages... Les francs-maçons vont revenir très
bientôt pour nous capturer... Nous devons impérativement retourner au
bureau.
- Ok, pas de trouble, Bébert. On peut y aller tout de suite, si tu y tiens.
[Gilles avait toujours été du genre à pouvoir tourner la page rapidement.
Cela était d'ailleurs aussi vrai pour les affres de sa vie personnelle que
lorsqu'il feuilletait une revue cochonne.]
- En route, Couture...
[Et Mcguliver prit la tête de cette expédition en route pour le bureau, avec
Couture qui fermait la marche.]
---> OUVRE-MOI... DÉCOUVRE-MOI... CARESSE-MOI...<----
[Gilles, qui avait presque oublié le colis qu'il tenait sous le bras,
l'échappe au sol, surpris]
---> AYOYE, J'AI DIT OUVRE-MOI, PAS ÉCHAPPE-MOI !<----
- Est-ce que vous l'entendez monsieur McMec ? Le colis, il parle... Je
croyais que c'était vous... êtes-vous ventriloque ?
- De quel colis parlez-vous Couture ???
- De celui que vous m'avez demandé d'apporter... Celui qui me parle sans
cesse...
* Voix de zèbre qui dit : «FAIS-LUI LA PEAU» *
- Putain ! Et ce zèbre qui me demande de vous assassiner froidement à l'aide
de mes lunettes...
[McGuliver gifle froidement Gilles, pas seulement pour qu'il reprenne ses
esprits, mais parce qu'il en avait follement envie depuis plusieurs
minutes.]
- Écoutez Couture, je ne suis pas ventriloque, je ne connais pas de zèbre
qui en voudrait à ma vie et ce colis n'a jamais parlé !!!
* Voix de zèbre : «IL MENT, TUES-LE !» *
----> OUVRE-MOI... TU ME DÉSIRES <----
- Aaaaarghhhhhhh... Noooooon.... Laissez-moi !!! Je ne veux pas retourner
sur votre planète, je ne suis pas votre sujet d'expérimentation ! Noooooon
!!! Ce n'est pas moi qui a volé le pot de Cheese-Whiz dans le vaisseau
mère...
[McGiliver gifle de nouveau Gilles, il commençait définitivement à y prendre
goût.]
- Couture ! Reprenez vos esprits ! Personne ne vous en veut, si ce n'est
moi, Ginou, votre femme, Les francs-maçons et les centaines de personnes
dont vous avez égratigné la voiture. Ce colis n'a jamais parlé !
- Mais... pourtant je l'entend... je...
- Écoutez, ce colis donnera plusieurs réponses à vos questions. Je pensais
vous le faire ouvrir dans mon bureau, en sécurité, mais ouvrez-le maintenant
et j'imagine que les voix disparaîtront. Allez ! Dépêchez-vous, nous n'avons
pas que ça à faire ! Je dois passer la mope dans la salle de réunion.
- D'accord monsieur McPatron ! Je le fais à l'instant ! Cette fois, rien ne
pourra m'empêcher de le faire ! Rien m'entendez vous !
[Gilles s'empresse alors d'ouvrir le colis, mais il se
bute à un morceau de papier collant assez rébarbatif, mais après plusieurs
minutes de travail acharné, le morceau est enfin hors d'état de nuire. Le
visage de Gilles s'illumine car il va enfin savoir ce que contient ce foutu
colis.]
- Mais qu'est-ce que...
[À l'intérieur du colis se trouvait une lettre. Et rien d'autre. Et en
voyant cette lettre, Gilles Couture eut soudainement la plus grande
révélation de sa vie : à savoir que la moutarde de Dijon est beaucoup plus
piquante que la moutarde normale. Il venait de saisir cette vérité
universelle comme s'il l'avait su toute sa vie. Il se sentait ragaillardi
d'avoir enfin déchiffré cette vérité mystique. Maintenant il n'avait plus
peur... plus peur de rien...hormis peut-être d'attraper le scorbut en
mangeant trop de sandwiches aux oeufs passées date.]
- Une lettre...
- Ouvrez-la, Couture.
--->C'EST ÇA....OUVRES-MOI...JE SAIS QUE TU EN AS ENVIE...DÉCHIRES-MOI
DE TOUTES TES FORCES...<---
* Voix de zèbre enrhumée : "OUVRES-LA ET ENSUITE... TUE-LE" *
- Je crois qu'il serait préférable d'aller au bureau...J'y ai laissé mon
ouvre papier.
- Mais voyons, Couture. Servez-vous donc de vos mains, espèce d'abruti.
[Mais Couture ne voulait rien savoir. Il pouvait se montrer aussi têtu qu'un
caniche qui ne veut pas passer par le trou du bol de toilette quand son
propriétaire prend les grands moyens pour s'en débarrasser après qu'il eut
un peu trop jappé pendant un souper avec le patron.]
- En route pour le bureau...
- Couture, vous êtes une ordure de me faire promener comme ça d'une place à
l'autre....avec mes problèmes cardiaques...et mes ulcères dans les pieds.
[Etonnamment, rien de fâcheux, de cocasse ou encore de dangereux ou de
mystérieux ne survint pendant la durée de leur retour au bureau. Rien de
spécial à signaler si ce n'est qu'ils croisèrent un vieux mendiant à la
barbe pleine de morve qui semblait de toute évidence en train d'assouvir ses
instincts les plus bas aux dépens d'un vieux cabot brun et noir à la langue
bien pendue. En chemin, McGuliver expliqua un truc ou deux à Gilles en
essayant de gagner son amitié par des paroles gentilles.]
- Écoutez-moi bien, Couture, espèce de retardé pathétique de mes deux
fesses. Il y a longtemps que j'ai l'oeil sur vous et croyez-moi, ce n'est
pas une vision qui me plaise particulièrement. Je sais que c'est vous qui
avez pris mon stylo... Vous êtes tellement con que l'an passé, vous avez
signé la carte d'anniversaire que la grosse bonne femme des relations
humaines avait eut l'audace de faire signer par tous les employés pour mon
soixantième anniversaire de mariage. Je vous cite, Couture : 60 ans avec la
même femme... Wow ! Vous êtes un homme courageux, monsieur McCalister. Signé
Gilles Couture.
- Mais comment vous pouvez dire avec autant de certitude que j'ai signé ce
message avec votre stylo, Albert ?
[Couture disait cela avec un petit air prétentieux qui, il le savait,
faisait le délice des Français qui suivaient les épisodes de sa vie via la
chaîne Big Broseur.]
- Couture, avez-vous déjà vu un stylo à l'encre bourgogne, vous... si ce
n'est le mien. Un cadeau des francs-maçons après que j'eus enfin passé leur
foutu test de niveau I de merde, à la suite de vingt-trois tentatives
infructueuses qui m'ont toutes données droit à une raflée de coups de pieds
au cul.
[Gilles avait toujours trouvé que son patron avait un gros cul pour un homme
aussi svelte. Maintenant, il comprenait tout. Il devait sûrement arpenter
les couloirs huileux et labyrinthiques des saunas BackDoor. Il ne pouvait y
avoir d'autres explications qui se tenaient.]
- Bon. D'accord. Je l'admets... C'est moi qui a emprunté votre stylo
bourgogne.
- Bien sûr que vous l'admettez, Couture. Maintenant que vous êtes pris au
pied du mur.
[Gilles fait un pas vers l'arrière, honteux, et craintif que son ex-patron
ne lui administre une paire de claques au dessus de l'arcade sourcilière qui
faisait sa fierté. Ce faisant, il se pète la tête dans un mur.]
- Je
vous en ai voulu, Couture. Oh! Combien je vous en ai voulu, espèce de chien
galeux. J'ai même voulu votre mort.
- Albert, ne vous mettez pas dans des états pareils, vous allez faire de l'hyper-digestion...
- Bouclez-la... Vous savez.. .Il ne m'aurait suffit que d'un claquement de
doigts pour que vous perdiez la vie, et ce depuis longtemps...
- Je suis désolé de vous contredire encore mais je ne crois pas que vous
ayez les jointures des doigts assez dures pour m'achever d'un coup, monsieur
McMaçon.
- Mais j'ai eu pitié de vous, Couture. Par chance, j'ai appris qu'une menace
encore plus lourde que mes vingt-deux chiens d'attaque dressés dans l'unique
but de vous déchiqueter pesait sur vos épaules poilues. Et à partir de ce
moment, je me suis mis dans l'intention de vous sauver... mais, espèce
d'imbécile, il a fallu que vous égratigniez la voiture de Ginou...et il a
fallu que vous ramassiez ce billet de mille.
[Gilles préfère se taire dans le silence de ses pensées. McGuliver
l'entraîne à l'intérieur du bureau où, à leur grande surprise, Ginou n'était
pas à son bureau. Il n'y avait qu'une bouteille de bière vide et une
bouteille d'huile à moteur siphonnée jusqu'à la dernière goutte. Mais
quelque chose attire l'attention de Gilles... quelque chose qui semblait
venir du dessous du bureau de Ginou. Il s'empressa d'aller voir, après avoir
fait un détour par l'abreuvoir, le babillard et la machine à Jelly Beans.]
- Gmlougm... gmmnmgmmm...
- Couture, nom de Dieu, videz-vous la bouche avant de parler ! Quoi que ce
soit probablement le discours le plus cohérent et intelligible que vous ayez
eu à ce jour...
- Gmdflougjnmm... Je suis désolé patron... Ces Jelly Beans sont vraiment
caoutchouteuses.... Je ne crois pas qu'elle aient été changées cette
semaine.
- Elles n'ont jamais été changées Couture. Croyez-vous vraiment que
l'entreprise a les finances nécessaires pour entretenir ce distributeur,
pauvre bougre de goinfre ?
[Sans se soucier des insultes de son ex-patron, Couture s'avançe d'avantage
vers le bureau de Ginou. Ginou semblait affairée à quelques besognes dont
elle ne voulait pas laisser transpirer les détails.]
- Ginou ? Que fais-tu ma belle secrétaire d'amour ?
- Ex-secrétaire, vieux cochon mal léché ! J'occupais ces quelques messieurs
pour les faire patienter avant ton arriver ici.
[Au même moment, un dizaine de membres des francs-maçons, vêtus de jaune
serin, sortirent de dessous le bureau de Ginou. Ils étaient armés jusqu'aux
dents, l'un d'eux avait d'ailleurs un dentier mitraillette dernier cri.]
- Personne ne bouge ! Merci ma jolie, ce fut un vrai plaisir de vous
côtoyer. Quand à vous, espèce de faux jetons, vous ne nous échapperez plus.
[Cette fois, nulle évasion n'était envisageable. Ils étaient trop nombreux
pour tenter quoi que ce soit. La dernière chose que Gilles et son ex-patron
virent ce fut deux gros hommes éblouissant de jaune les assommer.]
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